mardi 8 décembre 2020

Herstal. Le projet Bon-Air& 3juin et la bande verte entre la rue Malvoie et le Thier des Monts

Selon un rapport SPW sur à la biodiversité, « Herstal connaît un contexte particulièrement défavorable du point de vue biodiversité. Ce qui a résisté à l'urbanisation correspond à de petites zones boisées ou en friche enclavées dans des quartiers densément peuplés, où ils constituent des ilots de verdure fort appréciés par les habitants mais hélas souvent difficilement d'accès ».

Dans le schéma des orientations territoriales de Herstal nous retrouvons une bande verte qui a résisté à l’urbanisation. Elle est plus ou moins continue dans la mesure où elle correspond +- aux coteaux des terrasses de la Meuse. Elle comprend des paysages qui vous coupent le souffle. Mais il y a aussi des parties moins lisibles, «des petites zones boisées ou en friche enclavées dans des quartiers densément peuplés. C’est le cas de la zone entre la rue Malvoie et le Thier des Monts ». Mais cela n’est pas un argument pour les abandonner à une urbanisation à outrance. Ces enclaves sont justement très importants point de vue écologique.

Dans cette zone, un site de Grand Intérêt Biologique, entre la rue du Trois Juin et la rue du Bon Air,  est aujourd’hui menacé par un projet d’urbanisation « qui parait sorti des années 1980, de ce temps où l’on pensait pouvoir ouvrir des voiries comme les cow-boys du Far West, élever des tours d’immeubles pour maximiser son retour sur investissement, bétonner des places de parking pour que tout le monde soit content, et planter deux haies autour d’un banc pour créer l’illusion d’une placette conviviale. Et anéantir ainsi des espaces verts en se disant qu’il y en a suffisamment ailleurs. Ce temps est révolu. Certains veulent des appartements de 50 m2 à 250 000 euros, d’autres veulent des parcs publics pour faire jouer leurs enfants ou observer la nature. Certains veulent faire du profit en achetant des parcelles à bas prix pour y développer une plus-value immobilière, d’autres veulent simplement mener une vie digne et bonne dans l’environnement qui est le leur. Il est peut-être temps de reconnaitre que les seconds sont plus nombreux que les premiers, et que l’histoire tend désormais à leur donner raison » (extrait d’une carte blanche de François Provenzano, professeur en Sciences du langage : Le changement de paradigme dans l’aménagement du territoire en Wallonie, c’est pour quand ? llb 29-10-20 ).

Marche exploratoire

J’aime bien la formule de marche exploratoire. Lors de l’enquête publique sur le projet nous en avons organisé une. Sur les 25 participants une bonne moitié était de riverains du quartier, comme Rafaël (avec un f, c’est asturien) qui est un peu le syndic de la petite communauté de l’Impasse Jehansson, ou ces deux papas de la rue Désiré Janson, qui coupent régulièrement l’herbe dans l’espace très vert derrière le parking CPAS pour permettre à leurs enfants d’y jouer. Et plusieurs autres personnes qui se sont mobilisées à fond lors de l’enquête publique

Mon blog fait un peu le tour de cet espace menacé.

Nous avons commencé cette marche au parking du CPAS dans la rue la rue Désiré Janson. Là on voit physiquement ce que cet espace vert signifie pour  les riverains. Des sentiers partent dans tous les sens. Des enfants y ont construit une cabane. On se rend compte de sa richesse écologique: les bouleaux ‘pionniers’ qui ont colonisé ces terres agricoles abandonnées se voient concurrencer déjà par les chênes. Ce site est un ensemble d'anciennes prairies abandonnées de longue date et qui ont été progressivement reconquises par la forêt, au point de représenter une part importante de la surface forestière de la

p^hoto B. Courtois

commune! Les parties les plus anciennes portent un boisement dominé par de grands arbres comme le chêne pédonculé (Quercus robur), le frêne commun (Fraxinus excelsior), l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus) ou encore le merisier (Prunus avium). Le lierre grimpant (Hedera helix) forme des nappes épaisses dissimulant les troncs. Le blaireau (Meles meles) profite de la tranquillité régnant sous les frondaisons. Vous venez de lire des extrait du rapport sur la biodiversité.

En montant, à droite, on voit le terrain convoité par les promoteurs. Tout a été rasé et broyé, sans permis, soi-disant pour permettre des sondages pour mesurer la perméabilité du sol. Pour les promoteurs, « anciennement prairie, le site avait petit à petit été envahi de taillis, de buissons et de ronces par défaut d’entretien des différents propriétaires antérieurs. Néanmoins, dans le cadre d’une étude sur les eaux de ruissellement, il était nécessaire de pouvoir accéder à l’entièreté du site avec un véhicule pour réaliser des essais de sol afin d’évaluer sa perméabilité et sa capacité d’infiltration du sol ». Nous expliquerons ce problème de perméabilité plus loin.

Il y a quelques années, un sentier montait vers la rue du Bon Air. Ce chemin fréquenté par les élèves de l’Athénée – dont mes enfants - était large de 0,50 m avec à certains endroits de la terre boueuse et des dépôts d’ordure. Suite à une interpellation citoyenne en février 1984, M. Campstein, échevin à l’époque, fait restaurer le sentier. Une vingtaine d’années plus tard ce sentier fut clôturé  soi-disant pour des questions de sécurité du bassin d’orage entre les N°166 et le 170 de la rue du Bon Air.

L’Athenée Royal et son puma


En montant la rue D. Janson en direction du 3 juin, nous avons l’Athénée Royal de Herstal, dont le bâtiment d’origine, sur notre droite, est la main de l’architecte Joseph Moutschen. Celui-ci a marqué Herstal : la statue du roi Albert à l’entrée du canal, le Pont-barrage de Monsin, la station de pompage n°1 à Herstal, c’est lui. Il construit aussi le Palais des Fêtes (ex patinoire de Coronmeuse) pour l’Exposition internationale de l'Eau de 1939, avec son frère Jean Moutschen.

Je voudrais raconter un fait-divers de 1995. Un gros titre dans les journeaux: «la bête rôde encore ». A la base il y avait mon fiston. Avec son pote Jamal il avait lancé ça comme une blague. J’ose le dire parce que  je crois qu’il y a prescription… Cette bête, c’était un «gros chat aux oreilles très pointues». La rumeur dévore Herstal. Jean-Marie Letawe, de «la ferme blanche», perd quatre moutons. C'est un tigre. C'est un puma. Il a attaqué des chevaux. Il a arraché le bras d'un enfant, disait la rumeur. Mais la bête, c'était sans doute un lynx. Le concierge de l'athénée et un pompier de La Préalle l'ont vu, assis dans un petit parc tout au bord des maisons, près de la rue des Trois Joints (sic !), à côté de l'athénée. Les gendarmes de l'Escadron spécial sont montés dans la nacelle d’un camion-élévateur de l'ALE (l'Association liégeoise de l'électricité) avec des jumelles pour voir la nuit. Le commissaire Darding déclarait: « Félin, félin. En entendant ça, les gens ont tout de suite parlé d'un tigre ou d'un puma. Il serait plus sage de parler d'un gros chat. Enfin... d'un très gros chat parce que, selon les spécialistes, ce serait plutôt un lynx. On a délimité une zone d'une quinzaine d'hectares. Nous envisageons maintenant d'attirer l'animal dans un piège. Par exemple avec des excréments que nous déposerions dès que possible dans un lieu précis. Nous avons une excellente collaboration avec la gendarmerie et nous disposons sur le terrain des guetteurs, des patrouilleurs et des vétérinaires qui pourront euthanasier - pardon - anesthésier l'animal » (source Le Soir 3/06/1995).

Il y a effectivement eu un Puma, mais c’est la marque de l’hélico de la gendarmerie.

Rue de la Xhorrée

le sentier au bout de la rue de la Xhorrée
photo Balnam
Nous ne montons pas la rue Xhorrée, qui doit son nom à l’exhaure des fosses Godin. C’est l’ancien sentier 83 tendant de la rue du Trois Juin vers Rhées, sous la Marsalle. Selon notre historien local Collart-Sacré (TII p.667) en cet endroit passe une araine dont le cours longe le côté aval de toute la rue du Trois Juin et de la rue du Monteu pour gagner le canal par les jardins du côté aval de la rue du Bossuron. Cette araine est connue sous le nom de xhorre Godin et appartenait à un groupe de maîtres de fosses qui donneront naissance à la société l’Espérance. Cette galerie d’exhaure a été créé probablement pour l’exploitation du bur delle cheteute ou bur marsale mentionné en 1698.  Des vestiges de ce puits sont encore visibles dans le tournant de la rue de Milmort.

La ruelle déchue de la Xhorre débouchait rue de l’Ecole Technique. Elle donnait accès au cimetière et à l’église par la propriété J. Deffet, ce qui explique le nom ruelle du Cimetière reprise au cadastre. L’œil de l’araine y formait une jolie fontaine tout ombragée au milieu du cresson et des mousses.

Au bout de la rue Xhorrée un sentier très vert rejoint la raide Mâle-Voie (mâle= mauvais),  ce vieux chemin de grande communication (si, si) qui tendait de la Clawenne à Milmort.  Selon un mesurage de 1593 la voie charriable mesurait 16 pieds. En 1885 on la doubla de la rue Louis Demeuse. En bas de la rue Malvoye se trouvait le terminus de notre tram 76. https://www.balnam.be/herstal/sentier/83

La rue du Trois Juin= rue des Taureaux

La rue du Trois Juin s’appelait au départ rue des Taureaux. Une des parcelles principales du site étant localisé ‘Voie du Taureau’  sur la matrice cadastrale, le promoteur a retenu ce nom comme dénomination de son projet. Je ne sais pas s’il se rend compte de tout ce qu’il y a dans ce nom. Ca remonte à l’époque où les manants payaient la dîme – le dixième de leurs récoltes - aux  chanoines du Chapitre d’Aix-la-Chapelle. Pour leur facilité, ces chanoines affermissaient cette taxe aux ‘repreneurs des dismes’. Ceux-ci étaient tenus à mettre à disposition des habitants ‘taureaux et verrats’ pour la saillie.

la Populaire lieu de la fusillade

En 1912 un ancien gendarme qui était venu habiter là s’offusqua de ce nom qui, affirmait-il, blessait la pudeur de ses filles. Il lança une pétition pour un changement de nom. Y trouver, dans cette rue encore peu bâtie à cette époque, quelques signataires aussi complaisants qu’inconscients pour réclamer fut un jeu d’enfant.

La pétition n’aurait probablement pas aboutie si précisément en ce moment, une proposition de donner à la rue Saint-Lambert le nom de rue du Trois Juin n’avait été rejeté. Le lundi 3 juin 1912 on venait de connaître le résultat des élections législatives du week-end précédent. Le peuple de gauche avait espéré enfin mettre fin à 28 ans de majorité catholique ininterrompue au parlement et obtenir ainsi le suffrage universel. Mais la majorité restait aux catholiques. Malgré des appels au calme lancés depuis les fenêtres de La Populaire (Maison du peuple de Liège), la gendarmerie chargea la foule qui dressa des barricades. Et puis vint le drame ! La gendarmerie ouvrit le feu en direction de La Populaire faisant quatre morts et une vingtaine de blessés.

En voici le récit dans l’hebdomadaire La Bataille (organe syndical, coopératif et politique, édité au sein même de La Populaire) : «Mais voici que d’un cerveau malade surgit l’idée de faire appel aux gendarmes. C’était mettre le feu aux poudres. Ils vinrent, vers neuf heures du soir, sans motif aucun, s’installer sur le terre-plein et, de là, tirèrent sur le local. J’entends encore les balles siffler… Et puis l’horrible scène… Des cadavres, des blessés, des cris de colère et l’appel au secours… La mort, sortant des revolvers des gendarmes avait passé… ».

Le collège échevinal saute sur la pétition de l’ancien gendarme pour créer une rue en souvenir de ce massacre : ‘considérant qu’une pétition réclame contre la dénomination cadastrale Voie du Taureau donné au chemin qui traverse le quartier, décide de le remplacer par ‘rue du Trois Juin’.

Et voilà sur quelle demande saugrenue d’un ancien gendarme étranger à la commune qu’on raye une respectable dénomination séculaire et historique, conclut en 1929 notre historien Collart-Sacré (La Libre seigneurie de Herstal, TII p.627).

L’Impasse Jehansson

En montant la rue du Trois Juin nous avons sur notre gauche une impasse sympa : l’impasse Jehansson. C’est le meilleur point de vue sur la zone concernée. C’est aussi l’impasse la plus concernée. Le réseau d’égouttage des eaux usées du site se raccordera aux égoûts communaux à hauteur de l’Impasse.

C’est une des seules observations de l’enquête publique que le collège juge partiellement fondée : les égouts de l’impasse Jehanson sont déjà saturés. «Par forte pluie, les caves de Monsieur Garcia Blanco sont déjà inondées par des eaux qui remontent par les égouts l’obligeant ainsi de placer des pompes». Dans ces Considérants, le collège juge qu’une endoscopie de l’égout de l’Impasse et de la rue du Trois Juin doit être réalisée par l’AIDE.

Le promoteur sait probablement que cette situation est problématique, et prétend n’envoyer que les eaux sales dans l’égoût. Selon le bureau d’études Raisô,  engagé par flprojects, l’infiltration des eaux de pluie sera assurée à 100% à l’aide de toitures végétales, un bassin d’infiltration enterré, constitué de bacs alvéolaires et un bassin d’infiltration aérien (en bas de l’Impasse). En outre, une noue sera aménagée sur la périphérie afin de protéger le site vis-à-vis du risque de ruissellement de surface. L’exutoire de cette noue sera à relier au bassin d’infiltration.

En résumé, les eaux usées vont dans l’égoût de l’impasse et les eaux pluviales sont censées s’infiltrer sur le terrain même. Selon Raisö, le site présente « une pente moyenne d’environ 17%, ‘légèrement’ contraignante pour l’infiltration des eaux pluviales puisque supérieure à limite admissible  de 10%. Toutefois, le terrain étudié présente localement des pentes inférieures à 10%.  Les ouvrages d’infiltration devront donc être implantés dans les zones légèrement pentues ».

Je ne suis pas un matheux,  mais des pentes inférieures ne sauraient faire baisser la pente moyenne de 17% à 10%, puisque c’est justement une moyenne, et 10% est la limite admissible.

Pour  une pluie de 25 ans de période de retour, « un bassin d’infiltration de 75 m2 au sol et d’un mètre d’épaisseur permet d’infiltrer la totalité de la pluie, soit 61.32 m3 pour une pluie de 5.50 heures ». On croit entendre Sinatra singing in the rain. Ces données de l’IRM ne tiennent pas compte des trombes d’eau qui dévalent des Monts et s’engouffrent dans le vallon du Trois Juin lors d’un fort orage. Evidemment, les adeptes du néo-libéralisme diront que cela n’est pas leur problème et que cela ne concerne pas LEUR terrain. Mais, en attendant, cette bande verte aura perdu le rôle de tampon qu’il a joué depuis toujours. C’est le sens de l’avis défavorable de juin 2020  de la cellule GISER du SPW Département des cours d’eau: «un axe de concentration de ruissellement de moyenne importance est situé sur la parcelle. Aucun aménagement n’est prévu pour gérer cet écoulement à son entrée sur le périmètre. Cet axe pourrait notamment représenter un risque pour les lots 8 à 16 ». Le terme ‘ruisselement’ est un peu trompeur et Raisö joue sur cette ambiguïté en parlant d’un « axe de ruisselement concentré, associé à plusieurs petits axes de ruisselement ». En réalité, il s ‘agit de zones à risque d'inondation et/ou de coulée boueuse.

Une sortie problématique dans la rue du Trois Juin

Tout le trafic du lotissement devra entrer et sortir par le n° 167, où la maison vétuste et un atelier sont à démolir. La ruine en arrière, le n° 169, est à démolir aussi. C’est en procédant à l’acquisition simultanée  des n° 167 et 169 que le lotisseur  a pu désenclaver toutes les parcelles à l’Est du projet

Ce site était au départ une ferme qui a tourné en friche lorsque les enfants n’ont pas voulu reprendre l’exploitation. Ils sont restés en indivision jusque maintenant, devant une proposition probablement alléchante d’un promoteur immobilier.

Ce lotissement est conçu comme une ‘gated community’, une communauté refermée sur elle-même. Ce genre de lotissement, avec une urbanisation de l’intérieur des ilôts, était interdit dans le Code Wallon d’Aménagement du Territoire. Le nouveau Code de Développement du Territoire qui l’a remplacé a ouvert beaucoup de portes à une urbanisation néo-libérale, mais impose quand même encore un maillage avec le quartier environnant.

Dans son Vademecum du permis d’urbanisation de 2011, l’administration wallonne plaide « pour un espace public continu.  Lorsque l’urbanisation d’un nouveau quartier nécessite la création d’une voirie, le tracé de celle-ci constitue un enjeu important. Afin de faciliter les échanges au sein du quartier et avec les quartiers voisins, le nouveau réseau viaire se rattachera naturellement au réseau des rues existantes. Il assurera des déplacements aisés, cohérents, diversifiés et sécurisés. Il proposera notamment une hiérarchisation des différentes voiries, principales et secondaires, en prévoyant des liaisons intermédiaires suffisantes. Les tracés en cul-de-sac générant des quartiers enclavés sont ainsi à exclure afin d’éviter les ruptures urbanistiques et sociales et les cheminements discontinus ».

L’ironie de l’histoire veut que cet enclos s’inscrit dans un site qui s’appelait « En communes ou  commines, cette partie de campagne sise, sous les monts, et comprise entre notre rue Thier des Monts, le vieux chemin des Taureaux ou Voie du Pré Sauvage (devenu rue du Trois Juin) et la Voie de Liège ». Merci encore à M. Collart-Sacré (Libre seigneurie de Herstal, T1 p.158) : « Bien que divers habitants y possédassent des propriétés très anciennement, il s’y trouvait encore beaucoup de prés banaux affectés à la pâture commune du bétail. On y cultivait aussi la vigne. L’administration communale vient fort judicieusement lui donner le nom de rue Pré des Communes au sentier 135 qui tient de la rue de l’Enseignement, croise la rue du Bon Air et aboutit à la Rue de l’Agriculture. » Nouds passerons un peu plus loin par cette pré des communes.

Au-dessus de la rue du 3 juin nous sommes devant les lotissements récents du Coq Mosan. Le refoulement des égoûts dans l’Impasse Jehansson trouve en partie son origine dans ces lotissements: à l’époque le promoteur Binet s’est arrangé avec la Ville pour découper ce site en 4 lots, pour éviter une étude de l’égouttage. Sur la partie non-constructible à côté du complexe ‘Bois d’Orange’ se trouvait le puits du Moulin à vent, de Bonne Espérance

Le panorama de la rue du Bon Air


Via la rue Muraille et la rue Jean Michel Courard nous descendons sur la rue du Bon Air. C’est probablement le panorama du Bon-Air que Collart-Sacré avait en tête en 1929 en écrivant l’éloge suivant: « Les Monts ! Sur les Monts ! Quelle est la plume à la fois grave et poétique qui nous dépeindra jamais le charme prenant de cette riche campagne? C’est là que nous retrouvons encore les grands labours d’antan, que nous voyons s’épanouir quelques fermes, derniers refuges de la culture menacée de plus en plus par l’industrie sans cesse envahissante ».

De cette riche campagne, il nous reste un siècle plus tard la bande verte. Verte assez pour que les auteurs du Schéma de Structure communal préconisent de freiner toute urbanisation excessive. Notre historien – qui a une rue à son nom dans la cité des Monts- glisse dans son éloge quelques éléments de géologie : « Les Monts ! Quelle prétentieuse naïveté dans cette appellation de toute la partie haute de notre vieux terroir ! Car les Monts comprennent toute cette zone, terrasse moyenne de la grande vallée de la Basse Meuse, qui s’étend de Vottem à Hermée et Oupeye, où vient comme s’effondrer le vaste plateau quaternaire hesbain telle la frange irrégulière d’un immense tapis ».

Pour les géographes cette terrasse moyenne de la rue du Bon Air est considérée comme unique, dans la mesure où elle est assez régulière et peu entamé par les petits vallons qui marquent notre paysage…

Le bâtiment au bout de la rue du Bon Air hébergeait les anciens ateliers de la SRL. En 2002 ce bâtiment a été d’une manière assez heureuse transformé en 18 appartements, à loyer d’équilibre, alignés sur les loyers dans le privé. J’ai évoqué les problèmes d’égoûtage pour le projet du Trois Juin. Ici aussi il y a quelques soucis avec l’évacuation des eaux. Situés en contrebas de la rue, on avait prévu dans les plans initiaux des petites stations d’épuration. On a abandonné cette idée pour se raccorder à l’égoût de la rue du Bon Air en amont. Il faut donc des pompes. Oui, mais il n’y a pas que les eaux usées ; il faut pomper l’eau des avaloirs aussi. Résultat, les pompes ne suivent pas. Selon un riverain, « on nous demande de ne pas utiliser certains produits pour éviter de boucher mais on nous parle de poudre à lessiver ou d’épaisseur de papier de toilettes, c’est fou” . Les locataires râlent aussi pour les frais de réparations liées à ces installations défaillantes. Selon le directeur de la SRL, “on a effectivement dû intervenir plus d’une fois au niveau des pompes encombrées. On doit rappeler ce qui n’est pas à jeter dans les conduits. On ne parle pas de poudre mais bien de lingettes ou de serviettes” (dh 14-01-11)


Ce complexe est aussi un cul de sac. Sur la carte de 1950 on voit encore un sentier entre la rue du Bon Air et la rue du Trois Juin. Il n’était pas encore sur la carte de 1932, et il fut supprimé lors de la construction de l’immeuble à appartements en contre-bas. En 1986 le secrétaire communal a.i. avait estimé que le sentier n’était qu’une tolérance de passage. On ne le retrouve plus sur la carte de 1989.  C’est peut-être le moment de recréer un passage ‘mobilité douce’ afin de garantir des « déplacements aisés, cohérents, diversifiés et sécurisés » comme le préconisent le Service Public Wallon.

Entre les N°166 et le 170 de la rue du Bon Air on a implanté en 2005 un bassin d’orage. On a ainsi fait disparaître le sentier qui descendait sur la rue D. Janson, comme je l’ai mentionné tout au début de notre marche exploratoire..

Pré des Communes

photo E. Slegers
M. Collart-Sacré nous explique que « le toponyme ‘En communes’ ou ‘commines’ s’appliquait spécialement à cette partie de campagne sise, sous les monts, et comprise entre le Thier des Monts, la Voie du Pré Sauvage (devenu rue du Trois Juin) et la Voie de Liège ; bien que divers habitants y possédassent des propriétés très anciennement, il s’y trouvait encore beaucoup de prés banaux affectés à la pâture commune du bétail. On y cultivait aussi la vigne. L’administration communale a fort judicieusement donné le nom de rue Pré des Communes au sentier 135». Sur le site de Balnam c’est le sentier 87. Dans l’Atlas des Chemins Vicinaux c’est le sentier du Thier de la Borne à Voie aux sept Bonniers.

Ces terres étaient probablement en 1927 encore des terres communes. C’est l’explication pour la présence de plusieurs pavillons du Fonds du Roi Albert (FRA). Ce Fonds avait été fondée pendant la première guerre avec l’objectif de pourvoir immédiatement au logement des sans-abri à la fin de la guerre. En 1927 Herstal connaît une crise de logement suite à la démolition de centaines de maisons sur l’île Monsin, sur Chertal, et au Pré Madame pour la nouvelle usine de la FN. Le Conseil Communal rachète au FRA 353 de ces baraquements : l’œuvre offrait des conditions avantageuses à l’occasion de sa liquidation...En 1937 il y en avait 11 rue J-M Courard, 15 rue du Bon Air, 13 rue Muraille, 10 rue des Hineux, 6 Pré des Communes, 6 rue de l’Agriculture, 7 sur les Thiers. Le Bourgmestre Hubert Sacré fixe le loyer annuel à 8% du prix d’achat. Ainsi, un 3 pièces se louait 60 frs/ mois. Pas directement un cadeau : une (petite) maison en dur de la Cité Deprez coûtait 75 frs.

Dans l’Atlas des Chemins Vicinaux le Pré des Communes s’appelle aussi Sentier des sept Bonniers. Aujourd’hui elle s’appelle rue (sic). En dessous  passe la Xhorre de l'Espérance. Bonne Espérance avait acheté ces ‘sept bonniers’ en 1880 pour y installer un raccordement au chemin de fer de son bur du Moulin à vent, là où se trouve aujourd’hui le complexe Bois d'Orange, au dessus du 3 Juin.

En 1913, ce charbonnage permet à la FN d'écouler ses eaux pluviales et résiduaires dans cette xhorre.

Avec ça nous avons fait le tour de ce site très vert que la Ville pousse à urbaniser complètement, jusqu’au Pré des Communes ! Dans les conclusions de l’enquête publique, la Ville annonce que «le projet de la rue du Trois Juin tient compte du potentiel de développement des autres parcelles comprises dans le périmètre de l’intérieur d'ilot à urbaniser de manière prioritaire. La voirie pourrait être prolongée en fonction des urbanisations éventuelles futures ». La Commission communale D’Aménagement du Territoire se demande, le 17 juillet 2020,  à jsute tire, « si l’aménagement de la voirie telle que proposé n’augure pas une extension future du projet ».

Le changement de paradigme dans l’aménagement du territoire en Wallonie, c’est pour quand ?

interpellation citoyenne Herstal
En guise de conclusion, voici un extrait d’une carte blanche de M.Provenzano, que j’ai déjà cité en guise d’entrée en la matièr: « Les crises sanitaire, climatique, écologique, socio-économique que nous traversons nous imposent de modifier nos lieux de vie, nos façons de les habiter, et plus généralement notre rapport au vivant. Très concrètement, une ville wallonne moyenne de 40 000 habitants (1 700 habitants/km2), qui souffre d’un taux de pollution de l’air préoccupant, qui héberge plusieurs zones industrielles lourdes, dont certaines sont aujourd’hui désaffectées, peut-elle aujourd’hui raisonnablement considérer la construction d’un lotissement résidentiel sur le dernier poumon vert de son centre-ville comme un choix politique en phase avec les préoccupations de sa population? »

 Et un second extrait vient d’une importante étude sur la santé et l’environnement publiée le 8/9/2020 par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) : « Les villes européennes sont particulièrement vulnérables à ces multiples menaces, et elles disposent également d’un accès plus réduit aux espaces verts et bleus. La pandémie de COVID-19 a montré les avantages que procure l’accès aux espaces verts et bleus, en particulier dans les zones urbaines, sur le plan de la santé et du bien-être ».



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