dimanche 24 novembre 2013

La révolte de 1886 à Herstal

La Meuse 1886
Les émeutes de 1886 ont marqué l’histoire sociale de notre pays. Suite à ces mouvements insurrectionnels on crée l’Inspection des établissements dangereux, insalubres et incommodes. On autorise la Caisse Générale d’Epargne et de Retraite à mettre à la disposition des ouvriers les fonds nécessaires pour acquérir leur maison. En 1889, les Chambres se prononcent en faveur de l’interdiction du travail des enfants de moins de 12 ans, des travaux souterrains aux femmes de moins de 21 ans et du travail des femmes durant 4 semaines qui suivent un accouchement. De même, cette loi interdit aux garçons de 12 à 16 ans et aux filles de 12 à 21 ans de travailler plus de 12 heures par jour, avec une heure et demi de repos au moins.
Mais on vote aussi une loi qui un siècle plus tard sera utilisée contre les syndicalistes des Forges de Clabecq. Et les ‘meneurs’ de 1886 sont lourdement punis. Jules Destrée et Emile Vandervelde déclareront : "Le tribunal s'est montré envers les émeutiers d'une rigueur exceptionnelle. Nous sommes d'ailleurs loin de l'en blâmer, il faut des exemples et les vrais coupables doivent être frappés sévèrement"  (Le socialisme en Belgique, Paris, 1898). Un Herstalien, Edouard Wagener, est été condamné à 6 mois de prison lors d’un procès en Assises pour son implication dans cette révolte.
Les charbonnages de Herstal sont en grève aussi. Le bourgmestre libéral d’alors Hypolite Grégoire (1882 - 1895) commet une erreur politique majeure lorsqu'il renforça les forces de l'ordre lors de ces grèves. Nous publions ici des extraits de son ‘Rapport au Conseil Communal’ où nous voyons le rôle - conciliateur et/ou roublard - d'un bourgmestre dans le déroulement d'une grève; les divers réseaux d'information en aval et en amont de ce bourgmestre, mais aussi l’incroyable dynamique de cette grève.
Suite à cette attitude jugée excessive par une partie de l'opinion publique et qui heurta la population ouvrière, la Ligue socialiste herstalienne, antenne herstalienne du Parti ouvrier belge (POB), fut fondée le 8 juin 1886. Il faudra néanmoins attendre 1896 pour avoir comme échevin ff. Bourgmestre un des fondateurs de cettesection herstalienne du POB

Rapport du Bourgmestre de Herstal, H. Grégoire, sur les grèves du mois de mars 1886. Rapport donné en séance publique du Conseil Communal du 3 juin 1886.


Quelques jours avant le 18 mars, des circulaires anarchistes avaient été distribuées en grand nombre dans les forges, les houillères, les établissements industriels de Herstal. Ces circulaires invoquant la Commune, invitaient les travailleurs à prendre part à une grande manifestation ouvrière qui devait avoir lieu le 18 mars, place St Lambert, à Liège.  Notre police ayant pu s’en procurer quelques exemplaires, les adressa le 17 mars à M. l’Administrateur de la sûreté publique et à M. le commissaire en chef de police, à Liège.

Le 19 mars, dans la matinée, nous fûmes informés des faits qui s’étaient passés à Liége la veille et de l’arrestation de Wagener opérée par notre police.  Le même jour, Mr le bourgmestre de Liége nous pria de l’informer de l’état des esprits de notre population ouvrière et de lui faire savoir si des groupes se disposaient à se rendre à Liége le soir.  Il lui fut répondu que l’esprit de notre population était paisible, que des groupes de curieux iraient probablement à Liège le soir, mais qu’il y aurait peu de manifestants.  Pendant cette journée, la commune fut envahie par de nombreux marchands de journaux criant : les journaux de la révolution et autres choses semblables. Conformément aux règlements en vigueur, la police locale les renvoya.

Le 20 mars, nous furent informés par divers rapports que les ouvriers des charbonnages de


Gérard Cloes et de Bonne-Espérance devaient se mettre en grève le lundi matin 22 courant.
Le 21 mars (dimanche) les renseignements nous furent confirmés et de plus, on nous annonçait la grève prochaine aux houillères de Bonne Foi Hareng et de la Petite Bacnure.  Ce fut alors que je pris la décision de convoquer d’urgence à la Maison communale la police locale, la gendarmerie et le corps des pompiers.  Des patrouilles furent organisées la nuit et l’ordre fut donné de fermer les cafés à l’heure réglementaire.  A part quelques tapageurs injuriant les agents de l’autorité, tout resta calme.  Ces perturbateurs, conduits devant les tribunaux, ont été punis.

Le lundi 22 mars, les agents de police furent envoyés à la première heure dans les charbonnages de leur section respective et leurs rapports constatant la présence des ouvriers houilleurs partout, les pompiers furent renvoyés vers 8 heures du matin.  Le soir, Mr le commissaire d’arrondissement nous télégraphia de Seraing pour nous demander s’il n’existait aucun indice de grève dans notre commune.  Ayant appris dans le courant de cette journée que les ouvriers de Gérard Cloes avaient demandé une augmentation de salaire qui leur serait refusée, je répondis à Mr le commissaire d’arrondissement par la dépêche suivante : Il n’y a pas apparence de grève à Herstal toutefois, les houilleurs de Gérard Cloes ont demandé une augmentation de salaire qui leur sera refusée.  Je donnai ensuite l’ordre à la police locale et à la gendarmerie de se rendre le lendemain matin très tôt au charbonnage de Gérard Cloes, à Coronmeuse, en même temps que la police de Liége, avertie par nous se trouverait en Jolivet.

Le 23 mars, à 3 heures du matin, le poste de nuit établi à la Maison communale se transporta à la houillère de Gérard Cloes, où 129 ouvriers, sur un effectif de 169, refusèrent de descendre dans la bure, en apprenant par les surveillants, qu’il ne pouvait être fait droit à leur demande.  Ensuite, ils se rendirent ensemble, vers 6 h du matin, à la paire de Coronmeuse, pour y causer à Mr Lehane, directeur.  La présence de la police et de la gendarmerie maintint les grévistes en tranquillité ; plusieurs d’entre eux avaient des dispositions et un langage hostiles.  Les gardes-champêtres furent envoyés dans leur section respective pour surveiller les agissements des grévistes, avec ordre de faire rapport immédiat.  Deux gendarmes étant malades, je fus obligé de demander à Liége un renfort de 4 hommes.
Vers midi, je fus informé que pendant la nuit précédente, une dizaine d’individus s’étaient promenés à Wandre avec drapeau rouge et bonnet phrygien, qu’il avait chanté la Marseillaise, manifesté sous les fenêtres du charbonnage de cette localité, traversé le pont de Herstal-Wandre et qu’il étaient venus manifester devant la maison occupée par la famille du détenu Wagener.  Bientôt cette nouvelle me fut confirmé par de nombreux témoignages, entr’autres par un télégramme de Mr Malaise directeur du charbonnage de Wandre. 
Dans le cours de l’après-diner, je reçus des dépêches de Liège, de Wandre, de Hollogne-aux-Pierres, de Seraing et de Jupille, dans lesquelles on m’annonçait qu’un mouvement d’anarchistes devait se produire le soir au pont de Herstal-Wandre et qu’il commencerait à Jupille.  Je reçu avis de Mr le commissaire d’arrondissement de faire fermer les cafés à 7 heures du soir, d’interdire les rassemblements et de requérir les forces nécessaires.  Le bruit circulait qu’un meeting devait se tenir le soir place Licour.  Mr le gouverneur me donna télégraphiquement l’ordre d’empêcher le passage sur le pont de Herstal-Wandre.  Même ordre fut donné à Mr le bourgmestre de cette dernière localité, qui avait requis la gendarmerie à cheval de Visé.
En exécution de ces prescriptions de MM les gouverneur et commissaire d’arrondissement, je pris des arrêtés concernant : 1° la fermeture des cafés à 7 heures du soir ; 2° l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes ; 3° la défense de circuler sur le pont de Herstal-Wandre sans être muni d’un laissez-passer.  Ne me trouvant alors en possession
que de la police locale et de 9 gendarmes, je convoquai le corps des pompiers et requis 10 nouveaux gendarmes de Liège, pour faire respecter mes arrêtés et parer à toute éventualité.  Je fis conduire tout ce monde au pont de Herstal-Wandre et nous y restâmes en permanence après avoir mis la moitié du personnel aux deux entrées du pont, où arriva peu après Mr le bourgmestre de Wandre avec sa police et deux gendarmes à cheval de la brigade de Visé.  Pendant que nous nous trouvions sur le pont, un gendarme posté sur Wandre vint demander du renfort pour refouler un groupe de 20 individus étrangers qui, venant de Wandre, voulaient traverser le pont quand même. On les obligea à rebrousser chemin, ce qu’ils firent sans trop de résistance. 
Malgré les ordres donnés, le café Wagener, au Rivage, était ouvert ; une visite de Mr le commissaire de police en fit sortir plusieurs individus notoirement connus comme adeptes de Wagener.  Ils furent conduits, sous escorte de police et de pompiers, jusqu’au delà du pont.  Aucun autre évènement ne se passa dans la soirée. A minuit, les troupes furent envoyées partie en patrouille, partie en repos.  Il n’y a pas à le nier, un mouvement était préparé pour le soir ; nous en avons eu l’aveu par des grévistes; s’il ne s’est pas produit, c’est grâce aux précautions prises. Je tiens à faire ressortir aussi que pendant toute cette journée, une grande animation régnait dans la commune, que des groupes nombreux parcouraient en tout sens, et que même avant l’envoi de forces au pont, des rassemblements tumultueux, composés de gens de la localité, de grévistes et d’individus étrangers, s’y étaient formés.  Cette journée du 23, il n’y eût en grève que les ouvriers de Gérard Cloes, où le travail avait complètement cessé.  Je reçus aussi avis que Wandre serait en grève le lendemain.

Le mercredi 24 mars, à 5 h ½ du matin, tous les ouvriers de Gérard Cloes se présentent pour demander si on a augmenté leur salaire.  Sur la réponse négative qui leur est faite, ils refusent de descendre et trois surveillants sont menacés.  Les grévistes se retirent et se
rendent tous ensemble vers la Petite Bacnure devant la paire de laquelle ils font une manifestation ; mais les ouvriers de ce charbonnage étant tous entrés, et les portes de l’établissement ayant été fermées, ils descendirent dans la bure sans avoir vu les manifestants qui étaient arrivés un peu trop tard.  Le résultat de cette pression se fit néanmoins sentir quelques heures après, car au trait du soir sur 66 ouvriers de la Petite Bacnure refusèrent de descendre et comme ils étaient mieux rétribués que dans les autres charbonnages, ici ils demandèrent une réduction de 2 heures de travail.  Ne pouvant plus compter sur le concours des pompiers qui avaient déjà été convoqués 2 fois en trois jours, je demandai dans mon rapport officiel l’envoi de 30 gendarmes.
Toute la matinée, je reçus des nouvelles peu rassurantes, on me dit aussi que le bruit circulait à Liège qu’un meeting aurait lieu le jeudi 25 courant à la salle Noizette, on allait même jusqu’à me signaler des maisons à Herstal où il avait des armes et des matières explosives cachées.  Je reçus du renfort de gendarmerie que j’installai au pont de Herstal-Wandre, à la Maison communale, à la caserne de gendarmerie et à chaque charbonnage.  Aux dépêches m’informant que des troupes seraient mises à ma disposition quand je voudrais, je répondis que malgré que la grève continuait à Gérard Cloes et qu’elle était commencée ce soir à la Petite-Bacnure, la tranquilité règnait partout, enfin qu’aucun désordre ne me paraissait à craindre aujourd’hui.  Ce jour je reçus la visite de Mr le Commissaire d’arrondissement.  La journée et la nuit furent assez calmes ; cependant, je ne me faisais pas d’illusion, car ensuite des renseignements recueillis, je savais que le lendemain nous apporterait de nouvelles grèves.

En effet, le jeudi 25 mars au matin, la grève éclatait à Gérard Cloes, Petite-Bacnure, Bonne Espérance et Bonne Foi Hareng.  A ce moment le chiffre des grévistes s’élevait à près 600.  Ils se promenaient par groupes et certain d’entre eux paraissaient moins pacifiques que les jours précédent.  Une bande de grévistes de l’Espérance se rendit vers le charbonnage d’Abhooz avec un mouchoir rouge au bout d’un bâton, et invitait les ouvriers à se mettre en grève.  Le garde Minette fut attaqué par eux, et de ce chef, trois arrestations furent opérées dans les communes voisines par la gendarmerie de notre brigade.  La gendarmerie de renfort que nous possédions devait absolument être remplacée.  Ces hommes étaient exténués de fatigue et on nous les réclamait en refusant de nous en donner d’autres.  Nous allions donc nous trouver dans la nécessité d’abandonner les charbonnages en grève, n’ayant pour toute force que notre police et la gendarmerie locale.  J’expliquai cette situation aux autorités supérieures et je reçus pour réponse que Mr le Gouverneur donnait l’ordre d’envoyer des troupes à Herstal.  Tout ce qui précède s’était passé dans la matinée.  Vers 2 heures de relevée, je fus averti que les grévistes au nombre de 150 environ allait se rendre à la Maison communale dans le but de m’exposer leurs griefs et de ma prier d’intervenir auprès des Directeurs de charbonnages.  Je leur fis savoir que je les recevrais, sans police ni escorte, et que seul Mr le Commissaire irait les chercher pour me les amener.  Cette première entrevue avec les grévistes fut très calme.  Je leur promis d’inviter les Directeurs de charbonnages avec leurs délégués à une réunion à la Maison communale pour le samedi à 10 heures du matin.  A l’issue de cette séance je reçus la visite de Mr le procureur du Roi, et une compagnie d’infanterie traversa
Herstal pour se rendre à Wandre où elle était envoyée.  Deux heures plus tard nous arrivèrent 2 autres compagnies du 14ème régiment de ligne que nous installâmes aux écoles de Bellenay et du Centre.  La journée avait été plus mauvaise ; les grévistes nous avaient promis la tranquillité, mais n’avaient pu répondre des agissements des étrangers qui se montraient dans la commune et se renseignaient sur les charbonnages en activité.  En outre, les grévistes paraissaient résolus à ne pas reprendre le travail avant d’avoir obtenu satisfaction, disant qu’ils préféraient mendier.

Le vendredi 26 au matin, la grève continue aux 4 charbonnages.  Vers 8 heures du matin, une bande de 80 grévistes venant de la Préalle se dirige paisiblement vers Liége.  Nous apprenons qu’ils se rendent devant la houillère de la Batterie.  J’envoyai immédiatement auprès d’eux le Commissaire de police à l’effet de connaître leurs intentions. Il leur rappela que les rassemblements étaient interdits, que leur manifestation pourrait être dangereuse ou mal interprétée et après les avoir accompagnés à travers les rues Large-Voie, du Chou, voie de Liège, Laixhaut et Thiers des Monts, il parvint par ses exhortations et ses conseils à les faire disperser dans la campagne.   Mais ils déclarèrent qu’ils seraient tous le lendemain à 10 heures du matin à la Maison communale.  Tout ce qui précède s’est passé sans recourir à la gendarmerie ni à l’armée. 
Depuis la veille, nous avions fait le nécessaire pour obtenir l’entrevue entre les Directeurs de charbonnages et les délégués grévistes: je reçus une réponse collective des Directeurs dans laquelle ils disaient que la situation critique des charbonnages ne leur permettant pas d’apporter des changements à l’état de choses actuel, ils regrettaient ne pouvoir se rendre à la réunion qui avait lieu à la Maison communale.  Ce même jour, Mr le Commissaire de police, mit en état d’arrestation un gréviste mendiant, étranger à la localité, et possesseur d’une somme de plus de 28 francs.  Il se rebella contre l’autorité et fut traduit et condamné en tribunal correctionnel. 
L’une des deux compagnies d’infanterie dût quitter Herstal pour se rendre à Vottem où l’on craignait des troubles.  En présence de ce retrait de troupes, de la réponse des Directeurs de charbonnages et des demandes qu’ils m’adressaient pour obtenir une garde permanente dans leur sièges d’exploitation, je m’entendis avec Mr le major Janssens, commandant les troupes, lequel me déclara que ses forces étaient insuffisantes pour accorder ces demandes et garantir l’ordre.  Ce fût à ce moment que je réclamai pour le lendemain à 10 heures un renfort de 10 gendarmes à cheval.  L’autorité militaire me communiqua une dépêche de Mr le général Vandermissen qui fut imprimée et affichée dans toute la commune.  Cette journée fût grosse de nuages.  Jusqu’à ce moment la police seule avait subi les mauvais traitements des récalcitrants.

Samedi 27. La grève continuait aux 4 charbonnages ; Abhooz et Belle-Vue seuls travaillaient.  A 10 heures du matin les grévistes se trouvent réunis place communale ; je fis introduire à l’Hôtel-de-ville leurs délégués au nombre de 17, où  je promis de faire mon possible pour aplanir les difficultés existant entre les ouvriers et les directeurs, en attendant l’établissement d’un Conseil de prud’hommes, à la condition toutefois qu’ils reprendraient immédiatement le travail.  En quittant la salle du Conseil, je fus obligé de me rendre sur la place au milieu d’eux, là je haranguai tous ces ouvriers qui étaient mécontents, et ils se retirèrent en m’assurant qu’ils ne troubleraient pas l’ordre public.  La plus grande partie de leurs plaintes n’est pas de notre compétence, nous ne pouvions promettre que ce que nous jugions pouvoir tenir ; mais je leur déclarai qu’ils trouveraient dans l’Administration actuelle un appui bienveillant en faveur de leurs revendications justes et raisonnables pour autant qu’elles fussent produites par les voies légales.  Pendant le cours de cette séance, Mr le général de l’Escailles vint voir les troupes cantonnées à Herstal et m’informa qu’il allait m’envoyer une nouvelle compagnie pour remplacer celle partie la veille à Vottem. 
Vers 2 heures ½ je reçus avis qu’une bande de 150 grévistes se trouvaient au charbonnage d’Abhooz, et exigeait la sortie de ceux qui étaient à l’ouvrage, tout cela dans le but de mettre cet établissement en grève. La police et la gendarmerie locale se rendirent en toute hâte à l’établissement menacé. L’un des grévistes fut trouvé porteur d’armes prohibées, et arrêté. Une bagarre s’ensuivit et l’on essaya d’arracher le délinquant des mains des gendarmes et du Commissaire qui durent se retirer dans l’intérieur de la paire. Un manifestant en franchit la barrière, et sans l’intervention du Commissaire, les gendarmes eussent employé les moyens extrêmes pour empêcher l’invasion des grévistes dans la houillère. Ils s’étaient échelonnés tout le long de la palissade extérieure qu’ils tentaient d’escalader. J’arrivai sur les lieux ; pendant plus d’une heure je dus parlementer avec les ouvriers qui s’obstinaient à rester rassemblés auprès du charbonnage. Finalement, les troupes étaient arrivées, notre patience avait été mise trop longtemps à l’épreuve et j’ordonnai à Mr le Commissaire de faire une première sommation. Cela donna à réfléchir, les grévistes se retirèrent vers Vivegnis, et la police put emmener les deux détenus. Pendant la nuit une sentinelle, placée au charbonnage de l’Espérance, ayant vu plusieurs individus tenter de pénétrer dans la houillère en lui lançant des pierres, fit feu. Ces individus se sauvèrent et nous présumons qu’aucun ne fut atteint.

Dimanche 28 mars.  On parla d’un meeting d’ouvriers armuriers pour le lundi soir.  Malgré la tentative de la veille, la houillère d’Abhooz ne fut pas en grève, la moitié des ouvriers se rendit au travail.  Le lundi 29 mars, la tranquillité règne partout et 14 ouvriers reprennent le travail à la Petite Bacnure.  Le meeting des ouvriers armuriers dont le bruit avait circulé n’eût pas lieu quoique dans la matinée des rassemblements assez importants d’armuriers se fussent formés.  La grève persiste aux 4 charbonnages, même à a Petite Bacnure où aucun ouvrier n’est descendu le soir.

Le mardi 30 mars, vers 9 heures ½ matin 250 grévistes se réunissent sur la place Communale pour se rendre chez Mr le Gouverneur de la province.  Le reste de la journée s’est passé sans incident
1er avril.  La grève commence à diminuer.  Ainsi, à la houillère de Bonne Espérance il y a eu 15 ouvriers le matin et 17 le soir ; à Gérard Cloes personne le matin, 6 le soir, à la Petite Bacnure personne le matin et 3 le soir, à Bonne Foi Hareng 23 le matin et 3 seulement le soir.  Des grévistes mécontents de voir le travail reprendre partout s’étaient portés au nombre de 100 environ vers 4 heures de relevée au charbonnage de Hareng où ils se mirent à invectiver les ouvriers paisibles qu’ils intimidaient par cris, gestes et menaces.  On dût requérir un peloton d’infanterie pour disperser le rassemblement, de nouveau la police fut en butte aux injures et aux actes de rébellion des grévistes ; elle dût opérer trois arrestations parmi les principaux meneurs, après des sommations faites sans résultat le peloton d’infanterie dût disperser les groupes par la force.

Vendredi 2 avril, calme un bon tiers des ouvriers reprend le travail, dans les 4 houillères où il avait cessé (217 sur 600).  Nous considérons la grève terminée. Le mardi 6 avril, la grève est entièrement terminée et les troupes se retirent.

Je tiens à faire remarquer que pendant toute cette période aucune atteinte n’a été portée aux propriétés.  A part quelques horions donnés aux agents de l’autorité, personne n’a été blessé, pas une goutte de sang n’a été versée ; sur les 12 arrestations faite, une seule a été suivie d’acquittement pour défaut de discercement, enfin sur les 11 condamnés, il y en a 7 étrangers à la commune.

Herstal, le 15 avril 1886.   Le Bourgmestre H. Grégoire.

Sources

Texte reproduit par P. Rambeaux dans le n° 24-25 de juin-aout 1985 du périodique mensuel Musée Herstalien.
http://www.unionisme.be/VAN_KALKEN_Les_emeutes_de_1886.htm

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