blason van den Bongaert |
Tout commence en 1558, lorsque le Prince d’Orange, à court d’argent, met en gage sa seigneurie auprès de François Hanxheller pour 26.000 florins. Cette pratique de l’engagement est courante à la fin du Moyen Âge. Les nobles ont fréquemment recours à ce genre d’hypothèque quand ils manquent de liquidités. Ils ont la possibilité exclusive de rachat. L’engagiste se substitue immédiatement à son débiteur en exerçant les prérogatives seigneuriales. Le gagiste nomme les agents seigneuriaux, perçoit les redevances et rend la justice. Il est tenu d’entretenir ce qu’il a reçu, mais les travaux d’investissement (modernisation d’un château, infrastructures, etc.) sont théoriquement à la charge du débiteur, propriétaire éminent. Pour l’emprunteur, l’engagement est souvent une mauvaise affaire. En effet, les engagistes peuvent totalement négliger l’entretien courant. Pire encore, les engagistes multiplient les abus : transformation de communaux en étangs, conflits avec leurs tenanciers ou leurs sujets. Mais ici nous avons une exception à cette règle : François s’installe avec son épouse Agnès Van den Bogaerd dans une ancienne maison à La Licourt. Il décède deux ans plus tard, et c’est sa veuve qui développe sa Seigneurie où elle construit, en étapes successives, le manoir dont nous reste la tour dite ‘Pépin’.
Nous reviendrons plus loin sur les besoins d’argent du Prince d’Orange.
François Hanxeller et Agnès Van den Bongart appartenaient à la haute noblesse d’Allemagne.
Chateau et église de Gangelt
Hanxeller avait obtenu
une partie de cette somme par un ‘engagement’ à l’envers : là c’est les
habitants qui ont racheté les droits afférents à la Seigneurie de Gangelt-Millen: im Jahre 1554 wurde Franz van Hanxeler, von
den Einwohnern die ein Pfand von 5500 Goldgulden einlösten, des Amtes Amptman
abgesetzt. Die Einwohner des Amtes, nachdem sie 51 Jahre
unter den zwei Hanxledens als Pfandherren gelebt hatten, damit sie wiederum mit
Jülich vereinigt würden, unter sich die Summe von 5500 Goldgulden aufbrachten
und gesammelt haben und sie dem Herzog anboten und sich selbst freikauften,
während Franz von Hanxler, diese Summe gleich benutzt hat, um die Herrschaft
von Herstal zu kaufen”.
Hanxheller rafreschit des ordonnances tombées en désuétude, sur le prix et le poix du pain, de vin et de cervoyse
Les Princes d’Orange-Nassau n’avaient jamais habité Herstal, se bornant à jouir des revenus de la seigneurie. Mais en 1558 le couple Hanxheller se pointe à Herstal et s’installe solennellement dans sa seigneurie, dans une ancienne maison à la Licourt. Lors des fouilles de 2010 on a trouvé les fondations d’une tour de cette maison d’origine. Le couple compte s’occuper de sa ‘Terre’.
A l’époque, le peuple se réunit trois fois par an aux plaids généraux, à la Licourt, pour rendre justice et pour entendre les décisions administratives. Aux
plaids de la Saint-Remy du 8/10/1558 Hanxheller ‘rafreschit’ diverses ordonnances tombées en désuétude, sur le prix
et «le poix du pain, messure de vin et de
cervoyse », en ordonnant préalablement la dégustation de la bière par
deux commis. Il défendait de porter « picquoux
de Haccourt, spieis à long fier quareit et pistoletz à feu et aultres
semblables bastons, de même qu’arbalestes bendez, ny heppe jecttant, ny
plombeaux, non plus que jacques de maille et semblables armures ». Il
défendait de « desrobeir ny prendre
ou souffleir poulhes, canards, canes, oysons ny collons, et ordonnait tous
ceaulx quy ont buses d’en faire quitte en dedans les 8 jours ».
Mais François annonce aussi son intention de « calenger les bois et commines de Herstalle ». Alors des
protestations fusent devant la Court de la part des bourgeois, tant de par delà
que de pardeça. On ne violera pas les privilèges et franchises relatives aux
‘boix et commines’. Au point où il doit lancer le 13/3/1559 un « cry » à la pierre
‘commine’: «s’il est personne quy
publicquement proffereir qu’il tuwerait
mondict Sengneur ». De toute ancienneté les bourgeois de la Terre
possédant terres aux champs avaient la faculté d’aller dans les bois à Wandre
couper les liens qui leur étaient nécessaires pour lier leurs gerbes. Mais à la
longue des abus s’étaient produits : certains coupaient liens et bois pour
aller les revendre « a des
estrangeirs hors de la sengnorie ». François essaye de calmer les
esprits. La Cour rendit ‘une déclaration
et remonstrance’ lue après la messe le 19/7/1560 : « pour que ung chascun bourgeois sur
ceans ayants terres et champs ayent les loyens pour loyer leurs jarbes et pour
eviteir qu’ilz soyent constrains de les aller achapter a hault pris comme a
Liége et aultrepart, est advise entre le seigneur et sa Justice pour le
soulagement desdits bourgoix, assingner audict bois certain lieu pour couppeir
loyens et autres bois comme passea et aultres clotures ». Ca se calme
un peu, mais l’affaire des bois communs n’est pas enterrée, comme nous verrons
plus loin.
Une veuve Seigneure (gagiste) de Herstal !
l'église de Gangelt
Malheureusement, notre chevalier meurt assez
vite, deux ans plus tard. Dans un missel que sa veuve Agnès Van den Bogaerd dédicace
à sa mémoire éternelle dans leur église paroissiale de Gangelt, nous lisons :
« Mein Ehemann Franziscus von
Hanxleden ist im Jahre unseres Heils 1561 genau am 1. Februar nach Mitternacht etwa um 3 Uhr gestorben. Dieses Buch hat die
Witwe Agnes von Bongart der Gangelter Kirche und dem St. Johannesaltar zum
ewigen Andenken geschenkt”.
Le couple Hanxheller n’était pas arrivé seul. Selon
les Annales Gangeltenses, Agnès était ‘extraordinairement fertile’, car en 15
ans, elle a eu 11 enfants dont la moitié sont morts très jeunes, comme souvent
à cette époque. Comme cette Elisabeth, morte en ‘martyre’ à un an et demi: “geboren im Jahre des Herrn 1545 im Monat
Dezember, als Märtyrerin gestorben als sie anderthalb Jahre alt war. Ou
Gottfried, als Kind gestorben” (toutes les citations en allemand proviennent
des Annales).
Une fille seulement
est née à Herstal. C’est aussi une Agnès, née en 1559.
En 1561, année du décès de François, l’ainé Wilhelm avait 16 ans. Mais son fils préféré qui héritera la Seigneurie est le benjamin Hermann, né en 1557.
Les autres enfants (Winand, Maria,
Gottfried, Elisabeth, Caecilia, Margarita) ne joueront
aucun rôle dans la Seigneurie de Herstal. Les filles rentraient souvent au couvent, parfois très jeunes, avec une
pension viagère (parfois réversible à la famille) et une dot monastique. Cécile sera religieuse à
Heinsberg, et Elisabeth et Maria à Capellen. Il n’y a que Margarita qui
réclamera et recevra une part de l’héritage.
Le Bois d’Orange et la question des terres communes
Agnès s’investit à fond dans sa Seigneurie.
Mais voilà que le Prince d’Orange
cherche à récupérer sa Seigneurie, en jetant de l’huile sur le mécontentement
des ‘surcéans’ envers les ordonnances sur les ‘commines’ édictés par François. C’est
l’affaire du Bois d’Orange. Les promoteurs immobiliers ont choisi ce nom pour
une résidence sur les Monts mais ce bois se trouvait plutôt de l’autre côté de
la Meuse, su Wandre. Attention : le
Prince d’Orange ne promet pas de rendre ces communs. Il fait remonter ces
droits à 1264 : « de droit
commun, communaltes fustimes les riviers alluvions ou isles appartenant à
seigneur du lieu. Et que les Seigneurs de Herstal en 1264 ont donné le bois de
Herstal az inhabitans pour ung petitte cheuse de ung florin dor monnaie de
Liège. Qua après lesdist inhabitans ayans prins société avec ceulz de
Liège contre le duc de Brabant ont forfait leur corps et bien et selon
l’exigence de delict ont gracieusement composé avec feu illustre Johan de
Nassou, seigneur de Herstal, et ont le 22/11/1467 transporté lesdits bois et
tous isles ou grentes communaultez en mains dudit Seigneur. Ce neantmoins ont
ledits seigneurs de leur benignité permis az inhabitans défructuer lesdits bois ».
Guillaume d'Orange
En résumé: de tout temps ces terres m’appartiennent mais je vous en laisse magnanimement l’usage. Les surcéans tombent dans le panneau et soumettent la question des «Bois et Commines» à l’échelon juridique supérieur de Brabant. Il en profite pour relancer la « redemption de laditte ville». Je suppose qu’il voudrait un rachat par les habitants, comme les gens de Gangelt ont fait avec Hanxheller. Espère-t-il que les bourgeois de sa Seigneurie remboursent les 26.000 florins et se libèrent ainsi des taxes qui greffaient la Seigneurie ?
L’affaire des Bois est portée en appel devant
la cour d’Aix le 25/4/1564. Guillaume, qui n’a jamais mis un pied dans sa
Seigneurie, arrive aussi à se faire
soutenir par les arbalétriers de Herstal qui le 28/11/1567 sortent une Ordonnance: « Nous la généralité compagnie et
confraternité des arbalestriers jureis estant tenus a notre très redoubté
prince et seigneur le comte de Nassau, nostre bon Maistre et Seigneur de
Herstal, scavoir faisons que notre bon vouloir, plaisir et opinion est selon
notre serment de leallement servir nostredit Seigneur et ses affaires» (Collart-Sacré, La Libre seigneurie de
Herstal, TI p235 La Force Publique p.235).
On est ici dans un débat très actuel sur le paradoxe ou la tragédie des biens communs, relancé par le biologiste Garrett Hardin en 1968. « The Tragedy of the Commons » est directement repris par les défenseurs des privatisations tout azimut. Selon eux, « dans une situation de compétition pour l'accès à une ressource limitée (créant un conflit entre l'intérêt individuel et le bien commun), la stratégie économique rationnelle aboutit à un résultat perdant-perdant ». Heureusement, les sciences sociales ont documenté depuis des centaines de cas de communautés présentes ou passées gérant durablement leurs ressources sous le régime de la propriété commune. Et Elinor Ostrom a reçu en 2009 le Prix Nobel d'Economie pour ses études sur l'utilisation raisonnée des ressources par les collectivités et les institutions publiques. C’était la première femme depuis la création du Prix en 1969.
Les avoirs du Grand Gueux Guillaume d’Orange confisqués
Agnès doit donc gérer les manœuvres ‘populistes’ de Guillaume qui souffle sur les braises de la révolte. Heureusement pour elle, la roue tourne pour le Prince d’Orange en 1567. Le très chrétien roi Philippe II soupçonne – à juste titre – un glissement de l’ancien bras droit de son père vers le protestantisme et il lui confisque tous ses avoirs. Mais comme la Seigneurie de Herstal est gagée, elle est hors de portée de l’Inquisition. Dans ces conditions, le Taciturne a tout intérêt à laisser sa Seigneurie dans les mains de la veuve Hanxheller.
Guillaume d'Orange, le Grand Gueux
En 1568 Guillaume d'Orange lève une armée et
entreprend de marcher vers les Pays-Bas pour faire tomber l'impopulaire duc
d'Albe. C’est le début de la guerre de 80 ans. Il espère à travers la
principauté de Liège et le Brabant de faire sa jonction avec les huguenots
français. Il passe pour cela par Gangelt. Nous lisons dans les Annales
qu’une masse de gens de guerres se réunissent et inondent le ‘heimat’: « eine große anzall kriegsvolck, die
Armee des Prinzen von Oranien ist über unsere Heimat
strömend, zu Beginn des niederländischen Aufstands von deutschen Gegenden aus
hineingeführt worden, wobei später die Maas zu Stockem überquert worden is ».
A Herstal, ses détracteurs accusent Dame Agnès de connivence avec les gueux, accusation qu’elle renie en menaçant ceux-ci de confiscation de tous leurs biens: « aux plais généraux de 1567 l’on fait assavoir de part Dame Agnès Van den Bonghard Dame et Seingnoresse que tous ceulx et celles soy ayant declareit geulx hanteit et fréquenteit avec eulx ensemble, ayant esty a la presche novelle tant à Treit, Lemborch et aultrepart qu’ilz soy retirent laditte Seingorie en thiers jours prochains sur paine de confiscation de corps et bien.Item que personne dorsenavant ne soy presume oit en aparte ou en secreit cryer vive les geulx ni herbergier desdits geulx de lesdittes sectes desfensies sur paine d’incorir l’indignation du Seingeur ».
Le 28 octobre 1568 Orange est devant l'enceinte de Sainte-Walburge. Il y avait, certes, une certaine sympathie pour la religion réformée dans la Principauté, mais les états de Liège refusent le passage. Guillaume brûle les abbayes de Saint-Laurent, de Saint-Gilles et du Val Benoît, et les faubourgs de Sainte-Marguerite, Hocheporte et Sainte-Walburge mais reste isolé et doit se retirer sur Strasbourg.
Suite de l’échange Herstal-Mariembourg : Herstal reste aux Hanxheller
Dame Agnès est donc un peu tranquille du côté de la maison d’Orange. Mais voilà qu’elle est confronté avec Prince-Evêque qui demande l’application d’un accord qui remonte à Charles Quint: l’échange de
la Seigneurie de Herstal contre Mariembourg. Elle n’est pas directement impliquée : c’est un conflit entre Philippe II, qui a succédé à Charles Quint, et le Prince-Evêque. C’est de la géopolitique.
Vers 1550 la France essaye de casser l’encerclement par les Habsbourg, en séparant les Habsbourg espagnols des Habsbourg autrichiens. Le point de clivage choisi par le roi de France Henri II est la Principauté. Il assiège Mariembourg, pour percer ensuite vers Dinant et Liège. Charles Quint arrive à bloquer le roi à Dinant, en mobilisant ses vassaux, dont Guillaume d'Orange. Comme pour Dame Agnès, le Prince d’Orange n’est pas directement impliqué dans ce conflit. Le hasard de l’histoire veut que cette affaire de Mariembourg soit à la base de ses problèmes financiers qui l’ont obligé à mettre en gage sa Seigneurie de Herstal. En décembre 1551 il est nommé à la tête d'une compagnie de cavalerie. A lui de les ‘solder’. Six mois plus tard Charles Quint le charge de former 10 compagnies. Il est ensuite nommé capitaine général de l'armée de la Meuse le 22 juillet 1555. Or, le temps est révolu que les vassaux pouvaient se limiter à appeler leur ban et arrière-ban. A l’époque de Charles Quint ils sont censés recruter des armées de métier, sur leur cassette. C’est à ça qu’ont servi les 26.000 florins de Hanxheller, qui d’ailleurs étaient largement insuffisants : ses mercenaires manquent d'approvisionnement, sont mal payées et manquent régulièrement de se mutiner. Comme si cela ne suffisait pas, elles sont frappées par la peste.
Le Prince d’Orange sera un grand stratège, mais il est dans cette guerre-ci chargé de missions secondaires : le général en chef est Lamoral d'Egmont. C’est dans ce cadre-là que Guillaume prend la ville de Couvin le 18 août 1555, qu'il fait raser, dans le but d'aider la ville assiégée de Mariembourg. Il est à Bruxelles pour l'abdication de Charles Quint, où l'empereur s'appuie sur son épaule, avant de repartir sur les champs de bataille, où il parvient à licencier une bonne partie des troupes à la fin de la campagne, alors qu'il ne dispose quasiment pas d'argent.
Voilà donc l’implication de Guillaume d’Orange dans l’affaire de Mariembourg : son endettement. Si cette guerre avait été victorieuse, ilaurait pu espérer une récompense de l’Empereur, luipermettant de lever le gage sur sa Seigneurie. Mais cette guerre-ci ne connaîtra pas de gagnant. Les deux camps cherchent à consolider leurs frontières. Charles Quint avait déjà avant les hostilités cherché à fortifier Mariembourg, tant bien que mal : cette place forte ne l’ appartenait pas directement, mais était à la Principauté. Pour y avoir les mains libres, il propose d’échanger Mariembourg contre la Seigneurie de Herstal. Or, le hasard de l’histoire veut que cette Seigneurie appartient aux Oranges.
Philippeville
Finalement, cette transaction ne se fait pas,
entre autres parce que Philips II fortifie Philippeville qu’il donne son nom (un
siècle plus tard Vauban dira que "Mariembourg est un trou très imparfait qui a
je ne sais combien de défauts que l'ennemi prendra toujours facilement et à
coup sûr toutes les fois qu'il sera maître de la campagne. Tandis que Philippeville, à quelques km de
là, située en hauteur, est plus facilement fortifiable que Mariembourg situé
dans un trou").
Cet échange Herstal-Mariembourg dort pendant quinze ans. Mais en 1570, le prince-évêque relance cette affaire. Mariembourg ne l’a jamais intéressé. Herstal par contre était une épine dans son pied. Et le propriétaire final, le Prince d’Orange, est persona non grata pour l’Inquisition! L'évêque prend d’ailleurs comme conseiller Laevinus Torrentius, Grand Inquisiteur. L’Evêque arrive à un accord avec la duc d’Albe sur de fortes indemnités pour les dommages subis en 1555 par suite de la mauvaise conduite des garnisons de Mariembourg. Mais le prince-évêque exige que la terre de Herstal lui soit livrée libre de toute hypothèque. Quelqu’un aurait dû donc rembourser les 26.000 florins à la veuve Hanxheller. Aucun des deux ne veut mettre la main dans la caisse. Cinq ans plus tard, Torrentius relance encore l’affaire, en vain.
L’héritage du fils Herman Hanxheller
En 1583 la Dame Agnés cède de son vivant toutes ses propriétés à son fils Herman. Elle décèdera douze ans plus tard. Mais elle continue à conseiller son fils. Au-dessus de la porte de la maison paternelle une inscription aujourd’hui en témoigne: « Agnes von der Bongart Wittib von Hanxler fraw der freijer herligheit Herstall anno 1596 ».
Ces douze dernières années sont relativement
tranquilles pour sa Seigneurie. Le Grand Gueux est assassiné en 1584 par un
tueur à gages du Duc d’Albe, les protestants désignent son fils Maurice de
Nassau comme stathouder des Provinces-Unies des Pays-Bas. Celui-ci a d’autres
chats à fouetter. Quant au fils ainé Philippe-Guillaume, il avait été pris en
otage par Philippe II, en Espagne.
Pendant cette longue absence ses droits d’ainesse ont été fameusement écornés.
Maurice, le deuxième fils, avait occupé le terrain au niveau des
Provinces-Unies. Herman Hanxheller acquiert de nouvelles propriétés à Herstal. Son
frère Wilhelm (Guillaume) qui se
fait appeler Co-Seigneur de
Herstal, a épousé une Groesbeck ce qui assure une certaine tranquillité de ce
côté-là (Gerhard von Groisbeck, des 88.
Bischofs von Lüttich, die von Papst Gregor XIII. zum Kardinal der Heiligen
Römischen Kirche ausgewählt wurde).
Philippe-Guillaume d’Orange récupère la Seigneurie de Herstal
Philippe-Guillaume d'Orange
Le ‘rachat’ de la Seigneurie revient à l’agenda
lorsque Philippe II permet ànson otage Philippe-Guillaume, de retourner vers
les Pays-Bas. L’Empereur espère que sa
libération fomente la discorde parmi l’ainé
et le Stadhouder Maurice. Mais les hollandais continuent à soutenir Maurice.
Et, évidemment, Philippe II ne rend pas à Philippe-Guillaume les terres confisquées (la principauté d’Orange, la baronnie de Breda et la seigneurie de Diest), sauf Herstal, un cadeau empoisonné puisqu’il y avait ce prêt à rembourser à la famille Hanxheller.
Philippe-Guillaume essaye de s’en tirer à bon compte. Il conteste la cession de 1558 parce qu’elle avait été faite après le décès de sa mère, en 1552, alors que la Seigneurie lui était déjà dévolue. J’aurais difficile de vous expliquer cette dévolution maternelle, mais la Cour le suit et rend une première sentence de dépossession le 30/4/1603, au profit du Prince. Au lieu de rembourser les 26.000 florins, il peut s’acquitter d’une rente.
«Mais les frères Hanxeller désireux de rester en possession de la Terre s’étaient montrés condamnés récalcitrants: loin de se soumettre, ils font convoquer les bourgeois de Herstal et, s’accrochant désespérément à toute planche de salut, ils se firent reconnaître et installer en qualité de Seigneurs avec toute la solennité d’usage ». Y compris la dringuelle : « Puis ont effectuer seme et respandu entre le peuple aulcune somme de deniers tant en or comme argent comme aultrefois ont fait les predicesseurs seigneurs de la ditte baronnie de Herstal »
La Cour de Brabant ne se montra pas impressionné et confirma sa sentence, le 24 mai 1604. Rendue au nom des Archiducs Albert et Isabelle, et signifiée le 6/9/1605, elle constitue une rente au profit des « damoiseaulx Herman et Guillaume Hanxlaers frères, Escuyers, avec hypothécation de sadite Terre et Seigneurie de Herstal et assurance de ladite rente et du payement annuel ».
Herman Hanxeller revient encore à la charge en 1609, en contestant le transfert de la Seigneurie par Elisabeth de Glimes à Antoine de Croy (et ainsi aux Nassau), en 1435. Vous me direz que c’était de bonne guerre : Philippe-Guillaume n’avait-il pas évoqué la dévolution maternelle de 1552 ? Mais c’est quand même un peu tiré par les cheveux.
Un demi-siècle de règne des Hanxeller à Herstal
Je laisse la conclusion à André Collart : « Le règne des Hanxeller à Herstal a donc duré 47 ans (1557-1604). Point de vue matériel, Herstal gagna une amélioration du quartier de la Licourt. La construction d’une maison seigneuriale, un château avec parc, le percement de la rue Derrière les Rhieux et de la rue Deffet. Il faut ensuite attendre 1754 pour retrouver trace d’une amélioration de voirie. Et ce fût grâce aux Hanxeller que la Seigneurie gagna ( ?) le titre de baronnie .
Malheureusement,
la Terre ne portait aucun titre et leur vanité en souffrait : Herstal ne
portait que la désignation de franche ville ou Terre et Seigneurie de Herstal.
Nous voyons le père François Hanxeller prendre, timidement d’abord, plus
ostensiblement, le titre de Baron de Herstal.
Les deux
fils Guillaume et Herman en usèrent largement, si bien que quand sonna le glas
de leur rôle à Herstal, en 1604, Baron de Herstal était devenu un titre classé
dont bénéficia le Prince d’Orange quand il rentre en possession de sa
Seigneurie. A partir de 1605 la Court et Justice admit la dénomination Baronnie
dans ses actes. En 1624 le prince Orange la consacra dans une commission de
Bailly. Toutefois, la Court féodale de Brabant n’accorda jamais le titre de
baronnie à Herstal ».
Ce qui n’a pas empêché, le 30 avril 2013, lors de l’abdication de la Reine Béatrix pour laisser le trône à son fils Willem Alexander et à son épouse Maxima, de leur laisser aussi le titre de Baron de Herstal.
Les Hanxheller avaient perdu la seigneurie, mais restaient propriétaires de certains biens à Herstal.
C’est ainsi qu’en 1647 le domaine de la Licourt «et leurs hoirs, telle maison, estableries, pescherie (La Lée) vient dans les mains du Seigneur de Hardembrouck, marit et mambour de Mme Agnes de Hanxeller, sa compagne ». Herman Hanxeller et Catharina Spieß von Büllesheim ont eu deux enfants, dont Agnès qui s’est mariée en mai 1628 avec Pieter van Hardenbroek, d’abord en Hollande, à Neerlangbroek. Le 12 avril 1633 ce mariage est répété à Liège, en présence d’un notaire et de Petrus Aloysius, nonce du pape (et évêque de Tricarie, un titre d’honneur pour les nonces). Cela montre que la famille faisait toujours partie du high life. Son mari Pieter van Hardenbroek était président de la noblesse d’Utrecht. En 1658 il vend le château à « Hendrick Treps demeurant à Amsterdam ». Herman et Catharina ont laissé leurs armoiries sur la tour de la place Licour…
Le règlement de l’échange Mariembourg-Herstal
Le problème de Mariembourg-Herstal revient sur
le tapis, sans succès, en 1615, au concordat de Maestricht. Il faut attendre la
paix de Münster, de 1648, entre celui-ci et les Provinces-Unies, pour que la seigneurie rendue aux stadhouder Guillaume
III. Sept ans plus tard, en 1655 seulement, le
prince-évêque de Liège est mis en possession de la partie de Herstal qui lui
est due. C’est le roi de Prusse, Fréderic le Grand, qui règle cette affaire,
avec fracast http://hachhachhh.blogspot.com/2011/01/frederic-le-grand-regle-en-1740-sa.html
Les restes du manoir et les traces
laissées par les Hanxheller
En 1673, le château sert de caserne à l’armée de Louis XIV, lors du siège de Maastricht. Vers 1740 ce château mérite encore une gravure dans les Délices du pays de Liège, de Remacle Le Loup. Vers 1815 Jean-Michel Courard, premier maire de Herstal, l’achète. Son petit-fils du même nom détruit le manoir en 1854 pour la construction de sa maison. Il ne laisse que la tour.
Il y a
sur la façade de la tour une pierre rectangulaire avec les armoiries des
Hanxheller et des Spies avec en bas à droite
la signature du démolliseur ‘Courard 1854’, ajoutée ultérieurement. Le
curé de la Licourt a vendu en 1872 la
pierre tombale recouvrant la sépulture de Agnès Van den Bongaert. Elle se trouvait
en 1927 à Hermée, à Grand-Aaz, où elle servait de ponceau. Elle porte les
blasons des Hanxeller, et des Bogaert. Un cénotaphe portant les blasons
Hanxeler-Spies se trouvait en 1927 au
Musée d’Archéologie Liège. Celui-là, on devrait pouvoir le retrouver.Schaepkens 1880 ruines chateau
Et puis, il y a les Annales Gangeltenses écrite par le Jésuite
Jacobus Kritzraedt, entre 1639-1644. En 2005 le Kreismuseum Heinsberg a réédité
ces Annales qui ont été mis sur internet par la Digitale Bibliotheek voor de
Nederlandse Letteren, pour les nombreux passages en nederdiets, le bas
allemand.
Sources
musée Heinsberg |
La seigneurie de Herstal sous les Hanxeller. 1568-1604 / par André Collart. - Herstal : Alfred Vool, 1923. - 64 p. (N1298)
Je veux avertir celui ou celle qui voudrait s’adonner à la lecture de cette petite brochure : la lecture n’est pas facile : il recopie abondamment des notules de l’époque, en ancien français dans un orthographe un peu phonétique, dont des compte-rendus des plaids un genre de conseil communal avant la lettre.
Annales
Gangeltenses(2005)–J. Kritzraedt
https://www.dbnl.org/tekst/krit002anna02_01/krit002anna02_01_0013.php
https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1959_num_37_2_2268 Robert Wellens, La forteresse de Mariembourg : Fondation - Cession du territoire aux Pays-Bas (1546-1655) ; Revue belge de Philologie et d'Histoire Année 1959 37-2 pp. 343-373
La Tour Pepin à Herstal, Bulletin du Musée N°148 sept.-oct.2009
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