l'oeil de l'areine, comme l'a retrouvé notre ami George |
La redécouverte d’une galerie
d’exhaure au Wérihet
photo page fb xhorre nopis |
Ce qui m’a relancé,
c’est la redécouverte de la galerie d’exhaure de Biquet-Gorée, en 2019. Un
homme achète la maison du dernier directeur de charbonnage Biquet-Gorée. A côté
il découvre une galerie minière murée d’où sort un débit d’eau impressionnant.
Il cherche sur internet et tombe sur un de mes blogs sur une areine creusé en
1612 par un certain Nopis (On écrit aussi parfois Noppis). L’homme est motivé
pour la sauvegarde du patrimoine et dégage l’entrée. Derrière il découvre une
galerie d’au moins cinquante mètres.
Le nouveau
propriétaire George a eu l’amabilité d’accueillir, en décembre, les promeneurs
de ma balade-santé mensuelle dans sa galerie d’exhaure, avec un vin chaud.
C’est lui qui a réussi à contacter M. Péry. Au Cladic (Centre liégeois d'archives et de documentation de l'industrie charbonnière de BlegnyMine ) on lui montre un manuscrit de Gobert «sur les
anciens travaux de la Xhorre Nopis débouchant dans le Wérihas qui est faite
dans les couches Grande Veine d’Oupeye et Petite Veine d’Oupeye ».
Ce manuscrit a probablement servi à rédiger son magistral 'Eaux et fontaines publiques à Liége depuis la naissance de la ville jusqu'à nos jours, avec dissertations etrenseignements sur l'exploitation et la jurisprudence minières en la principauté liégeoise, sur les anciennes houillères de Liége et des environs’, publié
en 1910. Avec Théodore Gobert nous sommes évidemment déjà dans un autre
registre. Gobert est archi-connu pour son livre "Liège à travers les âges : les rues de Liège".
J’ai déjà mentionné
l’areine Nopis. Il existe plusieurs orthographes : arène, araine, arhaine etc..
Cela est en région liégeoise. Gobert parle de xhorre. Aujourd’hui nous
avons nos stations d’exhaure qui ont aussi un lien direct avec notre passée
minier. Nous retrouvons aussi le terme schorre dans les textes. En Hainaut, on
parle de seuwe, sèwe, saiwe ; dans le Borinage ou le Centre c’est conduit.
Et rien ne vous empêche de voir dans cette galerie d'exhaure une source, si ce
n’est qu’elle est alimentée par des anciens travaux de main d’homme. J’utilise
pèle-mêle dans ce texte les différentes orthographes en fonction de la source
où j’ai puisé mes données.
Un patrimoine minier unique
Jusque là on est dans
l’histoire locale. Mais il y a aussi le patrimoine. D'abord, notre région est la seule à avoir développé un tel système
d’exhaure, avec ses veines de charbon qui affleuraient en flanc de coteaux. Il n'y a qu’une seule areine
visitable à Liège : celle de Richonfontaine, en dessous du musée de la vie
wallonne. Son œil, en contrebas de la rue Mère-Dieu, n’est pas accessible.
areine de Richonfontaine MVW |
Et puis, il y a des
visites virtuelles, à partir des reportages internet réalisés
par des gens qui les visitent équipées de matériel de plongée et/ou de
respiration. Il faut un matériel de détection, à cause des teneurs parfois très
élevées en CO2. Voici la
technique de reconnaissance et de progression en milieu minier confiné comportant
des gaz nocifs : CO2, CO, H2S, CH4.
C’est ainsi que l’on
peut faire une visite virtuelle de l’Areine de Richonfontaine, de
Gersonfontaine, de la Légia, de Barchon, En Ster (Glain), Sous Les Vignes
(Seraing), Messire Louis d'Ouffet (rue des Anglais).
Et, enfin, il y a des
areines à redécouvrir. Un ami rencontré sur fb lors de nos recherches sur
l’areine Nopis m’a transmis la localisation des bures de l'araine Hareng,
entreprise à la même époque, en 1666, par les deux frères Henri, dits Naiveux,
aussi connue sous l'appellation Xhorre des Dames. Elle drainait la couche Grande veine des
Dames. Le vieux bur (les deux orthographes existent : bur – bure) du
Sawhay, précurseur de Bonne Foi-Homvent, situé au nord de la rue de la Limite,
était drainé par cette araine (Milmort La mémoire vive, t.2,
p. 115, H. Dewe). Cette araine qui conduisait ses eaux jusque
dans les graviers de Meuse sous Pontisse fut prolongée en aval vers 1918 par
une galerie construite par Abhooz-Bonne Foi-Hareng (A.C., t.1,
pp.123-124). Il faut que
j’aille voir sur place, mais je ne crois pas que ces burs sont encore marqués.
Keskeseksa, un
bure ? Notre grand historien local Collart-Sacré explique : « Lorsqu’une veine se présentait à flanc de
coteau, on pratiquait une excavation horizontale (wallon : bôme ou baume)
avec dégagement facile et commode, tant pour les eaux que pour les produits».
L’étendue des veines ne permettaient pas de poursuivre loin leur exploitation
et il fallait alors creuser un puits vertical : c’est le beûr, en fr. le bure.
Morand en fournit une vue générale dans une gravure
La procédure de fin de concession d’Abhooz et la sécurisation des puits
Ensuite, voilà qu’une
main invisible restaure, avec des bulldozers et bétonneuses et tout ce qu’il
faut, le puits 2b du Riz sur Xhorre Noppis, près de la rue de l’Abbaye et le
zoning des Hauts Sarts. C’est une pure coïncidence et ça n’a rien à voir avec
la redécouverte de la galerie d’exhaure de Biquet-Gorée. Nous apprenons qu’à
l’entrée d’Oupeye il y a aussi le 1ère et 2ième bure Nopis sur
Grande Veine d’Oupeye. Ces bornes marquent sur des kilomètres le tracé de cette
xhorre.
On se demande qui paye
ces travaux quand même assez conséquents autour d’anciens puits abandonnés il y
a plus d’un siècle et demi. On commencerait enfin à se tracasser pour notre
sécurité? Parce que ces anciens puits ne sont pas un danger imaginaire. L’effondrement
le plus spectaculaire s’est produit en 2012, rue Cockroux, à Oupeye. En 1974 le
propriétaire avait construit une annexe au-dessus du puits d’aérage dit
«Pieter», et il avait envoyé ses eaux usées et l’eau de pluie dans ce puits.
Quarante ans plus tard l’habitation a dû être évacuée sur arrêté du
bourgmestre, avec sécurisation d’urgence pour empêcher l’extension de
l’effondrement et la ruine totale de l’habitation. Il a fallu remblayer en
urgence le puits avec 200 m³ de béton.
Ce puits « Pieter» appartenait à la houillère Biquet-Gorée qui
avait arrêté l’exploitation en 1919.
L’administration avait ordonné la mise en sécurité des 2 puits comme condition
d’abandon, avec remblayage des 2 puits + voûtes + serrement de la galerie à
l’accrochage. Apparemment, ce travail a été mal fait. La preuve presqu’un
siècle plus tard ! Le propriétaire
a eu de la chance : en 1920, la concession avait été déclarée ‘déchue’, mais,
malgré cette déchéance, en l’absence de concessionnaire, les frais ont été pris
en charge par les SPW et imputés au
budget dgo3. Cet effondrement a fait l’objet d’un colloque du SPW en avril 2014.
Il y a pas loin du
puits d’aérage effondré encore le puits d’extraction.
A la même époque il a
fallu une noria de bétonnières pour remplir un puits effondré rue du Fort.
Et même la galerie
d’exhaure n’est pas sans danger. En 1974 notre areine a inondé le Wérihet.
Personne ne s’était tracassé pour assurer un écoulement normal de cette areine
qui draine pourtant des eaux d’une bonne dizaine de kilomètres carrés (au
moins).
En 2018 encore ces anciens
puits non localisés ont servi d’argument devant le conseil d’état contre une
extension du zoning dans les champs traversés par cette areine. C’est moi qui
l’avais suggéré au comité d’irréductibles. Le Conseil d’Etat a rejeté cet
argument, en jugeant que la SPI peut très bien localiser ces puits lors de
l’aménagement des voiries du futur zoning. Je serais curieux de savoir si la
Société Provinciale d’Industrialisation est au courant de ces travaux de
sécurisation, mais ce n’est pas eux qui ont payé.
Or, si ce n’est pas
eux, c’est qui ? Cui prodest ? A qui profite le crime ? Et ici
on est presque dans un roman de détective, si ce n’est que ce n’est pas un
crime, mais une sécurisation qui aurait dû être fait depuis bien longtemps.
Nous apprenons que
c’est une société dormante qui détient les droits sur la concession minière
d’Abhooz qui est à la manœuvre. Et derrière cette société ‘boîtes aux lettres’ se cache un des plus vieux holdings belges, le
très discret Bois Sauvage.
Les bornes ou dalles
de puits sont protégées par un arrêté royal (AR
du 10/12/1910, modifié par celui du 01/05/1929 et confirmé par un avis du 1/10/1935
du Conseil des mines). Cette dalle doit rester visible et accessible :
« il y a en l’espère une servitude légale
d’intérêt public à laquelle il ne peut se soustraire ».
Voilà ce qui m’a
poussé à reprendre l’histoire de la houillerie à Oupeye et à Herstal-Milmort.
Pour retrouver en 1600 la mention d'Abhooz à la base de la concession d'Abhooz!
Au milieu de la Montagne d’Oupeye, le
Thier d’Abhoff pour aller à la houillerie des Bons Hommes
Le bois Péry en dessous du Thier d'Abhooz photo Eduard Van Loo |
Beho n’est que la romanisation du nom que les autochtones donnent à leur
village : Bockeh, Boûkels, Bockholz, Buchholz, «bois de hêtres ». A côté de
Beho, il y a le nom populaire, Abhaut d’après Warker, mais, plutôt, à phô,
selon M. J. Haust. Ce nom de village se trouve à la frontière même des langues.
1135, Bocholt ; 1326, Buho ; 1333, Bucholch ; 1495, Bocholtz, Beho ; 1615, Abho
; 1627, Behou ; début du XVIIIe s., Behaut. La liste des anciennes graphies de
Beho est de nature à rassurer ceux qui hésiteraient à croire à l’équivalence de
Beho et de Bockholz. Elle consite en l’adoucissement du k en une simple
aspiration. La prononciation wallonne Âbhaut ou à phô, attestée en 1615 Abho,
où la préposition s’est accolée au nom même, indique une contraction plus
marquée, puisqu’elle se caractérise par la disparition de l’e de la première
syllabe. Cette prosthèse se constate à Abhooz sous Oupeye lez Liège, dont le
nom se présente sous les formes suivantes : à Beho en 1378, Abeho ou Abehol en
1556, Behol en 1565, Behoulte en 1570, Abehou.
La grande Veine d’Oupeye
Les premiers travaux miniers ont probablement commencé au Tournay parce que la grande Veine d’Oupeye y était apparente dans les flancs de coteaux.
On retrouve cette Grande Veine dans tout le bassin liégeois. A Oupeye elle
dépasse les 70 cm. Son épaisseur de diminue en allant vers l'Ouest : à
hauteur d'Ans, elle n'a plus que 30 cm de charbon. Il y a en dessous aussi une
Petite Veine d'Oupeye.
Ces mines étaient très
artisanales. Il fallait l’accord des propriétaires du sol qui demandaient leur
part ou qui refusaient le passage en-dessous de leurs propriétés. Ce qui
explique le nombre de puits abandonnés et non rebouchés. Pour avoir une idée,
voici un rapport d’un Saroléa, un nom de famille que nous retrouverons tout au long de notre
récit.
entrée du parc de Gilles de Saroléa à Cheratte |
« Le 8ième Mars 1757, la Cour et Justice
d’Oupeye, Vivegnis et Petit Aaze, à la requieste du Sr. Saroléa notre officier,
a fait une visite touchant les bures non remplis ouverts et point garantis. En
lieu dit Vaux dans une prairie appartenante à Léonard Henrotay, avons trouvzez
3 bures ouverts sans être garantis. Puis sommes allez dans les vignes où avons
trouvez un lurtaÿ (petit bure) ouvert et sans être garanti. De là marchissant
assez proche du bois nommé aux Abrennes où avons trouvez un bure ouvert
garantis quelques épines mortes. Et en lieu dit Abhooz avons trouvé un grand
bure à moitié garanti par des pierres mises à la main. Et puis finallement
sommes venus assez proche de la chaussée où avons trouvez un grand bure ouvert
appartenant aux dames de Vivegnis, sans être garantie. Ce qui fut mis en garde.
» (Oupeye.
Rôles.1731-1769,.n° A. 6955 fol.299. A.E.L.)
« Ces bures point
garantis » constituaient un grand danger, comme nous l’apprend un autre
historien local, M. Jacky Jobé :
Le 15/2/1657 Jean,
fils de Lambert Collée, a été tué à la fosse de l’abbaye.
Le 24/11/1658 Marie
Dessart périt en tombant dans la bure d’Abhooz.
Le 19/8/1671 Collée
Buffo fut trouvé mort au fond de la fosse dans le vignoble.
En 1736 Mathieu
Mathias se tua en tombant dans la fosse abandonnée des Trixhes
Le règlement de travail des
comparchonniers
Creuser un puits
dépassait souvent les possibilités d’une famille. On formait une sorte de
coopérative. Parmi les comparchonniers, ou comparsonniers, on retrouvait de
simples mineurs, mais aussi des marchands et nobles, les "arniers", ainsi que des financiers.
Progressivement les mieux nantis ont pris le pas sur les autres catégories
sociales intéressées à l'exploitation minière.
Pour donner une idée
des conditions de travail, voici quelques extraits du règlement de Bon Espoir
de 1764 (source Oupeye. Procès des Houillères, 1er
carton 1686-1789, n° 39-43. A.E.L.) :
«Les
maîtres de la fosse de Bon Espoir pour
prévenir à beaucoup d’inconvénients qui se sont commis et pourraient se
commettre à la dite fosse; primo, ils défendent très sérieusement tous jurement
et parol lassif et entretien déshonneste. Que les braieurs et autres ouvriers
de dire ou faire dire, ni même par signe ou autrement de pouvoir faire venir
pour eux et pour d’autres, ni même pour les maîtres aucun panier hors la bure,
mais toute au contraire deveront les recevoir tels qu’ils sortiront et de
n’avoir aucun égard pour qui que se soit. Que personne ne pourra ramasser ni
permettre de reporter ce qui tombera des paniers ni à l’entour dans la hutte,
ni sur la pair, mais tout au contraire devront être remis aux ceux des maîtres.
Que ceux qui sont dans le bure travaillant à la veine seront obligés de défaire
la veine au plus grand profit des maîtres c’est à dire de faire des traits le
plus qu’il est possible au lieu que bien souvent il font des craques au
détroiment des maîtres. Que personne ne pourra vendre du genièvre, brandevin
autres liqueurs à la fosse et aux environs, ni même en présenter pour rien. Que
si l’un ou l’autre venait à fomenter pour ne point travailler où que l’on
voudrait donner la correction à quelqu’un ou autrement, ils seront
irrémissiblement exclus de l’ouvrage. Qu’il est défendu de manquer une journée
à leur devoir sinon pour incommodité»
On a prévu déjà des
sanctions contre le brayeurs qui fomentent pour ne point travailler !
Les maîtres de fosse et les seigneurs
d’Oupeye
Les maîtres de la fosse
Gorée que nous retrouverons un bon siècle plus tard dans la concession
Biquet-Gorée ne sont même pas cités nommément, comme dans ce document du 7 janvier 1700, « autorisation accordée par les maîtres de la fosse Gorré de
travailler dans la bure enfoncée dans la terre de Lambert Laps "en
Gorrée".
18 février 1724 un acte d'accense, devant la
haute cour de justice d'Argenteau et Hermalle, concernant le trentième pannier
pour la veine seigneuriale, sur et entre "Les Gorrées" à Hermalle. Ce 30ième panier pourrait être le cens
d’areine, une sorte de taxe pour exhaurer une fosse.
D’autres grands noms comme
Jean Curtius qui avait acheté la Seignerie d’Oupeye en 1603, était aussi actif
dans la houillerie, mais je n’ai pas retrouvé des traces d’un engagement à
Oupeye. Il y avait déjà plusieurs bures autour de son château.
Un siècle plus tard, en
1721, le château est dans les mains de Mathieu Joseph de Saroléa. Lui est bien actif
dans la houille à Cheratte et à Vivegnis. Voir la ‘requieste’ de 1757
mentionnée plus haut du Sieur Saroléa en tant qu’officier de la Cour et
Justice. Nous retrouverons en 1837 Hyacinthe de Saroléa comme concessionnaire
de la houillère Biquet.
Si les familles Curtius
et Saroléa étaient incontestablement des capitaines d’industrie, le château les
intéresse pour le titre de noblesse qui y était attaché (Seigneur d’Oupeye). On
peut penser la même chose des Royer et les Cartier qui occupent le château dès
1753, après les Saroléa (Cartier intente un procès à l’avocat Bustin, apparenté
aux Noppis, comme nous verrons plus loin).
Et le baron Nicolas de
Grailet qui releva les biens en 1785 ne se salissait pas les mains dans la
houille non plus. On retrouve certes son nom dans les archives des
maîtres-jurés mais c’est à cause d’un procès en 1781 au houilleur Hubert
Bonhomme, au sujet de dégâts causés lors de l'exploitation d’une fosse. C’est
le château qui les intéresse (le bâtiment en U a probablement été construit par
notre baron de Grailet).
Les areines
Comme je viens
d’expliquer les comparchonniers doivent avoir l’accord de tous les
propriétaires des terrains traversés. Il y avait un autre problème : les
veines déhouillées se remplissent d’eau. Beaucoup de ces petits puits se
trouvaient vite noyés.
Petit à petit on commence à creuser des areines, des galeries pour évacuer
l'eau afin de continuer l'exploitation de la houille.
Mr De Crassier publie
en 1827 son 'Traité des Arènes,
construites au Pays de Liége, pour l'écoulement et l'épuisement des eaux dans
les ouvrages souterrains des exploitations de mines de houille.'
Pour M. De Crassier,
au 12° siècle, « ‘ce dût être moins
une extraction qu'un pillage des veines supérieures. On abandonnait un puits
lorsque les travaux étaient parvenus au point où le mineur manquait d'air. Ces
travaux exécutés sans art ont laissé après eux des vides souterrains que les
eaux ont dû successivement remplir. Un siècle s'était à peine écoulé, que les
eaux déjà se trouvaient suspendues sur la tête des malheureux mineurs, et
rendaient les mines inaccessibles de toute part. Dès le treizième siècle, on
reconnut l'urgence de se débarrasser des eaux qui inondaient les travaux
souterrains. Une arène se construit de manière qu'à son embouchure les eaux qui
en découlent, puissent se jeter dans la Meuse ou dans le ruisseau le plus
proche » (note
HH : La galerie Noppis par exemple débouchait au Wérihet, situé en juste
au niveau de la Meuse. La crue de la Meuse en 1784 a noyé son œil).
« L'arène est poussée jusqu'à la mine qui
se présente la première. Ce point de rencontre, s'appelle 'Steppement'. De
l'oeil au 'Steppement', il fallait traverser les propriétés particulières,
percer des rocs vifs et lutter contre les caprices, les tracasseries, la
cupidité et la jalousie des hommes.
photo gm xhorre nopis |
Arrivé au 'Steppement', l'arènier avait rempli
sa tâche. Dès 1439 le tribunal des échevins de Liége déclare que 'ceux qui
avaient enlevé arène et avant bouté l'avaient fait à leur très grands coûts et
dépens'. Aussi vit-on figurer, parmi les arèniers primitifs, non seulement les
Princes de Liége, les bourgmestres et les plus riches notables de la ville,
mais encore les plus riches abbayes du pays.
L'arène
devait nécessairement offrir aux arèniers, c'est à dire à ceux qui l'avaient
construite, une indemnité proportionnée à la dépense qu'elle avait occasionnée.
Tous les exploitans quels qu'ils fussent, propriétaires du fond et des mines,
ou terrageurs, ou permissionnaires, tous devaient payer à l'arènier une redevance
proportionnelle à l'extraction et cette redevance s'appelait cens
d'arène ».
Ce plaidoyer pour le
cens d’areine a été écrit en 1827, à un moment où cette taxe est remise en
question parce qu’on commence à exhaurer avec l’aide de pompes à vapeur. C’était,
en fonction des richesses des veines, entre un vingtième et quarantième
panier.
Ces ‘arèniers
primitifs’ étaient en fait les notables (Princes-Evêques, bourgmestres, abbayes).
Ils s’arrangent pour instaurer un véritable monopole, même si pour M. De Crassier,
c’est « afin que les arèniers ne
pussent mutuellement se porter préjudice ».
Chaque arène avait son
district circonscrit, soit par les 'failles'
soit par les serres que les areiniers mettaient en réserve : des
massifs de houille auxquels il était sévèrement interdit de toucher, à
l'extrême limite de leur arène, ou bien, 'à
la dernière pièce de leur acquet'’.
1582 : l’édit de conquête. Un
nouvel essor de l’exploitation charbonnière
Il va de soi que ‘tous les exploitans quels qu'ils fussent
‘ essayent de ne pas payer ce cens. Et que souvent ils préféraient abandonner
leurs travaux et les ‘ennoyer’ plutôt que d’envoyer leurs eaux dans une arène. En
1582 le prince-évêque Ernest de Bavière essaye de remédier à ça avec son édit
de
conquête : celui qui arrive à exhaurer ces mines noyées peut les
exploiter. Cet édit est à la base d’un nouvel essor de l’exploitation
charbonnière dans notre région.
C’est ainsi que le 29
avril 1634, Jean Noppis obtint un jugement de conquête et d’adjudication par la
Cour des Voir Jurés. Je n’ai pas de détails sur Noppis, mais d’autant plus sur
Curtius, à l’autre bout de la ville.
Curtius aussi a acquis à cette époque l'areine Gersonfontaine. Il rectifie
cette areine, en plaçant l'oeil au niveau du bras du fleuve, à la Sauvenière.
Il fit comparaître tous les maîtres de fosses des hauteurs de Saint-Gilles,
Saint-Laurent et Saint-Nicolas, dont les travaux étaient submergés, pour les
mettre en demeure de faire eux-mêmes l'areine, sinon il réclamerait la conquête
des mines noyées, par le moyen d'une plus basse areine. Les maîtres de ces
charbonnages n'étaient pas en état financièrement de réaliser le projet, et
Curtius s'adressa au prince Ernest de Bavière, qui s’adresse le 10 avril 1608 à
son « cher féal Curtius, Seigneur
d'Oupeye,
Etant venu à Notre connoissance que sous
Saint-Laurent, Saint-Gilles, Sainte-Marguerite, et autres lieux aux environs de
Notre cité de Liége, seroient infinité d'ouvrages de houille et charbon noyés
et perdu à cause des eaux et bagnes qui ont fort gagné les susdites houilles à
très grands dommages et intérêts de Nos bourgeois de la cité et générale
discommodité du pays et sujets d'icelui.
Pour à quoi obvier, récupérer et reconquester
les dits ouvrages par le moyen de xhorre, areine et abattements d'eau plus bas
: ne sachant homme plus expert et capable que vous, et ayant à la main de quoi
fournir aux dépenses nécessaires, vous nous avez bien voulu requérir et
exhorter de vous y vouloir employer et, pour le bien commun, entreprendre
oeuvre si digne.
A quel effet, tâcherons aussi par tous moyens
que nos statuts et ordonnances publiées en l'an 1582, sur le fait des houilles,
sortent leurs pleins et entiers effets, prenons vos serviteurs et ouvriers en
Notre singulière sauvegarde et protection.
Ernest. »
Curtius obtint ainsi « l'enseignement - on dirait
aujourd'hui l'autorisation - d'avant bouter l'areine en la pourchassant plus
bas que l'ancien canal. Les voirs-jurés énumérèrent successivement les
anciennes fosses creusées sur cette areine, et dont les ouvrages noyés devaient
échoir à Curtius ».
Comme j’ai déjà dit, je
n’ai pas trouvé des traces d’une activité houillère de Curtius à Oupeye où il
avait pourtant acheté le titre de ‘Seigneur d’Oupeye.
Le dix-huitième panier au Sieur
Noppis
la borne Biquet-Gorée près du château photo Eduard Van Loo |
Le 4 décembre 1715, le
Sieur Bustin, avocat apparenté aux Noppis, est rendu maître de la Schorre. Bustin
est à la base d’un conflit avec le Seigneur, ou plutôt la Dame d’Oupeye Béatrix
de Cartier. En 1722, il fonce une bure derrière une prairie proche du château.
Béatrix invoque le danger de tarissement des sources qui alimentent son étang (un siècle plus tard De
Graillet qui a échangé son titre de Seigneur contre celui de maire
révolutionnaire d’Oupeye évoquera aussi ces sources). Bustin gagne son procès devant les échevins de
Liège.
En 1754, on retrouve comme maîtres de la
schorre la famille Bertandy qui possède plusieurs mines dans le coin. En 1762
une série de comparchonniers fondent une société « Bon Espoir » qu’il ne faut pas comparer avec les sociétés anonymes
qui s’imposeront fin du 19ième. Bon Espoir est une alliance assez
lâche entre familles, très souvent autour d’un projet ponctuel comme le
creusement d’un puits.
En 1775, Jean Lambert
Bertrandy s’associe avec la famille Bonhomme qui fait aussi dans le charbon.
Dans la suite, le titre d’areinier passe dans les mains des sieurs Hardy et de l’avocat
Colson.
Napoléon : le sous-sol
appartient à la nation
Nous voilà arrivé à la
fin du 18ième siècle où deux éléments bouleversent tout. En Angleterre Newcomen met au point une machine à vapeur
utilisable pour l’exhaure en 1712. Et en France Napoléon décrète que le
sous-sol appartient à la nation. L’Etat donnera des concessions à celui qui
peut prouver qu’il a les moyens de l’exploiter. L’édit de 1582 ménageait la
chèvre (les areiniers : chanoines et capitalistes en herbe comme Curtius
ou Saroléa) et le chou (les comparchonniers qui grattaient la houille). A côté
des hommes et femmes en noir il y avait une armée d’hommes en robe noir qui
gagnaient leur vie en disputant le cens d’areine devant les tribunaux. Napoléon
ne doit plus tenir compte de ces classes oisives (clergé et noblions) et balaie
tout ce fatras. Enfin, pas tout. Pas le droit d’areine. Nous allons voir ça à
partir d’un premier conflit, en 1792, entre ‘Bon Espoir’ et une nouvelle
association, les « Bons Amis », sur le droit d’areine.
En 1792 Bon Espoir contre les Bons
Amis sur le droit d’areine.
Comme j’ai expliqué,
chaque arène avait son district. Tous les exploitants de ce district devaient
payer à l'areinier une redevance. Ca remonte à la cour du charbonnage du 30
juin 1607 qui définit ce qui forme la propriété de l'arène : « les vuids ouvrés et vacuité avec tous les
ouvrages faits par le moyen et bénéfice d'aucune arène, sont tenus pour
limites, pourchasses et rotices d'icelle arène; sans laquelle arène, tels vuids
et vacuités n'auraient pas été faits. Il suit delà que tous les vides et
excavations, que tous les ouvrages souterreins, exécutés par et pour
l'extraction de la couche de houille où gît la mer d'eau, sont devenus, par
droit d'accession, la propriété de l'arènier; que c'est à l'arène que se
rapportent tous les ouvrages qui, sans elle, n'eussent pu être entrepris. Ce
n'est pas seulement en poursuivant les travaux qui ont commencé au Steppement
que le domaine de l'arène s'accroit par droit d'accession, mais bien aussi
lorsque des travaux commencés à une distance plus ou moins grande sont mis en
communication avec elle par des 'xhorres' ou galeries ou même par de simples
percemens ».
C’est sur cette base
qu’en 1792, Bon Espoir conteste à la coopérative toute fraîche des « Bons Amis»
le droit de creuser une galerie d’écoulement en l’endroit dit « La Vaux », autrement dit au Tournay. Ils
se disputent pendant 5 ans devant les tribunaux avant de créer une «Société
de Bon Espoir et Bons Amis réunis » - aujourd’hui on parlerait d’une
joint-venture - en reconnaissance de ‘l’avantage
immense de la schorre Noppis sur celle en construction’. Donc, les tribunaux reconnaissent le droit
d’areine pour les travaux desservis par la xhorre. Pour les autres les deux
sociétés gardent leur indépendance jusqu’en 1880, année de la fusion d’Abhooz,
Bon-Espoir et Bons-Amis, Bon-Espoir et Chertal dans la S.A. des Charbonnages d’Abhooz.
1804 : Bon Espoir et Bons Amis
se découvrent un concurrent
Bon Espoir et Bons
Amis gardent leur autonomie. La ligne de séparation est le chemin du Tournai,
qui séparait à l’époque Oupeye et Vivegnis. Mais la demande de concession de 173 hectares
qu’ils formulèrent le 4 Prairial an 13 (mai 1804) est faite au nom des deux
réunis.
A leur grande surprise
ils découvrent un concurrent en la personne de leur tout frais maire
révolutionnaire François Charles de Graillet, fils de Nicolas Mathieu de Graillet,
mort en 1796, ancien ‘seigneur d’Oupeye
et de Vivegnis’.
Avec la révolution Nicolas avait perdu son titre de noblesse. Mais le fils Graillet
a vite compris que la houille rapportait plus qu’un titre de noblesse. Devenu maire républicain d’Oupeye, il se mit
en 1806 à creuser un petit bure dans une prairie dite «Cortil Biquet», en absence de demande en concession et de toute
autre formalité. Ca deviendra plus tard la houillère Biquet-Gorée. Cette
absence de demande de concession avait quand même encore un relent ‘Ancien Régime’.
plan incliné Biquet-Gorée là où se trouve aujourd'hui le CPAS |
Bon Espoir réagit en
creusant un bure à côté du nouveau concurrent, mais celui-ci de son autorité de
maire lui fit signifier l’ordre de désistement :
Arrêté
du 1er Octobre 1806. Le Maire somme Nicolas Remi, maître ouvrier de la société
de Bon Espoir et les sieurs Tollet, Guillaume, Bonhomme et leurs associés
d’abandonner le bure qu’ils ont fait près de la prairie dite Biquet (S.) Fr. de
Graillet mairie. Cachet : République Française
Mairie d’Oupeye 1er
arrondissement du département de l’Ourthe
De Graillet demande une concession
pour Sondeville
Comme je viens de
dire, notre maire révolutionnaire n’a pas pour autant perdu ses réflexes de grand Seigneur. Il reprend
les arguments développés en 1715 par la Dame d’Oupeye Béatrix de Cartier, qui
avait invoqué le danger de tarissement des sources qui alimentent son étang.
Mr. Lenoir, ingénieur
en chef des mines, cherche un compromis en proposant à Bon Espoir et Bons Amis de
retirer les 10 hectares du Cortil Biquet de leur demande de concession.
De Graillet se montre intransigeant
et demande de son côté, le 2 janvier 1808, une concession pour la partie basse
du village dite « Sondeville » où Bon Espoir avait jadis ouvert plusieurs
travaux et embouté sa « schorre » dite « Noppis ». Il propose à Bon Espoir et
Bons Amis réunis ‘généreusement’, en
sa qualité de haut propriétaire foncier, un terrain contigu d’environ 25
hectares.
La transaction fut établie officiellement le 25 Mars 1809. Nous avons
même un témoin de cette conciliation : sur l’allée menant au cimetière, en
surplomb de la grande route séparant les concessions se trouve une borne :
"Lenoir, ingénieur en chef des mines".
borne Lenoir à l'entrée du cimetière |
Mais Monsieur de
Graillet se montre non seulement mauvais houilleur (ses essais de déhouillement
n’obtinrent le succès qu’il avait espéré), il se montre aussi mauvais
perdant : le 17 janvier 1817 il demande en concession ce même terrain
d’environ 10 hectares qu’il avait lui-même fait distraire de la demande de
Bon Espoir faite en 1803.
Devant cette intransigeance,
Bon Espoir essaye de se faire payer le cens d’areine. Sous les Voir-Jurés de
l’Ancien Régime ils auraient probablement gagné haut la main. Ils avaient des
arguments solides :la galerie Nopis qui se dirigeait du Wérihet vers le
Nord-Ouest se bifurquat ensuite; une branche se portait vers l’établissement de
Bon Espoir mais l’autre partait vers le fond de Sondeville en se prolongeant
vers des vieux bures. Cette branche de schorre n’était éloignée que de deux
cents mètres du bure entamé dans la prairie Biquet.
Mais De Graillet prétendait
qu’il ne se servirait en aucune façon de la galerie. En réalité, sa société
Bicquet y versa ses eaux à tel point que «Bon
Espoir et Bons Amis réunis » dut creuser un aqueduc en 1827, car le volume
d’eau débouchant en Wérihet allait toujours croissant. Cet aqueduc fut conduit
à travers la campagne et la commune de Hermalle-sous-Argenteau jusqu’au lit de
la Meuse. Il fut revêtu sur toute sa longueur d’une voûte en maçonnerie et
coûta à la dite société une somme considérable, sans que Bicquet y intervint
pour rien (cet aqueduc fut interrompu
lors de la construction du canal Liège– Maestricht vers 1850. Le plan Popp ne répertorie aucun siphon à cet endroit. Des vestiges de cet
ouvrage furent découverts de l’autre
côté du canal Albert, à la gravière Brock, vers 1990).
Le cens d’areine et les pompes à
vapeur
Bon Espoir conteste
donc cette concession sur base de son droit d’araine. Or, ce cens avait-il
encore du sens avec les pompes à vapeur qui permettaient d’évacuer les eaux
sans les areines? En 1795 par exemple huit maîtres de fosses les plus
importantes de Liège-Herstal et d'Ans-Montegnée suspendent le paiement des cens
d'areine en contestant l'utilité de ces galeries d'écoulement (la persistance de l'ancien regime : le droit liegeois et la loi imperiale de 1810 sur les mines par N. CAULIER-MATHY Chef de travaux à l'Université de Liège).
Mais la loi impériale
de 1810 ne dit rien sur les araines. Et même si les galeries d'écoulement
appartenaient souvent aux congrégations religieuses et certains nobles émigrés,
le nouveau pouvoir s’était limité à placer les biens des areiniers sous
séquestre. Maintenir ce cens ne présentait pas de difficulté majeure, car les
exploitants avaient maintenu sur place des tas de houille, la part revenant aux
familles émigrées et au cens d'areine ou de terrage. En 1794, le "bureau des Mines et Minières de
l'arrondissement de Liège" peut ainsi se faire livrer 405 charrées de
houille.
Le principe même du
versement d'une redevance à l'arenier et au terrageur n'est donc pas contesté. Et
lorsque fin 1797 les exploitants cessent encore une fois de verser ce cens
d'areine, l'administrateur du département de l'Ourthe demande un état détaillé
de ces arriérés, en spécifiant « des areniers », depuis l'arrivée des
troupes de la République.
Ceci dit, la nouvelle
Belgique de 1830 n’a pas aboli le cens d’areine et les charbonnages ont continué à payer ce cens jusqu’à leur
fermeture.
Mais les démêlés entre
« Bon Espoir et Bons Amis réunis » et
leur borgmestre François Charles Louis Joseph de Graillet se
sont arrêté pour une autre raison. François est tombé amoureux d’une jeune
hollandaise Christina Rietfort (1799-1882) qui avait 26 ans en moins que lui.
L’année avant la mort de son épouse Claudine de Boniver (1769-1824) il avait
déjà eu un premier enfant avec elle (Anna-Maria de Graillet est né à Haarlem en
1823 ; sa deuxième fille Catharina de Graillet y est née en 1827). Il
s’est marié avec elle seulement en 1844.
Après la chute de Napoléon il était devenu lieutenant-colonel dans l’armée du Royaume
Uni des Pays Bas et après l’indépendance belge de 1830 il a poursuivi sa
carrière militaire là-bas.
Le charbonnage de Biquet.
Exit donc François de
Graillet dont le père avait creusé en 1806 un bure dans le «Cortil Biquet». Mais son départ pour la Hollande
ne ne signifie pas l’abandon de la demande de concession. Ils étaient sans
doute plusieurs a appuyer cette demande. Dans un mémorial administratif de la
province de Liège de 1816 et dans un
autre document de 1837 nous retrouvons Hyacinthe de Saroléa comme
propriétaire et concessionnaire de la houillère Biquet.
Les Saroléa sont à
Oupeye depuis 1710, lorsque Jean-Baptiste Curtius donne l’usufruit du château à
Mathieu Joseph de Saroléa. On retrouve la famille plus tard dans les grandes
familles industrielles de Liège, avec notamment les motos du même nom.
Leur ancêtre Gilles de
Sarolea avait racheté en 1643 la Seigneurie de Cheratte au roi d’ Espagne avec
les ducats gagné dans le charbon. La majestueuse entrée du château de Cheratte
(en piteux état) est toujours surmontée de son monogramme.
Cette concession Biquet
fusionnera plus tard avec Gorée dont nous retrouvons comme propriétaires (ou sociétaires)
Grégoire Wariment, de Herstal ; Lambert Paquo, de Liège et la Vve Demezt, à
Liège (on retrouve dans le même document
comme proprio de la première extension de Bon-Espoir et Bons-Amis à Hermée M.
Daniel Colson, et d’une 2ième extension de Bon-Espoir et Bons-Amis, à Oupeye,
Vve Daniel Colson, à Liège. Le proprio de Homvent ou Bonnefin à Herstal est un
certain Tollet d’Oupeye et une Vve Albert Colson, de Liège).
Dans un document de la
Chambre des représentants de 1837 sur les mines on retrouve dans la liste des
bureaux particuliers qui dépendent du bureau central de Herstal, un bureau à
Oupeye « entre les deux houillères
dites Biquée et Gorée ».
(Il y a aussi un bureau à Vivegnis, pour Bon
Espoir et Bons Amis, un à Ste Walburge, pour la houillère Bonne-Fin, un à
Biernalmont (sic), pour la Grande-Bacnure, un à Coronmeuse, pour la Bienvenue
et un à Hoyoux, pour les houillères dites Huffenal et Bacnure).
La concession Biquet Gorée
Il existe encore
quelques vestiges de cette société minière: le n°27 de Rue Cockeroux est un
bâtiment de la mine transformé en habitation. Au n° 25 dont nous avons déjà
mentionné l’effondrement d’une annexe construite sur un puits comblé, il y a dans
la pelouse jouxtant cette habitation deux bornes dont la première a
probablement été déplacée (en 2003 les
propriétaires n’avaient pas autorisé M. Péry à
les photographier):
MINE DE HOUILLE DE BICQUET-GOREE SIEGE PIETER
PUITS D’AIR PROFONDEUR 99 METRES ABANDONNE EN 1917
Et
MINE DE HOUILLE DE
BICQUET-GOREE SIEGE PIETER PUITS D’EXTRACTION PROFONDEUR 208 METRES ABANDONNE
EN 1917
Le dernier
directeur-gérant de ce charbonnage, Michel Hallet, fut aussi bourgmestre
d’Oupeye de 1891 à 1911.
Ensuite il y a les bornes
gravées les lettres B.G. limitant la concession. Il y en a notamment une partiellement
enterrée en bordure de l’esplanade du chäteau, au sommet de la rue Sondeville,
une autre à Hermalle-sous-Argenteau, au sud-ouest du point des Quatre Chemins,
et une autre à l’angle de la rue Reine Astrid et rue du Tiège.
La Grande-Veine d’Oupeye, la veine
Belle-et-Bonne la Boutenante la Boulotte
Dans sa Stratigraphie
du bassin houiller de Liège, X. Stainier, de la société belge de géologie, de
paléontologie et d’hydrologie nous décrit les veines exploitées à Biquet-Gorée.
Cela nous permet, indirectement, d’avoir une idée des conditions de travail. Et
nous comprenons aussi pourquoi cette houillère a fermé assez tôt (1917).
- Une veinette
insignifiante de 0m10, 35 mètres en-dessous de la Grande-Veine d’Oupeye, qui se
retrouve une dernière fois au charbonnage de Biquet-Gorée, sous forme d’une
veinette mince de 35 mètres en-dessous de la veine Belle-et-Bonne (p.62).
- la veine appelée
Belle-et-Bonne est tantôt d’un seul lit de 0m70 à 0m80, tantôt il y a dans le
mur une petite veinette de 0m10 (p.63 ;
à Abhooz, la veine très régulière, avec une puissance constante de 0m50, est
activement exploitée sous le nom de Grande-Veine d’Oupeye. Au charbonnage de
Bois-d’Avroy, la même veine est connue sous le nom de Désirée. Elle a 70 cm de
charbon à un seul lit avec 0m02 de faux toit).
- la Veine
Petite-Pucelle est connue sous le nom de Boutenante ; elle a un seul lit
de charbon de 30 cm. 30 centimètres: c’est à se demander s’ils n’envoyaient pas des enfants là
dedans. Selon M. Stainier, ce qui est remarquable pour cette veine, c’est la
constance du caractère de son toit. A Bon-Espoir, Abhooz et Biquet-Gorée le
toit de cette veine est d’un schiste noirâtre, feuilleté, doux au toucher.
A Biquet-Gorée on
exploitait aussi la Macy-Veine connue sous le nom de Boulotte, avec une
puissance cependant très faible de 0m25 à 0m30 (p.65).
Notre géologue est
évidemment aussi intéressé par les fossiles. C’est ainsi qu’il signale à
Biquet-Gorée « un fossilifère très
remarquable, au toit d’une veinette souvent sans charbon, à la bacnure nord de
l’étage de 130 mètres, 1.100 mètres à l’Ouest du puits Pieter. Le toit de la
Grande-Veine d’Oupeye est très riche en végétaux, avec des fougères
Sphenopteris hoeninghausi, Alethopteris decurrens, Mariopteris acuta,
Diplotmema sp., etc. Et le toit de la veine Boutenante se montre d’une richesse
prodigieuse en Anthracomya Williamsoni notamment ».
Comme on le voit, le bassin houiller d’Oupeye collectionnait les difficultés : outre les
abondantes venues d'eau, les mineurs n'avaient pour ressources que des veines d'une faible ouverture. Par chance, il s'agissait essentiellement d'un charbon
maigre à faible teneur en matières volatiles et en cendres (7 à 8 %), recherché
sur le marché et pas trop grisouteux.
Gobert sur les anciens travaux de la
Xhorre Nopis
Voilà l’historique de
Biquet-Gorée et son dispute avec Bon Espoir sur l’areine Nopis. Je vous invite
maintenant à suivre Bon Espoir et Bons Amis à partir de leur demande de concession du 4 Prairial an 13 (mai 1804). Nous
avons une bonne idée de ces travaux grâce à un manuscrit de Gobert «sur
les anciens travaux de la Xhorre Nopis débouchant dans le Wérihas qui est faite
dans les couches Grande Veine d’Oupeye et Petite Veine d’Oupeye »,
découvert par notre areinier Georges au Cladic.
Ce manuscrit a
probablement servi à rédiger son magistral ‘Eaux et fontaines publiques à Liége depuis la naissance de la ville jusqu'à nos jours, avec dissertations etrenseignements sur l'exploitation et la jurisprudence minières en laprincipauté liégeoise, sur les anciennes houillères de Liége et des environs’,
publié en 1910. Théodore Gobert est surtout connu pour son livre "Liège à travers les âges : les rues de
Liège".
la sortie de la galerie d'exhaure rue Wérihet photo Xhorre Noppis |
Nous savons déjà que cette
xhorre a deux branches. Selon Gobert une des deux qui passe en dessous de
Biquet.
« En 1634 il est reconnu par les Etats que
la Xhorre Noppis appartient à la société de Bon Espoir et Bons amis. Cette
xhorre est donc antérieure à 1634 et à un point donné bifurque pour constituer
la xhorre de Gde Veine d’Oupeye, d’une part, et l’autre branche se dirigeant
vers le NE sous la concession de Biquet ».
Selon M. Péry la
xhorre passe à côté de Biquet, mais nous n’allons pas nous attarder sur ce
détail, d’autant plus qu’à cet endroit les couches de charbon se sont repliées
sur eux-mêmes.
Selon Gobert la xhorre
n’aurait eu que 700 mètres de longueur et était déjà inaccessible mais l’eau y passe librement. Qu’elle soit
inaccessible ne veut pas dire qu’elle est obstruée. Au contraire: selon M. Péry
on a construit à la même époque, en 1827, un aqueduc avec une voûte en
maçonnerie, à partir de son œil au Wérihet, à travers Hermalle-sous-Argenteau,
jusqu’à la Meuse. On a encore découvert des vestiges de cet aqueduc à la
gravière Brock vers 1990. Aujourd’hui c’est un peu difficile de s’imaginer le
trajet, avec le canal Albert qui se situe cinq mètres au-dessus du lit de la
Meuse. A mon avis, on doit aujourd’hui encore pouvoir retrouver des vestiges.
Dans l’autre sens, en
amont, l’areine proprement dite allait jusqu’au steppement: la première couche
de charbon. Les 700 mètres de Gobert
correspondent probablement à la distance entre l’œil, rue Wérihet, et le
premier puits N° 1 (Siège Xhorre Noppis,
dans le rue Tollet). On la pousse au fur et à mesure de l’avancement des
travaux souterrains. Le manuscrit de Gobert décrit l’avancement de cette
areine, de 1803 jusqu’en 1848.
En 1803 il existe sur cette xhorre un
puits à chevaux de 82 aunes (une aune fait un peu moins qu’un mètre). Un autre puits est en fonçage plus au Nord.
La xhorre est inaccessible mais l’eau y passe librement. Elle a 6 à 700 mètres
de longueur.
En 1805 la société fait une demande
d’extension. En 1810 le bure Wilmet est en exploitation ainsi que le Bure Bonhomme
(Bon Espoir et Bons amis n°4). En 1811 l’exploitation se fait par ce dernier
qui a 48,5 mètres de profondeur, l’aérage se fait pas un vieux puits situé à 75
mètres et ayant 42,36 mètres de profondeur. Cette même année il y a sur la
xhorre en exploitation un puits de 70m59 de profondeur.
En 1812 l’autorisation est donnée à la Sté de
Biquet d’exploiter la couche inférieure Pte Veine d’Oupeye et de la mettre en
communication avec la branche de la xhorre Noppis ».
Je crois que sur ce
point M. Gobert se trompe. M. Péry raconte une autre version plus cohérente
avec l’hypothèse d’un conflit permanent. Biquet déversait ses eaux dans
l’areine Nopis mais ne l’a jamais reconnu et encore moins payé le cens
d’areine. Dans ce sens-là Biquet communique donc avec l’areine Nopis, mais sans
autorisation. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les eaux de Nopis sortent
aujourd’hui par la galerie d’exhaure de Biquet-Gorée, si la partie de l’areine inaccessible
déjà en 1803 serait entre-temps obstruée complètement Pour cela il faudrait
mesurer et comparer les deux débits.
En 1818 la Sté de Bon Espoir demande
l’autorisation de fonçage d’un nouveau puits dans la propriété de la Veuve
Grailet au Sart (6ième bure). En 1819 la Sté abandonne le puits principal càd
le 5ième bure ou le Riz. Les travaux continuent par la 6e.
En 1820 la Sté demande pouvoir d’ouvrir un puits
dans une terre de Mme Vve Grailet sur la Gde Veine d’Oupeye (n°7 62m30, aéré par le n°5) et le n°8 dans une terre de
Duchesne sur la Petite Veine. Cette 8° bure au Bourriquet sur Pte Veine, 62
mètres de profondeur, est en
exploitation en 1822, il est aéré par le n°5.
En 1821 elle demande de foncer le bure
n°10 (59m) sur Pte Veine. Le puits n°7 est aéré par le n°6 un peu au N de la
xhorre.
parcours xhorre rue tollet rue huit mai etc; |
Devant une haie de sapin, sur le
trottoir rue Tollet, le puits n° 1
A partir de ce
manuscrit l’on peut suivre le progrès des travaux souterrains en surface, à
partir des bornes dont certaines toutes neuves, installées en 2019 dans le
cadre de la sécurisation des vieux puits d’ABFH (Abhooz Bonne-Foi Hareng).
Le N°191042 Siège
Xhorre Noppis Puits N°1 par exemple est situé sur le trottoir rue Tollet,
devant une haie de sapin (Profondeur : 66m
Comblé en 1967 Coordonnées GPS
50°42'13.25"N 5°39'1.79"E ).
Un peu plus loin, au bout
de rue du Huit Mai, sous une haie, la 2ieme bure Nopis sur Grande Veine d’Oupeye (ABFH N°191045 Xhorre Noppis Puits N°2
Profondeur : 64m Comblé en 1985.
50°42'11.00"N 5°38'54.47"E ).
puits sécurisé rue Destrée photo E. Slegers |
Près de l’arbre Saint
Roch, « en 1824, on fonce à
Dollinchamps dans la propriété de Mr le Dr Collin, deux puits l’un pour
l’extraction et l’autre pour l’aérage, c’est le puits Saint Roch n°11. A 67m le
puits est au niveau du canal du 10ième bure ».
Le puits St Roch N°11
se trouve très dans la rue du même nom, dans l’allée d’une maison (au
50°42'14.09"N
5°38'13.94"E ). Ce ‘canal’
est la galerie d’exhaure Nopis. « Pendant
cette même année les travaux continuent au puits 7 et 8. Il semble qu’ils sont
abandonnés au n° 10. En 1836 l’extraction reprend au puits n°6 et continue au
7° et 11° bure dans la Gde Veine d’Oupeye. Il semble que les travaux du n°8 ont
été abandonnés.
Le 30 septembre 1836 on se propose d’enfoncer
un nouveau puits à 775 W du 7e bure puis on continuera la xhorre jusqu’à la
faille Gilles et Pirotte. On traversera ce dérangement et au-delà on fera un
nouveau puits. On demande donc l’autorisation de foncer un nouveau puits plus à
l’W dans un terrain de G. Radoux à Herstal (Sart). C’est le n°9 ».
Je reprends ici un
détail de cette faille, juste pour en démontrer la complexité de notre sous-sol.
Dans ce cas-ci il faut aller rechercher la veine entre 70 et 85 mètres plus
bas.
« En 1827 on continue le fonçage de ce
puits. Les travaux continuent aux puits n°7 et 11 de la Gde Veine d’Oupeye
(56m) et sont probablement arrêtés au n°6.
Le puits suivant se
trouve dans le champ à mi distance entre l’arbre St Roch et la rue de l’Abbaye.
Le puits 2b du Riz sur Xhorre Noppis se trouve dans le champ à gauche du ‘Chemin de Basse Voie’ qui descend vers
la rue Célestion Demblon.
Vous avez peut-être
posé des questions sur ce puits du Riz. Des rizières sur les Sarts ? Tout
tient à une lettre. Sur un plan cadastral je retrouve les mentions ‘Dans les Ris’ et ‘Dessus les Ris’. Rys, Ris,
rida, ry : c’est la toponymie d’un ruisseau qui coulait le long de ce
chemin qui débouche à ‘Basse Vâ’. Oui, mais il n’y a pas de ruisseau dans ce
vallon ? Même pour ça j’ai une explication : c’est une xhavée ou vallon sec.
Ces derniers puits sur
les Sarts ont été invoqués par les Irréductibles devant le Conseil d’État, contre
l’extension des Hauts Sarts dans nos campagnes. Ils demandaient à ce que soient
localisés préalablement ces puits. Le Conseil d’état a jugé que l’on pourrait
toujours les localiser plus tard. Mais, devant cette inconnue, la SPI+ a jugé prudent de geler la moitié des
66 hectares.
le puits 4 xhorre Nopis dans les terrains prévus pour une extension du zoning |
Ceci dit, la SPI n’est
pas complètement sorti de l’auberge pour autant. Elle prévoit d’évacuer les
eaux de pluie de cette extension de zoning dans des grands étangs, via 3,5
kilomètres de noues d’où il percolera dans le sous-sol. Ces noues ne
laisseront-elles pas percoler ces eaux dans la xhorre ?
Les lecteurs (très) attentifs auront peut-être
remarqués que les numéros ne correspondent pas à la numérotation de Gobert. Si
j’ai repris quelques extraits de son manuscrit, ce n’est pas pour les localiser,
mais pour se rendre compte comment cette areine progresse. On ne creuse pas la
galerie dans la roche sur toute sa longueur. Là où l’on peut on passe par la
veine de charbon.
J’ai encore
l’emplacement de deux puits dans ce qui est devenu le zoning des Hauts Sarts.
Ensuite, à partir de 1928, on est de l’autre côté de l’autoroute, en Rhées.
En 1828 on a atteint la couche de charbon puits
n°9 Radoux et la xhorre est poussée de 187 aunes vers le NW dans la Gde Veine D’Oupeye. En
1829 la xhorre est à 370 aunes du puits n°9 ; le 7° bure sert d’aérage; on
envisage de faire un nouveau puits d’extraction avec traineaux au fond par
chevaux. Le puits n°9 servira alors de puits d’air ».
Le puits d’Abhooz près du chemin des
Naiveux, avec sa machine d’exhaure.
La mine d'Abhooz aux Naiveux (Basse Campagne - Brico) |
Dix ans plus tard, ce
puits aura sa machine d’exhaure, qui permettait d’exploiter des veines beaucoup
plus basses. Ce puits fait 400 mètres. Tout ce qu’on a vu jusqu’ici n’en fait
que 70.
Le charbonnage n’avait
pas le choix : la grande et petite veine d’Oupeye étaient entièrement
exploitées depuis les affleurements jusqu’à la xhorre et même en-dessous. Il
reste juste une bure avec un peu de charbon. Et on exploite même des massifs
laissés par les anciens (en fait, des bandes de charbon laissées en place
pour éviter les affaissements).
Mais laissons une
dernière fois la parole à Gobert qui n’a plus de documents de 1836 à 1844 et
doit se baser sur des plans.
En 1836 la société demande l’autorisation de
foncer un puits près du chemin des Naiveux, c’est le puits d’Abhooz. D’après
les plans on continue à exploiter la petite veine au puits n°11 entre 1836 et 1844.
En 1842 on fonce un petit puits au N du n°7 (15e bure).En 1844 les travaux du
11e bure sont près de la faille de Reys (Rhées). A 150 m du puits n°11 on a
descendu un puits de 11m de profondeur (prés Delhaye) pour reprendre les
massifs laissés par les anciens dans Gde veine.
En août 1847 les travaux sont entièrement abandonnés
sans espoir de retour ; les couches Gde veine et Pte veine étant entièrement
exploitées depuis les affleurements jusqu’à la xhorre et même sous ce niveau en
certains points. Au bure A il reste un
peu de charbon. En 1848 on veut reprendre vainement les travaux du puits Radoux
la xhorre est couchée entre les puits 7 et 8. On la répare mais on ne reprend
pas les travaux. Cette reprise devait avoir lieu pendant le montage de la
machine d’exhaure d’Abhooz ».
On pourrait recouper
ce récit de Gobert avec un rapport de M. Wery, directeur des charbonnages
d'Abhooz et Bonne Foi Hareng, qui énumère les différents puits de sa
concession. mais je garde cela pour un autre blog, dans le cadre de la procédure
de fin de concession de la Société anonyme des Charbonnages d'Abhooz et
Bonne-Foi Hareng (en liquidation). Le fil rouge de ce récit-ci était
l’areine Nopis.
L’état actuel de l’areine
photo xhorre Noppis |
Ce qui complique un
peu plus les choses, c’est que Biquet-Gorée a élargi cette galerie pour évacuer
par là son charbon de son puits Pieter vers son quai le long du canal
Liège-Maestricht. Notre areinier a retrouvé des rails tout rouillés dans la
galerie. Le canal est entré en service en 1850, c’est après cette date.
Toujours est-il que cette
source a un fameux débit, qui n’a pas été affecté par l’été sec de 2019.
la voûte de la galerie qui allait de Noppis à la Meuse photo xhorre noppis gm |
Quant à l’areine Nopis,
nous savons maintenant qu’elle aboutit dans la cave de la
maison N°60 ou 62. Le débit est plus important que celui de la galerie
d’exhaure de Biquet-Gorée. Elle est prolongée dans un aqueduc construit en
1827, selon l’historien local M. Péry, par «Bon Espoir et Bons Amis réunis » dont
voici sa carte. Lors de la
réfection récente de la rue Wérihet la voûte de cet aqueduc oublié a été étêtée
par un bulldozer. On a dû le reconstruire, et c’est pour cela que la rue est
limitée à 7.5 tonnes. Je n’ai pas la date exacte de cette réfection, mais j’ai
retrouvé une décision du Conseil communal du 19 février 2009 sur l’avenant n°5 au contrat d’agglomération pour la
rue Wérihet avec une subvention égouttage de 228.224,11€ et les rues du
Ruisseau et de Beaumont avec une subvention égouttage de 164.345,00€
(unanimité).
Les deux galeries se
rejoignent donc en face de la maison du directeur de Biquet Gorée, et
contournent la paire du charbonnage à ciel ouvert. Il reste un arc de cette
voûte juste avant la propriété de M. Brouns Rue Wérihet 45, à
Hermalle-sous-Argenteau. La galerie voûtée reprend à l’extrémité de son
terrain. De l’autre côté de la rue l’eau est de nouveau à l’air libre et la
commune passe régulièrement pour éviter un bouchage et inondations. Elle passe
ensuite dans le zoning PME où l’entreprise qui occupe la parcelle a
remplacé la galerie par des conduites dont le diamètre serait faible, même par
rapport au débit normal de l’areine Nopis et l’exhaure de Biquet-Gorée.
Après, ces eaux potables arrivent dans le drain du
canal Albert.
Cet aqueduc fut interrompu lors de la
construction du canal Liège– Maestricht vers 1850, puisque le plan Popp
http://www.artthemis.be/plan-popp/ 1842-1872) ne répertorie aucun siphon à cet
endroit. Mais ce drain allait à travers la campagne et la commune de Hermalle-sous-Argenteau jusqu’au
lit de la Meuse. Des vestiges de cet ouvrage furent découverts de l’autre côté du canal Albert, à
la gravière Brock, vers 1990).
vestige de la voûte qui longe l'ancienne paire du charbonnage Biquet Gorée photo xhorre noppis gm |
Je suppose que dans le cadre de la mise en
sécurité de ces vestiges miniers, on devrait inclure cette ancienne conduite,
et s’assurer que cette cuvette où il y a quand même plusieurs maisons ne soient
pas inondés un jour ou l’autre.
Ca intéresse peut-être
l’AIDE qui a sa station d’épuration un peu plus loin.
ABFH détient peut-être
encore les droits de Nopis. Le statut d’areine donne des droits qui ont
été transcrits en 1830 en droit belge.
La galerie de notre
ami George n’est donc pas une areine, mais une galerie d’exhaure. Cela n’est
pas grave, puisque ce terme qui n’est connu que des érudits. Et ça se complique
encore avec des orthographes différentes. L’auteur de notre 'Traité des Arènes
que nous avons cité abondamment se retournera peut-être dans sa tombe avec ce
changement de vocabulaire. Il éprouvait
« un vide immense, lorsqu'embrassant
le mot arène dans toute l'étendue de l'acception, on le remplace par celui de
galerie d'écoulement. Le terme ‘galerie’ n'est propre qu'à la partie de l'arène, depuis
son oeil jusque aux points où elle pénètre dans les couches des mines; cette
partie est celle que le mineur liégeois, appelle 'Mahais' de l'arène. L'arène
poussée au Steppement, c'est-à-dire, jusqu'à la mine où s'établit son niveau,
se poursuit dès lors en oeuvre de veine et est progressivement conduite d'un
bure à l'autre. Toutes les eaux qui inondaient la mine ont dû au fur et à
mesure qu'on leur donnait ouverture, se précipiter sur l'arène. C'est ainsi que
s'est établi progressivement pour tout le district houiller d'une arène, un
seul et unique niveau. Ce niveau est appelé par les mineurs, 'mer d'eau'. Cette
mer d'eau s'étend au fur et à mesure que les extractions avancent’.
Le ‘mahais’ ou la ‘mer d’eau’ :
une ressource potentielle
Pour comprendre
l’indignation de M. De Crassier, il faut savoir qu’il était à l’époque l’avocat
des détenteurs du cens d’areine, à une époque où les charbonnages qui étaient
passés aux pompes à vapeur. Mais malgré ce parti-pris, il y a dans son
argumentation une vérité qui a encore du sens aujourd’hui. Derrière cette
areine il y a le ‘mahais’, autrement dit une ‘mer d’eau’. George a fait
analyser l’eau : elle est potable. Elle est juste un peu trop chargée de
fer. Or, ce handicap est un atout : c’est donc une source minérale !
A Spa aussi la source Marie-Henriette a 20 mg de fer par litre.
Et au Pouhon Pierre le
Grand aussi, les audacieux glissaient un mini-gobelet pour boire l’eau
ferrugineuse dans une ambiance de rouille. Cette source emblématique la plus
abondante (21.000 litres par jour), est ‘riche’ en fer.
Liège a bu pendant des
siècles l’eau des areines; plus, les areiniers le vendaient aux fontaines
qui sont toujours là aujourd’hui.
La CILE a dû
abandonner le captage de l’areine de Richonfontaine, fin des années 80, parce
qu’elle était chargée de nitrites d’origine agricole. On n’a pas trouvé mieux
d’envoyer cette eau dans les égoûts. Et aujourd’hui on doit l(‘envoyer
directement, à grands frais, dans la Meuse parce que les stations d’épuration
ne supportent pas une eau trop propre. Comme par hasard, la station d’épuration
de LIEGE-OUPEYE, la plus grande de Wallonie, se trouve à quelques centaines de
mètres de notre galerie d’exhaure. En
plus elle a été conçue pour remplir une fonction didactique et d’information
aux citoyens. Est-ce rêver d’inclure notre galerie d’exhaure dans son projet
didactique ?
N’est-ce pas dommage
d’envoyer cette eau potable dans la Meuse, avec ces sécheresses répétées suite
au réchauffement climatique ?
l'oeil de la galerie comme l'a trouvé George photo xorre Noppis |
Le terme ‘exhaure’,
contrairement au terme ‘areine’, évoque au moins pour le commun des mortels stations
d’exhaure (nous gardons les pieds au sec dans toute la vallée liégeoise,
d’Engis à Visé, grâce à ces installation). Ceci dit, ‘galerie d’exhaure’ reste
malgré tout assez technique et ne titille pas les imaginations. Et même cette
menace d’inondation reste assez théorique et est presqu’oublié depuis les
inondations de 1926.
Alors, pourquoi ne pas
parler de la source ‘Biquet-Gorée’ ? Tout compte fait, où est la
différence ? Que ces vides qui la nourrissent soient le résultat de
mouvements tectoniques ou de la main d’homme n’a peu d’importance. Et
l’appellation ‘source’ est presqu’en soi un incitant pour utiliser cette eau
d’une manière sensée.
Sources intéressantes
la page facebook https://www.facebook.com/xhorre.noppis.3
le site lost grounds http://www.nicau.be/liege.html a été lancé par Nicolas
Elias, qui a vécu son enfance à quelques pas du défunt charbonnage du
Bas-Longs-Prés. Il a développé avec ses amis une base de données d'environ 600
puits de mine rien qu'en Belgique et pratiquement autant à l'étranger. C’est de
la photographie patrimoniale, d’un très haut niveau scientifique. Le terme ‘Lost
Grounds’ est souvent associé à l’urbex, et c’est un peu de ça, dans le vrai
sens du terme : urban explorer.
Le site présente notamment http://www.nicau.be/liege.html une
très belle synthèse d’Abhooz.
On y trouve entre autres des données
intéressantes sur la modernisation, en 1900, du siège Abhooz, avec un procédé jusqu'alors totalement inédit en
Belgique imaginé par Henri Portier, ingénieur aux mines de Courrières dans
le nord de la France. Du béton à prise lente est injecté entre les parois du
puits et son revêtement, afin de stabiliser le cuvelage. Avec ses 400m, Abhooz
devient le plus profond de la société.
J’ai terminé justement mon blog avec
l’installation d’une pompe à vapeur à Abhooz (aujourd’hui à l’entrée du Brico,
en Basse Campagne) qui rend l’exhaure indépendant d’une galerie d’exhaure.
Lost Grounds m’a mis aussi sur la piste de la
Houillère Bonne-Foi et son araine Hareng (d’où le nom d'Houillère Bonne-Foi
Hareng). Cette araine fut également
utilisée par la Houillère Bonne-Foi Homvent. Celle-ci disposait alors d'un
alignement de seize bures répartis sur 2.5km, entre Hermée et Milmort. J’ai la
localisation GPS d’une partie de ses puits et j’ai commencé leur repérage sur
le terrain.
En 1851, cinq sociétés se partagent la rive
gauche de la Basse Meuse
- La Houillère Bon Espoir et Bons amis,
- La Houillère Bonne-Foi Hareng,
- La Houillère de Bonne-Foi Homvent,
- La Houillère d’Abhooz,
- La Houillère Bon Espoir à Oupeye.
En 1879, ces houillères seront réunies sous la
Société Anonyme des charbonnages d'Abhooz et Bonne-Foi Hareng, société dont la
concession s'étend sur les anciennes communes de Liers, Milmort, Herstal,
Wandre, Rocourt, Vottem, Oupeye, Vivegnis et Hermée, Liège et Oupeye.
Aujourd’hui, cette S.A. est dans une procédure
de fin de concession. La sécurisation d’une série de puits mentionnés dans ce
blog se fait dans ce cadre. C’est une démarche exemplaire dans la mesure où la
Région Wallonne a décidé de reprendre toutes ces concessions ; une
procédure qu’on aurait dû entamer immédiatement après les fermetures.
Jacky Jobé, Histoire
et petites histoires de Vivegnis. Ed. Bibliothèque communale de Vivegnis
https://www.journalbelgianhistory.be/en/system/files/article_pdf/BTNG-RBHC%2C%2014%2C%201983%2C%201-2%2C%20pp%20053-089.pdf LA PERSISTANCE DE L'ANCIEN REGIME : LE DROIT
LIEGEOIS ET LA LOI IMPERIALE DE 1810 SUR LES MINES par N. CAULIER-MATHY Chef de
travaux à l'Université de Liège
Laurent PERY
Vice-président de l’ l’Association Des Vieilles Familles de Haccourt
(A.V.F.H.). HISTOIRE DE L’EXPLOITATION DE LA HOUILLE A OUPEYE ET A VIVEGNIS et dans les villages
voisins
Ce texte est basé sur
le Chapitre VII de: La Seigneurie d’OUPEYE et de VIVEGNIS par monsieur Max
DETILLEUX, un document retranscrit d’un texte dactylographié daté de 1929,
et d’autres informations orales et
écrites recueillies sur le tas.
https://www.swedhs.org/ebibliotheque/articles/houillerie_herstal/index.html
MOTS ET CHOSES DE LA HOUILLERIE LIÉGEOISE ET HERSTALIENNE AU DIX-HUITIÈME
SIÈCLE par DANIEL DROIXHE
'Traité des Arènes,
construites au Pays de Liége, pour l'écoulement et l'épuisement des eaux dans
les ouvrages souterrains des exploitations de mines de houille.' par Mr De
Crassier, membre des états de la province de Liége, publié en 1827 chez C.A.
Bassompierre, imprimeur de la Régence.
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