jeudi 9 avril 2020

Liège : les projets tortue du Palais des Congrès!


En 1958, Liège reçoit un Palais des Congrès en compensation pour l’exposition Universelle de Bruxelles. Et à côté de ce Palais, la ville construit un hôtel, pour accueillir des congressistes. Aujourd’hui l’hôtel connaît un nouveau départ, sous la houlette de la chaîne hôtelière Van der Valk. Les dix dernières années de l’Hôtel Holiday Inn ont été pénibles. Mais on n’a pas de solution pour la Palais des Congrès. Je n’ai pas l’impression qu’il y a eu beaucoup de congrès. Si l’intérieur du Palais est encore potable, ses abords sont dans un état lamentable. Cet état d’abandon est encore renforcé par le déménagement de la RTBF vers la Médiacité.
Van der Valk acceptera-t-il de vivre dans un contexte si dégradée ? Quel avenir pour ce Palais des Congrès ?  Des multinationales comme Easyfair se positionnent sur un marché lucratif pour eux, mais pas nécessairement pour les pouvoirs publics qui ont construits ces bâtiments mais qui sont à court de projets.

Le palais des Congrès : un beau projet architectural

Couverture 1934, n° 12.© pierrehebbelinck.net
Le palais des Congrès est une compensation de l’Etat Belge pour l'Expo 58 de Bruxelles. La Sonuma a dégoté les images d’une émission de 1957 «Miroir de Wallonie » consacrée à la construction du Palais des Congrès, de 1956 à 1958. Il est l'œuvre du grouped'architectes l'Équerre, auteur aussi du palais des sports de Coronmeuse et du lycée de Waha.
La verrière épousant parfaitement la légère courbe de la Meuse donne à la grande salle des pas perdus une luminosité extraordinaire.
Les architectes ont intégré l’art public dans leur projet, avec intégrée dans l'épaisseur de la façade d’entrée le sigle abstrait conçu par Freddy Wybaux, et la composition en carreaux de céramique de son épouse Éva Herbiet. Plusieurs autres artistes ont participé à la décoration : Robert Crommelynck avec Le Printemps, L'Éte, L'Automne et L'Hiver.
Pax, une fresque Ode à la paix de 25 mètres par 5 de Léopold Survage orne la salle des fêtes 
La frise en pierre de Chauvigny, taille directe, a été baptisé La Rencontre: le Palais des Congrès est un lieu derencontre, d’échanges. Le bas-relief incarne cet idéal, avec en bas à droite, en plus faible
relief, la silhouette d’un homme sans visage : celui qui n’est pas encore là, l’homme à venir, l’homme de l’avenir… Ce bas-relief est de la main d’Idel Ianchelevici qui a aussi fait en 1939, pour l'Exposition Internationale de l'Eau, Le Plongeur et son arc (Venet, que a ses arcs à la pointe de la Boverie n’a pas inventé l’arc). En 1939 l’oeuvre en terre et plâtre est démoli, mais la Ville en fait réaliser un moulage en ciment, moins fragile que l’original. après la guerre on envisage de réinstaller l’œuvre au bout du parc de la Boverie, près de l’Union nautique. Le Plongeur est resté à La Boverie, mais dans les réserves du Musée des Beaux-Arts. Au début des années 90, le musée était en piteux état et a été fermé au public. Quand on a voulu installer la réplique en 2000 au port des
yachts, on n’a pas retrouvé directement le Plongeur.  La réplique est en polyester creux sur une armature métallique, réalisée par le sculpteur Victor Paquot.
Et on ne saurait oublier, à l’extérieur, l’œuvre de l’artiste franco-hongrois Nicolas Schöffer, le père de l’art cybernétique : une sculpture abstraite de 52 mètres de hautLa Tour réagit, grâce à des capteurs, à différents stimuli (température, vent, bruits de la ville, etc.) et déclenche, via des algorithmes cybernétiques, trois types d’action : mouvements (pales réfléchissantes), sons (diffusion aléatoire de bruits naturels retravaillés et de sons électroniques) et lumières (lumière naturelle réfléchie par les pales le jour, lumière artificielle colorée la nuit). L’artiste a tout prévu : un «moteur d’indifférence» intervient aléatoirement pour briser toute monotonie.
La tour est tombée assez vite en panne. Mais, contraste flagrant avec le délabrement du palais, pendant toutes ces années des gens ont œuvré pour la restaurer. En 1997, ils obtiennent le classement de ‘la tour cybernétique et les composantes matérielles ayant permis la réalisation du programme aléatoire et le spectacle luminodynamique « Formes et Lumières »,  l’ensemble des éléments techniques permettant le fonctionnement de la tour et l’animation de la façade du Palais des Congrès’. Je suppose que le classement a facilité la restauration.
Le bureau d’architectes Philippe Greisch a supervisé la restauration, avec des nouveaux panneaux mobiles en inox, nouvel éclairage LED, etc. Il a failli de peu pour qu’une Tour similaire de 360 mètres voit le jour au quartier de la Défense à Paris; ce projet fut abandonné après la mort de son sponsor Pompidou.

Beaucoup de Congrès ?

le congrès wallon de 1945
Le Palais a été construit à l’emplacement exact de la salle du jardin d’acclimatation où eut lieu le premier Congrèsnational wallon, en 1945, avec plus de mille cinq cents participants. Lors d’un premier tour de vote il y a une majorité relative (46 %)  pour la réunion à la France. Fernand Dehousse rattrape la sauce en plaidant pour une autonomie dans un cadre confédéral.
Le neuvième Congrès national wallon est organisé en 1959 dans le nouveau palais des Congrès. Cette session sera la dernière.  Il y a encore en 1961 une journée d’étude au Palais entre fédéralistes wallons et flamands sous la présidence de Jean Pirotte (Wallonie libre) et de Paul Daels (Vlaamse Volksbeweging), En 1976 il y a l’Assemblée commune de Rénovation wallonne, de Wallonie libre et du Mouvement populaire wallon, sous la présidence du patron des Métallos FGTB de Liège, Robert Gillon, dirigeant du MPW. Ils s’accordent sur le fédéralisme et les réformes de structures.
Si le rattachisme est aujourd’hui réduit à sa plus simple expression, les «Amitiés Françaises de Liège» fêtent chaque année, depuis 75 ans, le plus grand feu d’artifice en dehors du pentagone le 14 juillet, devant le Palais des Congrès.

Une intercommunale, à deux, pour le Palais

Le Palais des Congrès,
façade vers le parc de la Boverie
photo le chainon manquant
Je n’ai pas fait une recherche sur le nombre de Congrès qui y ont été organisés, mais je n’ai pas l’impression qu’il y en a eu beaucoup. En tout cas pas assez pour l’entretenir sérieusement.
Je n’ai pas non plus réussi à savoir comment Liège a réussi à faire payer une autre commune pour contribuer au financement de ce Palais et son hôtel.  Toujours est-il qu’en 1997 Liège et Chaudfontaine créent l'Intercommunale de gestion immobilière liégeoise (Igil). Il faut être deux pour danser un tango et il faut minimum deux communes pour créer une intercommunale (selon ‘Droit administratif Tome 2: Les entreprises publiques locales en Région Wallonne’ )
L’IGIL s’implique dans la promotion du tourisme d’affaires via l’asbl Liège Congrès, « non pris en charge par les pouvoirs publics ». La Province est impliquée aussi, mais je n’ai pas réussi à savoir comment.  A côté de la contribution de Chaudfontaine on arrive encore à débusquer en 1999 6 millions d'euros et en 2004 4 millions d'euros d’argent européen pour une rénovation du palais.
Une intercommunale n’est pas un modèle de transparence, et je suppose que les comptes du Palais des Congrès n’étaient pas très beaux à voir et qu’une certaine opacité arrangeait les décideurs.
Et pour brouiller un peu plus les pistes l’exploitation du Palais et des halles des Foires de Coronmeuse est confiée en 2012 à la Fil (Foire Internationale de Liège) qui devient "Liège Expo" (dans le cadre du projet avorté d’une exposition universelle). L'Igil s’occupe de l'immobilier.
A la tête de l’Igil nous retrouvons  Stéphane Moreau. La directrice est Yolande Lambrix, l'épouse du président du CPAS de Liège Claude Emonts.
Moreau essaie encore d’inscrire 50 millions d'euros d'investissements dans la nouvelle programmation européenne Feder. Il y a évidemment la rénovation de plusieurs parties du palais, mais aussi celle du parking attenant (pour deux millions d'euros) ainsi que des anciens locaux de la RTBF. Ca vaudrait la peine d’analyser les raisons de ce refus.

Les anciens locaux de la RTBF : un chancre

Les locaux de la RTBF, vides de tout occupant, sont un chancre créé de toutes pièces. On a encore payé – pour la forme ?- une étude pour la rénovation. Il y aurait trop de murs aveugles à percer pour faire des bureaux, trop d'espaces à créer etc. Et puis, il y a les caves qui abritaient les studios TV. Toutes ces objections me semblent un peu légères pour une architecture fonctionnaliste conçue à partir de plateaux.
Finalement la RTBF s’installe en 2011 dans la ‘Médiacité’, un soutien public pour le promoteur immobilier Wilhelm&Co. C’est dans une même logique d’ailleurs qu’on y a transféré la Patinoire du Palais des Fêtes de l’expo de 1939. En 2012 un autre locataire, la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), part vers Liège Airport.
On fait miroiter l’installation du siège de l'ASBL Liège Europe Métropole, selon le patron de l'Igil. Mais pour des raisons tout aussi opaques cette asbl s’est installé dans les locaux du Royal Sport Nautique de la Meuse (RSNM), le plus vieux club d’aviron en Belgique (fondé en 1860 ; le bâtiment en style moderniste date de 1930).  La Ville avait «oublié de reconduire le bail emphytéotique ». Selon le président du RSNM, le club avait «386 membres. La Ville nous a proposé d’aller à l’Ile Monsin dans l’ancien centre ADEPS mais il nous demande une location de 1500€ pour les six mois de travaux (sécurité, incendie, nouvelles douches, ...) dans nos locaux à la Boverie». (Sud Presse 16 oct. 2019).  En 2017 la « Maison des Consulats » s’installe dans ce bel ensemble Art Déco et s’engage à réaliser des travaux de rénovation pour 2 millions d’euros (La Meuse 24 nov. 2017).
Bref, cette partie du bâtiment est à l’abandon. Il est vital de lui trouver une nouvelle destination. Je n’ose m’imaginer le Palais de Congrès avec cette partie murée… Vous me répondrez peut-être que ça ne dénoterait pas avec les quechuas installés parfois devant le Palais et de manière plus ou moins permanente en dessous de la rotonde piétonnière en bas du pont.
Question de nourrir un peu la recherche d’alternatives, voici une petite idée "publique" que me suggère un ami. Ce n'est qu'une piste...
Il existe en Belgique deux centres consacrés au modernisme et au design, le Design Museum de Gand mettant en valeur les "savoir-faire" historiques et actuels et le Mac's au Grand Hornu centré sur la création contemporaine. Pourquoi pas créer, dans le berceau de l'expo de 1905, au sein d'un bâtiment emblématique de la création d'après guerre, un "musée des arts décoratifs" comme on disait autrefois? De Serrurier-Bovy aux réalisations architecturales liégeoises remarquables (L'Equerre, EGAU) en passant par l'art verrier et céramiste, il s'agirait d'un lieu de mémoire et de prospective, lieu d'expo et d'animation, notamment en direction des élèves de nos écoles. Il serait couplé avec, sur l'autre rive rue Paradis, la Design Station consacrée aux artistes/artisans actuels. Sans oublier un lien possible avec nos voisins maastrichtois qui ont connu l'art de la céramique (grâce à des Liégeois) et une production remarquable de meubles design: Artifort.

Les déboires de l’hôtel Holiday Inn

En 1971, l’hôtel fut construit sur un terrain de la ville de Liège et la société gérant l’Holiday Inn pouvait, moyennant un certain loyer, gérer de manière exclusive le site. Cette location est gérée d’abord par une Régie communale et ensuite par l’Igil. En 1998 cette ASBL mène une action judiciaire – avec un soutien timide de la Ville – contre la société Alliance .Je ne sais pas comment et quand l’hôtel est venu dans les mains du groupe Alliance, ni pourquoi les relations se sont envenimés au point où en 2002, la Ville de Liège refuse de renouveler le bail emphytéotique. Alliance continue à assurer la gestion quotidienne de l'hôtel, sans bail commercial, pour une durée non définie contractuellement. «La Ville refuse de toucher au loyer qui est versé sur un compte en attente”, explique Yves Demeuse de la FGTB. "Si la ville acceptait le loyer, c'est comme si elle acceptait le processus de bail.” C’est un peu comme Cuba qui refuse de toucher au loyer de Guantanamo. Sauf que le loyer américain est ridicule.
L'Echo, 30 Mai 2012
Tandis que l’ardoise d’Alliance Hospitality vis-à-vis de l'IGIL est estimé part le même Igil à 5 millions d'euros, représentant des arriérés de loyers (depuis 2005) et d'indemnités pour l'occupation d'immeuble sans titre, ni droit sur plusieurs années. Alliance reconnaît le litige, mais juge trop élevé le montant exigé par l'IGIL. Et "on veut aussi investir dans la rénovation de l'hôtel, mais avec les propriétaires ", déclare le directeur de l’époque Maras Ligil. Je comprends qu’il veut négocier avec la Ville, mais pas avec l’Igil qui n’est pas propriétaire du bâtiment.

Une procédure de mise en concurrence négociée

Une moquette défraîchie, un air conditionné mal en point voire inexistant en certains endroits de l’hôtel et un étage inaccessible, en 2011 les travailleurs dénoncent ces conditions de travail.
L'hôtel s'est dégradé au fil des ans, mais il faudra attendre la fin d'un interminable feuilleton devant la justice avant que l’IGIL puisse partir à la recherche d'un investisseur via une procédure de mise en concurrence négociée. Début 2013 il reste trois candidats : le groupe Vandervalk, la multinationale Accor (un demi million de chambres), et, enfin, assez étrangement, le groupe Alliance, qui a repris entre-temps l'hôtel Mercure (dans l’ancienne Linière de John Cockerill, à Saint Léonard).  Alliance continue d’ailleurs à proposer des chambres en 2020. Regardez les évaluations pour cet hôtel qui n’existe plus : on ne sait pas s’il faut rire ou pleurer !
Finalement, cette procédure européenne d’appel d’offres prendra deux ans. Préalablement, il a fallu passer devant le Conseil communal de la Ville où la procédure judiciaire en cours empêchait un accord. Il a fallu attendre l’arrêt de la cour d’appel (favorable à la Ville). Entre-temps Accor s’était désisté. Le groupe Alliance assure que  la décision récente de la cour d’appel ne remet aucunement en question la participation à l’appel d’offres. Mais Alliance part évidemment avec un handicap insurmontable (LLB 15/1/2014).

Van der Valk : une entreprise très familiale.

A mon grand étonnement, le groupe Van der Valk est une entreprise familiale. On en est à la quatrième génération. Le fondateur Martinus van der Valk a voulu donner un hôtel a chacun de ses onze enfants. Il y a réussi. En 1994 suite à une enquête poussée du fisc le groupe se réorganise en neuf holdings, que la famille appelle ses ‘staken’; elle a anticipé le mot à la mode ‘stake-holders’! Une fois par an la famille réunit ses franchisés, présidé par le conseil détenteur de la licence. Pour utiliser le totem du toucan, le franchisé doit être un descendant direct du fondateur, ou avoir marié un.e  van der Valk. Marco Wohrmann qui est à la manœuvre à Liège  est par exemple un des quatre fils d’un Van der Valk qui avait lancé l’hôtel Nivelles-Sud.
La quatrième génération cible des hôtels dans les centres-villes européens, ainsi que des  casinos. Il y a les 200 arrière-petits enfants. Avec 100 hôtels on peut dire que la moitié de la quatrième génération a son hôtel. Pour la cinquième génération, enfant aujourd‘hui, il en faudrait 400.
C’est ce groupe un peu atypique qui remporte la mise, en 2016. Stéphane Moreau  annonce fièrement qu’après «10 ans de conflit juridique avec le groupe Alliance, nous allons enfin retrouver des recettes locatives, cet hôtel qui est un outil essentiel au développement du Palais des Congrès voisin. »
Moreau n’est plus aux commandes. On ne saurait donc pas lui demander où iront ces recettes locatives, puisque c’est l'intercommunale Ecetia Finances qui finance via un leasing immobilier. Van der Valk annonce 17 millions pour la rénovation (en fait le bâtiment sera complètement désossé et la facture finale monte à 22 millions). Le nouvel hôtel 4 étoiles de 219 chambres sera le plus grand de la province de Liège, voire même de Wallonie. « Au rez-de-chaussée, il n’y aura plus de piscine. Cet étage sera dédié à l’accueil, avec une brasserie et un restaurant. Au premier étage, on trouvera une grande salle des fêtes et trois plus petites salles de banquets. Au deuxième étage, la moitié du niveau sera consacrée à un espace Kinéo, avec sauna, hammam, piscine… L’autre moitié de l’étage sera consacrée au logement. Enfin, au 10ième étage, nous installerons un skybar face à la Meuse ».
Fin 2019 Van der Valk reprend aussi l'hôtel des Comtes de Méan, alias Sélys. C'est encore Ecetia qui mettra à disposition le bâtiment via un leasing immobilier. Marco Wohrmann, le directeur général de la chaîne au toucan pour les implantations liégeoises, explique qu’Ecetia Finances a acquis le bâtiment et un droit de superficie de 20 ans sur le terrain, avant de le confier en leasing immobilier à la SRL Hôtel Sélys Liège pour 16 ans au moins, avec possibilité de rachat anticipé ou à terme. Le Tribunal de l’Entreprise de Liège a demandé que le montant de la transaction ne soit pas divulgué. « Il y a deux branches dans l’intercommunale », rappelle Bertrand Demonceau (MR), le directeur général d’Ecetia. « Il y a Ecetia qui assure le financement immobilier des pouvoirs locaux, et Ecetia Finances qui assure le financement d’opérations privées. Aucun argent public n’est utilisé dans ce partenariat avec Van der Valk.

Rénovation du  parking

Si la rénovation de l’hôtel est impeccable, il y a le parking devant l’hôtel qui est dans un triste état. En 2018, alors qu’on sait depuis quatre ans que Van der Valk va reprendre hôtel, l’Igil dépose à peine le permis de bâtir pour rénover son parking. Gilles Foret et Pierre Gilissen (MR) jugent que c’est insuffisant : « le parking de 200 places est dans un état déplorable. Le rénover, c’est bien, mais  il faut plus de places de stationnement. Ce parking est nécessaire pour le Palais des Congrès, mais il pourra également être utilisé pour le pôle culture de Bavière, quand il y a la foire, pour les riverains, et même pour les navetteurs, en tant que parking de persuasion à une entrée de ville. »  L’idée n’est pas d’encourager le recours à la voiture, se défendent les élus MR, mais bien d’encadrer au mieux ces véhicules : « Si tout est réorganisé correctement, on peut espérer que de nombreuses voitures ne rentreront justement plus dans la ville. Et un parking souterrain permettrait en outre de libérer l’esplanade actuelle, qui pourrait ainsi être rendue aux Liégeois, en devenant un espace vert. Avec des bancs, des parkings vélos, un accès vers le RAVeL… »
Un projet qui risque toutefois d’être beaucoup plus onéreux que la seule rénovation du parking existant. Mais surtout un beau prétexte pour un partenariat avec le privé : « Il faut accepter que le parking soit payant. Dans tous les palais des congrès, les parkings sont payants. Maintenant, on peut envisager d’autres formules, notamment pour les riverains. Il faut trouver un exploitant qui soit d’accord de creuser tout en laissant l’esplanade dégagée. La décision, il faut la prendre demain, au lendemain des élections communales », termine Gilles Foret.
Début 2020, toujours rien. Et  il n’y a pas que le parking qui doit être rénové. Les façades et les abords donnent également une image de quasi abandon. Ce qui n’empêche pas Roland Léonard, l’échevin des travaux, de rajouter encore une couche : « D’ici la fin de l’année, nous allons aménager une piste cyclo-pédestre le long de la rue du Parc, reliant le pont Albert à l’entrée de la Boverie afin de réaliser une nouvelle boucle de Ravel ».
Un nouveau Ravel, un espace vert au-dessus d’un parking rénové : des arguments creux qui servent à masquer une privatisation de ce parking probablement montée de connivence avec Van der Valk ?

Les centres de congrès trop nombreux ?

Il y a plusieurs hôtels Van der Valk accolés à un palais de congrès. Pour eux, c’est une opportunité, dans leur modèle économique basé sur l’organisation d’évènements. Mais ça ne garantit nullement un avenir pour les Palais mêmes. D’ailleurs, Van der Valk n’investit pas directement dans les palais de Congrès. Le groupe travaille avec Artexis Easyfairs, une multinationale organisatrice d’évènements.
Le modèle économique d’Easyfairs est basé sur couplage hôtel-centre de congrès, mais sans nécessairement en être le propriétaire ou concessionnaire. À Mons par exemple, l’ancien Mons Incentive Congress Xperience, le MICX devenu WCCM (Wallonia Congress center Mons), conçu par l’architecte américain Daniel Libeskind et inauguré en janvier 2015, avait d’abord été repris par Artexis Easyfairs. Mais il a connu une baisse de fréquentation importante en 2017 et généré près de 200.000 euros de pertes dans les deux premières années de son exploitation. L’hôtel Van der Valk  est juste à côté. Easyfairs a mis fin à sa concession, ainsi qu’au palais des congrès de Namur (l’ancienne bourse du Commerce), dont la Ville a récupéré la gestion en 2018. Easyfairs reste concessionnaire de Namur Expo, une infrastructure polyvalente de 11.000 mètres carrés. Mais pour combien de temps, et sous quelles conditions ?
Liège, Namur, Mons, Louvain-la-Neuve, Libramont… et bientôt Charleroi, les centres de congrès sont trop nombreux alors que le marché des meetings est à la traîne. L’Aula Magna de Louvain-la-Neuve est une grosse machine avec 14.000 mètres carrés de superficie, 8 salles d’une capacité de 36 à 1.200 places et deux espaces d’exposition. Cette aula a été complétée récemment par l’inauguration de la Sucrerie de Wavre. La chambre de commerce et d’industrie de Wallonie picarde pilote l’EWP, avec son petit auditorium et ses salles modulables. Tournai Expo offre 10.000 mètres carrés aux foires et salons, et à La Louvière, le Louvexpo un peu moins de la moitié, divisible en cinq espaces. Il y a encore Wallonie Expo (WEX) de Marche-en-Famenne avec ses six palais dont les superficies varient de 3.100 à 3.500 mètres carrés et let Libramont Exhibition & Congress avec ses quatre halls d’exposition, son auditoire de 400 places et ses salles de conférences. Charleroi construit un nouveau palais des congrès à côté du palais des expos entièrement rénové et le palais des beaux-arts
La Ministre wallonne en charge du Tourisme, Valérie De Bue (MR) parle d’une offre suffisante. Ne devrait-elle pas plutôt parler de surcapacité, une aubaine pour les organisateurs d’évènement d’entreprises (BtoB) ? En plus, selon la direction générale statistique et information économique (DGSIE), la progression des nuitées liées aux activités de meeting et de congrès sera lente. Entre 2013 et 2018, l’augmentation n’est que de 10 %, de 546.000 à 601.000 unités. Pendant que les nuitées d’affaires connaissaient une hausse de 35 % dans les autres segments.
Dans une étude du secteur Mice (Meetings, Incentives, Conferencing, Exhibitions) réalisée en 2014 par le cabinet Second Axe pour le compte du Commissariat général au tourisme wallon, le marché des congrès est peu porteur à cause «d’une offre surabondante d’infrastructures publiques et un manque d’attractivité du territoire pour l’accueil de grandes manifestations internationales et salons B to B, combinée à une jauge hôtelière trop basse ».

Qui est Easyfairs ?

L’organisateur de salons et gestionnaire de halls d’exposition Easyfairs a étédésigné  Entreprise de l’Année 2018 par EY, L'Echo et BNP Paribas Fortis. Cette multinationale des foires et salons a cinq clusters: Benelux, Nordic (Zweden, Noorwegen, Finland en Denemarken), DACH (Duitsland, Oostenrijk en Zwitserland), UK & Global (USA, Midden-Oosten en Azië) et Spain. Créée en 1997 sous la bannière Artexis, elle a racheté de nombreux salons B2C et B2B en Belgique et acquis ou géré des halls d’exposition.  C’est ainsi qu’elle avait repris Antwerp Expo en 2002 et Namur Expo en 2003. En 2004 elle lance le concept Easyfairs, le "Ryanair des salons", une formule low cost avec une centaine de salons B2B aux quatre coins de l’Europe. Easyfairs vise a susciter une expérience WOW, et ainsi augmenter le ‘dwelling’ des visiteurs avec un bon réseau wifi, un sanitaire impeccable, des parkings confortables et un bon catering.
Artexis et Easyfairs fusionnent en 2013 sous le nom Easyfairs, un changement de nom qui traduit un positionnement davantage centré sur l’organisation de salons (80% de son chiffre d’affaires) que dans la gestion de halls d’exposition (20%). " Le hall est devenu un moyen de développer des salons, pas un objectif", explique son CEO Eric Everard.
En  2014 est crée une joint venture Artexis-SMG. SMG est le leader mondial dans la gestion de centres d’évènements et a un portfolio de 74 halles d’exposition et centres de congrès.
Easyfairs a réalisé 159 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018, tout près de son record de 2017. Son excédent brut d'exploitation pointe à 28 millions d'euros. Sur les dix dernières années, le groupe qui lance entre 20 et 30 nouveaux salons par an et emploie 700 personnes dont 200 en Belgique, a multiplié son volume d'affaires par deux et demi et sa rentabilité opérationnelle par dix.
En 2018 Eric Everard, qui détient 90% des parts (le solde est aux mains du management) ne se disait pas opposé à ouvrir son capital au cas où une possibilité d’acquisition stratégique dépassant sa capacité d’endettement devait se présenter.

Un autre projet pour la Palais des Congrès ?

Voilà un peu la situation actuelle du palais des Congrès. Un beau projet architectural, un peu démesuré par rapport aux besoins de l’époque en salles de congrès, avec son auditoire de mille places et ses vingt salles modulables dans un complexe de 15.000 mètres carré. Par contre, Liège est sous-équipé en infrastructures abordables pour lemonde associatif, mais un gestionnaire absent et opaque n’a jamais pu développer cette autre piste. Pour l’hôtel on peut espérer qu’un nouveau départ est plus ou moins assuré. Pour le palais des congrès par contre, le défi reste entier.  Et le danger est grand qu’on reste braqué sur un modèle basé sur des partenariats avec le privé, dans un contexte de surcapacités de Palais de Congrès, et une concurrence entre villes pour rentabiliser un tant soit peu ces infrastructures chères.

sources

 La Libre Belgique  30 jan. 2015 ; La Dernière Heure  26 sep. 2013 et 20 septembre 2011 ; Sud Presse 5 mar. 2016 ; 15 sep. 2018 ; 11 oct. 2018 ; Le Soir 28 sep. 2019 et 10 fév. 2020 ; l’Echo 16 octobre 2018 ; 8 juin et 28 septembre 2019 



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