L’été passée, nous avons découvert Strasbourg à vélo. Nous voulions voir sur place ce top des villes françaises les plus « cyclables ». Bien sûr, ce n’est pas en quatre jours que l’on peut juger une situation si complexe. Pour moi un des critères les plus importants est ce cyclisme au quotidien, or que notre bref séjour était avant tout récréatif.
Des vélos acatène
Et en guise d’amuse-gueule, j’ai retrouvé
chez Vélhop des vélos acatènes en location. Ces vélos à cardan, sans chaîne, ont été
développés vers 1900, lorsque notre Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de
Herstal connaît sa première crise de reconversion, après sa première grosse
commande militaire pour l’armée belge. A l’époque, le système acatène n’a pas
percé, probablement parce que plus cher qu’une chaîne.
Et ça reste relativement cher, mais la
robustesse de son système de cardan a apparemment séduit
Velhop. Strasbourg n’a
pas choisi pour un système de vélo en libre service façon JCDecaux, trop
coûteux –+- 4000 €/an par vélo – pour le niveau de service rendu. L’usager doit
ramener son vélo où il l’a pris ; en contrepartie il peut en disposer bien
plus longtemps. Les espaces de location sont beaucoup mieux sécurisés et «
humanisés ». Les résultats sont supérieurs aux attentes.
La subvention de la Communauté Urbaine (CUS) à
Strasbourg mobilité est de 1,3 millions d’euros pour 4 800 vélos (525 aux
bornes et le reste en boutique), soit 270€ par vélo et par an. Cette somme ne
prend pas en compte l’achat. Les 525€ demandés en cas de non-restitution de
vélo, sans dépôt de plainte pour vol, semblent l’estimation la plus proche du
prix. Strasbourg a choisi de les rapporter au même endroit, ce qui permet de
diviser par 4 le coût par vélo par rapport à la possibilité de le laisser dans
n’importe quelle station. Mais ce choix reste un frein pour les usagers,
surtout qu’il n’y a que 16 bornes dans toute la CUS. Vélhop propose depuis 2018 un parc de
200 vélos électriques : 49€ par mois dans l’une des 5 boutiques de Vélhop.
La durée de location maximale prévue est de 6 mois. On veut ainsi faire essayer
le vélo électrique par les personnes qui hésitent à investir dans un vélo
électrique.
Schiltigheim
Paula avait trouvé un
studio à Schiltigheim, un faubourg à quelques kilomètres
du centre historique. Un faubourg charmant, avec pleins de brasseries iconiques
comme Fischer (mais tous fermés), mais peu motivé pour le vélo. Il faut dire
que la ville-faubourg est pris dans un nœud de chemins de fer et d’autoroutes.
Quand on vient d’un village gaulois comme Herstal, pris dans un ring
autoroutier, on ne se sent pas du tout dépaysé. Pourtant, Schiltigheim à potentiellement des atouts cyclistes, avec le
canal de dérivation et les berges de l’Aar, l’un des bras les plus importants de l’Ill, un affluent du
Rhin traversant Strasbourg. Il y a dans le Parc de l’Aar un «parcours des deux rivières» qui longe les
équipements sportifs sur ses berges. Et on passe facilement en vélo par ce parc,
mais ce n’est pas repris sur la carte Velhop. A côté il y a des jardins
familiaux, réservé aux membres et donc impossible à traverser pour les
cyclistes.
Pourtant, ce parc donne sur le canal de la Marne au Rhin qui est aménagé depuis 2018 en autoroute à vélos,
avec une allée dédiée aux piétons et un nouvel aménagement vélo.
Elle permet aux habitants de Schiltigheim de
rejoindre rapidement le centre de Strasbourg, et jusqu’aux institutions
européennes, Le chantier fait partie d'un projet global de deux rocades de
contournement du centre-ville et de dix itinéraires vers la périphérie de
l’Eurométropole.
Je reviendrai sur les liaisons avec la
périphérie un peu plus loin. Ces rocades sont en chantier.
Strasbourg
capitale du vélo.
Je suppose que c’est la ville (ou est-ce la
Communauté Urbaine – CUS) qui est reprise comme capitale du vélo dans le
palmarès des villes françaises les plus « cyclables». En 2017, 113.000 français
ont répondu en ligne à une trentaine de questions de la Fédération des usagers
de la bicyclette (FUB). Strasbourg obtient la meilleure note (4,1/6) dans la
catégorie des agglomérations de plus de 200.000 habitants, suivie de Nantes
(3,7) et Bordeaux (3,5).
J’ai bien spécifié « des villes françaises » : Strasbourg est
loin dans le TEMS « The EPOMM Modal Split Tool », une base de données qui intégrait
en 2016 318 villes de plus de 100.000 habitants. La base est renseignée par les
villes elles-mêmes ou par des organismes publics, mais toujours avec des
données sourcées et validées. Les « meilleures » villes sont déjà dans la base,
les villes ayant tout intérêt à faire la promotion de leurs données quand elles
sont bonnes.
Dans le top dix de pratique vélo six sont des villes hollandaises
(Eindhoven, Leiden, Groningen, Zwolle, Apeldoorn et Amersfoort), avec une part
modale du vélo oscillant entre 40% et 28%. Freiburg atteint 28%. Dans ce
palmarès européen, Strasbourg doit être bien bas, avec une part modale du vélo
de 8% à l’échelle de l’agglomération (et 15% pour la ville seule).
Le Schéma directeur vélo de 1994 prévoyait 10 km de nouveaux aménagements
cyclables par an. Dix-sept ans plus tard, en
2011, le même schéma constate que 28 km d’infrastructures cyclables ont été
réalisés par an les 10 dernières années. La CUS compte 520 km d’aménagements
cyclables en 2008, contre 260 km en 1997. Un beau bilan, même si le gros de ces d’aménagements cyclables ont
été faits en parallèle avec l’extension du réseau tramway (à Liège je n’ai pas
vu des aménagements une
politique plus volontariste en matière d’aménagements cyclables est nécessaire
pour développer le réseau cyclable de manière cohérente à court-moyen terme ».
vélo dans le cadre de Tram’Ardent). Les opérations réalisées
hors projet tramway se sont souvent faits au coup-par coup, par un saupoudrage
d’opérations sur l’ensemble des communes de la CUS, sans planification
d’ensemble. Pour doubler la part modale du vélo en 2025 (échéance du PDU- Plan
de déplacements urbains) «
Le bilan met le doigt sur les faiblesses que nous avions déjà
constaté lors de notre arrivée à Schiltigheim. Mais reconnaître ses points
faibles est évidemment une condition première pour y remédier : « la mise en oeuvre du schéma directeur
vélo de 1994 a permis le renforcement des radiales entre la première couronne
et le centre-ville. Les aménagements cyclables réalisés dans le cadre des
extensions du réseau tramway et le développement des zones 30 intégrant des
contresens cyclables ont également contribué au maillage du réseau cyclable.
Toutefois, le maillage structurant du réseau demeure incomplet, notamment pour
les liaisons périphériques, ainsi que pour l’accès à certains collèges non
desservis, la desserte d’équipements publics de proximité ».
Le Réseau Vélo Express REVE et les conflits vélos-piétons
En 2013
Eurométropole lançait le Réseau Vélo Express ou REVE, un réseau vélo
2.0. Objectif : le doublement de la part modale vélo qui passerait de 8 %
à 16% des déplacements. Un enjeu de capacité sur certains axes, dont des
prémices de congestion sont déjà observables (place de l’Etoile, pont du
Corbeau) ; un enjeu d’exigence à même de séduire un nombre plus large
d’usagers. REVE voulait anticiper un risque croissant de conflit vélos/piétons
dans certains secteurs piétonniers, sur trottoirs « partagés » ou le long de
certaines voies vertes urbaines. REVE proposait de hiérarchiser le réseau
cyclable: un réseau secondaire, majoritairement incarné par des rues calmes
(zones 30 ou de rencontre, routes à faible trafic) et desservant finement le
territoire; un réseau primaire d’agglomération maillant les grandes polarités
de l’agglomération incarné par des aménagements cyclables « traditionnels » et
bien maitrisés : piste cyclable, bande cyclable, couloir bus autorisé au vélo,
voie verte, …
En 2017 Roland Ries (PS), maire de Strasbourg et vice-président
de l’Eurométropole en charge des transports, constate que le vélo en ville a
atteint désormais «une masse critique». Le compteur devant la Cité de la
musique, place de l’Étoile, a recensé 2.141.897 passages en 2016. Un des axes
de travail pour le centre est de mieux séparer les cyclistes lents, qui roulent
au pas pour de petits trajets dans le quartier, et ceux plus rapides qui
traversent. Les premiers seront incités à partager la chaussée avec les piétons
avec autant de civisme que possible, tandis que les seconds seront invités à
rejoindre la rue avec les automobiles, quitte à y disposer de couloirs
réservés. On place aussi des nouveaux
arceaux à vélo, plus compacts, aux abords des places centrales (et parfois sur
d’anciennes places de stationnement), pour inciter à ne pas utiliser son biclou
sur les lieux très fréquentés par les piétons.
Pour Vélorution par contre, qui classe Strasbourg « dans les dix dernières villes concernant les
conflits cyclistes/piétons, la cause en est que la politique vélo se fait au
détriment des piétons plutôt que des voitures. À Strasbourg, il faut au moins
que la moitié des voitures dégagent ! »
La fédération des usagers de la bicyclette (Fub) a réalisé une
enquête en 2017 auprès de 2 500 Strasbourgeois. Un tiers estime que l’avenue
des Vosges est l’endroit le plus problématique. «L’existence d’une route à cinq voies sans place pour les mobilités
actives au cœur de Strasbourg, à quelques mètres d’un quartier classé au
patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco est un pur scandale», selon
Vélorution. Cette artère s’étend sur 1,2 km et 2,5 mètres de part et d’autres
sont consacrés aux piétons, contre 25 mètres aux voitures (places de
stationnement comprises).
Un cycliste fait en 2019 le constat suivant : « Avec la piétonnisation progressive des rues du centre, la place
autrefois occupée par les voitures est prise par les terrasses (sur les côtés)
et les piétons (au centre). Le retrait des arceaux à vélos de la place Kléber
vise aussi à éloigner les cyclistes du cœur de la ville. En substitution, des
range-vélos ont été installés aux abords. À l’exception de quelques mètres de «
vélorue » sur la rue de la Division-Leclerc, les cyclistes doivent au mieux
rouler au pas sur tous les grands axes et sur les grandes places du
centre-ville ».
Ces conflits piéton-cyclistes pourraient être
considérés comme un indicateur de succès. Maastricht interdit par exemple son
hypercentre aux vélos. Mais invoquer cet argument pour Strasbourg, avec ses 8%
de part modal pour le vélo, me semble plutôt un indicateur de la place exagéré
que la voiture a toujours dans la tête de certains édiles. Et, j’ai
l’impression que beaucoup d’aménagements cyclistes ont été faits en prenant la
moitié des trottoirs. Si on prend aux piétons pour satisfaire les cyclistes,
sans toucher aux bagnoles, il n’est pas étonnant que les conflits
piétons-cyclistes augmentent.
Un périphérique pour vélos, avec des portes identifiées
Toujours en 2013 on prévoit trois rocades cyclables, la première autour de la
Grande-Ile où se trouve le centre historique, la deuxième sur la ceinture des
grands boulevards, la troisième dans la première couronne de l'agglomération.
« Une sorte de périphérique pour
vélos, avec des portes identifiées et des connexions radiales qui permettront
de desservir l'ensemble du territoire en moins de 30 minutes ». On
fait miroiter 130 kilomètres d’ici 2020, avec des pistes assez larges pour
permettre à deux cyclistes d'y circuler de front, et les carrefours réaménagés
pour diminuer l'attente des cyclistes et sécuriser leur passage. Je n’ai pas
l’impression qu’on a atteint cet objectif. La première rocade de 12,5
kilomètres, dite "ceinture des quais" ou « petite rocade » s'appuie sur le réseau existant. Nous avons
emprunté cette rocade en 2019. Il y
avait encore deux chantiers aux endroits qualifiés en 2013 comme maillons
manquants. Mais on y travaille, et c’est un plaisir de faire ainsi le tour de
la ville….
Le sac de nœuds de la Petite-France
Mais il reste pas mal de points noirs. Ce n’est pas nous qui le
disons, mais un cycliste au quotidien de l’asso rue89. Le hasard veut que nous
sommes passés par là aussi, après une visite de ce haut-lieu touristique. Son
récit correspond à 100% à notre expérience. Il décrit une situation critique
pour sortir de la Petite-France.
"Les
gros pavés des les anciens ponts couverts rendent désagréable toute
progression. Les parties plus « roulantes » sont sur les côtés sur 1 mètre de
large, mais ce dallage est aussi plébiscité… par les piétons. L’arrivée se fait
sur un petit parking, avant de retrouver les quais du côté de l’Abattoir (on y
reviendra).
Une alternative plus
tranquille consiste à passer à travers le barrage Vauban. Il faut descendre du
vélo et avancer à pied dans l’étroit passage couvert. Autre possibilité pour
franchir l’Ill, passer à pied sous le barrage Vauban. Troisième solution, un
plus grand détour par l’Hôtel du département, la rue des Frères-Mathis et le
pont, sans piste cyclable et avec deux voies ainsi qu’une importante montée.
Arrivée en bas du pont, toujours pas de piste cyclable. Virage à droite vers le
musée d’art moderne où des vélos et des chevrons ont récemment été peints au
sol sur le côté, mais ne délimitent en rien en espace pour vélo, il est
impossible de doubler en voiture sur cette rue étroite. Arrivée le long des
quais nord, vers l’ENA, l’espace est bien délimité sur le trottoir et sans
contact avec les piétons ou la route. Remontée sans trop d’encombre jusqu’à la
rue du Faubourg-de-Saverne. Le casse-tête des Halles : les panneaux verts
pour cyclistes indiquent d’aller tout droit. Ce passage est répertorié comme
une piste cyclable selon la carte « Strasmap ». Ce test fait apparaître un
grand défaut de cette carte, le sens de circulation des pistes cyclables n’est
pas indiqué.
Verdict : Si certains
espaces sont bien aménagés, à la fois sûrs et fluides, plus de la moitié du
contournement est insatisfaisant : la quasi-totalité des quais sud, la
Petite-France et le gros point noir des Halles. Soit l’itinéraire est
dangereux, soit il y a conflit avec les piétons.
Pari réussi pour le centre historique et ses alentours
Cela n’empêche que 50% ne font jamais du vélo. Une étude de l’Eurométropole de 2016 (4
300 participants et un sondage téléphonique auprès de 600 personnes) montre qu’un
Strasbourgeois sur deux (une proportion stable depuis 2009) ne s’adonne jamais aux
joies de la petite reine : les problèmes de santé, d’âge ou de handicap, et
l’insécurité sur le vélo, que ce soit dessus, mais aussi la crainte du vol et…
la non-possession d’un vélo. A contrario, les aspects pratiques, économiques et
de loisir sont ceux qui motivent le plus l’autre moitié des Strasbourgeois à
enfourcher leur bécane.
L’étude décennale de 2019 sur les mobilités, réalisée auprès de 6
000 Bas-Rhinois début 2019 par la même Adeus montre que 65% des déplacements de
moins de 1 km sont réalisés à pied. En 2009, ces déplacements très courts
étaient encore faits à 38% en voiture. L’étude ne mentionne pas encore les
vélos à assistance électrique, qui étaient bien trop rares en 2009 et qui font
office de meilleure solution pour la tranche des déplacements de 3 à 10 km. Sur
l’ensemble du département, encore 54% des déplacements de 1 à 3 km sont
réalisés en voiture. C’est un beau bilan pour l’hypercentre.
Une stagnation en dehors de Strasbourg.
Par contre, les chiffres montrent de nouveau une stagnation en
dehors de Strasbourg. En première couronne, les déplacements stagnent à 6%,
comme en 2009. Idem en deuxième couronne nord, et pour la partie sud une baisse
de 7 à 4%, même si cela s’explique aussi par l’intégration des 5 nouvelles
communes plus rurales.
On lance alors un projet de réseau de 130 km d’autoroutes pour vélos
«vélostras » qui doit permettre de rallier facilement le centre-ville à
partir des quartiers et communes périphériques à 20 kilomètres par heure. « L’aménagement sera praticable 24h sur 24,
365 jours par an, avec un éclairage nocturne avec système de détection, une
viabilisation hivernale prioritaire, un fauchage et un enlèvement des feuilles
mortes. » Nous avons roulé en 2019 sur une partie des 14 km le long du
canal Magistrale piétonne », une
future « autoroute piétonne ».
Ca m’évoque notre autoroute piétonne entre Herstal et Juprelle, sur une
bretelle d’autoroute déclassée…
de la Marne au Rhin : époustouflant. A l’occasion la ville a lancé aussi la «
de la Marne au Rhin : époustouflant. A l’occasion la ville a lancé aussi la «
Le président (PS) de l’Eurométropole en tire la conclusion qu’il
faut « mieux séparer les flux. Car si on
promeut le vélo mais que les gens ont peur parce qu’ils sont frôlés par des
voitures, on n’y arrivera pas… » C’est peut-être un peu court.
Pour Jean-Baptiste Gernet (La Coopérative), conseiller
communautaire en charge du vélo, la stagnation du vélo en périphérie de
Strasbourg s’explique par l’absence d’investissements : «Seuls deux millions d’euros ont été dépensés lors du mandat pour le
réseau Vélostras qui a été présenté en 2013. Même si de l’argent a été dépensé
sous d’autres formes, via le Velhop ou les aménagements cyclables le long des
trams, l’objectif de Velostras était justement de relier la première et la
deuxième couronne à Strasbourg. Il aurait fallu que les budgets soient en
adéquation avec les intentions, de l’ordre de 1,5 millions par an.»
La Canal de la Bruche et la citadelle de Strasbourg
Ce réseau Vélostras se développe en partie le
long de canaux désaffectés. C’est ainsi que nous avons suivi le canal de la
Bruche creusé par Vauban pour aller chercher les pierres pour sa citadelle de
Strasbourg aux carrières royales à Wolxheim. Les chemins de halage de ce canal sont aujourd’hui une voie verte. Mais nous avons découvert le Canal de la Marne au Rhin qui y mène seulement en fin de séjour. Pourtant, c’était de l’autre côté du Parc de l’Aar et de notre lieu de séjour. Si les chemins de halage sont utilisés en récréatif, ils jouent à ce qu’il paraît aussi un rôle pour les déplacements domicile-travail.
Strasbourg aux carrières royales à Wolxheim. Les chemins de halage de ce canal sont aujourd’hui une voie verte. Mais nous avons découvert le Canal de la Marne au Rhin qui y mène seulement en fin de séjour. Pourtant, c’était de l’autre côté du Parc de l’Aar et de notre lieu de séjour. Si les chemins de halage sont utilisés en récréatif, ils jouent à ce qu’il paraît aussi un rôle pour les déplacements domicile-travail.
Un petit retour sur Schiltigheim, un point noir
Quant à la périphérie, je reviens un peu à Schiltigheim où nous
logions. C’est pour ça que j’ai livré nos premières impressions en début de ce
blog. Ce faubourg est apparemment un point noir pour les adeptes du vélo, tout
en étant situé à un kilomètre à vol d’oiseau du hypercentre. En 2017, les usager.e.s de la bicyclette attribuaient la note de 2,73/6 àSchilick, mauvais élève dans le réseau
cyclable de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS): discontinuités cyclables,
quartiers non desservis, bandes cyclables dangereuses et à proximité de
stationnement voitures. Avec ses 32.000 habitant.e.s, Schiltigheim est la ville
la plus dense de l’EMS et est pourtant dépourvue d’alternatives satisfaisantes
au tout-voiture.
En avril 2019 le collectif Vélorution Strasbourg (A’Cro du Vélo, AHQCS, Alsace
Nature, Alternatiba, ASTUS, Bischheim Ecologie, Bretz’Selle, CADR67,
Col’Schick, Collectif GCO non merci, collectif Montramjtiens, FNAUT Grand Est,
Greenpeace, Il est encore temps Strasbourg, Le Stick Koenigshoffen, Schilick
Écologie, Strasbourg GO, Strasbourg Respire) lance un appel : « Ville la plus densément peuplée de
l’Eurométropole, à deux pas de Strasbourg, Schiltigheim est tristement célèbre
pour ses aménagements cyclables très insuffisants. Une manifestation de la
place de la République à Strasbourg vers le parc du Château (rue de la Patrie)
à Schiltigheim a emprunté deux des trois axes principaux de Schiltigheim, la
route de Bischwiller (15 000 véhicules par jour) et la route du Général-de-Gaulle
(14 000), dépourvus de pistes cyclables sur toute leur longueur. Des militants
ont tracé à la peinture une bande cyclable symbolique, celle dont ils rêvent,
route du Général-de-Gaulle ». Les militants surfaient sur une récente
victoire, avec les aménagements cyclables de l’avenue des Vosges..
La mort d’une cycliste de 37 ans, percutée à Schiltigheim par un camion à
l’intersection de la route du Général-de-Gaule et la rue d’Erstein, relance la
mobilisation en octobre 2019. Cette femme est la 17ième cycliste à trouver la
mort en dix ans dans l’agglomération. Pour les associations, c’est le « symptôme du manque de politique cohérente
d’aménagements d’itinéraires cyclables et sécurisés sur
l’ensemble des communes. Dans le centre-ville de Strasbourg, des efforts ont été faits, avance l’association Cadr 67, mais on dirait qu’en dehors de ce secteur, le vélo n’est plus pris en compte». Cadr 67 avait déjà organisé une manifestation il y a 45 ans, suite à un accident mortel place de Haguenau ! « Nous demandions alors déjà des aménagements cyclables sécurisés ! Plus près de nous, il y a trois ans, un précédent décès à Schiltigheim nous réunissait ».
l’ensemble des communes. Dans le centre-ville de Strasbourg, des efforts ont été faits, avance l’association Cadr 67, mais on dirait qu’en dehors de ce secteur, le vélo n’est plus pris en compte». Cadr 67 avait déjà organisé une manifestation il y a 45 ans, suite à un accident mortel place de Haguenau ! « Nous demandions alors déjà des aménagements cyclables sécurisés ! Plus près de nous, il y a trois ans, un précédent décès à Schiltigheim nous réunissait ».
La route de Bischwiller y est qualifiée de « pire route pour les cyclistes, une voie très étroite sur laquelle nous
nous retrouvons en concurrence aux heures de pointe, nous risquons notre vie
», s’insurge Vélorution.
En vélo vers le Jardin des Deux-Rives
Je voulais absolument aller voir le tout nouveau jardin des Deux Rives, un parc
public transfrontalier entre Strasbourg et Kehl, avec une passerelle pour
relier les deux parties, qui vaut bien notre belle liégeoise. C’est évidemment
une expérience vélo un peu atypique, dans une zone en pleine reconversion. A
moins que c’est justement très typique pour voir pour quels projets on trouve
de l’argent. Jusque dans les années 60 les deux villes se tournaient le
dos. Aujourd’hui Strasbourg qui veut se
positionner comme Eurométropole développe les liens avec la ville (beaucoup
plus petite) de l’autre côté du Rhin.
Une nouvelle ligne de tram relie les deux
villes. Mais les dernières deux haltes sont dans un nomansland. Ce tram sert
donc la promotion (spéculation ?) immobilière.
Le parc même a été implanté sur la friche d’un
hippodrome, qui avait déjà dans les années 1960 été transformé en parc public,
le parc du Rhin, avec une piscine en plein air et une auberge de jeunesse. En
1986, la piscine avait été transformée en centre aquatique ; mais Océade a
été fermée en 1996. Le parc des deux rives nous est apparu sans âme. Il n’y
avait d’ailleurs pas âme qui vive. Le kiosque a
très vite disparu. Par contre le côté allemand où existait déjà une «Rheinpromenade est beaucoup plus vivant. Vous me direz que c’était plus facile : le centre de Kehl est vraiment à quelques pas du Rhin, tandis que du côté français c’est les friches des terrains portuaires, en attente de promoteurs.
très vite disparu. Par contre le côté allemand où existait déjà une «Rheinpromenade est beaucoup plus vivant. Vous me direz que c’était plus facile : le centre de Kehl est vraiment à quelques pas du Rhin, tandis que du côté français c’est les friches des terrains portuaires, en attente de promoteurs.
Nous n’avons pas eu le temps de découvrir le parcours le long du Rhin, , côté allemand. Une trentaine de kilomètres.des coins très sauvages, de mignons
petits ponts… le pont Pfimlin, qui offre un beau panorama sur l’eau ; la
forêt du Neuhof, la Cité jardin du Stockfeld.
Nous y sommes arrivés le long d’une piste
cyclable correcte, sans plus, et sans charmes, que je suppose a été aménagé lors des travaux du tram. Pour
le retour nous avons suivi une autre route encore incomplète, sans
signalisation provisoire, mais surtout incroyablement compliquée. Voir la carte
ci-dessous.
Une vue d’ensemble, des années 70 jusque 2011
Tout ceci ne sont que des impressions furtives
de touristes de passage. C’est pourquoi
je voudrais vous soumettre une étude d’ensemble de Fréderic Héran. Elle
commence dans les années 70. Elle est malheureusement un peu datée (elle a été
publié en 2011) mais elle me semblait intéressante assez pour en publier des
larges extraits.
La capitale alsacienne caracole en tête des
villes cyclables françaises – avec, en 2009, 8 % de l’ensemble des déplacements
réalisés à vélo dans la Communauté urbaine de Strasbourg
(CUS) – suivie de loin par Grenoble, Bordeaux
et Rennes avec 4 %, mais elle est bien loin de Fribourg (19 %) et Bâle (17 %).
Curieusement, Mulhouse, pourtant plus proche de ces deux villes que Strasbourg,
a une part modale vélo quatre fois plus faible (2 % en 2009).
Selon l’auteur Frédéric Héran le succès du
vélo à Strasbourg est dû à la volonté de quelques citoyens, techniciens et élus,
qui ont porté, dès les années 1970, un projet de ville cyclable. Je ne veux pas
sous-estimer l’apport que ces gens motivés ont pu avoir, mais j’ai laissé
tomber cet aspect. Je trouvais que je devais signaler cela avant de commencer,
vu que pour l’auteur « telle est la
thèse qui structure cette étude ». Rien ne vous empêche évidemment de
consulter le texte d’origine "Comment Strasbourg est devenue la première ville cyclable de France" de Frédéric Héran du CLERSE (Centre lillois d’études et de
recherches sociologiques et économiques).
Une ville au départ très dense à cause de ses remparts
Longtemps limitée dans son développement par
ses remparts, la ville ancienne est très dense avec des immeubles de 4 à 6
niveaux. La Neustadt, l’extension de la ville vers l’est à l’époque allemande
(1871-1918), est presqu’aussi dense. Plusieurs faubourgs et zones industrielles
ont émergé, dans la première moitié du XXe siècle autour des lignes de tramway
: Neudorf, Cronenbourg, Schiltigheim, La Robertsau… Enfin des zones
pavillonnaires ont été construites plus récemment autour des noyaux villageois
de la périphérie.
La ville est plate, à part quelques coteaux au
nord-ouest. Elle est assez verte, grâce à des canaux et rivières qui la
sillonnent reliant divers parcs et forêts.
Strasbourg a démantelé son réseau de tramway à
partir des années 1930, pour faire place à l’automobile, symbole de la
modernité. Les derniers trams puis les bus ont permis aux plus pauvres de
circuler en attendant leur accès à la motorisation. Il est donc inutile
d’investir dans les transports publics.
Il faudra attendre 1972 pour que la ville envisage un tramway en site propre, tout
en refusant d’investir dans un TCSP (transport en commun en site propre). De
1975 à 1983, à force de sous-investissements, Strasbourg est la seule grande
ville de province dont l’offre bus et la fréquentation s’étiolent, constate une
étude du CETUR.
Vélo et transport collectif : des clientèles substituables
Dans les années 1970-1980, « vélo et transport collectif possèdent des
clientèles substituables » .En 1988, lors de la première enquête
déplacements, la ville découvre que les Strasbourgeois circulent plus à vélo
qu’en bus : 8 % de part modale (10 % en comptant les deux-roues motorisés)
contre 7 % pour le bus. En grande périphérie, où les transports publics sont
particulièrement peu développés, la part modale du vélo est même d’environ 10 %
pour seulement 6 % au centre.
La doctrine du ministère en matière
d’adaptation de la ville à l’automobile s’inspire directement du cas
strasbourgeois.
Dès 1973, le tramway en surface impose « d’éliminer entièrement le trafic de transit
du centre et de constituer parallèlement un vaste secteur piétonnier »
(CUS, 1975, p. 6). Ce projet est développé en parallèle avec une rocade
autoroutière. Strasbourg est la ville française dont la rocade passe au plus
près de la place centrale, à seulement 1,5 km. Résultat, cette rocade écluse un
trafic essentiellement local (estimé à 90 %) et c’est aujourd’hui l’une des
autoroutes les plus chargées de France avec 166.000 véhicules par jour en 2007
sur le tronçon le plus emprunté. En outre, le réseau autoroutier, qui
représente plus d’une trentaine de km sur le territoire de la CUS, a entraîné
d’importants effets de coupure pour les cyclistes.
A partir de 1970 4000 places de parking en ouvrage sont construits dans l’hypercentre et presque autant dans les
années 1990-2000 dans le centre mais hors hypercentre. Les commerçants ont fait
du slogan « No parking, no business »
la pierre angulaire de leur politique en matière de déplacements,
1975 et le CADR (Comité d’action deux-roues)
Cette sacrosainte unité autour de la bagnole
est mise en question lorsqu’en 1969, Mme Heilig, une mère de famille qui
circulait en solex place de Haguenau, une grande place encombrée de trafic à
l’entrée nord du centre-ville, est renversée par un camion et décède dans
l’accident. Elle est conseillère presbytérale de la paroisse protestante de la
Cité de l’Ill, dont un certain Jean Chaumien est depuis peu le jeune pasteur.
Celui-ci décide de combattre les préjugés de l’époque : non, les accidents ne
sont pas une fatalité. En 1975, Chaumien crée le CADR (Comité d’action
deux-roues)
Un premier résultat est un schéma directeur
deux-roues en 1978 de l’Agence d’urbanisme .
Le CADR multiplie les manifestations
ciblées : une bordure trop haute bétonnée ; une bande cyclable peinte
sur une avenue ; des cyclistes qui défilent avec un cadre en bois autour
du vélo pour dénoncer la place énorme occupée par les voitures ; repeindre
en blanc un tunnel pour cycles passant sous l’autoroute et à l’éclairage
toujours en panne.
La revue, Vélocité crée la polémique avec le
dessin d’un échangeur encerclant la Cathédrale. Le CADR milite aussi pour
l’ouverture des couloirs bus aux vélos, pour la création d’un parking vélo
sécurisé à la gare centrale. Elle
obtient, en 1983, la réalisation d’un premier « contresens cyclable». De la FUBicy (fédération des usagers de la
bicyclette) à la FUB
En 1980, Chaumien crée la FUBicy (fédération
des usagers de la bicyclette). La FUBicy, devenue FUB, compte en 2020 341 associations membres. L’ECF
(European cyclists’ federation) est créée un an plus tard avec Chaumien comme
vice-président. Chaumien devient, en 1995, chargé de mission vélo auprès des ministères
de l’Environnement et de l’Équipement, des transports et du tourisme.
Strasbourg lance en 1974 un « Plan vert », avec
la constitution d’une trame verte entre parcs publics, jardins familiaux,
espaces boisés, en utilisant les cours d’eau, les canaux et les plans d’eau
fort nombreux à Strasbourg.
En 1978 un voyage d’études de deux jours aux
Pays-Bas, avec les aménagements cyclables remarquables de Tilburg, Delft, La
Haye, a eu un impact considérable sur la politique cyclable de la Communauté
urbaine de Strasbourg (ADEUS, 1994, p.
8). Un schéma directeur deux-roues définit
un réseau primaire d’une cinquantaine de kilomètres d’aménagements cyclables
essentiellement dans la trame verte du Plan vert, c’est-à-dire hors du centre,
autant que possible sur des itinéraires parallèles aux routes d’accès au
centre-ville, afin de réduire les accidents sur ces axes. On est
clairement dans l’approche sectorielle
préconisée par l’État: un réseau séparé de la circulation générale pour laisser
toute la chaussée à la voiture.
A la même époque les Pays-Bas ne se contentent
pas de faire des pistes cyclables hors voirie, mais expérimentent aussi les
cours urbaines (sortes de zones de rencontre) puis les zones 30. L’Allemagne
s’engage dans la modération de la circulation (Verkehrsberuhigung), avec la
généralisation des zones 30 et des zones de rencontre dans les quartiers, en
périphérie comme au centre.
Strasbourg réalise à peu près le réseau primaire prévu
puis, malgré l’arrêt des subventions étatiques continue sur sa lancée au rythme
d’une dizaine de km d’aménagements cyclables par an (pistes, bandes et
itinéraires), le réseau passant d’une douzaine de km au départ à près de 150 km
en 1993. À cette date, les aménagements cyclables qui longent les voies d’eau
représentent déjà à eux seuls un linéaire d’une cinquantaine de kilomètres
quasi continu, très agréable et hors de tout trafic automobile. Il est même
possible de sortir de l’agglomération en longeant le canal de la Marne au Rhin
jusqu’en Lorraine, le canal de la Bruche jusqu’aux Vosges ou le canal du Rhône
au Rhin vers le sud. Ces aménagements sont saturés de cyclistes le week-end
pendant les beaux jours, mais aussi très utilisés pour des déplacements
domicile-travail en semaine et toute l’année. Il est d’ailleurs aujourd’hui
question d’élargir les pistes qui longent ces canaux.
Au total, de 1984 à 1992, les investissements
consentis par la Communauté urbaine et le Conseil général pour deux-roues dans
la CUS ont représenté 21 MF, soit moins de 1 % de l’ensemble des investissements
transports, alors que la part des deux-roues dans l’ensemble des déplacements
mécanisés était en 1988 de 15 %. Pourtant,
aucune autre ville française n’était prête à dépenser une telle somme à cette
époque. En 1990, cet effort est récompensé : la ville est classée pour la
première fois, par un magazine spécialisé, en tête des villes les plus
cyclables de France
En 1989, Strasbourg participe avec neuf autres
villes (dont Bordeaux, principal initiatrice, Toulouse, Lorient, Chambéry…) à
la création du Club des villes cyclables.
Début 1992, l’hypercentre est définitivement
fermé au trafic de transit, mais pas à la circulation automobile: quatre
boucles le desservent et le parking sous la place Kléber reste accessible.
Le tramway est inauguré fin 1994. La surface
du secteur piétonnier double.
Une deuxième ligne de tramway permettra en
1999 de fermer le transit automobile est-ouest par les quais nord. Les
déplacements à vélo doublent en 2009 par rapport à 1988
L’abandon de la périphérie à la voiture
Dans les années 1960, Strasbourg bénéficie
d’un réseau ferroviaire de banlieue qui est le plus utilisé en France.
Pourtant, l’offre a stagné et les parcs vélos ont été rasés et remplacés par
des parkings automobiles (ça changera avec la décentralisation ferroviaire de
1996). Les déplacements à vélo baissent d’un tiers en grande périphérie entre
1988 et 1997 même si aucune autre ville française ne peut s’enorgueillir
d’avoir encore 3 à 7 % de part modale vélo en périphérie. Les efforts
d’aménagement ont sans doute permis d’éviter la marginalisation totale des
cyclistes, mais pas de relancer la pratique du vélo.
La mise en œuvre d’un système vélo
Parallèlement, la politique de ville cyclable
connaît un fort développement. La ville confie l’actualisation du schéma
directeur deux-roues à Daniel Hauser qui préconise un réseau vraiment maillé et
continu y compris jusqu’en centre-ville, ce qui impose le traitement des
coupures, nombreuses dans l’agglomération. La ville s’efforce de traiter
environ une coupure majeure par an.
Le schéma directeur prévoit également de
favoriser la complémentarité vélo-TC et de ne plus considérer ces deux modes
comme concurrents. Ce qui sera fait partout, avec un succès inespéré à la gare
centrale.
Il propose enfin de multiplier les
aménagements de modération de type « rue libre » «cour urbaine» et zone 30…
Le premier chargé de mission vélo à plein
temps en France est Jean-Luc Marchal, ancien membre du CADR. Il défend en 1993 un
« système vélo », comme il existe un système automobile : pas seulement des
aménagements, mais aussi toute une gamme de services (pour lutter notamment
contre le vol) et une promotion du vélo visant à redresser son image. Mais si
la compétence voirie est du ressort de la Communauté urbaine, les communes peuvent
parfaitement refuser les aménagements cyclables proposés et certaines ne s’en
sont pas privées, notamment Schiltigheim, ville ouvrière de 30.000 habitants
considérant sans doute la voiture comme une conquête du peuple et le vélo comme
une régression.
En 1997, la part modale du vélo sur toute
l’agglomération est tombée de 8 % en 1988 à 6 %. Mais elle est un peu remontée
dans le centre passant de 6 à 7 %. Ce qui signifie qu’elle a beaucoup baissé en
périphérie passant de 8 à 6 % dans les faubourgs et de 10 à 7 % en grande
périphérie. Le pari de relancer la pratique du vélo est encore loin d’être
gagné.
La poursuite de la politique de ville cyclable
En 2004, Serge Asencio, le directeur salarié
du CADR, devient le nouveau chargé de mission vélo. Pour accompagner l’arrivée
du TGV Est, Asencio monte un ambitieux projet de parc vélos de 850 places dans
le parking souterrain de la place de la gare, en s’inspirant de l’exemple de
Bâle. Inauguré en juin 2007, il est rempli en moins de 6 mois.
Les résultats de la troisième enquête ménages
déplacements, réalisée en 2009, sont enfin encourageants. Par rapport à 1997,
la pratique du vélo remonte globalement dans l’agglomération de 6 à 8 % de part
modale. Mais si la pratique double carrément dans le centre (la part modale
passant de 7 à 14 %), elle remonte un peu en proche périphérie, et baisse
encore en grande périphérie où beaucoup reste à faire
L’évolution du public cycliste et des lieux d’usage du vélo
Les cyclistes d’aujourd’hui sont bien
différents des cyclistes d’hier et ne circulent pas vraiment dans les mêmes
quartiers. Jusque dans les années 1980, le vélo est surtout utilisé par un public captif qui n’a pas les moyens
de s’acheter une voiture. C’est le véhicule du pauvre. A cette époque, on
circule deux fois plus à vélo en périphérie qu’au centre saturé de trafic.
À partir des années 1960, l’Université se
développe sur un ancien terrain de manœuvre cédé par l’Armée. Grâce aux faibles
distances à parcourir et faute de transports publics efficaces, une part appréciable
des étudiants strasbourgeois se tourne naturellement vers l’usage du vélo. En
1993, 13 % des 40 000 étudiants environ travaillant au centre vont dans leurs
établissements à bicyclette et 9 à 15 % des 10 000 étudiants environ
travaillant dans des sites situés en périphérie (ADEUS, 1994, p. 22).
Jusqu’en 1992, ce sont surtout les étudiants
qui maintiennent la présence des cyclistes dans les quartiers de Strasbourg est
et sud. Depuis lors, la politique de modération de la circulation dans le
centre permet un essor des cyclistes, grâce à un public plus diversifié issu
principalement de classes sociales suffisamment aisées pour se permettre de se
loger en centre-ville ou dans les faubourgs.
Strasbourg, ville cyclable modèle ?
Strasbourg a, dans les années 1970-1980,
particulièrement choyé les automobilistes en réalisant une rocade proche du
centre-ville, une bretelle d’accès directement à l’hypercentre et de nombreux
parkings en ouvrage dans le centre, tout en négligeant longtemps les transports
publics. Ces excès ont entrainé un repli des pauvres vers le vélo. Par chance,
la ville dense et plate, aux nombreuses ruelles, dont certaines rendues aux
piétons, se prête à l’usage de ce mode.
Puis elle a su, de 1975 à 1992, éviter
l’effondrement de la pratique du vélo grâce à l’action d’une association de
cyclistes urbains particulièrement tenace qui a poussé à concevoir un premier
schéma directeur deux-roues et à l’appliquer sans faillir, en s’appuyant
notamment sur la trame verte et bleue. Le campus universitaire, heureusement
situé à proximité du centre, a fourni des bataillons d’étudiants à vélo.
En 1989, avec le tram et la requalification du
centre-ville, c’est la modération de la circulation automobile qui a été le
principal stimulant de la relance du vélo et non les aménagements cyclables qui
ne jouent qu’un rôle de soutien. Depuis 20 ans, le réseau cyclable continue à
s’étendre et de nouveaux services apparaissent (location de vélos, parcs vélos
de la gare et depuis peu Vélhop…) qui confortent les habitants dans leur
pratique.
La ville est désormais entrée dans des cercles
vertueux. Mais la grande périphérie est toujours largement laissée à la
voiture. Le cadencement des trains de banlieue vient seulement d’être généralisé
fin 2011. Strasbourg est néanmoins la seule grande ville française qui a
maintenu depuis 33 ans, sans discontinuité, une politique de ville cyclable.
Strasbourg est-elle pour autant une ville cyclable modèle ? Loin s’en faut : la
faiblesse de la pratique du vélo en périphérie et dans certains quartiers pèse
aujourd’hui sur son bilan.
Voilà, ça sera mon mot de la fin aussi. Qui
serais-je si je me permettrais de porter un jugement global sur base d’une très
courte expérience qui, en plus, était plutôt recréative. Ceci dit, c’est une
ville qui en vaut la peine d’être découverte en vélo. Et si comme partout une
partie des aménagements a été fait en profitant d’opportunités, comme le tram,
on sent une volonté affirmée d’appliquer une stratégie globale et cohérente.
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