photo VilleLiège |
Le PROGRAMME COMMUNAL Liégeois D'ACTIONS EN MATIERE DE LOGEMENT 2014 – 2016 a introduit 20 projets pour 199 logements. Maggy Yerna avertit qu’elle sera contente si un tiers est accepté. Et dans ce tiers une partie seulement est social. Faute de pouvoir rénover les trois tours subsistantes de Droixhe, on les détruit fin 2014. Cela représente440 logements ! Pourtant le Logis social de Liège a rénové à Angleur un immeuble comparable de 211 appartements sociaux. Angleur a été conçu par le même groupe d’architectes qui a construit Droixhe.
La saga de Droixhe a commencé en 1995 quand le bureau
d’études français PROJENOR subdivisé le quartier en différents secteurs ‘à rénover selon des stratégies différenciés’.
En fait, PROJENOR a découpé la proie en morceaux plus digestes pour le privé. En
2004 les six immeubles le long de la Meuse ont été rénovés. Une partie a été démolie.
Après Projenor, le consultant Roland CASTRO monte en scène.
Pour lui, « il faut dédensifier par écrêtage ». En 2001 Jean-Maurice Dehousse confirme le
budget de 2,1 milliards pour le projet Castro-Droixhe, mais l’année après, la
Société wallonne du logement rend un avis négatif . mais les conseils
(chers) de CASTRO ont servi de prétexte
pour raser 256 logements!
L’enjeu est aussi le maintien d’un patrimoine. L’architecte Daniel
Dethier: « A l’heure où l’architecture
moderniste est remise à l’honneur, notamment les immeubles construits par Le
Corbusier, ne faut-il pas préserver un
ensemble comme Droixhe tant sur le plan
patrimonial que pour la qualité de vie qu’il peut offrir à condition
d’être bien géré ».
Droixhe est un exemple d’une
approche fausse du problème du logement
Selon le sociologue français BOURDIEU « ce
n’est sans doute pas la concentration verticale des habitants qui produit ces
problèmes mais la concentration verticale des problèmes. Accorder une telle
importance à l’influence de l’architecture suppose qu’en agissant uniquement
sur celle-ci on pourrait résoudre toutes les difficultés. Ce déterminisme
architectural n‘est-il pas un leurre ? Dans les représentations, l’architecture
du quartier demeure sur-culpabilisée » (LaMisère du Monde, Seuil, Paris, 1993).
Droixhe a vu passer la crème
des prophètes des PPP
La saga de Droixhe a commencé en 1995 avec le bureau
d’études français PROJENOR qui propose une «requalification, une action beaucoup plus étendue que celle portant sur
la seule rénovation physique. Il faut travailler sur les espaces publics, la
vie associative, le tissu économique ».
En fait, cette ‘action
beaucoup plus étendue’ a surtout servi à justifier une subdivision du
quartier en secteurs ‘à rénover selon des
scénarios et stratégies différenciés’. Projenor argumentait que ces
‘barres’ ont été construits une petite dizaine d’années après les premiers et
pas selon les plans initiaux du groupe EGAU – ils sont plus hauts pour des
raisons bassement financières. Cet argument ne tient pas la route. Il y a quand
même une unité architecturale incontestable. Le découpage a surtout servi à
justifier la stratégie PPP. Il s’agissait surtout de découper la proie en
morceaux plus digestes pour le privé.
Le Bureau DETHIER rénove en 2004 les six immeubles de
«TRUFFAUT-LIBERATION», qui restent dans le giron public.Une partie est démolie. Projenor destine les cinq immeubles de l’avenue de la
Croix-Rouge à un PPP.
Projenor contesté en France
Euralille - ill. urbanisme insurrectionnel |
Qui a été chercher Projenor, et combien ça a coûté ? La
carte de visite de Projenor était Euralille. Pour les city marketeers un succes
story. Si on gratte un peu pas si terrible que ça. Un exemple seulement : Euralille,
entièrement construit sur la gare TGV, n’avait au départ pas de liaison avec la
gare Lille Flandre, à 300 mètres de là. Ce n’est que des années après qu’on a
construit une galerie reliant les deux. En organisant des détours pour qu’on
passe devant le maximum de vitrines.
A Dunkerque, Charles Masse, directeur de Projenor, a été critiqué par la chambre régionale
des comptes pour ses notes de frais excessifs: 19.000 euros en 2 ans et
demi avant son arrivée, 30.000 euros en
deux ans pour lui, avec une situation potentielle de conflit d’intérêt,
notamment dans ses activités de lotisseur et d’assistance à maîtrise d’ouvrage.
La convention entre S3D et Projenor avait coûté 224.000 euros, pour un bilan
jugé faible. La rémunération du directeur (152.000 € bruts/an hors frais de
voiture) « est jugée élevée pour
une structure employant une dizaine de personnes».
La société coopérative Atlas
Suite à l’étude Projenor, la Région wallonne constitue en
1999 la société coopérative Atlas, avec un conseil d’administration composé à
la proportionnelle des groupes politiques à la ville : PS, PSC, PRL et
Écolo.
Une petite anecdote qui est représentative pour Atlas. En
2000, une équipe de suivi sociologique de l’Université de Liège s’installe dans
un appartement témoin où les locataires des six immeubles à rénover peuvent venir
constater les futures transformations de leur appartement. Pour des raisons de
« marketing », la société de logements décide (contre l’avis de
l’équipe de l’Université et des auteurs de projet) de retapisser et de
repeindre l’appartement alors que ces travaux n’étaient pas prévus pour les
locataires. Ce n’était pas dans le marché… M. Frankignoulle : « étant donné qu’il a été inauguré par le ministre
Daerden, la société Atlas a voulu le faire repeindre, pour le rendre clean,
avec un très beau vinyle au sol. Ils
étaient même venus mettre une hotte et une cuisinière électrique. Nous avions trouvé que ce n’était pas
l’idéal. Effectivement, il y avait
normalement des saignées visibles dans les murs des appartements rénovés. Le fait d’avoir retapissé l’appartement
masquait ces choses-là ».
Roland CASTRO, le roi de
l’écrêtage
Après Projenor, on va chercher le consultant Roland CASTRO. D’une
voix de prophète il déclame: « L’avenue de la Croix-Rouge est une frontière: d’un côté, un faubourg
pavillonnaire; de l’autre, 5 tours de 22 étages identiques. Deux mondes se font
face et s’ignorent. Deux échelles incompatibles. Il faut dédensifier par
écrêtage de façon à adoucir les écarts de hauteur, les parties les plus basses
étant les plus proches du faubourg. Le respect du contexte urbain entraîne la
suppression de 256 logements sur 660. L’écrêtage vise aussi une transformation
des tours au bénéfice de figures géométriques différentes composées suivant la
trilogie socle-corps-ciel. Requalifier les espaces extérieurs dans le sens d’un
plus grand potentiel d’appropriation par les habitants. Introduire la mixité
fonctionnelle par la création d’écoles, de locaux d’activités et associatifs ».
Beaucoup de blabla (trilogie socle-corps-ciel), voire
carrément à coté de la plaque ! Mixité
fonctionnelle par la création d’écoles, de locaux d’activités et
associatifs ? Mais il y a une école, une église classée, une belle salle,
le complexe du Parc ! Quant au deux mondes qui s’ignorent, faubourg et tours:
les gens du ‘faubourg pavillonnaire’
allaient se promener dans le parc ; ils passaient entre les tours pour
prendre le bus, l’école etc. . Dédensifier par écrêtage ? Une opération
esthétique discutable et lourde : il faut déshabiller complètement les
bâtiments pour démolir une partie des étages supérieurs ; et puis, qu’est-ce
que ça change sur le fond, d’avoir quelques étages en moins ? Cela
témoigne d’un manque de respect total pour un concept qui n’est peut-être plus
d’actualité mais qui a eu ses mérites. Mais surtout, c’est un prétexte pour supprimer
256 logements sur 660 !
Qui est ce Roland CASTRO,
l’homme qui redessine la ligne de
ciel ?
Qui est ce Roland CASTRO avec un nom si sympathique ? L'architecte
Roland Castro se lance après les violences dans les HLM en France. Pour lui, ces
émeutes, c’est «la civilisation urbaine
ou barbarie. Soit on va se bouger sur la ville, soit il va arriver des choses
vraiment graves dans cette société, un déchirement social». Contre ce
déchirement social il propose la cohésion sociale, le remède miracle de l’Union
Européenne.
Roland Castro a pourtant un bon pédigrée : au Parti
communiste en 1961 il évolue en 1967 vers les maoïstes de l’Union de la
jeunesse communiste marxiste-léniniste et est co-fondateur du mouvement « Vive
la révolution ». Il se rapproche de François Mitterrand en 1976. En 1992, barre à droite : il devient
consultant de Charles Pasqua. Il effectue ensuite un nouveau virage vers le
PCF, sous Robert Hue.
Ne nous fions donc pas trop à sa carte de parti. Voyons
quelle politique il vend. Ce vendeur de rêves se présente ainsi: « je bosse dans les agences qui, à
l’époque, conçoivent les ‘grands ensembles’. Cette connaissance de l’intérieur
que j’ai des pratiques qui ont fabriqué ces morceaux de non-ville et de
non-architecture m’a aidé, ensuite, à les déconstruire ».
Notez le jargon : il ‘remodèle’ ces morceaux de ‘non-ville
et de non-architecture’ ; en fait il les ‘déconstruit’. Approfondissons un peu
son vocabulaire. A propos de son projet de réhabilitation ‘radicale’ à Lyon il « redessine une ligne de ciel ». Rien
de moins.
A La Caravelle, il ouvre des rues, « d’est en
ouest et du nord au sud, au prix de démolition d’une partie des bâtiments.
Bref, on désenclave, pour rendre le quartier plus perméable ; on remaille, pour
diviser la cité à neuf quartiers distincts ; et on construit des bâtiments
satellites, pour introduire de la complexité. Entre l’espace public et l’espace
privé, on introduit des gradations : des jardins semi-privés en pied
d’immeuble, appropriables par les habitants. On travaille la ligne de ciel, en
écrêtant. Bref, on instille de la différence, on propose des repères visuels qui
arrêtent le regard et adoucissent la perception ». Le loyer des nouvelles
constructions augmente, pour lutter contre « le spectre du ghetto ».
En 1968, Castro s’en prenait déjà à la « violence » d’une
architecture « fonctionnaliste totalitaire ». Castro est en guerre contre les
fils de Le Corbusier:« C’est toujours dur
de devoir démolir. Mais pour faire une ville, il le faut bien. Haussmann l’a
fait. »
Voilà une petite idée d’un des consultants qui ont contribué
à creuser un trou de 35 millions d’Euro à la Maison Liégeoise !
Un avis négatif de la
Société wallonne du logement pour rétrécir les cinq tours.
Jean-Maurice Dehousse déclare en 2001 : « Nous venons de confirmer notre accord pour le projet Castro-Droixhe
2005. Le budget de 2,1 milliards est confirmé, nous avons obtenu une participation
de la Province tandis que la Ville interviendra, comme prévu, à raison de 191
millions. Le reste - soit près de deux milliards - devant être pris en charge
par la Région wallonne au travers de la Société wallonne du logement. Si le
ministre Daerden n'accorde pas d'autres affectations aux deux milliards
prévus... Si le projet n'aboutit pas, il faudra alors assainir le site et là,
la facture pourrait être lourde: rien que la destruction des tours coûterait
près de 3 milliards ».
photo Castagnetti |
L’année après, la Société wallonne du logement rend un avis négatif (consultatif) pour rétrécir les cinq tours. Le coût de l’écrêtement a été jugé trop élevé (86,7 millions d’euros). Atlas aussi hésite : le rétrécissement des tours diminuerait le nombre de logements de 660 à 440. Atlas a hérité d’une dette de 8,9 millions d’euros pour rembourser le coût de construction des tours, étalé sur 70 ans. Dehousse "n’est pas un entêté de l’étêtement. Le nombre de logements sociaux à Liège va tomber en dessous du minimum vital ». Pour Willy Demeyer, «il faut conserver le nombre d’appartements sociaux ». Pour le PSC, l’étêtement représente aussi "une mauvaise solution qui mettrait budgétairement en péril la rénovation des autres secteurs du quartier et ne modifierait pas la mauvaise image de marque de Droixhe". Écolo juge "inacceptables le coût économique et social de la démolition, la perte de 400 logements et le risque d’un chancre urbain sur la plaine". Le PRL par contre se prononce "pour la démolition avec une nouvelle occupation du sol. Il faut un geste fort, symbolique : en finir avec ça !"
A la même époque le ministre wallon du Logement Michel
Daerden visite à Bordeaux un projet visant à raser les bâtiments ‘ghettos’. Dans la foulée de cette visite, son chef cab Alain Rosenoer, Directeur
général de la Société wallonne du Logement, note qu’en Wallonie, nous manquons
cruellement d’une culture de partenariat privé-public qui permette une
stratégie plus globale : « par
exemple à Bordeaux, la rénovation d’une ancienne zone d’activité économique
portuaire se traduit en un tiers de logements acquisitifs, un tiers
d’investissement et un tiers de logement social. Les partenariats s’y sont mis
en place en deux ans, ce qu’il faut comparer aux délais extrêmement longs
observés chez nous ».
Droixhe : démolir encore
440 logements ?
Exit le consultant Roland CASTRO. On lancé un appel à projet
européen en 2008 pour les trois tours restants, puis un second en 2010. « L’idée était de confier la restauration des
tours au secteur privé, explique Maggy Yerna, échevine du logement. Des
promoteurs se sont montrés intéressés, mais ils n’ont pas trouvé de
financement. La crise est passée par là. Après 4 ans d’échec, la
démolition des tours est une option qu’on ne peut plus exclure. On n’arrive pas
à trouver d’investisseur privé car ce qui est proposé n’est pas assez
attractif. On se retrouve avec des tours ghettos, vides, alors qu’il y a
un besoin criant de logements. Il y a eu la crise financière en 2008, puis on
nous a conseillé de scinder les appels d’offres en plusieurs lots parce le
dossier était trop lourd. Puis maintenant, le secteur privé nous dit qu’il est
toujours intéressé mais qu’il ne trouve pas de financement auprès des banques
(Le Soir 9 Novembre 2012).
Le mécanisme du Parténariat Public- Privé (PPP) prouve ses
limites. Mais les pouvoirs publics n’en tirent pas les conséquences : ils s’apprêtent
à investir en solo pour refiler tout au privé après. Maggy Yerna annonce 120
logements et une maison de repos de 135 lits ainsi que 50 lits de résidence
service. «Nous lancerons la construction
de ces deux projets en espérant que le privé suivra en investissant dans le
reste des tours » (Ls 20/4/2012). Willy Demeyer avertit: « Il
faut voir si le cahier des charges n’est pas trop contraignant pour le
partenaire privé. Lui demander, par exemple, de louer des logements n’est sans
doute pas pertinent ».
Et du côté du privé, devant ces paroles lénifiantes, on
ajoute une couche. Ils veulent se faire payer pour remettre prix ! Selon Denis
Bosson (Franki), « une des pistes de
solution serait, comme c’est le cas en France, que le pouvoir public prévoie un
budget pour défrayer les candidats non retenus mais dont le dossier était
correctement constitué ».
Les 3 barres représentent 404 logements. Dans le projet
Yerna il en resterait 120 puisqu’elle en supprime pour la maison de repos et la
résidence service. Et aujourd’hui ce projet est quasiment enterré….
A Angleur le Logis social de Liège rénove un immeuble comparable
Pourtant à Angleur le Logis social de Liège rénove un
immeuble comparable de 211 appartements sociaux. « L’objectif
est de faire de ce bâtiment un exemple de développement durable en passant d’un
bâtiment extrêmement énergivore à un bâtiment
très performant au niveau énergétique, proche du standard passif et respectueux des modes de vie
actuels. Une quantité de détails
techniques ont ainsi été étudiés afin de supprimer les nombreux ponts
thermiques existants tout en respectant un budget serré et l’aspect esthétique
du bâtiment ».
Le clou, c’est que ce bâtiment a été conçu par le groupe
d’architectes EGAU qui a construit aussi Droixhe. L’argumentaire pour Angleur
pourrait s’appliquer à Droixhe : « inscrit à l’inventaire du Patrimoine monumental de Belgique, il est
représentatif de ce qui se faisait à la fin des années 50 en matière de
logement social urbain. Il est adjacent à deux immeubles similaires. Il
présente une forte parenté avec la cité
radieuse du Corbusier ».
Il est vrai que l’endettement du Logis social s’élève à seulement
700.000 €, et qu’il peut se permettre de prendre encore quelques initiatives.
Tandis que celui de la Maison Liégeoise culminait à 36.965.760 € au 31 décembre
2010 ! Mais au moins 30 millions ont été engloutis dans le gouffre de
Droixhe ! Pour ce prix-là, on aurait pu restaurer tout le site !
Droixhe est un patrimoine
important et récupérable
photo Sonuma |
L’enjeu est donc le maintien de 440 logements. Mais c’est aussi le maintien d’un patrimoine.
Selon Pierre Frankignoulle de l’association « Homme et Ville » (il a animé pendant sept ans une cellule
d’accompagnement sociologique de Droixhe, en collaboration avec Daniel Dethier),
« Droixhe est inspiré de la Charte d’Athènes et du CORBUSIER : implantation
selon une orientation optimale (est-ouest) ; 75% des 18 hectares non bâtie ;
présence d’équipements collectifs (école, centre culturel, commerces)
compensant l’exiguïté relative des logements. Des performances de confort peu
courantes à l’époque de la construction (à partir de 1954), et moins encore
dans le logement social : il y avait 100% de salles de bains alors que le
logement privé de l'époque n'en offrait que 7% en Belgique (en 1947); il en
était de même de l’eau courante dans les logements, ou encore du chauffage
central.
La présence de
l’autoroute est plus tardive et n’était pas prévue par les concepteurs. Très
prisé des «petites classes moyennes» : des chiffres de 1962 montrent la
diversité socio-professionnelle : ouvriers du secteur privé : 19,3%, ouvriers
du secteur public : 5,4 %, ouvriers pensionnés : 6,2%, employés du secteur
privé : 36,8%, employés du secteur public : 19,5%, employés pensionnés : 10,6%,
professions libérales : 2,2%. La situation actuelle est très différente : 90%
des chefs de ménages sont inactifs ».
Et il conclut très judicieusement : « L’architecture des lieux est souvent montrée
du doigt : mais n’est-il pas réducteur de focaliser sur ce seul paramètre ? »
Le groupe EGAU a réalisé Droixhe, mais aussi l’Église Saints-Pierre-et-Paul en 1973
et le Cinéma Le Parc dans le même
quartier. Sur leur palmarès aussi la gare des Guillemins (intérieur), démolie
aujourd’hui, le siège liégeois de la Banque Nationale place Saint-Paul en 1968,
ainsi que des logements sociaux à Angleur, qui sont rénovés aujourd’hui.
Pourquoi a-t-on exclu ce genre d’intervention à Droixhe ?
Daniel Dethier, un des architectes responsables pour la rénovation des six
immeubles de «TRUFFAUT-LIBERATION», signale, à juste titre, que « la Cité de Droixhe constitue, en Belgique,
le plus bel exemple d’application de la pensée moderniste – et particulièrement
des CIAM (congrès internationaux d'architecture moderne)
– au logement social. En 1958, année de l’inauguration des premiers bâtiments,
habiter à Droixhe est un privilège et le demeure jusqu’à la fin des années
1970. Depuis lors, la cité s’est dégradée ; elle est souvent, non sans excès,
désignée comme le quartier difficile de Liège. Et, bien des observateurs stigmatisent les choix
d’EGAU comme responsables de la dévalorisation sociale. Plutôt que d’imputer la faute à la typologie du bâti, il est sans
aucun doute plus significatif de s’interroger sur les nouvelles dispositions
de gestion qui lient les loyers aux
revenus et se soldent par un exode de la classe moyenne active (dont les loyers
explosent) et la ghettoïsation d’une population socialement défavorisée (90 %
de personnes inactives avec un revenu moyen annuel par habitant de 3900 euros).
Alors que la Région manque de logements, 720 appartements sont démolis au prix
fort alors que la Ville de Liège doit encore payer
l’édification des immeubles
jusqu’en 2037. Un vague projet de construction des maisonnettes a été avancé
sans développement significatif faute de partenaires privés. A l’heure où
l’architecture moderniste est remise à l’honneur, notamment les immeubles
construits par Le Corbusier, il semble
nécessaire d’étendre une réflexion sur la nécessité à préserver un ensemble
comme Droixhe tant sur le plan
patrimonial que pour la qualité de vie qu’il peut offrir à condition
d’être bien géré ».
ill. V.Rixhon |
Dans un autre texte Dethier explique que « le plan-masse
a été conçu suivant un principe de rationalisation de l'espace utile : le
complexe est divisé en unités de voisinage (2000 logements), elles-mêmes
composées d'unités d'habitation (500 logements). Séparation des fonctions,
sécurité, hygiène et confort président à l'élaboration du projet ».
Des reliefs en béton qui tiennent de l'abstraction géométrique
Dethier continue : « les préoccupations d'ordre esthétique dans la finition des immeubles
sont particulièrement sensibles dans le travail de la polychromie des façades.
C'est aussi la première fois en région liégeoise que, pour ce type de
construction, on traite le béton armé comme un matériau noble. Les reliefs en
béton de Jo Delahaut, Pol Bury, Jean Rets et Georges Collignon tiennent tous de
l'abstraction géométrique ».
A propos de ces reliefs en béton de Jo DELAHAUT,
typiques du style "atome" de la fin des années 50, avec leurs motifs
aux reliefs pointus et aux profils anguleux, et leurs coloris alliant le gris,
le brun et le bleu, ils attestent des préoccupations sociales d'un artiste,
qui, de 1956 à 1960, se consacrera à la décoration de plusieurs logements
sociaux, conçus par l'élite de l'architecture progressiste belge : Victor
Bourgeois, le groupe EGAU, Gaston Brunfaut et Willy Van der Meeren. Jo Delahaut
intervient aussi au Palais des Congrès.
photo urbagora |
Dethier conclut, avec un parler franc inhabituel de la part
de quelqu’un qui a pris une partie du contrat de rénovation : « Il nous a d’emblée semblé inopportun
de répondre à des problèmes d’urbanisme et aux difficultés sociales qui en
découlent par la destruction. Outre de faire disparaître un élément du
patrimoine architectural de Wallonie et un repère dans le paysage liégeois, la
démolition de cet ensemble apparaît comme un gâchis, un gaspillage du denier
public. Plutôt que d’étêter les immeubles, nous proposons de remplacer leur
travée centrale par de larges plateaux. la plupart des critiques formulées par
les habitants portaient sur les espaces communs dégradés, mal entretenus ou
inopérants ; ce dernier point était criant pour les ascenseurs souvent saturés
ou en panne. Il faudrait désenclaver le secteur
aussi bien vers le reste de la cité que vers le centre ville ».
Edmond Leburton :
Droixhe une cité de l'avenir.
"Droixhe est une synthèse vivante
de ce que doit être la cité de l'avenir ». L'auteur de cette
affirmation prophétique (22 février 1958) n'est autre que feu Leburton (PS) qui croyait fermement en l'avenir
de cette cité-modèle, ville-satellite, cité-jardin, etc. et son principe de
«l'unité de voisinage». De la naissance (consultation post-natale, crèche,
écoles) à la mort (morgue), l'architecture rythme la vie des locataires.
«Times» a évoqué la cité-parc dans ses colonnes. Ce fleuron de l'habitat social
fut le sujet d’un numéro spécial (1962) de la revue «Habiter» éditée par
l'Institut national du logement.
Conclusion
Avant de raser (éventuellement) les trois dernières tours de
Droixhe, exigeons la construction d’un équivalent neuf. 440 logements rien que
pour ces trois tours ! Le Logis social a rénové à Angleur un immeuble comparable. Et à l’heure où
l’architecture moderniste est remise à l’honneur, ne faut-il pas préserver un
ensemble comme Droixhe tant sur le plan
patrimonial que pour la qualité de vie qu’il peut offrir à condition
d’être bien géré ? L’architecture des lieux est souvent montrée du doigt :
mais n’est-il pas réducteur de focaliser sur ce seul paramètre ?
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