La tour des Vieux Joncs
Sur les flancs de la vallée, le long d’une des plus belles promenades de Liège, « le sentier des coteaux », se trouve une petite tour, les Vieux Joncs. Vieux Joncs = Alden Biesen. Y aurait-il un rapport avec la commanderie d’Alden Biesen au Limbourg?
Oh si, et beaucoup plus qu’on ne le croirait. Cette tour est un vestige d’une des multiples propriétés de L’Ordre Teutonique dans la ville.
Une gravure du XVIII° siècle nous donne un aperçu de l’ampleur de la commanderie des chevaliers teutoniques à Liège.
Pour commencer, nous avons les bâtiments n° 66 rue du palais, où loge aujourd’hui le tribunal de première instance. Ce bâtiment a été propriété de l’Ordre jusqu’en 1625, année où il est échangé avec les frères mineurs. Cette commanderie avait de magnifiques jardins en terrasse, dont la tour des Vieux Joncs est un vestige.
Mais ce n’est pas tout. L’église de Saint André, place du marché, avec sa coupole, était une de leurs églises paroissiales. La paroisse de Saint-André était une des plus grande de la ville et comptait au 17° siècle 2.250 croyants dans 22 rues. Le curé était en même temps officiellement aumônier de ces soldats en habit. Beaucoup plus petite était la paroisse de St. Gangulphe, avec à peine 100 âmes et un diacre.
A côté de cette « chaumière » rue du Palais et de la paroisse de saint André ces gens là géraient encore un béguinage en Hors-Chateau, un hospice et quelques chapelles. Ils ont été propriétaire aussi un certain moment de l’actuel palais épiscopal.
Mais ce n’est pas tout. L’église de Saint André, place du marché, avec sa coupole, était une de leurs églises paroissiales. La paroisse de Saint-André était une des plus grande de la ville et comptait au 17° siècle 2.250 croyants dans 22 rues. Le curé était en même temps officiellement aumônier de ces soldats en habit. Beaucoup plus petite était la paroisse de St. Gangulphe, avec à peine 100 âmes et un diacre.
A côté de cette « chaumière » rue du Palais et de la paroisse de saint André ces gens là géraient encore un béguinage en Hors-Chateau, un hospice et quelques chapelles. Ils ont été propriétaire aussi un certain moment de l’actuel palais épiscopal.
Cette Commanderie de Saint-André de l'Ordre Teutonique dépendait de la Grande Commanderie d’Alden Biesen (Limbourg) et rapportait annuellement 1.000 florins à l’Ordre. Ces moines-chevaliers ont atterri à Liège en 1254, et trente ans à peine après la fondation d’Alden Biesen, et cinquante ans après Bulle du Pape Innocentius III (1202) qui est à la base des FRATRES MILICIAE CHRISTI.
Quelques km plus loin cet ordre monastique possédait la COMMANDERIE de Fourons Saint Pierre. Daniel de Fourons, chevalier et seigneur de cette place, offre ce château à la commanderie d’Alden Biesen lors de son adhésion à l’Ordre Teutonique. Le seigneur de Sint Pietersvoeren était statutairement commandeur d’Alden Biesen. Cette seigneurie était une féodalité directe de l'empire germanique. Le château que nous admirons aujourd’hui est l’oeuvre du commandeur Guillaume Quadt op de Beek et son successeur baron Ferdinand de Rolshausen, au début du 17° siècle. Ce qui montre la dynamique de l’ordre, à l’aube de la révolution française (et Liégeoise) qui en sonnera le glas!
A la même époque l’archi commanderie d’Alden Biesen aussi était en grande forme. En témoigne la splendeur de la chapelle du château qui date de 1638.
Les moines Teutoniques ont marqué l’histoire de la principauté
C’est ainsi que le prince évêque Ludwig-Anton von Pfalz-Neubourg, ou, en Français, Louis Antoine de Palatinat de Neubourg (1660-1694), était grand maître de l’ordre Teutonique de 1684 à 1694. Ce sieur était aussi prince évêque de Worms, et, excusez du peu, aussi Duc de Bavière et comte de Neubourg. C’est ce Louis Antoine qui a fait construire le fort de Pierreuse, qui évolue plus tard en citadelle. Les liégeois ont vu cette forteresse, à juste titre, comme une menace et non pas comme une protection.
Malgré cette présence imposante le seul vestige qui attire l’attention du touriste innocent est cette petite Tour des Vieux Joncs. Une explication partielle pour cela est que le domaine de l’Ordre Teutonique à Liège a été exproprié et vendu avec la révolution française. Le curateur a été Leonard Defrance; le même qui s’est occupé de la démolition de la cathédrale de Saint Lambert.
Defrance a vendu cette cathédrale et une partie des propriétés des Teutoniques en pièces détachées. Le plomb des toits a fourni les balles qui ont donné la victoire à Napoléon à Austerlitz. Et le bâtiment même a été exploité comme une carrière. Ce Leonard Defrance – pour le reste un peintre intéressant – s’était installé dans un bâtiment de l’Ordre Teutonique en Pierreuse.
Mais même si les Teutons ont été expropriés, des grandes parties de leur domaine existent encore physiquement. Si on ne les met pas plus en valeur touristiquement, il y a à cela deux raisons.
Pourquoi cacher cette présence teutonique à Liège ?
Premièrement, des professeurs comme Pirenne et Kurth qui ont écrit (réécrit) l’histoire de la Belgique en 1830, ont camouflé tout ce qui ne les arrangeait pas. Les Teutons faisaient sûrement partie de ces pages « omises ».
Premièrement, cet Ordre Allemand n’est pas une des plus belles pages de l’histoire. Et, secundo, ça dérangeait un peu nos historiens que la principauté de Liège a toujours fait partie de l’Empire Germanique, dont ces chevaliers étaient l’émanation.
Cet Ordre Teutonique est une des pages les plus noires de notre histoire. Les ordres militaires sont, exactement comme les cisterciens, un enfant du Saint Bernard de Clervaux. Les Miles Christi – soldats du Christ- étaient un pan essentiel de son projet de resourcement de la vie monacale. Les plus connus de ces ordres monastiques sont les templiers et les hospitaliers. Mais à côté de ces deux-là il y avait tout un paquet de ces ordres de moines militaires, dont celle des chevaliers Teutoniques, en allemand Deutscher Ritterorden ou Deutschritter-Orden. Ou encore Haus der Ritter des Hospitals Sankt Marien der Deutschen zu Jerusalem. Ce qui est d’ailleurs encore le nom aujourd’hui de l’Ordre. Un Opus Dei avant la lettre.
Ces moines faisaient exactement les mêmes voeux qu’un moine contemplatif. Officiellement ils pouvaient manger un peu plus copieusement lorsqu’ils étaient en campagne militaire. Mais les Cisterciens contemplatifs aussi avaient leurs 200 jours «d’exception» par an où le carême n’était pas obligatoire.
L’ennemi extérieur et intérieur
Officiellement ces ordres ont été fondés pour protéger l’accès aux lieux saints, en Palestine.
L’ennemi extérieur était l’Arabe. Mais seulement une toute petite partie des croisades ont été menées pour Jérusalem. Cet «ennemi extérieur» a été un bon prétexte pour une expansion territoriale. Vasco Da Gama a fait son Oradour sur le côté Est de l’Afrique. En 1502 il y a tué tous les occupants d’un navire qui était de retour de la Mecque. Les ordres chevaliers espagnols ont été à la base de la Reconquista. Et nos chevaliers Teutons ont surtout été actifs au nord, contre les Prusses, les Lituaniens, les Russes (Eisenstein a filmé, dans son Alexander Nevski, la défait des Chevaliers Teutons dans une bataille sur le lac Peipus gelé). Nos moines ont été à la base d’un des premiers génocides contre les Prusses. Ce que nous avons connu sous ce nom sont des gens qui ont usurpé le nom de cette tribu exterminée.
Le concept d’ennemi extérieur a été très élastique. C’est ainsi que la grande Armada espagnole a eu le statut de croisade, contre les hérétiques anglicans. Constantinople l’orthodoxe a été pillé par nos croisés. Ici on ne pouvait même pas invoquer l’hérésie.
Et exactement comme aujourd’hui les croisades étaient dirigées aussi contre l’ennemi intérieur. Nos chouchous de Teutons ont soumis, près de Brème, les Stedingers. Ces paysans défricheurs avaient asséché des polders et refusaient – à juste titre – de payer la dîme à l’évêque de Brème. Celui-ci a demandé de l’aide aux moines Teutons, qui les ont promptement exterminés.
Tout le monde connaît un peu les croisades contre les cathares du Languedoc. L’Ordre Teutonique aussi a gagné ses gallons dans les croisades contre les Hussites, avec l’aide d’ailleurs –si on peut croire Jean de Stavelot – de soldats de notre Principauté. Les Hussites ont résisté pendant des dizaines d’années aux forces établies. Tabor a d’ailleurs été une des premières expériences communistes de l’histoire moderne. Un de leurs dirigeants, Ziska, a appris le métier comme mercenaire, du côté des russes, contre les chevaliers Teutons. Il y avait fait l’expérience personnelle que les Teutons n’étaient pas invincibles. Ce qui l’a bien servi dans la défense de se république communiste contre ces moines en harnais…
Et évidemment, chaque croisade a laissé une trace de sang dans tous les quartiers juifs traversés par ces combattants de Dieu …
Voilà donc le palmarès de ces moines chevaliers Teutons. On comprend qu’un Pirenne a laissé ce sujet dans le flou, même s’il était censé écrire l’histoire objectivement.
Un évêque de Liège au chevet de l’Ordre Teutonique
Une des premières rencontres entre Liège et cet Ordre date des premières années de cette institution. Plusieurs papes se sont disputés violemment avec l’empereur allemand Frédérique II. Ces disputes ont laissé des cicatrices profondes dans l’Ordre Allemand, entre les fidèles au pape et à l’empereur. Innocentius IV (le même qui a écrit la Bulle fondatrice des Teutons) envoie en 1247 en pleine crise de l’Ordre l’évêque Jacques Panthaléon, archidiacre de Liège (qui deviendra le pape Urbain IV) comme légat pour résoudre cette question épineuse. Rappelons que ces moines-chevaliers sont officiellement établis à Liège en 1254.
Comme le nom dit très bien, Liège a été dirigé par un prince qui était évêque en même temps. En principe ce prince était élu par le chapitre de la cathédrale. Mais ça était en théorie. En réalité ce job est devenu très vite héréditaire. Je vous entend déjà demander: ces princes évêques étaient quand même célibataires? Bien sûr, le célibat a été imposé au second concilie de Tours (567aC). Mais on a contourné cet obstacle en créant la fonction de coadjuteur. Le prince évêque pouvait désigner quelqu’un de sa famille comme coadjuteur, pour le remplacer. C’est ainsi que la dynastie de Bavière a été au pouvoir à Liège pendant 136 ans. Ferdinand de Bavière par ex. a été nommé à 11 ans coadjuteur de son oncle, en 1601. Si le prince-évêque avait son mot à dire, le dernier mot était pour l’empereur germanique. La fonction de prince évêque était héréditaire au sein des familles à la tête de cet empire.
Ce célibat posait parfois un « petit » problème. Un prince évêque parachuté par l’empereur (ou fallait-il encore inventer la parachute?) a essayé d’échapper à ce célibat en se faisant appeler prince évêque « élu », mais le peuple de Liège en a promptement profité pour contester le pouvoir de cet “élu”. La révolte des Hedroits a duré de 1402 à 1408. Les Hedroits ont été battus en 1408 à Othée...
L’Ordre Teutonique : fournisseur attitré de cadres pour l’Empire Germanique
Après quelques expériences négatives de ce genre l’empereur a commencé à sélectionner dans l’Ordre Teutonique; tout compte fait, ces moines avaient fait les voeux de moine et avaient – et c’était bien intéressant aussi – une bagage militaire sérieuse comme chevaliers. Avec ces liégeois, on ne sait jamais…
Un bel exemple est Johann von Wallenrode (1370-1419), Archevêque de Riga, dans la période houleuse du Schisme et du Concile de Constance. Au Concile de Constance (1414-1418) notre Johann a été désigné comme geôlier de Jan Hus, ainsi que du pape déchu Jean XXIII (en effet, le compte y est : XXIII ! Pourquoi ce gaillard du vingtième siècle a pris le nom d’un pape déchu?). Notre Johann a participé au choix du pape Martin V en 1417, qui l’a promptement, en accord avec l’empereur qui l’avait mis sur le trône de Pierre, nommé évêque de Liège. Ce von Wallenrode a joué dans la cour des grands : il est d’un niveau mondial!
Deux siècles plus tard nous découvrons Louis Antoine de Palatinat de Neubourg (1660-1694) prince évêque et Grand Maître de l’Ordre Teutonique. Notre grand maître maniait apparemment aussi bien la glaive que la crosse: en septembre 1683, il avait, comme major général dans l’armée du Duc de Lorraine, libéré Vienne des Turcs, et trois ans plus tard Buda (pas Haren Buda naturellement, mais l’autre moitié de Budapest). Il y a une belle histoire attachée à cela: une balle Turque a été arrêté par son croix de Grand Maître et l’a sauvé la vie. Comme nous disions: Gott mit Uns !
La présence de l’empire germanique à Liège
Evidemment, la présence de l’empire germanique ne se manifeste pas seulement par ces chevaliers teutons. Il faut gratter un peu pour retrouver les preuves de cette présence, parce que les historiens de cet état tampon belge créé en 1830 ont tout fait pour prouver une certaine unité belge au cours des siècles. Ces historiens avaient d’autant plus facile que la principauté était à la marge de cet empire qui couvrait d’ailleurs une bonne partie de la Lorraine, l’Italie et de la Sicile (d’où aussi le nom Saint-Empire romain germanique ou encore Saint-Empire romain de la nation germanique - en allemand Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation). Mais le nom Bavière revient un peu partout à Liège. L’hôpital du même nom en était encore un exemple éclatant.
Les régions en marge de cet Empire ont continuellement essayé de jouer sur les contradictions entre les grandes nations(Voltaire fera plaisamment remarquer que cette fédération n'est « ni Saint, ni Romain, ni Empire »). Pour compliquer le tout, ces grandes nations ne se sont pas constituées d’un coup, mais se sont construits au cours des siècles. Jeanne D’Arc est là pour nous rappeler que les rois anglais ont, pendant des siècles, essayé de s’accaparer d’une partie de la France.
Liège, et le peuple en particulier, a essayé à plusieurs reprises, de se ménager une certaine indépendance en jouant la carte française, voir bourguignonne. Avec souvent, comme « récompense », un sac de la ville. Mais à chaque grand conflit (avec le peuple) c’est l’empereur allemand ou autrichien qui a été appelé pour remettre « de l’ordre » (son ordre, évidemment). La fameuse « neutralité » de la principauté liégeoise est une fiction !
Pour http://www.memo.fr/ (le site histoire de Hachette), le Saint Empire romain germanique est plus une notion qu'un espace. Une notion bien réelle pourtant, avec ses tribunaux et son armée. La présence de l’Empire Germanique se manifeste à chaque crise dans la principauté.
Prenons un cas croustillant de l’histoire de la principauté : l’époque de Guillaume DE LA MARCK, seigneur de Lummen, dit le Sanglier des Ardennes. Notre sanglier tue l’évêque Louis de Bourbon et pille les maisons d'un grand nombre de bourgeois. Il fut d’abord excommunié par l'archevêque de Cologne. C’est l’empereur Maximilien qui s'empare par ruse de la personne de Guillaume, en 1484, et le conduit à Maestricht pour l'y faire juger et exécuter.
Un siècle et demi plus tard, en 1647, les Grignoux remportent les élections et interdisent l'entrée à Liège du prince-évêque Ferdinand de Bavière (qui était à Visé accompagné de troupes allemandes). Celui-ci se fait aider par son neveu Maximilien-Henri, et entreprend la reconquête de la Cité. Liège est bombardée et capitule le 29 août. Le 19 septembre, le prince entre dans Liège, accompagné 2000 cavaliers et de 1000 fantassins allemands, et suspend la plupart des droits politiques.
Lors de la révolution liégeoise et française, c’est encore l’empereur autrichien qui vient remettre en selle son prince- évêque. En 1791 la Cité est occupée par les troupes austro-hongroises du maréchal Bender et par les troupes de Mayence et de Munster, sous les ordres du feld-maréchal lieutenant baron de Keuhl. Pas pour longtemps, bien sûr. Même après la défaite de Napoléon les grandes puissances ne restaurent pas la principauté. Le dernier prince évêque de l’histoire, François-Antoine-Marie-Constantin de Méan, termine carrière comme le premier primat de Belgique, le 28 juillet 1817. Il meurt à Malines le 25 janvier 1831.
Cette tour des Vieux Joncs est donc une tour chargée d’histoire, preuve de la présence dans nos murs d’une des plus sanguinaires ordres monastiques de l’histoire. La petite Tour des Vieux Joncs a décidément des fondations profondes!
Quelques km plus loin cet ordre monastique possédait la COMMANDERIE de Fourons Saint Pierre. Daniel de Fourons, chevalier et seigneur de cette place, offre ce château à la commanderie d’Alden Biesen lors de son adhésion à l’Ordre Teutonique. Le seigneur de Sint Pietersvoeren était statutairement commandeur d’Alden Biesen. Cette seigneurie était une féodalité directe de l'empire germanique. Le château que nous admirons aujourd’hui est l’oeuvre du commandeur Guillaume Quadt op de Beek et son successeur baron Ferdinand de Rolshausen, au début du 17° siècle. Ce qui montre la dynamique de l’ordre, à l’aube de la révolution française (et Liégeoise) qui en sonnera le glas!
A la même époque l’archi commanderie d’Alden Biesen aussi était en grande forme. En témoigne la splendeur de la chapelle du château qui date de 1638.
Les moines Teutoniques ont marqué l’histoire de la principauté
C’est ainsi que le prince évêque Ludwig-Anton von Pfalz-Neubourg, ou, en Français, Louis Antoine de Palatinat de Neubourg (1660-1694), était grand maître de l’ordre Teutonique de 1684 à 1694. Ce sieur était aussi prince évêque de Worms, et, excusez du peu, aussi Duc de Bavière et comte de Neubourg. C’est ce Louis Antoine qui a fait construire le fort de Pierreuse, qui évolue plus tard en citadelle. Les liégeois ont vu cette forteresse, à juste titre, comme une menace et non pas comme une protection.
Malgré cette présence imposante le seul vestige qui attire l’attention du touriste innocent est cette petite Tour des Vieux Joncs. Une explication partielle pour cela est que le domaine de l’Ordre Teutonique à Liège a été exproprié et vendu avec la révolution française. Le curateur a été Leonard Defrance; le même qui s’est occupé de la démolition de la cathédrale de Saint Lambert.
Defrance a vendu cette cathédrale et une partie des propriétés des Teutoniques en pièces détachées. Le plomb des toits a fourni les balles qui ont donné la victoire à Napoléon à Austerlitz. Et le bâtiment même a été exploité comme une carrière. Ce Leonard Defrance – pour le reste un peintre intéressant – s’était installé dans un bâtiment de l’Ordre Teutonique en Pierreuse.
Mais même si les Teutons ont été expropriés, des grandes parties de leur domaine existent encore physiquement. Si on ne les met pas plus en valeur touristiquement, il y a à cela deux raisons.
Pourquoi cacher cette présence teutonique à Liège ?
Premièrement, des professeurs comme Pirenne et Kurth qui ont écrit (réécrit) l’histoire de la Belgique en 1830, ont camouflé tout ce qui ne les arrangeait pas. Les Teutons faisaient sûrement partie de ces pages « omises ».
Premièrement, cet Ordre Allemand n’est pas une des plus belles pages de l’histoire. Et, secundo, ça dérangeait un peu nos historiens que la principauté de Liège a toujours fait partie de l’Empire Germanique, dont ces chevaliers étaient l’émanation.
Cet Ordre Teutonique est une des pages les plus noires de notre histoire. Les ordres militaires sont, exactement comme les cisterciens, un enfant du Saint Bernard de Clervaux. Les Miles Christi – soldats du Christ- étaient un pan essentiel de son projet de resourcement de la vie monacale. Les plus connus de ces ordres monastiques sont les templiers et les hospitaliers. Mais à côté de ces deux-là il y avait tout un paquet de ces ordres de moines militaires, dont celle des chevaliers Teutoniques, en allemand Deutscher Ritterorden ou Deutschritter-Orden. Ou encore Haus der Ritter des Hospitals Sankt Marien der Deutschen zu Jerusalem. Ce qui est d’ailleurs encore le nom aujourd’hui de l’Ordre. Un Opus Dei avant la lettre.
Ces moines faisaient exactement les mêmes voeux qu’un moine contemplatif. Officiellement ils pouvaient manger un peu plus copieusement lorsqu’ils étaient en campagne militaire. Mais les Cisterciens contemplatifs aussi avaient leurs 200 jours «d’exception» par an où le carême n’était pas obligatoire.
L’ennemi extérieur et intérieur
Officiellement ces ordres ont été fondés pour protéger l’accès aux lieux saints, en Palestine.
L’ennemi extérieur était l’Arabe. Mais seulement une toute petite partie des croisades ont été menées pour Jérusalem. Cet «ennemi extérieur» a été un bon prétexte pour une expansion territoriale. Vasco Da Gama a fait son Oradour sur le côté Est de l’Afrique. En 1502 il y a tué tous les occupants d’un navire qui était de retour de la Mecque. Les ordres chevaliers espagnols ont été à la base de la Reconquista. Et nos chevaliers Teutons ont surtout été actifs au nord, contre les Prusses, les Lituaniens, les Russes (Eisenstein a filmé, dans son Alexander Nevski, la défait des Chevaliers Teutons dans une bataille sur le lac Peipus gelé). Nos moines ont été à la base d’un des premiers génocides contre les Prusses. Ce que nous avons connu sous ce nom sont des gens qui ont usurpé le nom de cette tribu exterminée.
Le concept d’ennemi extérieur a été très élastique. C’est ainsi que la grande Armada espagnole a eu le statut de croisade, contre les hérétiques anglicans. Constantinople l’orthodoxe a été pillé par nos croisés. Ici on ne pouvait même pas invoquer l’hérésie.
Et exactement comme aujourd’hui les croisades étaient dirigées aussi contre l’ennemi intérieur. Nos chouchous de Teutons ont soumis, près de Brème, les Stedingers. Ces paysans défricheurs avaient asséché des polders et refusaient – à juste titre – de payer la dîme à l’évêque de Brème. Celui-ci a demandé de l’aide aux moines Teutons, qui les ont promptement exterminés.
Tout le monde connaît un peu les croisades contre les cathares du Languedoc. L’Ordre Teutonique aussi a gagné ses gallons dans les croisades contre les Hussites, avec l’aide d’ailleurs –si on peut croire Jean de Stavelot – de soldats de notre Principauté. Les Hussites ont résisté pendant des dizaines d’années aux forces établies. Tabor a d’ailleurs été une des premières expériences communistes de l’histoire moderne. Un de leurs dirigeants, Ziska, a appris le métier comme mercenaire, du côté des russes, contre les chevaliers Teutons. Il y avait fait l’expérience personnelle que les Teutons n’étaient pas invincibles. Ce qui l’a bien servi dans la défense de se république communiste contre ces moines en harnais…
Et évidemment, chaque croisade a laissé une trace de sang dans tous les quartiers juifs traversés par ces combattants de Dieu …
Voilà donc le palmarès de ces moines chevaliers Teutons. On comprend qu’un Pirenne a laissé ce sujet dans le flou, même s’il était censé écrire l’histoire objectivement.
Un évêque de Liège au chevet de l’Ordre Teutonique
Une des premières rencontres entre Liège et cet Ordre date des premières années de cette institution. Plusieurs papes se sont disputés violemment avec l’empereur allemand Frédérique II. Ces disputes ont laissé des cicatrices profondes dans l’Ordre Allemand, entre les fidèles au pape et à l’empereur. Innocentius IV (le même qui a écrit la Bulle fondatrice des Teutons) envoie en 1247 en pleine crise de l’Ordre l’évêque Jacques Panthaléon, archidiacre de Liège (qui deviendra le pape Urbain IV) comme légat pour résoudre cette question épineuse. Rappelons que ces moines-chevaliers sont officiellement établis à Liège en 1254.
Comme le nom dit très bien, Liège a été dirigé par un prince qui était évêque en même temps. En principe ce prince était élu par le chapitre de la cathédrale. Mais ça était en théorie. En réalité ce job est devenu très vite héréditaire. Je vous entend déjà demander: ces princes évêques étaient quand même célibataires? Bien sûr, le célibat a été imposé au second concilie de Tours (567aC). Mais on a contourné cet obstacle en créant la fonction de coadjuteur. Le prince évêque pouvait désigner quelqu’un de sa famille comme coadjuteur, pour le remplacer. C’est ainsi que la dynastie de Bavière a été au pouvoir à Liège pendant 136 ans. Ferdinand de Bavière par ex. a été nommé à 11 ans coadjuteur de son oncle, en 1601. Si le prince-évêque avait son mot à dire, le dernier mot était pour l’empereur germanique. La fonction de prince évêque était héréditaire au sein des familles à la tête de cet empire.
Ce célibat posait parfois un « petit » problème. Un prince évêque parachuté par l’empereur (ou fallait-il encore inventer la parachute?) a essayé d’échapper à ce célibat en se faisant appeler prince évêque « élu », mais le peuple de Liège en a promptement profité pour contester le pouvoir de cet “élu”. La révolte des Hedroits a duré de 1402 à 1408. Les Hedroits ont été battus en 1408 à Othée...
L’Ordre Teutonique : fournisseur attitré de cadres pour l’Empire Germanique
Après quelques expériences négatives de ce genre l’empereur a commencé à sélectionner dans l’Ordre Teutonique; tout compte fait, ces moines avaient fait les voeux de moine et avaient – et c’était bien intéressant aussi – une bagage militaire sérieuse comme chevaliers. Avec ces liégeois, on ne sait jamais…
Un bel exemple est Johann von Wallenrode (1370-1419), Archevêque de Riga, dans la période houleuse du Schisme et du Concile de Constance. Au Concile de Constance (1414-1418) notre Johann a été désigné comme geôlier de Jan Hus, ainsi que du pape déchu Jean XXIII (en effet, le compte y est : XXIII ! Pourquoi ce gaillard du vingtième siècle a pris le nom d’un pape déchu?). Notre Johann a participé au choix du pape Martin V en 1417, qui l’a promptement, en accord avec l’empereur qui l’avait mis sur le trône de Pierre, nommé évêque de Liège. Ce von Wallenrode a joué dans la cour des grands : il est d’un niveau mondial!
Deux siècles plus tard nous découvrons Louis Antoine de Palatinat de Neubourg (1660-1694) prince évêque et Grand Maître de l’Ordre Teutonique. Notre grand maître maniait apparemment aussi bien la glaive que la crosse: en septembre 1683, il avait, comme major général dans l’armée du Duc de Lorraine, libéré Vienne des Turcs, et trois ans plus tard Buda (pas Haren Buda naturellement, mais l’autre moitié de Budapest). Il y a une belle histoire attachée à cela: une balle Turque a été arrêté par son croix de Grand Maître et l’a sauvé la vie. Comme nous disions: Gott mit Uns !
La présence de l’empire germanique à Liège
Evidemment, la présence de l’empire germanique ne se manifeste pas seulement par ces chevaliers teutons. Il faut gratter un peu pour retrouver les preuves de cette présence, parce que les historiens de cet état tampon belge créé en 1830 ont tout fait pour prouver une certaine unité belge au cours des siècles. Ces historiens avaient d’autant plus facile que la principauté était à la marge de cet empire qui couvrait d’ailleurs une bonne partie de la Lorraine, l’Italie et de la Sicile (d’où aussi le nom Saint-Empire romain germanique ou encore Saint-Empire romain de la nation germanique - en allemand Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation). Mais le nom Bavière revient un peu partout à Liège. L’hôpital du même nom en était encore un exemple éclatant.
Les régions en marge de cet Empire ont continuellement essayé de jouer sur les contradictions entre les grandes nations(Voltaire fera plaisamment remarquer que cette fédération n'est « ni Saint, ni Romain, ni Empire »). Pour compliquer le tout, ces grandes nations ne se sont pas constituées d’un coup, mais se sont construits au cours des siècles. Jeanne D’Arc est là pour nous rappeler que les rois anglais ont, pendant des siècles, essayé de s’accaparer d’une partie de la France.
Liège, et le peuple en particulier, a essayé à plusieurs reprises, de se ménager une certaine indépendance en jouant la carte française, voir bourguignonne. Avec souvent, comme « récompense », un sac de la ville. Mais à chaque grand conflit (avec le peuple) c’est l’empereur allemand ou autrichien qui a été appelé pour remettre « de l’ordre » (son ordre, évidemment). La fameuse « neutralité » de la principauté liégeoise est une fiction !
Pour http://www.memo.fr/ (le site histoire de Hachette), le Saint Empire romain germanique est plus une notion qu'un espace. Une notion bien réelle pourtant, avec ses tribunaux et son armée. La présence de l’Empire Germanique se manifeste à chaque crise dans la principauté.
Prenons un cas croustillant de l’histoire de la principauté : l’époque de Guillaume DE LA MARCK, seigneur de Lummen, dit le Sanglier des Ardennes. Notre sanglier tue l’évêque Louis de Bourbon et pille les maisons d'un grand nombre de bourgeois. Il fut d’abord excommunié par l'archevêque de Cologne. C’est l’empereur Maximilien qui s'empare par ruse de la personne de Guillaume, en 1484, et le conduit à Maestricht pour l'y faire juger et exécuter.
Un siècle et demi plus tard, en 1647, les Grignoux remportent les élections et interdisent l'entrée à Liège du prince-évêque Ferdinand de Bavière (qui était à Visé accompagné de troupes allemandes). Celui-ci se fait aider par son neveu Maximilien-Henri, et entreprend la reconquête de la Cité. Liège est bombardée et capitule le 29 août. Le 19 septembre, le prince entre dans Liège, accompagné 2000 cavaliers et de 1000 fantassins allemands, et suspend la plupart des droits politiques.
Lors de la révolution liégeoise et française, c’est encore l’empereur autrichien qui vient remettre en selle son prince- évêque. En 1791 la Cité est occupée par les troupes austro-hongroises du maréchal Bender et par les troupes de Mayence et de Munster, sous les ordres du feld-maréchal lieutenant baron de Keuhl. Pas pour longtemps, bien sûr. Même après la défaite de Napoléon les grandes puissances ne restaurent pas la principauté. Le dernier prince évêque de l’histoire, François-Antoine-Marie-Constantin de Méan, termine carrière comme le premier primat de Belgique, le 28 juillet 1817. Il meurt à Malines le 25 janvier 1831.
Cette tour des Vieux Joncs est donc une tour chargée d’histoire, preuve de la présence dans nos murs d’une des plus sanguinaires ordres monastiques de l’histoire. La petite Tour des Vieux Joncs a décidément des fondations profondes!
1 commentaire:
Je trouve cette article dégradant pour les Familles Limbourgeoises de la Principauté de liège.
Cet Ordre était au service des Principautaires.
Ce n'est pas parce que Hitler a voulut mettre cet ordre à son service qu'il faut le rejeter. Les Templiers étaient plus à rejeter que les Teutoniques.
Respectez l'Histoire et non un avis personnel.
Un Limbougeois
Enregistrer un commentaire