samedi 16 janvier 2021

Herstal et la tour Hanxheller dite « Pépin »

Herstal achètera en 2021 de gré à gré la « Tour Pépin». Dans ses motifs, le collège dit que ce nom ‘Pépin’ traduit l’attachement des Herstaliens à la légende qui voudrait qu’elle soit construite sur des vestiges du château de Pépin de Herstal. Je veux bien un peu de légende, mais il faut savoir faire la distinction entre folklore et réalité historique. Je veux bien me promener en chasuble de compagnon de Charlemagne, et boire un fresse pékèt, mais il faut savoir quand la fête est finie.

45.000 euros : c’est cher pour un bâtiment qui a servi de poulailler, avant d’être à l’abandon. C’est cher si on sait que la Ville aurait pu le reprendre pour le franc symbolique, il y a quelques années. Mais c’est surtout cher si on l’achète pour ce qu’elle n’est pas. Herstal achète ce qui reste du château de la famille Hanxheller. Franz von Hanxler/Hansseler est devenu  Herr der Freiherrlichkeit zu Herstal en prenant en gage la Seigneurie contre un prêt de 26.000 florins.  Hanxheller, Hanxler, Hansseler : voilà déjà trois orthographes du nom ; et les clercs de l’époque écrivaient aussi Hansleden, Hancxheler, Hanxelaer, Hanzeler, Hanxeller ou Hauxclair. Il venait de Gangelt, à cheval sur ce qui est aujourd’hui la frontière entre les Pays Bas et l’Allemagne. Tellement à cheval qu’on a coupé en 1815 le bourg en deux, et qu’en 1945 la Hollande a encore voulu reprendre le bourg. On aurait pu écrire Gangeler, si ce n’est que les wallons prononcent mal le g allemand. Les érudits qui ont défini l’orthographe wallon ont utilisé le chi grec, transcrit en xh, qui est en fait un h aspiré. Allons donc pour Hanxheller…

Cette tour n’a rien à voir avec Pépin. Aucune fouille –et il y en a eu plusieurs- n’a pu prouver l’origine mérovingienne de cette tour. Insister là-dessus est presque demander à ce qu’on se f. de notre g., comme le font allégrement Stéphane Baurins et André Clette, dans leur «Histoire du Belge», dont voici un petit extrait : « Charles Martel eut à sont tour un petit Pépin avant de mourir. Ce Pépin-là grandit et, eu égard à la manière furtive et fugace dont il s'introduisait dans ses multiples concubines, il fut vite appelé Pépin le Bref. C'est donc à la surprise générale que le dit Pépin épousa Berthe le Grand Pied, dont le surnom disait assez le tempérament extraverti. De cette union paradoxale naquit pourtant un bel enfant qui, selon toutes les apparences, était de la graine de Pépin. Aussi l'appela-t-on Charles ».

Et la Ville n’a même pas l’excuse de ne pas le savoir. Il y a un siècle, notre historien local André Collart – il a une rue a son nom à 50 mètres de chez moi – a écrit un petit livre « La seigneurie de Herstal sous les Hanxeller 1558-1604 » qui fait l’historique de ce manoir.  Ce demi-siècle sous les Hanxheller est passionnante, pas besoin d’en rajouter avec des histoires sur Pépin. Face à notre Hanxheller il y avait le Prince d’Orange qui vaut quand même bien un Pépin:  la famille royale hollandaise porte toujours le titre de Seigneur de Herstal. Imaginons un moment la reine Maxima qui viendrait faire relief de sa seigneurie dans cette tour !

Vers 1558 le Prince d’Orange est à court d’argent et met en gage sa seigneurie de Herstal auprès de notre chevalier qui s’installe dans une ancienne maison à La Licourt. Il décède deux ans plus tard, et André Collart explique comment sa veuve Agnès Van den Bogaerd construit ce manoir, en étapes successives. Et lorsque Guillaume d’Orange veut récupérer sa Seigneurie, il n’arrive pas à se mettre d’accord avec le Prince-Evêque sur le remboursement du prêt de 26.000 florins à Hanxheller. Parce que son supérieur hiérarchique Charles Quint a promis la Seigneurie au Prince-Evêque, en échange de Marienmbourg.

Pourtant, le nom Hanxheller ne tombe pas une fois dans l’’interview avec André Namotte, échevin en charge du Patrimoine, dans La Meuse 26/12/2020. En soi, rien de bien grave, si ce n’est qu’en se cantonnant dans le recherche d’un palais de Charlemagne, on risque d’être déçu parce que rien de matériel renvoie à l’empereur à la barbe fleurie. La plus grande partie de ce château a d’ailleurs déjà été démoli, en 1854, (dans l’indifférence), par le petit-fils du premier bourgmestre de Herstal, pour construire sa maison de maître du n°15 !

Charles Quint pose une colle à Guillaume d’Orange, seigneur de Herstal

Sans s’en rendre compte, la famille Hanxheller met les pieds dans un conflit qui mijote déjà depuis 1546, et qui ne trouvera qu’une solution en 1740 lorsque le roi de Prusse Frédéric le Grand règle à sa manière l’affaire de HerstalHerstal était sous les Comtes de Nassau,Princes d’Orange, depuis Jean de Nassau 1458-1478. Ensuite il y eut Englebert de Nassau 1478-1504 ;  Henri de Nassau 1504-1538 ;  René de Châlon, fils de Henri 1538-1544 et puis Guillaume de Nassau, son cousin germain 1544-1584  (Collart-Sacré, La Libre seigneurie de Herstal, TI, p.37)


Guillaume était en possession de sa Seigneurie depuis deux ans, lorsqu’en 1546, l’empereur Charles-Quint charge sa sœur Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, de construire une forteresse à Marienbourg, contre la France. Le problème, c’est que ce territoire dépendait du prince-évêque de Liège. Marie propose un échange avec la seigneurie de Herstal. Elle sait pourtant pertinemment bien qu’elle ne détient que les droits de souveraineté et de relief; Herstal est à Guillaume, qui, en plus, est en tant que chouchou de Charles Quint élevé à sa cour. Certes, il n’a que 13 ans. Mais il a des tuteurs qui marquent leur désaccord avec cet échange contre une terre où Marie ne possède aucun droit.

En 1548, Marie fait un nouvel essai. Les tuteurs de Guillaume demandent de différer l'affaire de Herstal jusqu'à sa majorité dernier. Devenu majeur, celui-ci affirme lui-même ses droits sur Herstal et  en mars 1554, Marie de Hongrie décide de ne pas insister. Il y avait d’autres urgences : le roi de France Henri II avait pris Mariembourg. Il avait en plus eu le culot de le rebaptiser Henribourg. Et elle envoie


Guillaume pour régler cette affaire. Celui-ci est pratiquement devenu le bras droit de Charles Quint. Jugez vous-même : le 25 octobre 1555, lors de l'Abdication de Charles Quint, malade et affaibli, il se tient à l’épaule du prince d’Orange.

Guillaume a 22 ans. Il veut empêcher le ravitaillement de Mariembourg et réduire cette place à la famine. Les troupes françaises se ressemblaient pour favoriser le ravitaillement de la ville “qui souffrait de la disette et attendait du secours”. Marie demande à Guillaume “d’empêcher ces vivandiers de porter des victuailles à Mariembourg, les despecher (mettre à mort) sur le camp et les laisser étendus sur les chemins; en leur faisant une guerre cruelle, ils craindront de venir par petites troupes; et s’ils viennent en force, ceux qui seront du convoi mangeront une partie des vivres ». La maraude et le pillage étaient devenus la seule ressource du soldat, aussi chez ceux de Guillaume. Les populations durent recourir à la résistance à main armée, pour garder le peu de biens qui leur restaient… La peste infecte le camp. Le « manque de vivres et d’argent était devenu pour Guillaume une source d’embarras; la cavalerie sans fourrages allait au loin chercher une nourriture qu’elle dérobait. Las chefs avaient peine à tenir leurs troupes auprès d’eux; elles se mutinaient, mettaient leurs armes en gage, et quelquefois refusaient tout service.”

Voilà le contexte dans lequel Guillaume met en gage sa Seigneurie. On oublie souvent qu’à cette époque la différence entre un prince et un seigneur de guerre était mince. Lorsque Charles Quint ou sa sœur Marie lui demandent de partir en guerre, c’est à lui d’avancer le paiement des troupes sur sa casette personnelle. En général, et surtout lorsque l’affaire connaît un aboutissement heureux, l’empereur ‘récompense’ ses vassaux.

Donc, Guillaume est en court d’argent, suite à une campagne militaire pour un bled que ses supérieurs Marie et Philippe II, qui a succédé à Charles Quint, veulent échanger avec le Prince-Eveque de Liège contre la Seigneurie de Herstal qui lui appartient. C’est dans ce contexte qu’il met en gage la Seigneurie, avec peut-être en tête l’idée que cette hypothèque va compliquer cet échange. Et s’il n’y a pas pensé, c’est ainsi que cette affaire a évoluée

1557 François Hanxeller seigneur gagiste de Herstal

C’est ici que commence le récit d’André Collart. Le 15/3/1557 le receveur du Prince fait enregistrer un acte contractant envers François Hanxeller, écuyer et Seigneur de Gangelt, «une rente de mille carolus de vingt patars braibant, asseigneis sur leur seignorie de Herstal».  Nous venons d’expliquer pourquoi le Prince était à court d’argent.  Il emprunta encore 16.000 florins en 1557 et céda, en garantie, à son prêteur, la Terre de Herstal avec tous ses revenus (Collart-Sacré, La Libre seigneurie de Herstal, TI). Guillaume se réserve le droit d'effectuer le rachat en tout temps.

armoiries de Hanxheller sur la tour
Hansleden appartenait à la haute noblesse d’Allemagne. Selon André Collart, les Hanxeller étaient de l’ordre teutonique où ils avaient été reçus en 1549, ayant justifié de huit quartiers – càd 8 générations- de noblesse militaire. Il me semble qu’il se trompe. Je n’ai retrouvé qu’un chevalier teutonique Winand von Hanxler (Deutschherr: Ritter des Deutschen Ordens, Winandus ab Hanxler eques ord. Teutonici, obiit 1573). Et encore : je n’ai pas réussi à le caser dans la famille de François. Mais ça ne change rien au fait qu’ils étaient de la haute noblesse. Franciscus ab Hanxler avait en tant que seigneur banneret mené son ban en Hongrie, en 1542, contre les Turcs. Il avait portéle titre  de  maire et notaire à Gangelt (Amtmann und Pfandherr zu Gangelt, Millen ; magister equitum ou Rittmeister in Hungaria). Agnès aussi était de la noblesse.

Mais à l’époque déjà une partie de la noblesse commençait à monnayer ces titres ronflants qui ne rapportaient pas toujours.

Hanxeller avait obtenu une partie de cette somme par le rachat de la Seigneurie de Gangelt-Millen par les habitants, en 1554, après 51 ans sous les Hansleden. Il était donc déjà ‘Seigneur gagiste’de Gangelt ; il échange la bourg contre Herstal. C’est ce que nous apprennent les Annales Gangeltenses, un manuscrit du Jésuite Jacobus Kritzraedt avec une préface dédié à Wilhelmus ab Hanxleden (le fils de François) et basé en partie sur les archives familiales.

Comme je ne maitrise pas le fond juridique de ces transactions engagères, voici le texte en allemand : im Jahre 1554 wurde Franz van Hanxeler, von den Einwohnern die ein Pfand von 5500 Goldgulden einlösten, des Amtes Amptman abgesetzt. Die Einwohner des Amtes, nachdem sie 51 Jahre unter den zwei Hanxledens als Pfandherren gelebt hatten, damit sie wiederum mit Jülich vereinigt würden, unter sich die Summe von 5500 Goldgulden aufbrachten und gesammelt haben und sie dem Herzog anboten und sich selbst freikauften, während Franz von Hanxler, diese Summe gleich benutzt hat, um die Herrschaft von Herstal zu kaufen”. Kritzraedt a appris ça de la bouche de Thomas Brewer, doyen de Sittard. C’est d’ailleurs marrant comment, cinq siècles plus tard, on arrive de nouveau à vendre une ville, au salon de l’immobilier MIPIM à Cannes.

En février 1558 c’est François lui-même qui se pointe à Herstal. 

Les Princes d’Orange-Nassau n’y avaient jamais habité, se bornant à jouir des revenus de la seigneurie. Mais pour François par contre c’est beaucoup plus qu’un placement financier. Il s’installe solennellement dans sa seigneurie, dans une ancienne maison à la Licourt, avec son épouse Agnès Van den Bogaerd. Lors des fouilles de 2010 on a trouvé les fondations d’une tour de cette maison d’origine. Il commence à l’agrandir assez vite. Il envisage même de supprimer une petite ruelle qui contrariait ses projets. Et comme, tout en étant Seigneur, il lui faut quand même l’accord des riverains, il fit percer la rue Derrière les Rieux, donnant ainsi deux issues nouvelles à la ruelle, en espérant ainsi pouvoir supprimer le tronçon compris entre cette rue nouvelle et la Licour. C’est sa veuve qui réalisera ce projet en 1575.

Nous sommes ici derrière les Rieux. Qu’en est-il des Rieux même ? Les archéologues de 2010 déduisent de la carte de Ferraris (1770 !), et de l’Atlas des chemins vicinaux (1832 !) que « la partie circulaire au sud du domaine a pu flanquer un dispositif d’accès lui-même bordé par un bras d’eau longeant le flanc méridional de la propriété. Ce cheminement encore prégnant au XIXe siècle, est encore perceptible à l’heure actuelle au cœur de l’îlot ». Il y a un siècle, on a dévié les eaux des rieux dans la Faux-Rieu.

Lors de son intronisation, il est « à deux genoux faisant sa dévotion  à Dieu, à Notre-Dame et monsieur Charles  souverain coadjuteur patron…. ».  Je découvre ces titres inusités de Charlemagne : coadjuteur patron … Si le couple compte s’occuper de sa ‘Terre’, c’est que Herstal, belle et riche terre, se prêtait à merveille à l’extension de leurs relations et à leur renommée croissante, mieux que leur Seigneurie de Gangelt, quelque part entre Heinsberg et Sittard. Ceci dit, il ne coupera pas les liens avec s terre natale, comme nous verrons plus loin.

A l’époque, le peuple se réunit trois fois par an aux plaids généraux, à la Licourt, pour rendre justice et pour entendre les décisions administratives. Aux plaids de la Saint-Remy du 8/10/1558 Hanxheller ‘rafreschit’ diverses ordonnances tombées en désuétude, sur le prix et «le poix du pain, messure de vin et de cervoyse », en ordonnant préalablement la dégustation de la bière par deux commis. Il défendait de porter « picquoux de Haccourt, spieis à long fier quareit et pistoletz à feu et aultres semblables bastons, de même qu’arbalestes bendez, ny heppe jecttant, ny plombeaux, non plus que jacques de maille et semblables armures ». Il défendait de « desrobeir ny prendre ou souffleir poulhes, canards, canes, oysons ny collons, et ordonnait tous ceaulx quy ont buses d’en faire quitte en dedans les 8 jours ».

Avec ça vous avez un aperçu des armes de poing courantes. Jusque là, ça passe. Mais François annonce aussi son intention de « calenger les bois et commines de Herstalle ». Alors des protestations fusent devant la Court de la part des bourgeois, tant de par delà que de pardeça. On ne violera pas les privilèges et franchises relatives aux ‘boix et commines’. Au point où il doit lancer le 13/3/1559 un « cry » à la pierre ‘commine’: «s’il est personne quy publicquement  proffereir qu’il tuwerait mondict Sengneur ». De toute ancienneté les bourgeois de la Terre possédant terres aux champs avaient la faculté d’aller dans les bois à Wandre couper les liens qui leur étaient nécessaires pour lier leurs gerbes. Mais à la longue des abus s’étaient produits : certains coupaient liens et bois pour aller les revendre « a des estrangeirs hors de la sengnorie ». François essaye de calmer les esprits. La Cour rendit ‘une déclaration et remonstrance’ lue après la messe le 19/7/1560 : « pour que ung chascun bourgeois sur ceans ayants terres et champs ayent les loyens pour loyer leurs jarbes et pour eviteir qu’ilz soyent constrains de les aller achapter a hault pris comme a Liége et aultrepart, est advise entre le seigneur et sa Justice pour le soulagement desdits bourgoix, assingner audict bois certain lieu pour couppeir loyens et autres bois comme passea et aultres clotures ». Ca se calme un peu, mais l’affaire des bois communs n’est pas enterrée, comme nous verrons plus loin.

Une femme Seigneure (gagiste) de Herstal !

Malheureusement, notre chevalier meurt assez vite, deux ans plus tard. Dans un missel que sa veuve Agnès Van den Bogaerd dédicace à sa mémoire éternelle dans leur église paroissiale de Gangelt, nous lisons : « Mein Ehemann Franziscus von Hanxleden ist im Jahre unseres Heils 1561 genau am 1. Februar nach Mitternacht etwa um 3 Uhr gestorben. Dieses Buch hat die Witwe Agnes von Bongart der Gangelter Kirche und dem St. Johannesaltar zum ewigen Andenken geschenkt”.

Le couple Hanxheller n’était pas arrivé seul. Selon les Annales Gangeltenses, Agnès était ‘extraordinairement fertile’, car en 15 ans, elle a eu 11 enfants dont la moitié sont morts très jeunes, comme souvent à cette époque. Comme cette Elisabeth, morte en ‘martyre’ à un an et demi: “geboren im Jahre des Herrn 1545 im Monat Dezember, als Märtyrerin gestorben als sie anderthalb Jahre alt war. Ou Gottfried, als Kind gestorben”  (toutes les citations en allemand proviennent des Annales).

Il n’y a qu’une fille née à Herstal. C’est aussi une Agnès, ce qui explique peut-être qu’AC ne la reprend pas dans sa généalogie (meine Tochter ist geboren im Jahre 1559). 

Selon AC, la veuve Agnès administre et agrandit le domaine comme tutrice de deux enfants mineurs. Or, il y en avait plus. Compte avec moi : en 1561, l’ainé Wilhelm avait 16 ans (geboren im Jahre des Herrn 1546, am 14. Juni, um 3 Uhr nachmittags; Winand, geboren im Jahre des Herren 1547, am 29...., um 6 Uhr vormittags; Maria, geboren im Jahre des Herrn 1550, am 30. Mai, vor Tagesanbruch zwischen 1 und 2 Uhr; Gottfried, geboren im Jahre des Herrn 1551, am 11. Juli, vor Tagesanbruch um etwa 2 Uhr; Elisabeth, geboren im Jahre des Herrn 1552, am 16. Juli, abends zwischen 7 und 8 Uhr; Caecilia, geboren im Jahre des Herrn 1553, am 16. November, vor Tagesanbruch um etwa 5 oder 6 Uhr; Margarita, im Jahre des Herrn 1555, am 6. Februar, am St. Dorotheatag um 7 Uhr; Hermann, mein Sohn, geboren 1557, am 2. November, um Mitternacht).

Si AC n’a retenu que les deux commes, c’est peut-être qu’à l’époque on ne comptait pas les filles placées dans un couvent, parfois très jeunes. Elles rentraient avec une pension viagère (parfois réversible à la famille) et une dot  monastique, et ne rentraient ainsi plus en ligne de compte pour l’héritage. C’est ainsi que Cécile sera religieuse à Heinsberg, et Elisabeth et Maria à Capellen. Il n’y a que Margarita qui réclamera et recevra une part de l’héritage après la mort d’Agnès. Elle avait épousé Cosimo Affaitati, d’une famille de  banquiers de Crémone, qui avait prêté à  Charles Quint de grandes sommes d'argent. En retour, il avait pu acheter en 1545 la baronnie de Ghistelles qui sera plus tard élevée en comté.

Agnès s’investit à fond dans sa Seigneurie. La ruelle acquise, elle acheta la propriété d’aval appartenant à Charles de Large. Et un document  de 1578 atteste d’une cession  d’un ‘cortilet jardin existant à tiege’ (= rue du Tige). Mais voilà que  le Prince d’Orange cherche à récupérer au plus vite sa Seigneurie, en jouant sur tout mécontentement envers la dame Agnès.  En 1561 il arrive à faire demander par les habitants à la Cour de Herstal le retour de la Seigneurie dans le giron d’Orange.

Le Bois d’Orange et la question des terres communes

Guillaume de Nassau-Orange jette de l’huile sur le mécontentement des ‘surcéans’ envers les ordonnances de feu son mari sur les ‘commines’. C’est l’affaire du Bois d’Orange. Je doute que les promoteurs immobiliers qui ont choisi ce nom pour une résidence sur les Monts sont bien conscients de l’histoire qu’il y a derrière. Ce Bois d’Orange se trouvait d’ailleurs de l’autre côté de la Meuse, su Wandre.  Le Prince d’Orange fait remonter ces droits à 1264 : « de droit commun, communaltes fustimes les riviers alluvions ou isles appartenant à seigneur du lieu. Et que les Seigneurs de Herstal en 1264 ont donné le bois de Herstal az inhabitans pour ung petitte cheuse de ung florin dor monnaie de Liège.  Qua après lesdist inhabitans ayans prins société avec ceulz de Liège contre le duc de Brabant ont forfait leur corps et bien et selon l’exigence de delict ont gracieusement composé avec feu illustre Johan de Nassou, seigneur de Herstal, et ont le 22/11/1467 transporté lesdits bois et tous isles ou grentes communaultez en mains dudit Seigneur. Ce neantmoins ont ledits seigneurs de leur benignité permis az inhabitans défructuer lesdits bois ».

En bref : de tout temps ces terres appartenaient au seigneur qui vous a laissé les utiliser pour une bricole. Malgré votre révolte je vous les ai laissés, dans ma magnanimité. Et voilà que ces Hanxheller veulent vous les reprendre. Mais elles sont à moi !

Il fait arrive à  convaincre les ‘bourgeois’ de soumettre la question des «Bois et Commines» au Prince, c'est-à-dire à lui-même. Il en profite pour relancer la « redemption de laditte ville». Nous avons vu qu’à la base de la fortune de François Hanxheller il y avait aussi un rachat par les habitants. Mais je ne saisis pas très bien la portée de ces montages financiers. Quel est son intérêt de faire rembourser les 26.000 florins par les bourgeois de sa Seigneurie ? Je suppose qu’en rachetant la Seigneurie, il se libèrent des taxes qui greffaient la Seigneurie. Et donc cette terre ne rapporte plus rien à Orange.  Ca vaudrait la peine d’approfondir cette question, d’autant plus que la fortune des Hanxheller a été construite sur les mêmes bases.

L’affaire des Bois est portée en appel devant la cour d’Aix le 25/4/1564. Guillaume, qui n’a jamais mis un pied dans sa Seigneurie,  arrive aussi à se faire soutenir par les arbalétriers de Herstal qui  le 28/11/1567 sortent une Ordonnance: « Nous la généralité compagnie et confraternité des arbalestriers jureis estant tenus a notre très redoubté prince et seigneur le comte de Nassau, nostre bon Maistre et Seigneur de Herstal, scavoir faisons que notre bon vouloir, plaisir et opinion est selon notre serment de leallement servir nostredit Seigneur et ses affaires. Nous ledits confrères serat tenus d’an en an le 1er jour de maye comparoir en lieu en quel on at acoustumé de tirer à l’arbalète » (Collart-Sacré, La Libre seigneurie de Herstal, TI p235 La Force Publique p.235).

La tragédie des communs


Guillaume d’Orange ne s’en est sans doute pas rendu compte, mais il anticipe ici le paradoxe ou la tragédie des biens communs, relancé par le biologiste Garrett Hardin en 1968. « The Tragedy of the Commons » est directement repris par les défenseurs des privatisations tout azimut. Selon eux, « dans une situation de compétition pour l'accès à une ressource limitée (créant un conflit entre l'intérêt individuel et le bien commun), la stratégie économique rationnelle aboutit à un résultat perdant-perdant ». Heureusement, les sciences sociales ont documenté depuis des centaines de cas de communautés présentes ou passées gérant durablement leurs ressources sous le régime de la propriété commune. Et Elinor Ostrom a reçu en 2009 le Prix Nobel d'Economie  pour ses études sur l'utilisation raisonnée des ressources par les collectivités et les institutions publiques. C’était la première femme depuis la création du Prix en 1969.

Les avoirs du Grand Gueux Guillaume d’Orange confisqués

Guillaume serait probablement arrivé à ses buts s’il n’y avait eu, en 1567, un retournement de situation que, certes, il avait lui-même provoqué. Le très chrétien roi Philippe II voyait avec méfiance l’évolution de l’ancien bras droit de son père vers le protestantisme. Il confisque tous ses avoirs, sauf Herstal qui est gagé. Dorénavant, le Taciturne a tout intérêt à laisser sa Seigneurie dans les mains des Hanxheller. Après la mort de sa première femme, Anne d'Egmont, le 24 mars 1558, la même année que


Charles Quint, Guillaume s’amourache d’Anne de Saxe. Ils se marient le 24 août 1561. Mais elle est  protestante. C’est un gros problème en ce début de l’Inquisition. Pendant quelques années le couple arrive à cacher la situation. Elle va régulièrement à la messe etc.  En janvier 1566 encore, Guillaume n’est pas dans les signataires du « Traité des grands et des nobles des Pays-Bas contre l'Inquisition », appelé aussi le Compromis des gueux ». Il n’assiste pas au banquet des Gueux (jusqu'à la besace) et suite à la furie iconoclaste il fait encore pendre 3 émeutiers à Anvers, tout en autorisant les protestants à se réunir à l'intérieur de la ville. En 1567, c’est la rupture totale: il s'enfuit de Bruxelles dans les terres de son beau-père, en Saxe, et conseille au comte d'Egmont et Hornes de le rejoindre. Mais ceux-ci restent et sont décapités.

En 1568 Guillaume lance la guerre. Il essaye à travers la principauté de Liège et le Brabant de faire sa jonction avec les huguenots français. Il passe pour cela par Gangelt. Nous lisons dans les Annales qu’une masse de gens de guerres se réunissent et inondent le ‘heimat’: « eine große anzall kriegsvolck, die Armee des Prinzen von Oranien ist über unsere Heimat strömend, zu Beginn des niederländischen Aufstands von deutschen Gegenden aus hineingeführt worden, wobei später die Maas zu Stockem überquert worden is ».

A Herstal, ses détracteurs accusent Dame Agnès de connivence avec les gueux, accusation qu’elle renie en menaçant ceux-ci de confiscation de tous leurs biens: « aux plais généraux de 1567 l’on fait assavoir de part Dame Agnès Van den Bonghard Dame et Seingnoresse  que tous ceulx et celles soy ayant declareit geulx hanteit et fréquenteit avec eulx ensemble, ayant esty a la presche novelle tant à Treit, Lemborch et aultrepart qu’ilz soy retirent laditte Seingorie en thiers jours prochains sur paine de confiscation de corps et bien.Item que personne dorsenavant ne soy presume oit en aparte ou en secreit cryer vive les geulx ni herbergier desdits geulx de lesdittes sectes desfensies sur paine d’incorir l’indignation du Seingeur ».

 Le 28 octobre 1568 Orange est devant l'enceinte de Sainte-Walburge, avec dans ses troupes un assez bon nombre de liégeois, qui lui firent croire qu'il lui serait facile de se procurer des intelligences dans la place. Il y avait, certes, une certaine sympathie pour la religion réformée dans la Principauté, au point où les protestants ont eu le pouvoir un moment dans des villes comme Hasselt. Mais je n’ai pas trouvé d’indications qu’il avait des sympatisants à Herstal, ce qui n’est pas étonnant si on sait que le Taciturne gérait cette Terre à partir de Bréda, et qu’il n’avait jamais mis les pieds à Herstal.

Lorsque les états de Liège refusent le passage, Guillaume brûle les abbayes de Saint-Laurent, de Saint-Gilles et du Val Benoît, et les faubourgs de Sainte-Marguerite, Hocheporte et Sainte-Walburge. Finalement, le renfort des huguenots francais s’avérant assez faible, Guillaume se retire sur Strasbourg. En 1569 le duc d’Albe confisque ses biens.

Suite de l’échange Herstal-Marienbourg : Herstal reste aux Hanxheller

Et voilà que la Dame Agnès est confronté avec l’échange Herstal – Marienbourg, un conflit qui remonte à Charles Quint. Le Prince d’Orange avait refusé de céder sa Seigneurie au prince-évêque. Cette seigneurie était aujourd’hui hypothéquée auprès de la famille Hanxheller. Philippe II, qui a succédé à Charles Quint, n'a plus besoin de l'approbation de la maison d'Orange, dot il a confisqué  tous les biens. Pourquoi, dans ces nouvelles conditions, ne procède-t-il pas à l’échange Herstal- Marienbourg?  L’explication est dans cette cession en engagère de Herstal. Quelqu’un doit rembourser l'hypothèque aux Hanxheller. Lorsqu’en 1570,  le duc d'Albe et le prince-évêque discutent encore la cession de toute la seigneurie de Herstal, ils se mettent d’accord sur de fortes indemnités pour les dommages subis par suite de la mauvaise conduite des garnisons de Mariembourg. Mais le prince-évêque exige que la terre de Herstal doit lui être livrée libre de toute hypothèque. Le prince-évêque était évidemment bien entouré. Il avait comme conseiller entre autres Laevinus Torrentius, Grand Inquisiteur. Avec ces gens-là, c’était du sérieux ! Le roi d'Espagne ne veut pas rembourser la dette et le prince-évêque encore moins. Et la famille Hanxeller est trop importante pour qu’on puisse confisquer la seigneurie sans rembourser les 26.000 florins. Le même Torrentius relance encore l’affaire en été 1575, en vain.

L’héritage du fils Herman Hanxheller

En 1583 la Dame Agnés cède de son vivant toutes ses propriétés à son fils Herman. Le Grand Gueux est assassiné l’année après, en 1584, par un tueur à gages du Duc d’Albe. Les protestants désignent son fils Maurice de Nassau comme stathouder des Provinces-Unies des Pays-Bas  jusqu'à sa mort en 1625. Il dépasse même son père en tant que stratège militaire. Et aussi longtemps que ce conflit ne s’apaise pas, Herman Hanxheller acquiert de nouvelles propriétés à Herstal. Il a deux fils. Warnier est chanoine tréfoncier de St Lambert. Son frère Herman aussi mais il résigna en 1623.

L’auteur des Annales a encore vu l’inscription suivante sur la maison paternelle (in porta domi paternae): « Herman von  Hanxler heer der freijer herligheit Herstall und Catharina von Spies seine ehlige haußfraw 1596. In missali Gangeltensi additur: qui mortuus est in Herstall die 23 septembris anno 1638 ».

Un autre fils Wilhelm (Guillaume), maître d’hôtel et d’écurie (Hof- und Stallmeister ; en latin aulae et stabuli praefectus), se fait appeler Co-Seigneur de Herstal. Il aépousé une Groesbeck. Gérard de Groesbeek fut évêque de Liège de 1564 à 1580 et on peut supposer qu’il a +-  ménagé les intérêts de sa sœur dans l’affaire de Herstal ( Franzisca von Groisbeck war die Tochter vom Bruder des Gerhard von Groisbeck, des 88. Bischofs von Lüttich, die von Papst Gregor XIII. zum Kardinal der Heiligen Römischen Kirche ausgewählt wurde). Le couple  n’aura qu’un enfant : Gérard est reçu comme chanoine du chapitre de Saint Lambert en 1593. Il résigna selon AC en 1599, il épousa encore Jeanne d’Oultremont  et prit le titre de Seigneur de Herstal.

La mère Agnès décède fin 1595. Cinquante ans plus tard l’historien local de Gangelt a encore répéré une inscription sur la fenêtre au-dessus de la porte de la maison paternelle: « Agnes von der Bongart Wittib von Hanxler fraw der freijer herligheit Herstall anno 1596 ».

Philippe-Guillaume d’Orange récupère la Seigneurie de Herstal


Nous avons vu que Guillaume d’Orange dont les biens étaient confisqués avait tout intérêt à laisser dormir le rachat de Herstal. Le problème du ‘rachat’ de la Seigneurie remonte via Philippe-Guillaume, fils ainé du Taciturne, que Philippe II avait pris en otage, en Espagne. Ce qui a eu comme conséquence pour l’ainé que ses droits d’ainesse ont été fameusement écornés pendant cette longue absence. Ce n’est qu’en 1595 que Philippe II accorda le permis de retourner vers les Pays-Bas, le captif n’ayant plus guère de valeur stratégique. D’autre part, le roi pouvait espérer que sa libération fomenterait de la discorde parmi les descendants du Taciturne. Certes, Maurice, le deuxième fils, avait occupé le terrain au niveau des Provinces-Unies. Mais les hollandais continuent à soutenir Maurice qui refuse de renoncer aux biens qu’il avait administrés lors de la captivité de son frère. De ce côté Philippe-Guillaume ne recouvre rien de son héritage. Et Philippe II refusait de lui retourner les terres confisquées de la principauté d’Orange, la baronnie de Breda et la seigneurie de Diest. En même temps Philippe-Guillaume menait un train de vie opulent.

Une des seules pistes qu’on lui laisse est Herstal, en essayant évidemment d’éviter le remboursement du prêt consenti à son père par Hanxheller. Il essaye de remettre en question la cession de 1558 à Hanxeller. Ella aurait été caduque parce qu’elle avait été faite après le décès de sa mère, en 1552, alors que la Seigneurie lui était déjà dévolue (AC p.38).

Si la Cour ne retient pas cet argument de la dévolution maternelle, elle rend quand même une première sentence de dépossession le 30/4/1603, au profit du Prince. Et au lieu de rembourser, il peut s’acquitter d’une rente.

«Mais les frères Hanxeller désireux de rester en possession de la Terre s’étaient montrés condamnés récalcitrants: loin de se soumettre, ils font convoquer les bourgeois de Herstal et, s’accrochant désespérément à toute planche de salut, ils se firent reconnaître et installer en qualité de Seigneurs avec toute la solennité d’usage ». Y compris la dringuelle : « Puis ont effectuer seme et respandu entre le peuple aulcune somme de deniers tant en or comme argent comme aultrefois ont fait les predicesseurs seigneurs de la ditte baronnie de Herstal »


La Cour de Brabant ne se montra pas impressionné et confirma sa sentence, le 24 mai 1604. Rendue au nom des Archiducs Albert et Isabelle, et signifiée le 6/9/1605, elle constitue une rente au profit des « damoiseaulx  Herman et Guillaume Hanxlaers frères, Escuyers, avec  hypothécation de sadite Terre et Seigneurie de Herstal et assurance de ladite rente et du payement annuel ».

Herman Hanxeller revient encore à la charge en 1609, en contestant le transfert de la Seigneurie par Elisabeth de Glimes à Antoine de Croy (et ainsi aux Nassau), en 1435. Vous me direz que c’était de bonne guerre : Philippe-Guillame n’avait-il pas évoqué la dévolution maternelle de 1552 ? Mais c’est quand même un peu tiré par les cheveux. Ecoutez-moi ça :  « en 1415, Jean d’Oupeye, Seigneur de Herstal, mort sans enfant, passa la Seigneurie à son frère Adam qui, en 1422, la céda à sa fille Aleyde, épouse de Henri de Gronsveld. Or, ce Henri devait 7.000 florins à sa tante Elisabeth de Glimes. Faute de remboursement, Henri se vit dépossédé de la Terre de Herstal au profit de sa tante ».

Selon Hanxeller, puisque cette dépossession était illégale, les transferts ultérieurs à Antoine de Croy, puis aux Orange-Nassau le sont aussi. Il me semble qu’aujourd’hui on appellerait ça un abus de procédure de caractère téméraire et vexatoire…

Ceci dit, avec le recul, et sans discuter légal ou pas, ce transfert de la seigneurie à  Antoine de Croy s’est fait dans le contexte d’un Traité secret  de 1421 entre prince-évêque Jean de Heinsberg, contesté par les Hédroits et les houilleurs de Dathin, et son protecteur, le duc de Bourgogne.  http://hachhachhh.blogspot.com/2014/01/1428-la-revolte-des-dathin-conjuration.html https://archive.org/stream/bulletindelinsti29inst/bulletindelinsti29inst_djvu.txt Denis Lequarré

En 1444 Philippe le Bon envoie le comte Jean de Nassau,  beau-frère de l'évêque contesté, «prendre possession de la dite terre et hauteur de Herstal au nom de son maitre comme hautain seigneur de ce lieu». C’est ainsi qu’Antoine de Croy, sire de Gronsveld,  était rentré en possession de la seigneurie qu’il vendit, en  février 1468, au même comte de Nassau qui l’avait aidé à le réintégrer dans ses droits (La terre franche de Herstal et sa cour de justice, Tome XXIX, 1900, p.75-166).

Un demi-siècle de règne des Hanxeller à Herstal

Je laisse la conclusion à André Collart : « Le règne des Hanxeller à Herstal a donc duré 47 ans (1557-1604). Point de vue matériel, Herstal gagna une amélioration du quartier de la Licourt. La construction d’une maison seigneuriale, un château avec parc, le percement de la rue Derrière les Rhieux et de la rue Deffet. Il faut ensuite attendre 1754 pour retrouver trace d’une amélioration de voirie. Et ce fût grâce aux Hanxeller que la Seigneurie gagna ( ?) le titre de baronnie .

Malheureusement, la Terre ne portait aucun titre et leur vanité en souffrait : Herstal ne portait que la désignation de franche ville ou Terre et Seigneurie de Herstal. Nous voyons le père rançois Hanxeller prendre, timidement d’abord, plus ostensiblement, le titre de Baron de Herstal.

Les deux fils Guillaume et Herman en usèrent largement, si bien que quand sonna le glas de leur rôle à Herstal, en 1604, Baron de Herstal était devenu un titre classé dont bénéficia le Prince d’Orange quand il rentre en possession de sa Seigneurie. A partir de 1605 la Court et Justice admit la dénomination Baronnie dans ses actes. En 1624 le prince Orange la consacra dans une commission de Bailly. Toutefois, la Court féodale de Brabant n’accorda jamais le titre de baronnie à Herstal ». Ce qui


n’a pas empêché, le 30 avril 2013, lors de l’abdication de la Reine Béatrix pour laisser le trône à son fils Willem Alexander et à son épouse Maxima, de leur laisser aussi le titre de Baron de Herstal.

Et si les  Hanxheller avait perdu la seigneurie, mais ils restaient propriétaire de certains biens à Herstal. C’est ainsi qu’en 1647 le domaine de la Licourt «et leurs hoirs, telle maison, estableries, pescherie (La Lée) vient dans les mains du Seigneur de Hardembrouck, marit et mambour de Mme Agnes de Hanxeller, sa compagne ». Herman Hanxeller et Catharina Spieß von Büllesheim ont eu deux enfants, dont Agnes qui s’est mariée en mai 1628 avec Pieter vanHardenbroek, d’abord en Hollande, à Neerlangbroek. Le 12 avril 1633 ce mariage est répété à Liège, en présence d’un notaire et de Petrus Aloysius, nonce du pape (et évêque de Tricarie, un titre d’honneur pour les nonces).  Cela montre que la famille faisait toujours partie du high life. Son mari Pieter van Hardenbroek était président de la noblesse d’Utrecht. En 1658 il vend le château à « Hendrick Treps demeurant à Amsterdam ». Herman et Catharina ont laissé leurs armoiries sur la tour de la place Licour…

Le règlement de l’échange Marienbourg-Herstal

Nous avons abandonné le problème de Marienbourg-Herstal en 1575, lorsque Torrentius essaye de le relancer. Il revient sur le tapis, sans succès, en 1615, au concordat de Maestricht, entre les archiducs Albert et Isabelle et le prince-évêque Ferdinand de Bavière.  En 1619  Maurice de Nassau considère toujours que la terre de Herstal lui appartient, malgré la confiscation par le roi d’Espagne. Il faut attendre la paix de Münster, de 1648, entre celui-ci et les Provinces-Unies, pour que la confiscation soit levée et la seigneurie rendue aux stadhouder Guillaume III. Sept ans plus tard, en 1655 seulement, le prince-évêque de Liège est mis en possession de la partie de Herstal qui lui est due, malgré l’opposition des tuteurs de Guillaume III (né en 1650, il était encore mineur), la Cour Féodale jugeant que l’on peut transporter le domaine direct d'un fief contre le gré du vassal.  Deux ans plus tard, le prince-évêque de Liège rajoute une couche en demandant la cession de la partie de Herstal située au-delà de la Meuse et appartenant encore au prince d'Orange.

Nous avons décrit dans ce blog comment la Seigneurie est arrivé dans l’escarcelle de  Philippe Guillaume, fils du Tacturne, et ensuite, en 1618, à Maurice de Nassau, son fils mineur. Pour tracer le chemin qui amène la Seigneurie dans les mains de Fréderic le Grand je reviens vers André Collart. Herstal passe ensuite dans les mains de Henri Fréderic de Nassau, frère de Maurice, 1625-1647 suivi par Guillaume-Henri II de Nassau, fils du précédent 1647-1650. A partir de Guillaume III, qu’on viendra chercher en 1689 pour devenir roi d’Angleterre, ça se complique. Il meurt sans héritier en 1702. Jean-Guillaume de Nassau, son cousin, doit partager son règne, de 1702-1732, avec le roi de Prusse, Fréderic Ier. Et c’est le fils de celui-ci qui met fin à cette histoire. Il y a 10 ans j’ai fait un blog sur ce sujet.

Les restes du manoir et les traces laissées par les Haxheller

Dans le blog suivant, je essaie de reconstituer le sort du château. En 1673, il sert de caserne à l’armée de Louis XIV, lors du siège de Maastricht. Vers 1740  ce château mérite encore une gravure dans les Délices du pays de Liège, de Remacle Le Loup. Vers 1815 Jean-Michel Courard, premier maire de Herstal, l’achète. Son petit-fils du même nom détruit le manoir en 1854 pour la construction de sa maison. Il ne laisse que la tour. En 1883, le graveur Alexandre SCHAEPKENS édite, sur le modèle de Remacle Le Loup, un recueil avec «une ruine très intéressante, le vieux château sur la place Delcour, à Herstal, sur base d’un dessin de 1860.

La tour héberge encore la nombreuse descendance d’un voisin, et est ensuite transformée en poulailler avant d’être à l’abandon. Classé le 17 octobre 1962 il est inscrit en 2002 sur la liste de l’Institut du Patrimoine wallon. La tour est achetée en 2006 par Guy Paternotte Consult qui veut y aménager ses bureaux. En 2007 une évaluation archéologique est faite  dans la cadre d’une demande de certificat de patrimoine.

Le budget communal 2014 prévoit déjà l'acquisition de la tour. Début 2019 Paternoster prétend relancer les travaux, mais fin 2020 il annonce qu’il veut remettre sa société et céder ce bâtiment à la Ville.

Il y a ensuite les traces que les Hanxheller ont laissés. Il y a sur la façade de la tour une pierre rectangulaire avec les armoiries des Hanxheller et des Spies avec en bas à droite  la signature du démolliseur ‘Courard 1854’, ajoutée ultérieurement. Et puis le curé de la Licourt a vendu en  1872 la pierre tombale recouvrant la sépulture de Agnès Van den Bongaert, à l’occasion d’ « embellissements » (les parenthèses sont d’André Collart). Cette pierre se trouve en 1927 à Hermée, à Grand-Aaz, où elle servaitt de ponceau. Elle porte les blasons des Hanxeller, et des Bogaert. Un cénotaphe portant les blasons Hanxeler-Spies se trouvait en 1927 au  Musée d’Archéologie Liège. Celui-là, on devrait pouvoir le retrouver.

Et puis, il y a les Annales Gangeltenses du Jésuite Jacobus Kritzraedt. Entre 1639-1644 il écrit en manuscrit le  Stadtbuch Gangelt, dédié à Wilhelm von Hanxler et les Annales Gangeltenses, en latin, là aussi avec une préface dédié à Wilhelmus ab Hanxleden. En 2005 le Kreismuseum Heinsberg a réédité ces Annales qui ont été mis sur internet par la Digitale Bibliotheek voor de Nederlandse Letteren, pour les nombreux passages en nederdiets, le bas allemand.

 Puis il faudra voir ce que sont devenu les Rieux, le ou les ruisseau du Rida.

Et je terminerai ce blog avec la mémoire de Pépin de Herstal à partir d’un ouvrage corrosif et décapant, de Stéphane Baurins et André Clette.

Sources

La seigneurie de Herstal sous les Hanxeller. 1568-1604 / par André Collart. - Herstal : Alfred Vool, 1923. - 64 p. (N1298)

Je veux avertir celui ou celle qui voudrait s’adonner à la lecture de cette petite brochure : la lecture n’est pas facile : il recopie abondamment des notules de l’époque, en ancien français dans un orthographe un peu phonétique, dont des compte-rendus des plaids un genre de conseil communal avant la lettre.

 

Annales Gangeltenses(2005)–J. Kritzraedt https://www.dbnl.org/tekst/krit002anna02_01/krit002anna02_01_0013.php

 

https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1959_num_37_2_2268 Robert Wellens, La forteresse de Marienbourg : Fondation - Cession du territoire aux Pays-Bas (1546-1655) ; Revue belge de Philologie et d'Histoire  Année 1959  37-2  pp. 343-373

 

La Tour Pepin à Herstal, Bulletin du Musée N°148 sept.-oct.2009

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