C’est ainsi que nos
architectes militaires ont dû trouver une solution pour ce ‘grand chemin’ qui
traversait leur fort en déplaçant ce chemin. Les problèmes de mobilité pour une
urbanisation de la Chartreuse passent peut-être aussi par une réflexion globale
sur la mobilité sur cette N3.
A un tout autre
niveau, la sauvegarde de la nature, on ne saurait se limiter aux espaces verts
de la Chartreuse même. La fragmentation des espaces naturels est la principale
cause de la perte de la biodiversité. Il faut relier les espaces verts et recréer
ces liens là où ils ont été rompus. J’ajouterais l’argument d’accessibilité de
ces espaces pour les riverains. Trop souvent les gens vivent à deux pas
d’espaces verts méconnus.
Faire entrer le parc des Oblats dans le Longdoz
Dans ce cadre-là, Olivier De Wispelaere d’Urbagora proposait en 2011 de relier le Longdoz au parc des Oblats, en créant une nouvelle entrée du parc donnant dans
la rue Basse-Wez et une extension de la trame verte jusqu'à la rue Grétry. Dans
leurs configurations actuelles, le parc et le quartier du Longdoz se tournent
le dos, alors même que le Longdoz manque cruellement d'espaces verts. Il
propose dès lors de «faire entrer» le
parc dans le quartier via une extension végétale au niveau de la rue Basse-Wez,
face à une aire de stationnement Colruyt ainsi qu'à un tissu de venelles
(autour de l'Impasse Magnée, sur le site de l'ancienne desserte ferroviaire de
la gare du Longdoz). Il ne demande pas
le Pérou !
impasse Magnée |
Si ça peut vous inspirer, Michelle13 propose
au départ de la Boverie une promenade des Impasses (au pluriel). Il faut
parfois pousser un verrou.
La Chartreuse et la rénovation urbaine Amercoeur
Dans l’avant-projet de
schéma directeur pour la Rénovation urbaine Amercoeur de novembre 2017 ERU - FS
ATELIER CUP les liens entre le quartier et la Chartreuse ont une place
importante.
Le pôle 2 « du pont à Cornillon » (il
s’agit de l’axe historique de la rue d’Amercoeur) propose d’aménager le
carrefour sous le pont de chemin de fer, d’améliorer les connexions avec le
jardin du Carmel et le parc de la Chartreuse et de mettre en valeur le pont du
chemin de fer : « Cet axe
historique est aujourd’hui une voirie routière collectrice qui agit de manière
négative et crée une rupture dans le quartier. Il est primordial d’y apaiser la
circulation automobile et d’y offrir un confort de circulations pour les modes
doux. Aux deux entrées du quartier on note également des barrières fortes qui
participent à l’enclavement du quartier avec e.a. le pont de chemin de fer qui
sépare le quartier de la Chartreuse ».
ERU propose d’améliorer
les entrées de quartier (vers Outremeuse et vers le Parc de la Chartreuse) et
les connexions inter-quartiers, et de connecter le quartier au parc de la
Chartreuse.
Je cite le point 2.1.3 « Mettre
en valeur le pont du chemin de fer, le jardin du Carmel et la connexion vers le
parc de la Chartreuse. Cette étude
d’aménagement devra se faire en coordination avec la mise à jour du Plan
Communal de Mobilité (PCM) et les choix
de mobilité fixés pour cette importante pénétrante urbaine. Le passage sous le
pont de chemin de fer crée une rupture forte en sortie du quartier ; le piéton
et les autres modes doux y rencontrent des difficultés pour trouver leur place.
Le parc de la Chartreuse, situé de l’autre côté du pont est ainsi déconnecté du
quartier d’Amercoeur et de ses habitants. Ce carrefour devrait également
marquer l’entrée dans la ville et mettre en avant l’identité du quartier
d’Amercoeur (objectif qui figure déjà dans le PCM de 2004). La réorganisation
du carrefour doit permettre de sécuriser les modes doux ; apaiser le
trafic automobile pour rendre la circulation mode doux plus agréable ;
atténuer l’effet de barrière du pont et connecter les habitants au petit square
du Carmel et au parc de la Chartreuse.
Le pont est peu engageant et ne bénéficie
d’aucun traitement identitaire ou qualitatif qui pourrait participer à la connexion
et l’amélioration de l’image du quartier d’Amercoeur. La mise en place d’un
éclairage scénographique sous le pont permet d’atténuer l’effet de barrière du
pont. Il participe ainsi à la connexion des habitants au petit square du Carmel
et au parc de la Chartreuse.
Autre exemple :
le Pôle 7 « Le site de l’ancien
marché d’Amercoeur constitue un lieu identitaire fort du quartier d’Amercoeur.
L’ancien bâtiment de la salle des machines a fait l’objet d’une demande de
permis d’urbanisme, conjointement avec la construction du nouveau supermarché
et la réaffectation d’immeubles en logements. Sa réalisation est aujourd’hui
compromise. La salle des machines de l’ancien STIL pourrait se voir réhabiliter
comme centralité d’Amercoeur et comme lieu de rassemblement pour le quartier.
Son rayonnement pourrait dépasser l’échelle du quartier et participer au
désenclavement d’Amercoeur et au renouveau de son image.
Le projet de transformation du site du marché
couvert peine à se réaliser et les démolitions ont laissé un grand espace
dégagé. L’aménagement d’un espace ‘agora’
y était prévu dans le permis d’urbanisme. Cette portion d’espace inexploitée
devrait être valorisée et ouverte aux habitants. Le projet proposé par un
bureau d’étude devra étudier également la possibilité d’une percolation pour
les modes doux, joignant l’ancienne salle des machines au pont de Cornillon le
long du talus de chemin de fer ».
On voit ici que la
Chartreuse n’est pas le seul site où le promoteur immobilier foule impunément
les pieds aux permis d’urbanisme. Un autre point intéressant est le site
Valdor. Nous avons vu que lors de la vente en 1797, des biens du couvent de la
Chartreuse une partie fut réunie à l’hospice civil du Valdor. ERU signale que « le parking Valdor récemment réalisé
est alloué au personnel de l’hôpital. Cependant, le parking est peu fréquenté
le soir pour des raisons de sentiment d’insécurité et de distances à parcourir.
Les employés de l’hôpital préfèrent alors se garer dans la rue et sont en
compétition avec les riverains, qui eux, souffrent d’un manque d’emplacement de
parking disponible dans l’espace public. Par ailleurs, certains riverains ont
exprimé leur souhait de pouvoir traverser le site de l’hôpital (notamment à
partir de la cour des Prébendiers). L’objectif est donc de mettre en place un
mécanisme de gestion pour mutualiser le, d’améliorer le sentiment de sécurité
au sein de celui-ci afin de favoriser son occupation nocturne, et de créer une
percolation sur le site. La création d’une percolation pour les modes doux
permettra de renforcer la présence des riverains sur le site et participe au
désenclavement d’Amercoeur ».
Cet accès au parc des
Oblats depuis l'hôpital du Valdor avait également été suggéré par Urbagora en
2011. Urbagora envisageait éventuellement
d'un ascenseur ou téléphérique. Selon certaines études de rentabilité, ce genre
d’installations ne coûte pas plus cher qu’un autre moyen de transport, calculé
en km/passager.
Olivier De Wispelaere d’Urbagora proposait aussi une communication
du site avec le quartier de Bellefamme, en ouvrant dans cette direction une ou
deux rues favorisant des circulations capillaires de
quartier à quartier ; ou encore la création d’un lien entre le Thier de la
Chartreuse et l'Avenue de Péville (ce qui suppose un percement de la muraille à
hauteur de lʼécole des Oblats ou du karting de Grivegnée.
Je retiens encore la
création d’un plan d'eau dans la cuvette de Péville. Cette cuvette d’une
circonférence de 300 mètres avait été initialement creusée
pour un projet de vélodrome. Ca n’a rien à voir avec les
liaisons inter quartiers, mais c’est bien vu et ça ne doit pas coûter des
masses.
Le REL et un arrêt au Cornillon
Ca vaut la peine
d’intégrer dans une réflexion sur l’avenir de la Chartreuse une éventuelle réouverture
de la halte ferroviaire de Cornillon, une desserte locale sur la ligne 40, dans
le cadre du Réseau Express Liégeois REL. Cette proposition a été avancé lancée
dans le cadre du REL Angelic. Il n’y a
pas de lien direct avec le projet immobilier de la Chartreuse, mais la
Chartreuse et le nouveau Valdor sont des arguments supplémentaires pour ce
projet.
ANGELIC est
l’acronyme des 4 villes concernées par le réseau express régional que la SNCB ‘souhaiterait’ mettre en place: ANvers,
Gand, LIège et Charleroi.
Ca remonte au contrat
de gestion de la SNCB 2008-2012: « la
SNCB implémentera, en concertation avec la Direction générale Transport routier
et Sécurité routière (DGTT), les sociétés régionales de transport et d’autres stakeholders, un concept de
transport intégré et orienté client, en ce compris l’éventuel développement
d’un réseau suburbain autour d’Anvers, Gand, Liège et Charleroi ». Cette ‘implémentation’ était prévue pour
décembre 2011 au plus tard. Un service a été spécifiquement créé au sein de la
SNCB pour les projets RER : LE « RER »Bruxellois, mais aussi les projets « REL
» (Réseau Express Liégeois) et « REC » (Réseau Express Carolo).
La SNCB insiste sur la
concertation avec les autres ‘stakeholders ‘, une manière de diluer la
responsabilité. En effet, si la gestion des entreprises publiques et la
définition de l’offre ferroviaire sont des compétences fédérales, d’autres
compétences sont régionalisées. La Wallonie a ‘pris en main son avenir ferroviaire’ avec une « étude de potentiel et de faisabilité d’une
offre ferroviaire urbaine dans les agglomérations de Liège et de Charleroi
» commanditée par le ministre wallon de la mobilité en 2013. Pour le suivi on a
même créé une Cellule ferroviaire wallonne. Les résultats ont été publiés en janvier
2014.
Le Conseil communal de Liège a repris cette balle au bond et a voté le 2 juin2014 à l'unanimité une motion
« Considérant l'efficacité des réseaux
ferroviaires suburbains là où ils existent,
Considérant l'étude REC-REL qui confirme la
pertinence. Dès lors que l'infrastructure ferroviaire est déjà présente, le
coût d'investissement reste congru par comparaison avec d'autres systèmes de
transport de même capacité ;
Considérant
que l'arrivée du tram devrait encore accroître la demande de transports en
commun tout en réduisent sensiblement l'accès automobile au centre-ville ;
Considérant les engagements pris par la
Belgique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».
La Wallonie a peut
être espéré ‘prendre en main son avenir
ferroviaire’ avec cette étude, mais il manque le nerf de la guerre : le Plan pluriannuel
d'investissement (PPI) 2013-2025 du groupe SNCB ne réservait à la desserte
urbaine liégeoise qu'un montant de 25 millions d'euros (soit moins d'un
millième de l'enveloppe globale).
Le 22 mai 2015,
Monsieur Palmieri, responsable du nouveau service RER de la SNCB, explique qu’à
la base de réflexion il y a aussi les plans communaux et régionaux de mobilité.
Il précisait que «la stratégie de la SNCB
reste bien sûr, le transport de masse de grand centre urbain à grand centre
urbain, mais aussi d’apporter des solutions de mobilité dans les zones à grande
densité d’habitants» (Le Soir). Malin, notre Palmieri. Avec les plans
communaux de mobilité, il renvoie la balle dans le camp de la Région et des
agglomérations qui ont difficile à mettre les nez dans la même direction.
En avril 2016 le MR liégeois essaye de marquer un point avec un master plan« quartiers de Gare »: « Les gares et
futurs points d’arrêt comme Kinkempois sur la L125A, Vennes, Bressoux,
Cornillon et Angleur constituent quelques-uns des enjeux d’aménagement en
raison des potentiels résidentiel, scolaire et modal ».
Ce master plan ne
connaît pas de suite.
Le seul qui tire son
épingle du jeu est Seraing. C’est Jean-Claude Marcourt qui l’annonce en mai
2016 via son compte Facebook : un accord au niveau de la SNCB pour un REL
sur deux lignes de marchandises (la 125A entre Seraing et Liège et la 36A). Une primeur pour une information qui ne
concerne aucunement les matières liées à son ministère. Ceci dit : ce n’est pas fake. La
ligne 125A sera rouverte avec un arrêt à Ougrée et un autre à Seraing-centre. En fait une compensation pour le non-passage du
tram à Seraing. Pour ne pas faire des jaloux, la Ville de Seraing annonce que
la SNCB a acté qu’un Réseau Express Liégeois de 6 lignes reliant 19 gares verra
déjà le jour dès 2017. A partir de 2021, le REL devrait s’étoffer avec la
création de plusieurs parkings relais, et la réouverture de plusieurs gares
comme Cheratte. Cheratte, c’est la ligne 40, qui traverse des quartiers densément peuplés tels Wandre,
Jupille, Grivegnée (bas) et les Vennes.
Le 29 mars 1017 Urbagora aussi se montre optimiste sur le plan de transports SNCB 2017-2020 : «La réouverture d’autres points d’arrêts doit suivre rapidement,
Cornillon, Jupille, Wandre, Cheratte-Bas et Hermalle-sous-Argenteau sur la ligne 40 ».
Si j’ai difficile à
partager leur optimisme, face aux prévisions budgétaires, cela prouve que la réouverture du Cornillon,
avec les répercussions vers Amercoeur et la Chartreuse, n’est pas utopique. Il
manque juste une ligne dans un budget…
La ligne 40 et ses trains-tramways
Le top est qu’il y a
déjà eu une ligne, des arrêts tous les kilomètres, il y a plus d’un siècle.
La compagnie du chemin de fer de Liège à Maastricht obtient en 1861 la
concession de la ligne, avec la gare de Longdoz en bout de ligne. La
ligne fut ensuite reprise par l’État belge — jusqu’à la frontière néerlandaise
— le 1er janvier 1899, dans le cadre de la politique de nationalisation du
réseau ferré. En 1884 des trains omnibus très légers, dits « trains-tramways»,
roulaient entre Liège-Longdoz et Visé.
Ils marquaient l’arrêt non seulement aux stations et aux haltes, mais aussi aux
passages à niveau, équipés d’un quai d’embarquement en cendrées. Il y avait
alors des arrêts tous les kilomètres environ. Les titres de transport étaient
délivrés à l’intérieur des voitures, comme dans un tram. En substance, on peut
dire que Liège disposait alors avant l’heure d’un REL. Il ‘n’yaka’ revenir un
bon siècle en arrière pour le REL !
Longdoz ainsi que toutes les gares intermédiaires, à
l'exception de Visé, perdent leur desserte voyageur en 1956. La ligne doit sa
survie au trafic marchandise. Jusqu’en 1988 il y avait eu une desserte
marchandises de la gare de Longdoz pour les Laminoirs de Longdoz, une division
de Cockerill, occupée aujourd’hui par la première partie 'historique' du centre
commercial 'MEDIACITE'. Il y a eu un trafic fret vers Chertal (les trains
‘fonte’) et il reste encore un peu du trafic fret vers Monsin.
Une anecdote : en 1939 il y a la catastrophe du pont du Val-Benoît. Dans la crainte d’une invasion allemande, on avait posé des charges
de dynamite. La foudre a fait sauter la charge au moment où un train de
passagers s’engageait. Il y a eu quinze morts. Une péniche a même été projetée
hors de la Meuse. Le pont d’Ougrée a subi le même sort au même moment, avec
sept morts. Du coup, de nouvelles procédures ont été édictées en matière de
dynamitage des ponts… avec pour résultat que beaucoup de structures ne purent
être détruites en mai 1940, les règles étant devenues trop complexes.
Les débris du pont
empêchant la navigation sur la Meuse, l’approvisionnement en charbon des usines
Ougrée-Marihaye ou Cockerill par la voie d’eau fut remplacé par un
approvisionnement par voie ferrée. Le port flambant neuf de Monsin, sur le tout
nouveau canal Albert, fut équipé à la hâte de grues afin de transborder le
charbon campinois des péniches sur des wagons, afin d’amener le combustible
jusqu’aux installations sidérurgiques.
La ligne a vu passer
aussi un train international journalier l’Amsterdam -Bâle, prolongé en saison
jusqu’à Gênes. C’était « le train des Italiens », qui ramenait au la colonie
italienne liégeoise. Il était composé de voitures italiennes, d’un fourgon
suisse et d’une voiture-restaurant néerlandaise typique, dont les cuisinières étaient
chauffées au coke.
On a eu sur cette
ligne 40 fin des années 50 le premier train autos-couchettes Amsterdam-Avignon.
En 1973 une nouvelle gare avec une cafétéria spacieuse fut construite pour ces
trains vers Saint-Raphaël et Narbonne. Cette plate-forme multimodale a été
fermée en 2003.
La ligne fait partie
du couloir fret majeur reliant l’Allemagne à la France ; les bifurcations
implantées au nord de Visé permettent aux trains originaires de Kinkempois de
rallier le nord du pays. Demain (si tout va bien) les trains du Trilogiport
passeront par la ligne 40.
Un des obstacles à
faire sauter pour le REL est la « redevance arrêt » à Infrabel pour chaque
halte ferroviaire desservie par la SNCB. Les lignes de desserte omnibus sont
donc chères pour l’opérateur ferroviaire.
Je pourrais encore
ajouter les liens à (re)créer avec Grivegnée-haut dont le nom de la rue de
Péville perpétue le souvenir du hameau disparu lors de la construction du Fort,
mais il y en a d’autres qui sont mieux placés que moi à le faire. http://cqgrivegneehaut.be/cqgh/
Comme par exemple le Comité de quartier de Grivegnée-haut.
Voir aussi mes autres
blogs sur le sujet
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-religieux-immateriel-et.html
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