mardi 11 avril 2023

Balade à Vottem : un perron et deux cimetières

photo ville lg
Tous les deuxièmes samedis du mois la Maison Intergénérationnelle de la Préalle organise une balade. Celle d’avril se fait exceptionnellement le 3ième samedi  à cause du WE de Pacques.

Point de départ : à 10h devant la pompe à essence au croisement de la rue Bonnier du Chêne et de la Plope, ou devant la MI à 9h45.

Nous remontons le rue du Plope pour prendre la rue Machiroux sur notre droite, un lotissement tout en longueur, avec assez de chicanes pour décourager tout trafic de transit.

Charles Machiroux a créée une des fraises les plus connues de Vottem qu’il a donné son nom.

 Nous débouchons Rue de Liège, et nous montons vers le cimetière par la rue des Neufs Journaux. Les neuf journaux ne sont pas des gazettes; c’est une mesure de surface : la superficie qu’on peut labourer en une journée. A Liège, avec ses terres compactes, cela valait 21 ares, ou 5 verges grandes (cfr rue des 14 verges). Le chemin des neuf journaux existait avant le cimetière, et si on n’y a pas touché c’est qu’il faisait frontière entre Liège et Vottem. Dans le Tableau Général de l’Atlas on retrouve le chemin sous le nom  “Voie Louvanisseou encore Vôye des treûs Bouhons

Nous sommes ici sur une boucle du chemin de Grande Randonnée GR412, le chemin des terrils.

Le chemin aboutit à la Rue des Tendeur. Juste avant il y a sur notre droite «le paradis des animaux ». Les animaux vont directement au paradis. Pour les humains il y a le purgatoire, sauf pour les saints… A côté des chiens et chats, il y a aussi des rats, des chevaux  et un kangourou.

Un Perron de « dépannage

l'endroit où se trouvait le
perron de Vottem?
Quelque part dans le coin se trouvait un Perron de « dépannage », quand le Perron Place du Marché était inaccessible au prince évêque. Liège vient de démonter la copie des Trois Grâces qui se trouvait sur le perron. L’original du sculpteur Delcour est au Curtius. Ne pourrait-on pas installer cette copie, de la main de l’échevin communiste Paul Renotte,  au coin du cimetière ?  L’historien Claude Gaier le situe à l’angle de la vieille voie de Tongres et la rue des Neuf Journaux. Nous y sommes donc.

 A Liège le perron était à l’époque le symbole du pouvoir de justice, le pouvoir temporel, du prince-évêque.

http://perso.infonie.be/liege06/06six1.htm#21a  Tout ça remonte à 1254, année où Henri de Dinant http://hachhachhh.blogspot.com/2009/01/1254-henri-de-dinant-dfie-le-prince.html  devient le premier bourgmestre liégeois nommé par un suffrage vraiment populaire. Il organise les milices populaires par vinâves, des compagnies de vingt personnes, commandées par des vingteniers. Quelques années plus tard, il est prêt pour la confrontation avec le prince. Le prince s’était plaint au Pape de ce que les bourgeois de Liège avaient institué des compagnies et avait excommunié les Liégeois. En 1255, le prince impose, avec l’aide du duc de Brabant, du comte de Gueldre, du comte de Juliers et du comte de Looz, sa paix de Bierset. Par prudence, le Prince y avait inscrit le droit d'ouvrir un plaid à Vottem, quand la Cité était trop dangereuse pour lui.

Quand un demi siècle plus tard, en 1307,  le prince évêque Thibaut de Bar doit fuir à Maastricht, devant la pression du peuple, il cite les chefs des révoltés à Vottem. Le peuple en armes occupe le lieu avant l'arrivée du prince. Le prince n’ose pas lancer le combat et doit signer la paix à Seraing http://perso.infonie.be/liege06/08huitm.htm.

En 1346 s’y déroule la Bataille de Vottem: notre bataille des Eperons d’Or de 1302 http://hachhachhh.blogspot.be/2014/02/la-bataille-de-vottem-de-1346-notre.html

Le cimetière et ’épidémie cholérique de 1866

Nous prenons le Boulevard Fosse Crahay à gauche. Face à l’entrée du cimetière, les tombes de deux pompiers, Hebrans Jean-Pierre et le sergent pompier Spineux ‘pour services rendus pendant l’épidémie cholérique de 1866’. Le dicton ‘choisir entre peste et choléra’ ne date pas du fin fond du Moyen Age mais de la révolution industrielle…

la tombe Khalifas
Nous longeons le mur de l’enceinte vers la droite. Une des plus belles sépultures du cimetière est  celle de Jacques Debruyn (parcelle 25-1-1). Sa mère Khalifas avait inventé la cigarette – ou préparation tabagique - qui fera la fortune de ses fils. Sa pub représentait une tête arabe : « si Ali ne fume pas la Khalifas, que voulez-vous qu’Ali fasse ? « . Bien trouvé ! Le monument est de l’architecte Eugène Jamar.

Dans la  parcelle 33-1-57 Joseph Demarteau, fondateur de la Gazette de Liège. Il mena (entre autres) en 1881 une campagne contre li toré, sommet de l’indécence pour les calotins de l’époque…

Le quartier de Sainte Marguerite honore toujours Maurice Waha (59-1-45). http://archives.lesoir.be/liege-le-7-septembre-44-un-char-tuait-87-personnes-trav_t-20040904-Z0PQA7.html  Le 7 septembre 1944, les soldats allemands, en pleine déroute, lancèrent un char bourré d'explosifs en direction du carrefour Fontainebleau. Maurice Waha fait une tentative héroïque mais vaine pour désamorcer la charge explosive. 87 personnes périrent. Des prisonniers de guerre soviétiques et quatre aviateurs anglais

Nous montons vers la pelouse de dispersion. A coté des tombes belges, sur la parcelle 63 ter-1-1 à 7, un monument pour cinq prisonniers de guerre soviétiques décédés en avril et mai 1945, donc largement après la libération, à l’hôpital Beauregard rue Saint Gilles. Le monument fut érigé en 1991 par Obelisk, un organisme d’état russe. Le sculpteur Bourganov a un musée à son nom à Moscou.

Un peu plus loin sur notre droite  quatre sépultures d'aviateurs anglais dont l'appareil fut abattu au-dessus de la région liégeoise dans la nuit du 5 au 6 août 1941. On ne peut pas dire que les aviateurs meurent anonymement. Leur bombardier Numéro de série Z6803 MHJ est sorti des usines Armstrong Whitworth Whitley et livré directement de l’usine au 51ième Squadron début 1940. Il a décollé le mardi 5 août 1941, en fin d'après-midi, sur la base de Dishforth  en Yorkshire, pour un raid de bombardement sur Francfort. Y ont pris part 46 Whitleys et 22 Wellingtons. L'équipage est composé du Sgt CREEDY, W/op Air gunner (W/op = wireless operator = opérateur radio. Air gunner = mitrailleur), matricule 909837 RAF, VR (VR = volontaire de réserve), 23 ans; Sgt DEAN, obs, matricule 903312 RAF, VR, 24 ans; P/0 (P/0 = Pilote Officer = officier pilote), TILLEY, Pilot, matricule 61034 RAF, VR, originaire d’Afrique du Sud; Sgt WILLIAMS, Pilot, matricule 1162621 RAF, VR, 18 ans; Sgt HART, W/op.

Le Whittey Z6803 est attaqué par un nachtjager Fw Reinhard Kollak du I./NJG 1  (un chasseur de nuit de la Luftwaffe basé à Saint-Trond - Nachtjagd). Reinhard descend cette nuit trois avions Désemparé, après délestage de ses bombes, le bombardier s'écrase sur l'île Monsin. Trois corps sont retrouvés sans vie : ceux de CREEDY, de DEAN et du P/0 TILLEY. Le Sgt WILLIAMS est transporté grièvement blessé à l'Hôpital Militaire où il décède le 10 août. Le Sgt HART, unique rescapé, fut fait prisonnier POW number R/66039 au Stalag Luft 6. Il est rapatrié en 1945.  

Récit dans le quotidien "collaborationniste" LA LEGIA du mercredi 6 août 1941 : "DEUX AVIONS ANGLAIS ABATTUS DANS LA REGION LIEGEOISE. Dans la nuit de mardi à mercredi, l'aviation britannique a de nouveau opéré sans discernement au-dessus de la région liégeoise. Loin de tous objectifs militaires, elle a lâché plusieurs bombes explosives et de nombreuses bombes incendiaires, provoquant la mort de Monsieur Clément Remy, 40 ans, et de son fils âgé de 6 ans. On compte en outre quatre blessés. Trois maisons sont entièrement détruites et cinquante autres plus ou moins gravement endommagées. Un avion anglais a été abattu en flammes en aval de Liège."

Décédé accidentellement au charbonnage de Baneux à l’âge de 13 ans

Dans la parcelle 65-A/B un monument de l’Union des mineurs du bassin de Liège pour Leblanc Alfred, « bienfaiteur des mineurs de Liège ». Ce syndicat est un ancien fonds local fondé en 1901. Les syndicats miniers ont connu une naissance difficile 

Je n’ai pas réussi à retrouver sur la parcelle 21-1A-43, une tombe « A notre regretté fils Léonard,  décédé accidentellement au charbonnage de Baneux à Liège le 24 mars 1908, à l’âge de 13 ans ». On peut chercher ensemble… En 1889 les garçons de 12 à 16 ans et les filles de 12 à 21 ans ne travailleront que le jour, 12 heures max. et 6j/sem. En 1919 la Belgique interdit le travail aux moins de 14 ans.

En face de ses soldats du 12ième de ligne, le  capitaine-commandant Speesen du fort de Pontisse

A droite une drève en hêtre noir mène vers un champ d’honneur. En face de ses soldats du 12ième de ligne, parcelle 50-1-58, le  capitaine-commandant Speesen, l’âme de la résistance  du fort de Pontisse. Il survit à quatre ans de captivité en Allemagne. 


Le dessinateur Jacques Ochs au 44-1-22 a été incarcéré à Breendonk  (décembre 1940-février 1942). Ces croquis sont un témoignage des pénibles conditions vécues par les détenus. De février 1942 à juillet 1944, il est assigné à résidence. Il se retrouve à la caserne Dossin à Malines où il évite in extremis la déportation, grâce à l’arrivée des troupes alliées (septembre 1944). Il recouvre alors ses fonctions de directeur de l’Académie et de conservateur du musée des Beaux-Arts de Liège, avant d’y renoncer en 1948.

Sainte-Walburge et le décret de Napoléon du 12 juin 1804

Napoléon interdit en 1804 d’inhumer autour des églises. Liège crée trois nouveaux cimetières: Robermont, les Bayards (supprimé en 1816) et Hocheporte, supprimé en 1821.

En 1855, la Ville de Liège veut fermer le cimetière paroissial de Sainte-Walburge. La famille Orban y demande une concession à perpétuité en échange de la cession de terrains avoisinants. Le cimetière paroissial sera désaffecté pour permlettre la construction de la nouvelle église en 1878. Mais le monument Orban fut sauvegardé. Après de nombreuses débats sur les risques de contaminations des nappes aquifères, on inaugure enfin le nouveau cimetière Sainte-Walburge en mars 1874. Le boulevard Fosse Crahay deviendra une large chaussée pavée, baptisée par les toujours facétieux Liégeois, le boulevard des étendus.

Le terril Batterie Nouveau (ou terril du Poyou Fossé)

Au rond point nous prenons le Chemin de la Soquette. Sur notre droite  le terril Batterie Nouveau (ou terril du Poyou Fossé). L’exploitation charbonnière s’est arrêtée en 1965. Il occupe une superficie de ± 14 ha. Dans les années 70, il a fourni du remblai lors de la construction de l’hôpital de la,Citadelle. Reboisé en 1984, il est aujourd’hui classé non exploitable. De son  sommet on  découvre, quand les feuilles ne sont plus sur les arbres, l’un des panoramas les plus impressionnants de Liège!

Un camp de prisonniers de guerre

photo urbanisme Lg D.Tips
Sur notre gauche, sur le terrain de football entre la rue du Plope et le chemin de la Soquette, et le terrain occupé aujourd’hui par des gens du voyage,  il y avait un camp de prisonniers de guerre mis au travail dans les mines. D’abord des Russes, ensuite des Allemands. Lorsque ceux-ci ont été libérés, on y a logé des travailleurs, vu la pénurie persistante de logements. Ce qui devait être une situation transitoire a malheureusement persisté jusqu’en 1956 La catastrophe de Marcinelle attire aussi l’attention sur les mauvaises conditions de logement des mineurs. Les logements sans confort et à l'hygiène déficiente de la cité du Plope sont déclarés insalubres. La société de logement La Maison Liégeoise est chargée du relogement des habitants.  À la fin des années 1950, l'ensemble aura complètement disparu.

Voici deux photos faites en 1954. La famille d’origine Slovène qui a pris les photos a vécu quelques années au camp du Plope. Elle est partie au Canada. Une fille qui s'était lié d'amitié avec un garçon de quatre ans de cette famille, est allé plus tard en vacances les retrouver au Canada, et ces photos ont refait surface.

Le garçon situe ce qu'il appelle une "prison", à l'endroit où sont actuellement les caravanes des gens du voyage. Il n’y avait plus des barbelés en 1954.  Il y avait 5 rangées de baraquements de chaque côté et une cantine au centre. Un côté occupé par des italiens, l'autre des polonais. Il y avait aussi d'autres nationalités. Ce canadien d’origine slovène se rappelait d'un film qu'il a été voir au forum à Liège : Marina, réalisé par Stijn Coninx en 2013. Je veux bien que ce film a laissé un souvenir très fort. C’est avec Adamo. Dans ce film, on voit les mêmes baraquements.


Mon ami (Préallien) Walthère Franssen a écrit "Des 'goulags' belges ?", une analyse fine sur les prisonniers de guerre mis au travail forcé en tant qu’ouvriers mineurs en Belgique. Voici le trailer https://www.facebook.com/watch/?v=704954143990249

Fin juin 1942, les premiers prisonniers russes arrivent en Campine, et puis, à partir de janvier 1943 dans les charbonnages liégeois. 5600 seront mis au travail dans les mines du Limbourg. A Herstal, il en avait aux charbonnages de Belle-Vue, de Bonne Espérance et 130 à la Grande Bacnure.

Les vestes des prisonniers russes étaient marquées K.G.F (Kriegsgefangere, prisonnier de guerre en allemand).

La Grande Bacnure logeait ses prisonniers russes dans un phalanstère au n°80, de la rue Lavaniste Voie.  Les Russes du charbonnage de Belle-Vue à Herstal étaient logé dans un “Stalag“ situé en Hayeneux. Les russes du charbonnage de Batterie étaient logés rue du Plope à Vottem.  Camps et phalanstère étaient gardés par des soldats allemands de la Werhrmacht.qui escortaient les prisonniers jusqu’au charbonnage. 

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