jeudi 4 janvier 2018

Le hasard des mises sous séquestre de 1918 : le charbonnage de Wandre nationalisé.


John Cockerill Varsovie 1840

En résumé

Voici encore une micro-histoire. En hologramme tout un pan de notre histoire, à partir de William Suermondt , petit-fils de John Cockerill et directeur du charbonnage de Wandre. Le jour de l’armistice, le 11 novembre 1918, l'État belge met le charbonnage sous séquestre, comme tous les avoirs des gens d’origine allemande, en garantie pour les indemnités de guerre. Un siècle plus tard, ça vaut la peine de commémorer cette page noire dans notre histoire.
La concession remonte à 1827, avec John et son frère James Cockerill, avant la naissance même de la Belgique. Après la mort de John Cockerill en 1840 Robert et Barthold, fils d’Amalie Cockerill et de Barthold Suermondt,  héritent le „Charbonnage des frères Suermondt“.
Suermondt  est allemand, ce qui suffit à l’état belge à mettre ses avoirs en Belgique sous séquestre, en 1918, parce que de nationalité ennemie. La Belgique se retrouve avec un charbonnage nationalisé ! Un gros problème pour le Parti Ouvrier Belge (POB) ! L’ancien mineur Achille Delattre, secrétaire national de la Centrale Syndicale des Travailleurs des Mines, député et futur ministre, écrivait en 1924 : « la mise sous séquestre posait la question : qu’allait-on faire de ce charbonnage ? Le vendre ou l’exploiter directement ? Le ministre de l’industrie et du travail Wauters déclarait en 1920: ‘le hasard des mises sous séquestre a placé sous le contrôle de l’état un charbonnage de valeur, et le Conseil des Ministres a décidé qu’il y avait lieu de tenter l’expérience d’une exploitation en régie. Quant à la forme à donner à cette régie, il faut rapprocher le plus possible les procédés de gestion de la régie nationale des charbonnages de ceux de l’industrie privée’ ».
Et en effet, cette mise en régie sera copié sur l’industrie privée. Y compris dans sa finalité : il faut refiler au plus vite cette houillère au privé. En 1927 Wandre sera repris par la S.A. des Charbonnages de Bonne-Espérance et Batterie.
Achille Delattre
Le POB est mal à l’aise devant une situation où c’est pourtant les capitalistes eux-mêmes qui foulent aux pieds le sacrosaint respect pour la propriété privé. Non seulement ils mettent le grappin sur les usines de leurs ‘ennemis’. Ils le font aussi avec leurs concurrents des Pays Bas et du Grand Duché qui étaient pourtant restés neutres. Pour les dirigeants du POB cette nationalisation n’est qu’un ‘hasard’. Et aucun n’a le culot de dire : puisque vous le faites entre vous, qu’est-ce qui empêcherait la classe ouvrière d’exproprier tous les moyens de production ?
Ce décret-loi du 10 décembre 1918, qui permet de placer la propriété «ennemi» sous séquestre, pose aussi un problème fondamental de droit. Cette expropriation ne reposait même pas sur une distinction morale entre patriote et traître. Tous les descendants d'un pays ennemi étaient sans distinction victime de la nouvelle loi en raison de leur origine ethnique. Y compris des Belges et apatrides d'origine allemande. On leur enlève leur nationalité belge, entraînant non seulement la perte de leurs biens, mais parfolis aussi la déportation : un camp de concentration est créé à La Panne.  Et ceci d’autant plus facilement que  législation allemande en matière de nationalité était – et reste toujours - ambiguë.
Ca remonte à Bismarck: la Constitution institue, au-delà de la nationalité allemande, une situation d'attente, aux contours volontairement peu précis, conçue pour accueillir toute une série de personnes susceptibles de devenir ultérieurement des nationaux allemands à part entière. C’est ainsi que le 14 novembre 1876, William Suermondt avait retrouvé sa nationalité prussienne après l'avoir perdu en 1866 à cause de son activité à Wandre.
Mais voyons cela un peu en détail.

Les houillères de Wandre :une longue histoire

La houillerie à Wandre existait déjà en 1422 : Renard de Neufchateau, Johan Hannet de Herstal et Thiry Hamaide de Wandre y déclarent qu'ils ont accensé à Henri de Groulle, Seigneur de Herstal, tous les ouvrages de mines de Wandre, Souverain Wandre et dépendances...  Jusqu’en 1740 Wandre fait partie de la seigneurie de Herstal et du duché de Brabant, qui dépendait à son tour du roi de Prusse. En 1549, le prine-évêque Érard de La Marck avait cru obtenir la souveraineté sur la rive gauche (Herstal), la rive droite (l'actuel Wandre) restant sous la souveraineté de la Prusse. D’où Souverain-Wandre. Ce n’est qu’en 1740 que le prince-évêque Georges-Louis de Berghes rachète au prix fort cette seigneurie à Frédéric II de Prusse.  Dans des actes des années 1536, 1545, en 1556   et 1608 on retrouve de nombreux litiges entre les Herstalliens et les Cherattois,autour de  la « voye des deux seigneurs »  ou « voye de déséverance des seigneuries de Herstal et Cheratte ». En 1700 , Joannes de Sarolea , écuyer et
seigneur de Cheratte, reçoit l’autorisation de travailler, par son bure, sous des terres de Wandre. Mais en 1704 le receveur de Herstal dit que la houillère du seigneur de Cheratte étant «périe», il n’a plus perçu le paiement du 25e panier des houilles extraites, selon l’accord intervenu à La Haye en 1682.  (A.E.L. H. reg.250 f° 81 v°).
Vers la fin de l’Ancien Régime l’exploitation charbonnière à Wandre avait cessé. En 1793 Gerard Corbesier reprend l’exploitation aux Marets. Une petite anecdote pour situer un peu l’époque. En 1802 les 60 ouvriers de la houillère de Wandre habitant Herstal entrent en conflit avec le passeur d'eau Collardin, qui voulait abolir la franchise de passage dont avaient joui jusqu'alors les habitants de Herstal, prétendait leur appliquer  le tarif plein des étrangers. Cela aurait coûté 940 frs pour les soixante hommes de la houillère, non compris le double tarif des périodes de hautes eaux. Collardin refusait aussi de passer  les ouvriers isolés, attendant une charge complète; il menaçait de ne plus passer, le soir venu, alors que le travail  retenait les houilleurs jusqu'à 22 ou 23 heures.
La houillère atteint son apogée en 1810, avec 280 ouvriers. Mais en 1820 les biens de la houillère sont dispersés aux enchères.

Un nouveau départ avec les frères Cockerill et les Suermondt

Amalie Elise Suermondt, geb. Cockerill
En 1826 les Corbesier abandonnent leur participation à John Cockerill, qui  s’agrée avec ses potes Suermondt et Manuel Cortes y Campomanes. John Cockerill n’est pas seulement intéressé par le charbon ; c’est lui qui fournit la machine à vapeur en 1828. En 1836 le charbonnage crée un ‘chemin à ornières de fer’, à traction chevaline, pour amener son charbon à la Meuse.
La famille Cockerill était à l’époque particulièrement bien implantée à Aix-la-Chapelle. En 1813, William Cockerill cède ses ateliers à ses fils John, 20 ans, et James, 23 ans, qui se marient avec les sœurs Pastor (Frédérique et Caroline), originaires d’Aix-la-Chapelle. Leur père, le baron du textile Philippe Henry Pastor, était en rapport d’affaires avec William Cockerill. Les frères Cockerill engageront en 1829 comme directeur de leurs usines à Seraing le cousin de leurs épouses, Gustave Pastor, qui épousera plus tard la fille de leur sœur Nancy Cockerill.
James aura sept enfants dont Amélie Cockerill qui épousera Barthold Suermondt, encore un contact d’affaires du père Cockerill. En 1842 Barthold deviendra un des cinq administrateurs de Cockerill.
Bref, tout ce petit monde de capitaines d’industrie se connaissent et se marient entre eux, et n’ont rien à f. des frontières.
Après la mort de John Cockerill, en 1840, Campomanes et les héritiers de John se retirent. En 1844 Yman Dirk et ses fils Barthold et Robert Suermondt héritent la société qui est appelé «Charbonnage des frères Suermondt ». En toute logique, ils investissent en 1856 dans la société anonyme "Compagnie du chemin de fer de Liège a Maastricht et ses extensions", qui passe devant leur mine.
William und Emilie Suermondt
En 1865 le fils de Barthold et d’Amélie Cockerill, William Suermondt, prend la direction du charbonnage et doit pour cela abandonner sa nationalité prussienne ; en 1876 il retrouve cette nationalité prussienne probablement suite aux nouvelles lois sur la nationalité de Bismarck.
Les Suermondt investissent massivement et deux nouveaux puits sont creusés en 1882. En 1910 l’exploitation atteignait l’étage de 540 mètres.
Barthold Suermondt reste actif en sidérurgie : il fonde en 1870 les usines sidérurgiques rhénanes Duisburg-Meiderich. Son fils William prend la direction avec George Octave Pastor, un fils de Gustav, ancien directeur général de SA Cockerill.
La famille développe aussi le mécénat : Barthold Suermondt est à la base du musée d'Aix-la-Chapelle, le Suermondt-Ludwig-Museum, avec le don en 1883 de 105 tableaux de sa Galerie Suermondt. Ce musée est aujourd’hui un top mondial.

1918 : la mise sous séquestre de Wandre : un problème pour la POB

En 1918 la Belgique saisit donc les biens des personnes d’une nationalité ennemie, dont le charbonnage de Wandre des Frères Suermondt. Peu importe les liens de cette famille avec la famille fondatrice de la sidérurgie liégeoise et les interconnexions industrielles entre Aix et Liège. C’est presqu’un retour au Moyen Age où en cas de guerre les ressortissants ennemis étaient pris en otage.
Mais cette saisie posait aussi un gros problème pour les socialistes belges. « La mise sous séquestre posait la question : qu’allait-on faire de ce charbonnage ? Le vendre ou l’exploiter directement ? », se demandait à l’époque.  Achille Delattre, un des spécialistes du POB au niveau mines. En effet, il travailla à la mine de 1891 à 1904 ; il était devenu secrétaire national de la Centrale Syndicale des Travailleurs des Mines de Belgique et député de Mons-Borinage à la Chambre en 1921. Il sera
ministre plus tard. Son ministre de l’industrie et du travail Joseph Wauters déclarait en 1920: « le hasard des mines sous séquestre a placé sous le contrôle de l’état un charbonnage de valeur, et le Conseil des Ministres a décidé qu’il y avait lieu de tenter l’expérience d’une exploitation en régie. Quant à la forme à donner à cette régie, il faut rapprocher le plus possible les procédés de gestion de la régie nationale des charbonnages de ceux de l’industrie privée. Je crois que la classe ouvrière, de plus en plus, voudra participer, non seulement à la détermination des conditions de travail, mais aussi à la gestion même des entreprises. Vous aurez à examiner, par la suite, jusqu’où devra s’étendre l’action de la collectivité».
Un peu plus tard Wauters dira: « le charbonnage de Wandre est le premier petit cristal autour duquel vont venir d’agglomérer peu à peu les autres charbonnages ; et au fur et à mesure qu’ils seront installés, les vieux charbonnages qui vont clopin-clopant et qu’on va réunir en des concessions seront exploités d’une façon moderne par l’Etat ».
Wauters n’a pas le temps de déposer un projet : en 1921 les ministres socialistes sont éjectés. Le récit d’Achille Delattre s’arrête là. Il ne dit rien dans sa brochure sur la manière dont Wandre est géré sous statut public (La nationalisation des Mines, dans L'Eglantine, 1923, N°12  p.40). J’interprète ça comme un manque d’intérêt pour cette question de nationalisation. La production annuelle était montée pendant ces années à 65.000 tonnes, avec 545 travailleurs, contre 55.000 avant-guerre (le top sera 312.000 T en 1959, avec 1800 emplois. Wandre sera fermé en 1962).
Le POB n’y était pour rien : le parti se retrouve dans l’opposition entre 1921 et 1925, mais J. Wauters retrouve son ministère de l’Industrie et du Travail dans le Cabinet bipartite Poullet -Vandervelde le 17 juin 1925,  et le conserve dans le Cabinet tripartite Jaspar I (20 mai 1926-21 novembre 1927). Or, son premier petit cristal est toujours là : c’est en octobre 1925, sous sa direction, que le gouvernement
annonce la mise en adjudication du charbonnage. La SA des Charbonnages de Bonne-Espérance et Batterie obtient l’adjudication pour 5,6 millions de frs le 7 octobre 2017.
Quand on lit Delattre, on se rend compte que le POB n’a pas de projet digne de ce nom. En 1920 sa Centrale des Mineurs dépose un projet pour Wandre, en précisant qu’ils n’entendaient pas le lier à la nationalisation des mines. A la question : faut-il racheter, Delattre dit que « pas plus ceux qui soutiennent qu’il faut racheter que ceux qui prétendent qu’il faut exproprier sans indemnités n’ont raison absolument ».
Il se lance quand même dans un raisonnement de nationalisation avec indemnisation, certes modeste :  « Si on décide d’indemniser, devra-t-on prendre comme base de valeur des charbonnages au moment de la socialisation ou bien la valeur des actions au moment de leur émission ? Il préconise le rachat au taux d’émission. Elle représente ce que les actionnaires du début ont réellement payé pour mettre les charbonnages à fruit. Mais les charbonnages valent bien plus que le capital du début, nous rétorquent les actionnaires. Sans doute, mais cela c’est du travail accumulé et ce sont les ouvriers qui ont produit cette plus-value ; A ce prix, c’est 400 millions que l’Etat devrait débourser pour reprendre tous les charbonnages. Ce n’est pas énorme quand on sait que depuis l’armistice elles ont réalisé 300 millions de bénéfices ».(p.51-52)
Mais quand se Centrale des Mineurs sera au pied du mur, lors de son congrès de 1939, elle se limitera à revendiquer, à défaut de la nationalisation, la concentration des entreprises en cinq sociétés de bassin.

Le régime minier belge

Delattre évoque aussi un problème du côté du régime minier belge, avec « l’impossibilité où il met l’état de devenir lui-même exploitant direct des richesses du sous-sol ». Une interprétation très spéciale de ce régime qui remonte à la Révolution française et qui en fait transfère la propriété du sous-sol à la nation. Evoquer cela pour ne pas nationaliser, c’est le monde à l’envers…
Ce régime remonte à la loi du 28 juillet 1791 inspirée par Mirabeau. Il substitue au « privilège exclusif d’exploiter » le principe que « les mines et les minières sont à la disposition de la nation ». Leur exploitation exige désormais une concession. En 1810, le gouvernement peut sélectionner parmi les différents demandeurs le plus apte à réussir l’exploitation. La loi de 1810 attribue aussi à tout concessionnaire un titre de propriété incommutable.
Un siècle plus tard – et là, nous ne sommes plus dans la République mais dans le Royaume de Belgique - les lois coordonnées de 15 septembre 1919 art.7 précisent les bases de la propriété minière en Belgique : la concession crée la propriété à perpétuité, mais les mines ne pourront être vendues ou cédées sans une autorisation du gouvernement. L’art.40 dit que l’exploitation d’une mine n’est pas un commerce ; donc une société minière peut être en liquidation, mais jamais en faillite. En cas de liquidation, celle-ci ne peut être clôturée avant que la concession n’ait été cédée ou que le concessionnaire n’ait été admis à y renoncer (art 67).
Je ne suis pas juriste, mais il me semble que l’esprit de cette loi est que ces concessions, tout en étant propriété incommutable, peuvent en cas de blocage être reprises par l’Etat.  
Ceci dit, je comprends maintenant pourquoi pas mal de terrils en Wallonie appartiennent à des charbonnages en liquidation. Je croyais que c’était un choix des anciens propriétaires de garder ce statut de société en liquidation, en attendant une bonne occasion de vendre ces terrains. C’est donc la concession qui crée la propriété à perpétuité. Ceci dit, cela n’est à mes yeux pas une excuse pour laisser cette situation perdurer : comme c’est l’état qui ‘donne’ la concession, il peut très bien la reprendre et je ne vois vraiment aucun argument pour indemniser ni pour laisser ces concessions dans les mains de sociétés-fantômes.  Maintenant, je veux bien accepter l’argument que les terrils sont plus en sécurité dans les mains de ces sociétés en liquidation que dans les mains d’un état néo-libéral qui est capable de les brader…

Le séquestre : un problème fondamental de droit

William Suermondt
Cette loi de 1918, qui place la propriété «ennemie» sous séquestre, pose aussi un problème fondamental de droit. La loi ne faisait même pas une distinction morale entre patriote et traître. Tous les descendants d'un pays ennemi étaient visés, y compris des Belges à double nationalité ou les apatrides d'origine allemande. La double nationalité était courante pour les gens d’origine allemande, à cause de la Constitution  de Bismarck qui avait créé une sorte d'antichambre pour toute une série de personnes susceptibles de devenir ultérieurement des nationaux allemands à part entière. C’est ainsi que le 14 novembre 1876 William Suermondt avait retrouvé sa nationalité prussienne après l'avoir perdu en 1866 à cause de son activité à Wandre.  
Dans le cas de double nationalité, ils perdaient la nationalité belge, entraînant la perte de leurs biens et la déportation : un camp de concentration est même créé à La Panne. On a fait ça pour des familles comme les Suermondt où il y avait du flouze à ramasser, mais on l’a fait aussi pour les petites gens comme l’arrière grand-père de ma femme, l’horloger Gottfried Wilhelm Heinig, né en 1851 à Kothen, Saxe-Anhalt. La famille a caché ces roots allemands lien pour protéger son fils Jean-Baptist qui avait pourtant passé la guerre sous les drapeaux belges et était revenu du camp de concentration d’Altengrabow en février 1919 (plus – en néerlandais sur http://huberthedebouw.blogspot.be/2017/10/een-microgeschiedenis-van-een.html ).
Pendant un siècle, le sujet de ce séquestre – qui en fait revenait à une expropriation puisque l’Allemagne arrête quelques années plus tard le paiement des indemnités de guerre – a été un tabou. Ce n'est que récemment qu'un inventaire a été fait de tous les biens qui ont été saisis après la grande guerre.  Quelques chercheurs comme Monika Triest – que j’ai rencontré sur un autre sujet : le grève des femmes de la FN de 1966 - a travaillé sur ces archives.
Franck Caestecker de l’UGent a démontré qu’environ 9.000 personnes de nationalité allemande furent contrain­tes de s’exiler en 1919-1920, alors qu’un tiers d’entre elles étaient pourtant nées en Belgique et que d’autres y étaient installées bien avant la guerre.
La loi de 1919 sur la nationalité a donc créé une vague de dénationalisation. Un autre chercheur gantois Tom De Meester souligne le caractère ethnique-nationaliste prononcé de cette opération. Le décret-loi permet de placer la propriété «ennemi» en Belgique sous séquestre en attendant un règlement définitif. Dans une circulaire du 12 février 1918 le ministre de la Justice Vandervelde décide que les biens des apatrides aussi devaient être mis sous séquestre. Ces avoirs sous séquestre étaient considérés comme une arme supplémentaire dans les négociations de paix. L'article 297 du Traité de Versailles stipulait que les avoirs allemands en Belgique pouvaient être vendus au profit du Trésor belge – sous-entendu en compensation pour les indemnités de guerre à imposer à l’Allemagne.
Je ne connais aucun chercheur francophone qui a abordé le sujet qui mériterait pourtant d’être soulevé à l’occasion du centenaire de l’armistice.
Cette micro-histoire de William Suermondt , petit-fils de John Cockerill et directeur du charbonnage de Wandre, est donc aussi l’histoire du gène du Parti Ouvrier Belge (POB)  devant ce charbonnage nationalisé.  Et d’une page noire dans notre histoire qui mériterait, un siècle plus tard,  une autocritique: cette mise sous séquestre de tous les avoirs des gens d’origine ennemie devrait nous faire réfléchir sur les voix qui se lèvent aujourd’hui pour lever la double nationalité.

Sources

https://www.journalbelgianhistory.be/fr/system/files/article_pdf/BTNG-RBHC,%2019,%201988,%201-2,%20pp%20147-171.pdf A. DELATTRE, La nationalisation des Mines, dans L'Eglantine, 1923, 1ère année N°12
http://www.just-his.be/eprints/2890/ De Wée, M. and Houtart, A. (1922) Le séquestre et la liquidation des biens allemands en Belgique (Loi du 17 novembre 1921). UNSPECIFIED, pp. 253-281.
Tom De Meester, « De natie onder vuur. De impact van de Eerste en de Tweede Wereldoorlog op de juridische afbakening van het ‘eigen volk’ », in Bijdragen tot de Eigentijdse Geschiedenis, nr. 3, 1997, p. 74. https://biblio.ugent.be/publication/277014
http://bildungsblog.hypotheses.org/208 Déchéance de la nationalité. Des Allemands aux jihadistes
13/09/2014
L’article « Faut-il s’en prendre aux allocations et à la nationalité des “returnees » ? (3 septembre 2014 La Libre Belgique) reprend l’interview de Christine Defraigne (députée wallonne et de la fédération Wallonie-Bruxelles – MR) qui propose de faciliter la déchéance de la nationalité :« Il s’agit de rendre efficaces les procédures de déchéance de nationalité pour les terroristes, mais aussi pour les extrémistes – notamment dans le cas d’appel à la haine, on élargit donc le champ d’application – qui ne sont pas belges depuis leur naissance»
http://www.ialg.be/ebibliotheque/bial/bial083.pdf J. RENARD, VIE ET MORT  D'UNE INDUSTRIE
MULTISÉCULAIRE  LA HOUILLERIE A WANDRE  DEUXIÈME PARTIE CHAPITRE I (1793-1820)
Sur l’historique des houillères à Wandre http://cheratte.net/joomla1.5/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=6&Itemid=2

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