photo Ville Liège |
Droixhe, une cité modèle
Droixhe a servi de plaine de manœuvres pour l’armée et ensuite de lieu de loisirs pour l’Exposition Internationale de 1930. Après la guerre les cinq buildings de 21 étages et les deux barres d’immeubles du square Micha, dans un parc arboré autour d’un étang, attirèrent de nombreux habitants, heureux de pouvoir vivre dans toute cette modernité.
Droixhe constituait, en Belgique, le plus bel exemple de la pensée moderniste des CIAM (congrès internationaux d'architecture moderne), avec la Rive Gauche d’Anvers. Alors que le logement privé de l'époque n' offrait que 7% de salles de bains, Droixhe en avait 100%. Et, contrairement aux apparences, 75% des 18 hectares était non bâtie.
photo sonuma |
De cette cité modèle il reste les six immeubles le long de la Meuse rénovés en 2004. C’est par là que commence notre balade.
La tragédie de Droixhe
La tragédie de Droixhe commence en 1995 quand le bureau d’études français PROJENOR subdivise le quartier en différents secteurs ‘à rénover selon des stratégies différenciés’.
plan initial (GAR école architecture) |
Atlas va chercher le consultant Roland CASTRO qui propose de « dédensifier par écrêtage». En 2001 Jean-Maurice Dehousse confirme le budget de 2,1 milliards pour le projet Castro-Droixhe. L’année après, la Société wallonne du logement rend un avis négatif, mais les conseils (chers) de CASTRO ont servi de prétexte pour raser 256 logements!
Ensuite le ministre wallon du Logement Michel Daerden visite à Bordeaux un projet visant à raser les bâtiments ‘ghettos’. Dans la foulée de cette visite, son chef cab Alain Rosenoer, Directeur général de la Société wallonne du Logement, note qu’en Wallonie, nous manquons cruellement d’une culture de partenariat privé-public: «à Bordeaux, la rénovation d’une ancienne zone portuaire se traduit en un tiers de logements acquisitifs, un tiers d’investissement et un tiers de logement social ».
En 2004 les six immeubles le long de la Meuse sont rénovés. On lance un appel à projet européen en 2008, puis un second en 2010, dans cet esprit partenariat privé-public. «L’idée était de confier la restauration des tours au secteur privé, explique Maggy Yerna, déjà échevine du logement à cette époque. Des promoteurs se sont montrés intéressés, mais ils n’ont pas trouvé de financement. Après 4 ans d’échec, la démolition des tours est une option qu’on ne peut plus exclure » (Le Soir 9/11/2012).
Toujours selon Yerna : " il était prévu de vendre 50% des appartements de Lille 2 (la grande tour du Match) et de Lille 4, nous avons fait le choix de concentrer nos efforts sur un seul immeuble et de rénover complètement Lille 2, en mettant en vente Lille 4. L'immeuble du 4 avenue de Lille est à vendre pour 70 000 euros par appartement. L'acheteur privé pourra y faire des appartements à louer, des appartements à vendre ou bien démolir pour reconstruire autre chose. Cet immeuble a été construit à Droixhe en 1958. Il devait être remboursé en 66 ans. Faites le compte : la Ville doit encore payer pendant neuf ans les traites de ce building qu'elle a décidé de vendre ».
Ce nº4 de l’avenue de Lille est vendu en 2020 à la société Panoramix et disparait donc du parc de logements sociaux.
Les 108 logements avenue de Nancy, construits en 2018 par la Maison Liégeoise, sont « à loyer équilibré ». Ils sont encore comptés comme logements publics, un terme qui doit faire oublier le terme ‘logement social’. En fait, loyer équilibré= prix du marché ; une meilleure mixité sociale = accessible seulement aux revenus moyens.
Le premier nouveau bâtiment à être sorti de terre dès 2016 dans l’avenue de la Croix-Rouge est la Maison de repos La Plaine, géré par l’intercommunale ISOSL. Ces 108 lits ne remplacent que des lits MRS supprimés ailleurs ; le marché des MRS est cadenassé.
Sur l’ancien square Micha, le groupe immobilier Ghelamco va construire 300 logements ; une tour de 15 étages «comme un signal à l’endroit où Bressoux et Droixhe se rejoignent », explique l’ architecte (Lm 13/2/2023).
Une salle des fêtes, un parc et une église Saints Pierre et Paul
Les urbanistes du groupe EGAU avaient prévu dès le départ une salle des fêtes à Droixhe. Elle est
toujours là : c’est l’Espace Georges Truffaut. La Paroisse Saints Pierre et Paul est née avec la cité, en 1959. Quant à une église à l'architecture adaptée à son milieu, il a fallu attendre 1972. Construite sur les plans de l'architecte Mozin, l'église s'intègre en contraste dimensionnel avec les buildings qui l'environnent. Composée de verre et de béton, elle a un grand toit plissé soutenu aux quatre coins par des gros piliers et le long des façades latérales par des supports en béton en forme de V. Les surfaces vitrées sont très importantes. L'église a été pensée pour pouvoir accueillir des fidèles de diverses confessions mais aussi des événements culturels tels que des concerts, des lectures... dans le but de répondre à la baisse de fréquentation des églises et de s'intégrer au mieux dans ce nouveau quartier multiculturel Le sous-sol est occupé par une salle polyvalente. Au rez-de-chaussée une chapelle de semaine accueille les plus petits offices. La façade nord entièrement vitrée donne un plan d'eau aujourd'hui vidé.Dans un courrier adressé à "Monseigneur, Messieurs les Échevins, Monsieur l'Abbé", rédigé par J. Mozin, « âme d'une cité neuve aux lignes hardies, la Maison de Dieu devait être résolument contemporaine, réalisée avec le matériau du xxe siècle, le béton armé. Rappelant la forme d'une tente, la toiture en voiles plissés minces en béton autoportant est supportée par des béquilles en béton armé qui en figureraient les cordages ».
Ces colonnes-béquilles en béton armé se retrouvent également à la base des tours résidentielles.
Droixhe a aussi son parc que le projet Interreg Euregio Meuse-Rhin «Autour de l’Etang» vise à requalifier. En 2018, le projet N-power a bénéficié d’un budget de 188.000 €. Il y a même eu des ateliers participatifs. On a voulu « éclaircir les allées du parc en y privilégiant des essences basses et colorées afin d’en augmenter la luminosité, la convivialité et le sentiment de sécurité. Des tables de pique-nique et un grand banc le long de l’étang sont censés être propices aux activités collectives, et à la convivialité du quartier. Le jet d’eau, hors d’usage depuis longtemps, figure tel le flambeau de ce nouvel espace de vie sociale et de détente ».
A côté de La Plaine on a reconstruit en 2021 l’école Léona Platel pour enfants infirmes, moteurs et cérébraux, qui était auparavant dans le parc Astrid à Coronmeuse.
Noshaq veut créer un campus à Droixhe
Voilà ce qui reste de cette cité-modèle des années 50. L’arrivée du tram et le déménagement des Halles des Foires changera la donne pour le zoning très délabré de Droixhe. Nous ne saurions en faire le tour cette fois-ci, même si les grands projets foisonnent. Pour le fonds d’investissement Noshaq, « Droixhe est un lieu central pour le développement économique. La Ville va rénover tout le boulevard urbain, ça a du sens de nouveau d’y développer des projets. Il y aura du divertissement, et notamment avec la salle de guindaille et la Halle des Foires, mais Noshaq aimerait aussi y intégrer la communauté universitaire, des entreprises, de la formation, du résidentiel, de l’événementiel… Noshaq pense à un campus comme le Corda Campus de Hasselt » (La Meuse 8/9/2022).
Le tram et les Halles des Foires
Le Centre De Maintenance et de Remisage (CDMR) du tram, le long de la ligne SNCB Bressoux-Maastricht, et la station terminus du tram place Louis de Geer sera opérationnel en 2024, si tout va bien.
Le permis pour les nouvelles Halles des Foires de l’Igil (Intercommunale de gestion immobilière liégeoise) remonte à 2020. La superficie couverte sera de 15 600 m², avec un parking exposants de 248 places et un parking visiteurs de 472 emplacements. L’inauguration est prévue au printemps 2024. Une esplanade d’exposition permettra d’organiser des événements en extérieur. C’est l’œuvre de l’architecte basque Francisco Mangado, en association avec le bureau liégeois Greisch. Il est déjà l’auteur du palais des Congrès de Palma, le musée des Beaux-Arts d’Oviedo ou le pavillon d’Espagne à Saragosse. La SPAQUE a dépollué le terrain. Budget 33 millions dont 29,5 fonds Feder et le reste est à charge de l’intercommunale IGIL.
La requalification de la zone multimodale de Bressoux s’inscrit dans le projet “Ville en transition” porté par la Ville de Liège, dans la programmation Feder des fonds structurels 2014-2020 (La Dernière Heure 17/6/2021et La Meuse 16/6/2021). Il faut que la dernière facture soit acquittée pour la fin décembre 2023, sinon on perd les subsides européens.
Les 3 hectares du le site de l’ancienne centrale électrique d’Engie Electrabel, qui a occupé les lieux pendant près de cent ans, accueilleront le « Droixhe Business Parc ». Un projet de 10,5 millions d’euros porté par le promoteur Global Estate Group (LS 12/03/2020).
Une salle de guindailles
maquette des guindailles= photo sudpresse |
Le marché matinal
Tout au bout du zoning, face à l’entrée Inbev, le marché matinal vient d’inaugurer une nouvelle halle qui affiche déjà complet. 750 personnes y travaillent. S’ajoutera très prochainement, en bordure de marché, un hub destiné à accueillir toute l’activité circuit-court et légumerie de la région liégeoise.
C’est là que les maraîchers et petites producteurs locaux pourront y amener leur récolte, la nettoyer et la conditionner. Il y a néanmoins une grande tâche d’ombre à ce tableau : on essayé d’y déloger une asbl bien dynamique, l’U3A (2800 étudiants, faut l’fer) parce qu’elle n’aurait pas sa place dans le concept de pôle agroalimentaire.Juste à côté, sur l’avenue de Jupille, l’abattoir de Liège est dans des sales draps. On a fait miroiter une reprise par un abattoir de Mouscron, suite aux difficultés du groupe Derwa qui en était le principal utilisateur jusqu’en 2018. Mais il est probable que cette activité disparaisse.
L’ancien bâtiment Chat Noir, puis KraftJS, à l’angle des avenues Georges Truffaut et de Jupille, a été racheté en 2020 par le promoteur bruxellois CNL. Il compte y proposer des espaces de bureaux et récréatifs. Il a déjà le permis d’urbanisme.
AB Inbev ne reste pas inactif
Tout au bout du zoning, AB Inbev accueille une des cinq plus grandes brasseries mondiales du groupe. Le promoteur liégeois Christophe Nihon y réhabilite la Tour Piedboeuf, rue de Visé. 109 lofts et appartements, ainsi que 2000 m² de bureaux et petits commerces de proximité. Fin prévue pour 2025 : un investissement de 40 millions. Comme charge urbanistique la Ville demande le réaménagement de la place et de la rue Gît-le-Coq et la mise en valeur de la Pierre de Justice comme élément patrimonial ( La Dernière Heure 23/7/2022).
On y fait miroiter aussi un musée de la bière. La Ville a lancé la rénovation des escaliers du Thier du Bac, axe piéton historique, de la place Gît-le-Coq à la rue de Visé, « un cheminement de type rampe accessible aux cyclistes et aux personnes à mobilité réduite, serpentant dans les talus et rejoignant chaque palier jusqu’en bas des escaliers ». Ensuite, le terrain de foot du FC Jupille, rue de Visé, sera lui aussi refait. Et la rue de Visé sera complètement réaménagée comme prévu dans le plan triennal (La Meuse 23/7/2022).
Voilà donc une première idée du nouveau Droixhe. Un nouveau Droixhe où le logement social a perdu pas mal de plumes. Et où les nouvelles Halles des Foires devront se trouver une place, après des années d’inactivité. On se fixe rendez-vous pour une autre balade-santé, d’ici quelques années, le long du nouveau Ravel le long de la Meuse, pour une évaluation du projet “Ville en transition” ?
Voici le lien vers mon blog de 2014, qui mériterait une mise à jour
http://hachhachhh.blogspot.com/2014/01/la-requalification-de-droixhe.html
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