mardi 16 novembre 2021

Quel avenir pour le Vivier de Vivegnis ?

Notre 62ième balade-santé du dimanche 12 décembre fait le tour du vivier de Vivegnis. Ce vivier est triplement intéressant. D’abord c’est une curiosité géologique: comme la forme le suggère, c’est un ancien bras de Meuse. La Meuse a dû à plusieurs reprises, se creuser un nouveau lit.

Deux, ce vivier a une longue histoire. C’était celui de l’abbaye de Vivegnis (d’où la rue du Bois de l’Habbay). Dans une communauté cistercienne comme celle de Vivegnis le droit de manger de la viande était limité, sauf en cas de faiblesse particulière. Chaque abbaye avait donc son vivier.

Quant à Viezvingnis (latin Vêtus Vinetum) le lieu était favorablement exposé pour la culture de la vigne, même si « le sol de la petite seigneurie de Vivegnis ne fût pas, au Moyen Age, entièrement planté de vignes; mais la beauté du vignoble mûrissant sur le coteau avait frappé l'esprit observateur du peuple ».

Cet étang est aussi un site de Grand Intérêt Biologique (SGIB- Synonymes : Au Vivier - Thier de Beaumont et de l'Abbaye - Sous les Vignes). «L'étang de Vivegnis est un site relativement peu connu ; ce plan d'eau d'un hectare et demi conserve un caractère assez sauvage grâce à son environnement champêtre, avec, d'une part un versant boisé, et d'autre part une étendue de prairies bordées de haies irrégulières.  L'endroit abrite l'une des principales colonies wallonnes de héron cendré (Ardea cinerea) et accueille des groupes parfois importants d'oiseaux d'eau comme la sarcelle d'hiver (Anas cracca) et les fuligules (Aythya spp.). On y observe en outre une petite formation de tuf calcaire au niveau d'un suintement, en rive ouest de l'étang ».

Il était peu connu parce que difficile d’accès. J’avais encore cherché –en vain- pour y passer lors de notre 53ième  balade-santé de décembre 2019 où nous avons visité la galerie d’exhaure ancestrale de Biquet-Gorée,, vestige ancestral des premiers charbonnages dans le coin.

Plus sur https://hachhachhh.blogspot.com/2019/11/53ieme-balade-sante-mplp-herstal-oupeye.html

Aujourd’hui l’accès est facilité parce que Matexi lance un gros projet immobilier, et fait miroiter un projet d’agriculture végan autour de l’étang.

Départ à 10h pile devant la MAISON DE QUARTIER Rue Fut-Voie, 77 à 4683 VIVEGNIS, ou à 9h30 devant notre Maison Médicale Avenue F. Ferrer 26, à Herstal.

Une réunion d'information virtuelle, sur un projet de 75 unités de logements Au vivier de Vivegnis

Ca m’avait échappé, et je crois que je ne suis pas le seul. Le 30 juin et le 1er juillet 2021 MATEXI PROJECTS invitait à une réunion d'information virtuelle, préalable à I'étude d'incidences sur I'environnement, sur un projet de 75 unités de logements Au vivier de Vivegnis Rue Fût voie.

L'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n°45 du 11 juin 2020 permet de remplacer la réunion d'information publique (RIP) par une réunion virtuelle, via une présentation vidéo du projet. Je suis curieux à savoir combien de personnes ont participé. Heureusement que la vidéo et documents sont encoredisponibles ce 10/11/2021, au moment où j’écris ce blog. Au départ la disponibilité s’arrêtait au 31.08: 

Je vous invite à en prendre connaissance. Ce n’est pas les 75 logements qui me posent problème, mais le sort du vivier. Matexi promet de le ‘sanctuariser’ par un bail de 50 ans avec les porteurs d’un projet d’agriculture végan. 50 ans, c’est long, mais ce projet qui doit encore faire ses preuves résistera-t-il à l’épreuve du temps ?

Au Vivier : un site de Grand Intérêt Biologique (Synonyme: Thier de Beaumont et de l'Abbaye)


Cet étang de Vivegnis est aujourd’hui un site de Grand Intérêt Biologique (SGIB).

Il est repris comme zone centrale dans le Plan Communal de Développement de la Nature (PCDN) d'Oupeye. Ce plan ne pèse apparemment pas lourd : à part un effet d’annonce en 2007 je n’ai plus rien trouvé sur ce plan…

Pluris qui fait l’étude d’incidences pour Matexi reconnaît dans son analyse du contexte (page 8) :

o le Vivier (étang), véritable zone d’intérêt écologique ;

o un alignement d’arbres, éléments vert de ceinture autour de l’étang ;

o les coteaux massivement arborés, également reprise en zone d’intérêt écologique.

Matexi traduit ça ainsi : « l'étang ne fait l'objet d'aucune intervention ou aménagements spécifiques de notre part. Il faut donc maintenir ces milieux et éviter tous les travaux qui nuiraient à l’objectif de protection poursuivi ». Matexi prétend sanctuariser le site, par un bail à ferme d’une durée de cinquante ans. Nous verrons pourquoi c’est peu convaincant. Une de leurs premières interventions sur le site a consisté à couper tous les arbres près de l'étang, coté Fut-Voie.

J’ai essayé de passer par là en 2019 (en vain, le site est difficilement accessible) lors d’une balade-sante cfr mon blog https://hachhachhh.blogspot.com/2019/11/53ieme-balade-sante-mplp-herstal-oupeye.html

Mais aujourd’hui on a un accès facile, via le rue Fut-Voie. Ce n’est même pas une ‘intrusion’ dans une propriété privée ; le fond du site hé »berge une initiative d’autocueillette.

Le vivier dans le plan de secteur

Le propriétaire de ce site est le promoteur immobilier Matexi depuis 2003 ! Ils ont de la patience, ces promoteurs ! Après plusieurs tentatives qui n’ont pas abouti, et dont je n’ai pas retrouvé trace, le voilà maintenant fin prêts, même si les carottes ne sont pas encore cuites : il s’agit d’une réunion préalable !


Architecturalement, le projet en soi me semble intéressant et soigné. Mais je me tracasse pour la partie verte. Pour Pluris, « le terrain est majoritairement repris au plan de secteur en zone d'habitat. Le vivier quant à lui est repris en zone de plan d'eau et la partie arborée des coteaux en zone d’espaces verts au plan de secteur. Le site étudié est également repris en zone « espace vert, de jardin, d’accotement en zone d’habitat au plan de secteur » (rapport Pluris p.6).

Zone de plan d'eau, zone d’espaces verts : des termes qui n’impressionnent pas Matexi qui conclut sèchement que « la majorité du site est donc, conformément au Code du Développement Territorial destiné à l’urbanisation. Le CODT, dans sa partie décrétale, précise en son article D.II.24 que la zone d'habitat doit aussi accueillir des espaces verts publics. »

Dans le schéma d'orientations territoriales (SOTO) d’Oupeye le site est repris en zone « Quartier résidentiel dense. L’objectif est d’encourager une relative densification des terrains encore disponibles car la zone est proche des centres et des transports en commun, densification qui doit toutefois rester ‘raisonnée’ pour y garantir la qualité du cadre de vie ».

Ce  SOTO permet donc à Matexi à se montrer très magmanime : « Le Soto autorise donc sur le site étudié une densité d’occupation du sol comprise entre 15 et 30 logements maximum par hectare. Comme notre terrain fait+- 9,5 hectares, cela représenterait donc entre 135 et 270 logements. Précisons cependant que la volonté de Matexi n'est pas de développer un projet sur la totalité de la parcelle mais sur 50% maximum de sa superficie ».

Une zone inondable ?


Il y a un autre problème avec ce projet, c’est qu’il se situe en zone inondable. Tout le quartier a été évacué à la mi-juillet, parce que elle se retrouve en-dessous du niveau du canal Albert qui la longe. Cela s’explique par la volonté de limiter le nombre d’écluses. Le bief du canal va de l’écluse d’Ivoz-Ramet à celle de Genk.

Mais il y a un autre problème lié au vivier. Assez étonnant, cet étang n’est pas alimenté par un ruisseau, mais par quelques sources au pied des coteaux. Selon les cartes GISER (Gestion Intégrée Sol – Erosion – Ruissellement) il n’y a pas d’axes de ruissellement sur le site en question.

Toujours est-il que le niveau d’eau peut monter, en fonction de la pluviosité, et on a donc aménagé un exutoire, un grand nom pour un tuyau qui est censé amener le trop plein on ne sait pas très bien où (dans le drain du canal Albert ?).


Cet exutoire se bouche régulièrement avec des castors qui ont, il y a plusieurs années, élu domicile dans l’étang. Outre les arbres coupés, ils ont aussi pris la mauvaise habitude de construire des barrages sur l’exutoire. Et lors de fortes pluies, les eaux ne savent plus s’évacuer qu’en débordant dans les champs et les jardins voisins. Matexi a commencé à détruire ces barrages régulièrement, après avoir reçu l’autorisation du DNF, mais ils étaient reconstruits aussi vite. «Matexi a eu plusieurs réunions sur site avec le DNF afin de définir les mesures à prendre au niveau de l’exutoire, explique Philippe Rusak du promoteur. Des sortes de cages devraient empêcher les castors de pouvoir à nouveau y faire des barrages. Des cages dans lesquelles les castors ne sauront pas rentrer et qui n’ont donc pas pour but de les attraper. Au contraire, notre volonté n’est pas de les chasser mais juste de faire en sorte que la situation revienne à la normale et qu’il n’y ait plus de débordements» (Sud Presse 25/7/2021).

Apparemment, Matexi ne compte pas trop sur cet exutoire et est conscient de ces risques d’inondations. En Page 30 du Masterplan Matexi parle de gradins qui «permettent d’intégrer le projet dans le relief projeté du terrain. Ces gradins longilignes permettent la création de terrasses (sous forme de pelouses) et d’espaces de rassemblement pour les flâneurs ou les enfants ».

Les noues paysagères et les pelouses d’infiltration eaux de pluie

Evidemment, la gestion du niveau de l’étang se compliquera avec le nouveau code de l’eau dont article 4 stipule que «les eaux pluviales sont évacuées prioritairement dans le sol par infiltration ».


Matexi prévoit pour les maisons et les immeubles une première rétention sur les toits plats qui seront végétalisées. Ensuite, il s’efforcera « d’utiliser l’eau de pluie pour les chasses et les lessives dans chaque maison et chaque appartement au rez-de-chaussée. L’eau descendant de la toiture sera alors dirigée vers les haies périphériques et emmenée vers l’arrière du jardin. L’eau pourra déjà, avec l’aide de la présence des haies, s’infiltrer. Le fond du jardin sera légèrement surcreusé pour permettre à l’eau d’être temporisée et infiltrée dans le sol. Le surcreusement permettra également à l’eau de ne pas « déborder » éventuellement dans la propriété voisine.

 Pour les voiries, le projet est conçu, dès le départ, en voirie totalement infiltrante. un « damier » alternant les pavés béton avec des carrés végétalisés. Des noues paysagères seront prévues pour les endroits présentant des risques de ruissellement ».

Je me pose des questions sur la possibilité d’évacuer les eaux pluviales dans le sol par infiltration. Matexi dit : «prioritairement ». Quid si l’infiltration est insuffisante ? On envoie tout dans l’étang ?

Un projet d'agriculture végane ?

Matexi prétend « construire de l’habitat groupé au pied d’une colline boisée, avec une surface non négligeable qui est disponible pour de l’agriculture urbaine et participative. La partie cédée par bail à ferme à l’AISBL Vtopia (ferme urbaine participative) et Jardinier du Monde est exclusivement destiné spécifiquement de l'activité agricole végétalienne sans élevage ni engrais, à la plantation d'arbres haute tige, à la création de potagers privatifs et à l’implantation de serres et arbres fruitiers ».


Pour Matexi, c’est comme si ce projet est là depuis des années : « En sa partie centrale et côté rue Fut-Voie nous retrouvons des terres de type prairies maintenant partiellement exploitées par une activité agricole végane gérée et mise en œuvre par Vtopia ». Or, que représente aujourd’hui Vtopia ?

A la base il y a Fabrice Derzelle  qui a lancé en 2018 VTopia, avec l’agronome Benoît Noël tout récemment converti : en 2017 des amis lui parlent du véganisme, de l'anti-spécisme, ce qui l’incite à remettre pas mal de choses en question. L'idée du projet Vtopia est alors venue, lors d'une discussion avec son ami Fabrice Derzelle alors président de l'association Végétik. Quand on regarde Linkedin,  on se rend compte que M. Noël a créé une structure par an en moyenne, autour de Liège, depuis 10 ans.

Nos vtopistes prétendent enrichir le sol avec des débris d’arbres et du foin: "Nous allons by-passer la vache ; dans une ferme classique, on cultive des herbages que l’on donne à des vaches, qui produisent du fumier, dont on se sert pour cultiver des légumes. Nous, nous allons donner directement le foin aux vers de terre." (Un projet d'agriculture végane, à Vivegnis 5 juin 2020 RTBF Michel Gretry)


Quant à bypasser la vache, ils sont bien partis ! Ils ont récolté le foin. Il y a une serre où l’on cultive tomates et aubergines sur le foin, mais le résultat ne me semble pas convaincant. Quant aux débris d’arbres, ils n’y ont pas été de main morte : ils ont coupé tous les arbres côté Füt-Voie.

Benoît Noël : "nous venons de signer avec Matexi un bail à ferme de cinquante ans, ce qui sanctuarise le site, et nous permet de travailler sur le long terme. L’agriculture végane, ça ne signifie pas une agriculture sans animaux : VTopia, pour se protéger des dévastateurs et des rongeurs, entend s’appuyer sur leurs prédateurs, les renards, les hérissons, les chouettes, les batraciens, pour réguler les bébêtes qui viendraient manger les légumes ».

Vous ne retrouverez pas les castors dans leur liste. C’est Matexi qui a trouvé la parade, comme nous verrons plus loin. A ma grande déception ils ne comptent pas valoriser le vivier, et de vendre carpes et brochets… Mais je suppose que ça ne rentre pas dans un cadre végan…

Pas d’enthousiasme du côté de SPI, Urbeo, et la SRL de Herstal

Avant de trouver un accueil enthousiaste du côté de Matexi, Vtopia a essayé à Herstal, et là on s’est montré plutôt évasif. En 2018 Fabrice Derzelle espérait développer le projet Vtopia Rue du Plope. S’agissait-il du terrain que la ville de Herstal a refusé à un autre projet, Les Pousses Poussent, parce qu’on venait d’y détecter une pollution rue du Plope ? Ou s’agit-il du terrain à Sainte Walburge, sur Liège mais toujours dans le rue de Plope, où Les Pousses Poussent  ont installé finalement leur projet de maraichage diversifié sur petite surface (système de CSA Auto-cueillette sous abonnement annuel uniquement et vente aux magasinsdes petits producteurs).


Cet échec de la rue du Plope ne décourage apparemment pas Fabrice Derzelle qui en octobre2019 essaye auprès de la SPI, Urbeo, la Société du Logement de Herstal et un propriétaire privé à présenter son projet sur le terrain des anciennes ASEC (sic), sur 3 ha situés de part et d’autre de la rue du Champ d’épreuves. Il fait miroiter de nombreuses synergies de son projet d’agriculture urbaine avec « Verdir », porté par l’université. Nouveau refus de la part de la SPI, Urbéo et SRL. Pourtant ces trois partenaires n’ont pas fait le difficile avec Verdir :on n’a toujours pas vu verdir quoi que ce soitsur la friche des Acec.

Je signale, sans l’ombre d’une critique, qu’aux élections de 2019 DERZELLE  trouve le temps pour tirer la Liste DierAnimal (1,36% dans la CIRCONSCRIPTION DE LIÈGE avec 1.230 VOIX pour lui en tête de liste).

Un crowdfunding et un modèle économique

Début 2020 Vtopia finalise donc, avec Jardinier du Monde AISBL, l’Étude de design initiée avec Matexi : « Le site débouche sur le magnifique étang  Au Vivier Matexi entend sanctuariser l’arrière du terrain. Un paysage productif et éducatif incluant la partie étang  qui apportera une réelle plus-value à l’ensemble du projet immobilier. D’une part, l’aspect « vert » et la composante vivrière peuvent renforcer l’attractivité du site pour les futurs habitants, d’autre part, cette composante ouvre également à l’intégration positive du projet dans le quartier et la commune ».

Pour  Benoît NOËL , ainsi « on a enfin eu accès à la terre. Les clauses prévoient que le bien est destiné à titre principal à constituer un paysage productif mettant en œuvre une agriculture vivrière de production végétale végétalienne (maraîchage, grandes cultures, arboriculture fruitière), cette agriculture exclut l’élevage et les liens avec l’élevage."

Je n’ai aucune idée du loyer, mais on peut supposer qu’il n’est pas très élevé, vu que c’est « une réelle plus-value à l’ensemble du projet immobilier ». Mais rien qu’en irrigation et en serres il faut quand même un investissement de départ conséquent. Vtopia lance donc un crowdfunding qu’ils justifient ainsi : « L'étude technico-économique du projet start-up Vtopia montre que, à terme la production devrait permettre de nourrir intégralement 50 véganes ou alternativement de fournir des paniers de produits à 1000 personnes chaque semaine. A maturité, le site pourra largement couvrir ses frais et même auto-financer la diffusion des connaissances acquises. Mais avant cela, le déficit d'auto-financement du projet sur les 3 premières années, avant de réaliser un premier résultat positif, est d'environ 50.000€. Très concrètement, en 2021, nous vous proposons de nous aider à financer les 3500 arbres, arbustes et bandes fleuries permettant d'accueillir la faune sauvage et les insectes pollinisateurs notamment. Ces dispositifs transformeront Vtopia en une véritable oasis de biodiversité à la fois fertile et productive. Si les fonds récoltés atteignent les 50.000€ nous pourrons alors nous consacrer pleinement à la recherche et au développement de cette nouvelle agriculture sans autres soucis financiers ».

Ici le déficit d'auto-financement du projet sur les 3 premières années est estimé à 50.000€. Dans un autre texte ils sont un peu plus explicite sur leur modèle économique : « Le potentiel de production alimentaire du site selon le modèle proposé est assez élevé : 125 T/an avec un excellent ratio de 290 m² de surface productive ou 500 m² de surface brut/adulte. Commercialement, ce type de production est généralement écoulée sous forme de paniers de légumes. Une famille moyenne consomme 5 kg de légumes/semaine. À ces 5 kg, s’additionnent ici quelques productions complémentaires de farine, légumineuses et fruits, ce qui permet d’envisager un panier moyen de 7 kg/semaine pendant 50 semaines/an. Selon ce principe, le site pourrait alors fournir des aliments à 1000 personnes au total. Il faudra injecter en 3 ans plus de 300.000€ : 140.000€ d’investissements, 128 000€ de frais de personnel, 42 000€ d’intrants ».

Mais ici le déficit d’autofinancement monte à 300.000€ ! Je ne sais pas ce que leur appel a rapporté, mais même si perso j’aurais de l’argent de trop j’hésiterais à investir là-dedans. Je me dis que Matexi ne risque rien avec un bail de 50 ans avec Vtopia. Si jamais ils se décideraient d’élargir les constructions en direction du vivier, il suffit d’un peu de patience…

Une évacuation des eaux de pluie complexe

J‘ai déjà dit que je me demande d’où cet étang reçoit son eau. En amont, il n’y a aucun ruisseau qui y débouche. Il y a des sources en bas des coteaux qui apparemment suffisent non seulement à maintenir le niveau, mais ont même obligé à creuser une rigole qui débouchait probablement en Wérihet mais qui aujourd’hui va dans un exutoire, un tuyau d’une vingtaine de centimètres. Je suppose que cela a été installé suite aux modifications de relief importantes effectués lors de la construction des logements sociaux au Wérihet.

Le site n’est pas non plus situé sur un axe de ruissellement. Mais je me pose quand même des questions sur l’évacuation des eaux de pluie du complexe Matexi par infiltration. En effet, le code de l’eau dit que «les eaux pluviales sont évacuées prioritairement dans le sol par infiltration ». Matexi prévoit des toitures végétalisées et de l’infiltration dans les jardins avec des haies périphériques, d’une  voirie totalement infiltrante et des noues paysagères en cas  de ruissellement. Et si cela ne suffirait pas ? On inonde quoi ? Je ne veux pas semer la panique, mais ne devrait-on par calculer ce qui se passe si on a 250 litres sur deux jours, comme on a eu sur la Vesdre ?

Je n’ose pas imaginer une inondation de la station d’épuration à un km de là. Sans compter que Fut-Voie est à la limite des zones de prévention des prises d'eau dénommées VIVEGNIS Pl, VIVEGNIS P2, VIVEGNIS P3, VIVEGNIS P4 et VIVEGNIS P6. 

L’eau, une ressource !

Et puis, ne faut-il pas voir les eaux comme une ressource ? A commencer par les eaux de pluie qu’il y a peut-être moyen de valoriser avant l’infiltration par le sol.

Il y a aussi des sources qui suintent en bas des coteaux et qui alimentent le vivier (la fiche SGIB signale une source tuffeuse sur la berge ouest de l'étang, avec des tufs calcaires. Certes, le travertin di vivier n’est pas une roche sédimentaire calcaire de couleur blanche. Elle tire vers le marron, et on n’aura jamais une cathédrale de tuf, mais ces sources sont bien là).

A première vue, l’étang n’est pas alimenté par un ruisseau. Ca n’a probablement pas toujours été le cas. Dans une charte de 1225 Godefroid de Louvain, seigneur de Herstal,  accorde à l'abbaye de Vivegnis l'usage du ruisseau qui « court parmi la ville de Vivegnis » pour servir aux deux moulins du monastère; de l'avis de tout le village, ils accordent aussi à l'abbaye le droit d'employer à son usage le vieux chemin qui conduit à l'étang, à condition de fournir aux habitants une autre voie aussi bonne… Ce ruisseau était à mon avis dans la prolongation du Basse-Va, un vallon sec (la plupart du temps, sauf en cas de gros orage) qui passe aujourd’hui en-dessous du Thier d’Oupeye. Mais il y avait peut-être un bras qui allait vers l’étang…

Il y a aussi des sources qui alimentent les douves du château, au-dessus du site. Ces douves s’envasent et l’Atelier d’Architecture pour la Ville et le Territoire doit imaginer un projet d’aménagement paysager pour ces douves, en collaboration avec le Département wallon de la Nature et des Forêts. Des groupes de travail sont prévues avec les citoyens souhaitant s’y impliquer (Aude Quinet La Dernière Heure 29/10/2021).

On s’est même disputé pour ces sources du château, en 1722 ! Un certain Sieur Bustin fonce une bure dans une prairie proche du château. La Dame d’Oupeye Béatrix de Cartier l’accuse de tarir les sources qui alimentent son étang (les douves d’aujourd’hui). Bustin gagne son procès. Un siècle plus tard un certain De Graillet (cfr plus bas) évoquera aussi ces sources. Pourquoi ce projet d’aménagement paysager pour les douves n’incluerait pas les coteaux et l’étang en-dessous ?

Deux galeries d’exhaure ancestrales.

photo xhorre noppis

Et puisqu’on ‘retourne aux sources’, il y a dans le coin deux galeries d’exhaure ancestrales qui débouchent au Wérihet, à quelques centaines de mètres du site.

La xhorre Nopis a encore inondé le Wérihet en 1974. Personne ne s’était tracassé pour assurer un écoulement normal de cette areine antérieure à 1634. Elle draine une mer d’une bonne dizaine de kilomètres carrés (au moins). La juridiction des areines appelle ‘mer’ les eaux souterraines qui ont remplis les veines exploitées). La galerie d’exhaure Nopis était devenu inaccessible vers 1900 mais l’eau y passait encore. Elle n’était pas obstruée. Elle s’est probablement obstrué un peu avant 1973. Lorsque ce bouchon a sauté l’areine a alors inondée le Wérihet. Et il y a une bonne dizaine d’années, lors de la réfection de la rue Wérihet, on a abîmé la galerie. On a dû la reconstruire et on a envoyé ses eaux dans un ‘égout eau  propre’ qui envoie ces eaux dans le drain du canal, parallèle à l’égout ‘normal’. Je ne sais pas où vont les eaux de ce drain.

L’areine Nopis débouche dans les caves d’une maison de la rue du Bois de l’Abbaye. Cinquante mètres plus loin nous avons la galerie d’exhaure de la houillère Biquet-Gorée, à côté de la maison du directeur (en restauration). Les eaux abondantes de cette areine passent en-dessous de la rue d’abord dans un ruisseau à ciel ouvert, et ensuite dans une galerie maçonnée. Cette galerie a été construite en 1827, parce que le volume d’eau débouchant en Wérihet allait toujours croissant. Les riverains ont alors obligé les comparchonniers du«Bon Espoir et Bons Amis réunis » de construire un aqueduc. Cet aqueduc avec une voûte en maçonnerie sur toute sa longueur traversait la campagne de Hermalle-sous-Argenteau jusqu’au lit de la Meuse. Il fut interrompu lors de la construction du canal Liège– Maestricht vers 1850. Des vestiges de cet ouvrage furent  découverts de l’autre côté du canal Albert, à la gravière


Brock, vers 1990. Et cette voûte en maçonnerie est toujours là de l’autre côté de la rue Wérihet, en-dessous du parc industriel. C’est par là que les eaux de Biquet-Gorée arrivent dans le drain du canal.

Biquet-Gorée et Nopis sont très probablement en communication. Théodore Gobert qui est surtout connu pour son livre sur les rues de Liège prétend qu’une branche de Nopis passe en dessous de Biquet. Ce qui est probable vu que les couches de charbon se superposent dans un pli déversé. Il n’est pas exclu qu’une partie des eaux de Nopis sortent aujourd’hui par la galerie d’exhaure de Biquet-Gorée.

Nous avons dans le coin donc deux areines abondantes avec de l’eau potable (il y a juste un taux de fer trop élevé, comme c’est d’ailleurs aussi le cas pour une des sources de Spa). Lors de l’été sec de 2020 des fermiers sont venus pomper de l’eau dans le ruisseau qui reçoit les eaux de la galerie Biquet-Gorée.

Si on ferait un plan d’ensemble pour le vivier, ces deux galeries d’exhaure, les eaux qui suintent des coteaux, les douves du château et les eaux pluviales du quartier à construire il y a peut-être moyen d’utiliser ces eaux d’une manière autrement plus intelligente que de les envoyer dans le drain du canal. Sans parler des eaux qui sortent épurées de la station d’épuration un peu plus loin.

Matexi et les pouvoirs publics d’Oupeye

Pour terminer, un petit rappel que je ne lie pas nécessairement au projet en cours. Matexi développe depuis des années des liens avec les pouvoirs publics, y compris à Oupeye où le groupe est intervenu financièrement dans l'aménagement de la place communale à Hermalle-Sous-Argenteau. MATEXI a eu en janvier 2015 un permis d'urbanisme pour un immeuble de 12 appartements. Des charges d'urbanisme n'ont pas pu être imposées directement, vu que la charge (100.000 € pour l'aménagement de la place communale, adjaçante au projet de construction) est largement supérieure à ce qu'une autorité pourrait imposer à titre de charge. Alors, Oupeye a monté une convention de participation financière proportionnée dans la réfection de la place : MATEXI s'est engagé à participer financièrement à une partie du cout de l'aménagement de la place voisine à son projet, la réfection entière de la place constituant une amélioration notable pour les futurs acquéreurs des appartements de MATEXI. En échange de cette contribution financière, la Commune s'est engagé à effectuer les travaux de réfection de la place dans un délai de 7 ans.

Liens

Petite histoire de la houillerie à Oupeye et de sa galerie d’exhaure dans mon blog https://hachhachhh.blogspot.com/2020/05/petite-histoire-de-la-houillerie-oupeye.html

 

http://biodiversite.wallonie.be/fr/3215-etang-de-vivegnis-et-thier-de-l-abbaye.html?IDD=251661716&IDC=1881#

Le projet Fut-Voie de Matexi >>

https://samaco.matexi.be/media/vivegnis/vivegnis-fut-voie-au-vivier.pdf

https://www.matexi.be/fr/vivegnis-info Pluris - préambule à la RIP (video)

RIP Vivegnis Matexi (video) idem que pdf

 

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