La Maison Médicale l’Herma organise des balades mensuelles pour ses patients. Ils m’ont demandé de les guider. Je leur ai fait un costume sur mesure: des Vennes, on traverse la Boverie, le parc D’Avroy, le quartier des Guillemins pour revenir via l’esplanade des Guillemins et la Belle Liégeoise aux Vennes. Voici la deuxième partie : du Parc d’Avroy à la Dérivation, via les Guillemins
Les Guilhelmites fondés par Saint-Guillaume.
D'où vient le nom ‘Guillemins’? Au 13e
siècle, il y avait là un domaine boisé, la seigneurie très bucolique d’Avroy,
avec en haut Souverain Avroy, et en bas la plaine marécageuse baigné par un
bras de la Meuse (c’est le boulevard d’aujourd’hui). C'est là qu'on créa un
asile de retraite pour ecclésiastiques. Mais en
1287 le prince-évêque Jean de
Flandre les chassa pour mauvaise conduite et les remplaça par les Guilhelmites ou
Frères Guillemins fondés par Saint-Guillaume..
Le couvent était situé à l'emplacement de la gare démolie en 2007. Il était en
1738 encore repris dans le recueil ‘Les
Délices
1649 le couvent avec son fossé et de ses jardins |
Les sources très vives qui alimentaient les
fossés avec leurs eaux très claires et très pures étaient en fait des galeries
d’exhaure des charbonnages. Ceux-ci devaient aux moines un tiers de leur
production. En plus, les comparchonniers devaient encore réparer les dommages
causés à la surface par leur exploitation, évalués par les voir-jurés des
charbonnages. Le problème de ces dommages reviendra en force au XIXième, lors
de l’urbanisation de ce quartier.
Derrière la gare s’étire la rue Mandeville. Le
monastère se vantait des reliques de Jean de Mandeville, mort en 1372, auteur du
‘Livre des merveilles du monde’. Son tombeau se trouvait dans le couvent. Son
recueil est un des ouvrages les plus célèbres du Moyen Âge. Il a avancé les
possibilités de « circumnavigation »
du monde, et a influencé Christophe Colomb. En fait, l'ouvrage est une
compilation de ses propres voyages en Égypte, de voyages antérieurs effectués
par des dominicains et les grands classiques de la littérature antique comme
Flavius Josèphe, Pline le Jeune, et Solinus.
Au 18ième siècle le couvent est à son apogée,
avec vingt-trois religieux et sept ou huit frères convers. Mais un siècle plus
tard, il en restait sept, les bâtiments approchaient la ruine et les dettes
devinrent criardes. Le prince-évêque Charles-Nicolas d'Oultremont voulait
disperser les religieux dans d'autres maisons de l'ordre mais les autres
communautés se refusèrent à les accueillir. L'argenterie du couvent était au
mont de piété et, en 1781, on ne comptait plus que trois religieux.
La spéculation foncière autour des Guillemins
les Guillemins en 1845 |
Pour ces révolutionnaires, il ne s’agissait
pas d’abus de pouvoir. Ils trouvaient simplement – à juste titre – que le
clergé et la noblesse étouffaient le développement économique. A partir du
principe ‘bouges toi de là que je m’y
mette’ ils se sont accaparés des domaines et des bâtiments de ces deux
classes déchues. Ces expropriations sont une bouffée d’oxygène pour la
bourgeoisie. Toutes les grandes usines – à commencer par celles de John
Cockerill qui s’installe dans le château de Prince-Evêque même- s’installent
dans les biens ‘noirs’.
Ces bourges installent leurs demeures aux
Guillemins dont les terrains sont lotis à partir de 1840.
Les lots se vendent d’autant plus facilement
qu’à partir de 1838 le chemin de fer Bruxelles-Ans se rapprochait des
Guillemins.
De 1853 à 1863, le cours de la Meuse est
déplacé et sur les terrains récupérés on crée dès la fin des années 1870 le
parc d’Avroy et le quartier bourgeois des Terrasses. Comme ces terrains sont
inondables, le quartier est surélevé de 3 mètres.
Pour donner de la plus-value à leurs biens,
les propriétaires du clos des Guillemins (principalement la famille Fabry) proposent
à la Ville de céder les terrains nécessaires à la création d’un réseau de
voiries. Les rues des Guillemins, Fabry, Dartois, Simonon, du Midi, de la Paix,
et la place de Bronckart datent de cette époque. Un axe principal relie la rue
de la Station (rue des Guillemins) à la place Sainte-Véronique. La rue Fabry et
la rue de Chestret honorent
Jacques-Joseph de Fabry, et Jean-Remy de Chestret, bourgmestres
révolutionnaires qui ont renversé le prince-évêque.
Le projet est accepté en 1854.
la gare en 1907 photo Claude Warzée |
Cette carte postale de 1907 nous montre la
deuxième gare des Guillemins, celle construite en 1863-64, agrandie en 1881-82
et embellie encore en 1905, à l’occasion de l’Exposition universelle. Mais ce
n'est qu'en 1904 que le couvent est détruit.
Comme en témoigne le plan ci-dessus, daté de 1883, une quarantaine d’années a
suffi pour métamorphoser la configuration des lieux.
1870 l’affaire des lézardes
Mais vers 1850 les affaissements miniers risquent d’étouffer cette fièvre
immobilière. En dessous des quartiers des Guillemins et d'Avroy oeuvraient les
Charbonnages du Paradis (qui a une rue à son nom) et du Bois d'Avroy Cette situation n’était pas nouvelle mais
prend de l’ampleur dès
les années 1830. Sous l’ancien régime on devait avoir
l’accord des propriétaires des terrains ; mais avec le droit bourgeois
instauré par Napoléon le sous-sol appartient à la nation. Et on envoie bouler
les tribunaux des jurés qui imposaient
notamment de laisser tous les 12 mètres un massif de 6 mètres de charbon ce qui
freinait l’affaissement du sol. Et à cette époque, les quartiers situés au-delà
du quai d’Avroy n’existaient pas encore et les réclamations sont plus rares.. En 1839, une commission composée d’ingénieurs
des mines affirme encore que l’exploitation peut continuer : «les exploitants, forts de l’appui des
ingénieurs de l’État, persistèrent à soutenir la parfaite innocuité de leurs
travaux, basée principalement sur la résistance exceptionnelle des assises du
terrain houiller et sur la profondeur des exploitations».
plan 1883 image C. Warzée |
Cette résistance exceptionnelle du terrain
houiller et la profondeur des exploitations s’avéreront un vaste mensonge. Les
fissures s’aggravent entre le quai de Fragnée et la chapelle du Paradis, entre
1850 et 1857. En 1858, l’ingénieur en chef des mines du Hainaut Gonot expertise
les maisons lézardées. Il constate que la plupart des bâtiments de ce quartier
ont subis des dégâts relativement importants au fur et à mesure que les travaux
souterrains du puits du Paradis avançaient sous leurs terrains. « Les murs se sont lézardés, les plafonds se
sont crevassés, des fenêtres se sont brisées, le sol des caves, le pavé des
cours et des vestibules, les planchers des chambres du rez-de-chaussée se sont
soulevés, en certains endroits, de plusieurs décimètres ; les voûtes des caves
se sont fendues, suivant les axes, les montants des portes se sont rapprochés,
les appuis des fenêtres se sont rompus, etc., etc., de telle manière qu’un
assez grand nombre de ces maisons ne sont plus habitables avec sécurité »
Il ne fait aucun doute pour Gonot que ce sont les travaux exécutés de 1849 à
1857 par le puits du Paradis.
En 1870 éclate l’affaire des lézardes.
Redeker, Romain les affaissements |
Des propriétaires forment des comités de
quartier, qualifiés pat les charbonnages de comités anti-industriels. Un comité
est créé dans le quartier d’Avroy-Louvrex-Guillemins en 1869 et un autre dans
le quartier du Jardin Botanique en 1870 après que les vitres des serres aient
éclatées.
Ils craignent aussi de se retrouver sans
personne vers qui se tourner en cas de dommages miniers, pour obtenir les indemnisations
prévues dans la loi sur les mines: à cette époque, de nombreux charbonnages se
transforment en sociétés anonymes où l’actionnaire n’est responsable des dégâts
qu’à hauteur de la valeur de ses actions.
Les comités veulent interdire purement et
simplement les travaux miniers sous le territoire de la ville. Ils sont
partiellement suivis par la Députation permanente du Conseil provincial qui interdit
en 1871 provisoirement les travaux du charbonnage du Paradis.
Gustave Dumont, ou le faible qui lutte contre le fort ?
Les comités chargent l’ingénieur Gustave
Dumont d’étudier le problème. Il présente en 1871 son rapport devant
l’administration communale: « On nous
reprochera probablement d’entrer dans une voie où il sera bien difficile de
nous mouvoir sans toucher à de grands intérêts personnels et sans soulever des
questions grosses de conséquences pour les diverses sociétés qui exploitent nos
mines. La pensée de subir ce reproche, si elle nous émeut, ne peut nous
arrêter. Certes, il nous eût été plus agréable à tous égards de nous borner à
émettre des généralités ; mais le faire, c’eût été déserter la mission qui nous
a été confiée, ouvrir la porte à toute sorte de procès, et, en fin de compte,
paraître reculer devant notre responsabilité. Nous ne le pouvions pas, et, en
présence de la nature et de l’importance des intérêts engagés, nous ne l’avons
pas voulu. En effet, d’une part, nous voyons des milliers de propriétaires, les
uns fortunés, les autres, et c’est le plus grand nombre, dans une médiocre aisance
et même une pauvreté relative, dont le patrimoine est compromis ou menacé. De
l’autre, nous rencontrons de sociétés puissantes par leur richesse, qui, se
voilant sous la forme de l’anonymat, peuvent échapper à la responsabilité de
leurs actes, et dont les titres éparpillés, passant de main en main, deviennent
la propriété d’inconnus; en un mot, il y a là le faible qui lutte contre le
fort».
Là, notre Dumont exagère un peu : ces
‘faibles’ qui avaient construit aux Guillemins pesaient économiquement et
politiquement autant, sinon plus, que les charbonnages. Et Gustave est lui-même
un capitaine d’industrie. Mais son argumentation est solide et fondée sur
l’historique des affaissements miniers. Systématiquement, les ingénieurs de
l’Administration des mines «innocentent » les charbonnages.
Pour Dumont, le rôle de l’administration des
mines ne doit pas se borner à constater tardivement les dégâts mais elle a le
devoir de les prévenir. Il va à l’encontre d’une théorie qui a dominée
jusqu’aux fermetures des charbonnages un siècle plus tard ! C’est
Newtonien : «le sol obéit à l’action de la gravité ; l’interdiction
provisoire des travaux de la houillère du Paradis, sous le quartier
d’Avroy-Louvrex, est un premier pas dans la voie de la justice. L’affaissement qui
se produirait inévitablement, en augmentant le route périodique des inondations
dans certains quartiers, les rendrait peu à peu insalubres ou inhabitables ».
Les charbonnages invoquent l’avenir du secteur
minier: « À la suite des réclamations
incessantes et passionnées du Comité d’Avroy-Louvrex- Guillemins, l’interdiction
provisoire de toute exploitation dans une partie de la concession
d’Avroy-Boverie présente, non seulement pour le charbonnage du Paradis, mais
aussi pour l’industrie charbonnière en général, des conséquences d’une gravité
exceptionnelle ».
Chantages à la fermeture
Pour le charbonnage du Paradis, «les agissements du Comité des lézardes frappent
les imaginations et la crédulité du public. Des dégradations surviennent peu à
peu à un certain nombre d’habitations du quartier. En temps ordinaire, les
habitants n’auraient attaché à la plupart d’entre elles aucune importance. Mais
un COMITÉ s’était formé sous prétexte de sauvegarder des intérêts compromis par
des périls imaginaires. Peu s’en faut qu’un tremblement de terre ne soit
annoncé, car le Comité ne parle que de désastres et de cataclysmes. Il
représente les travaux houillers, avec lesquels, malheureusement, peu de
personnes sont familiarisées, comme des excavations immenses, des cavernes
profondes, dont on laisse à l’imagination individuelle le soin d’exagérer
encore les gigantesques proportions».
Le charbonnage opère alors un chantage à la
fermeture : « Nous sommes
soumis, depuis plus de trois ans, à un régime tellement exceptionnel et tellement
ruineux, que nous devons franchement déclarer que son maintien est devenu
impossible, et qu’il nous obligera à fermer l’exploitation, si nous n’obtenons
prochainement un soulagement à nos entraves. Le maintien des interdictions est,
pour le charbonnage Paradis, une véritable expropriation, sans indemnité ; une
véritable confiscation de la propriété ».
Au Conseil communal de Liège du 10 novembre
1871, l’échevin Gillon, ingénieur lui-même, rétorque aux représentants des
charbonnages présents : «Mais, nous
dit-on, vous allez jeter des milliers d’ouvriers sur le pavé, ruiner tout un
quartier dont l’industrie houillère est la seule ressource ! Nous sommes dans
le drame, messieurs ! et cela parce que l’on interdirait l’exploitation d’une
partie d’une couche ! S’il y a des ingénieurs dans le Conseil, ils doivent
singulièrement rire!»
Les charbonnages mettent en garde le
gouvernement contre les effets d’une application stricte du principe de
précaution et de la prise en compte des revendications environnementales sur le
devenir du secteur charbonnier et de la Belgique : « Les insensés ! Sous le prétexte de défendre la sûreté de leurs
habitations, qui n’est pas compromise, ils compromettent la prospérité de notre
belle cité, de notre province entière, en cherchant à tarir les sources qui les
alimentent !... Leurs demeures, leurs somptueux hôtels sont debouts ; tous les
jours de nouvelles constructions s’élèvent sur le prétendu volcan qu’ils
dénoncent à la frayeur du public ! Et qu’on y prenne garde : ce que l’on
réclame, en conspirant la ruine du charbonnage Paradis, n’est que le prélude
d’une croisade générale anti-industrielle qui s’attaquera à tous les
charbonnages de la commune de Liège ! Puis, s’étendant au dehors de ces
limites, la propagande hostile aux exploitations devra, pour être logique,
envahir Seraing, Jemeppe, Ougrée, Herstal et dix autres localités d’une grande
importance comme travail national. Si on parvient à détruire une seule
exploitation par l’application d’une mesure préventive, on devra, pour être
conséquent avec les principes, interdire ailleurs les travaux, quand il
s’élèvera, au-dessus d’eux, des habitations ou des constructions plus ou moins
agglomérées ! Et alors ! où s’arrêter ?»
Un événement fondateur dans l’histoire des conflits environnementaux
Le charbonnage d’Avroy-Boverie abandonnera ses
concessions en 1891. L’affaire des lézardes de Liège est un événement fondateur
dans l’histoire des conflits environnementaux liés à l’extraction du charbon. Avant,
il y avait eu Saint Léonard qui en 1856 renverse une majorité communale sur
base d’une usine à zinc qui rendait particulièrement insalubres le
quartier: "la république
démocratique et sociale vient de battre ... les libéraux". L’usine
Vieille Montagne de Saint Léonard fut fermée en 1881 et déménage à Angleur où
la société avait déjà une usine. A Saint Léonard il y a une place « Vieille Montagne » ; et à Angleur ,
entre l'Ourthe et le canal de l'Ourthe, son successeur Umicore a créé une réserve naturelle avec le nom
idyllique ‘Île aux Corsaires’, pollué au
zinc, avec « une flore très
spécifique, adaptée aux sols enrichis en métaux lourds ». Notez le
terme ‘enrichi’ ; moi je dirais pollué…
Face à la mobilisation des riverains des
Guillemins le gouvernement applique le « principe
de précaution » interdisant les travaux souterrains de la houillère du
Paradis.
En 1903 encore, le député socialiste Léon
Troclet dénonce les charbonnages et les réparations des dégâts de mines: «Lorsqu’on a signalé à une société
charbonnière que les affaissements de terrain ont détérioré une maison, la
direction envoie quelques ouvriers qui introduisent un peu de mortier dans les
fissures et si une pierre de taille est fendue, on y met deux agrafes ; c’est
là ce que l’on qualifie de réparation. Dernièrement, pour réparer une porte, on
avait envoyé non pas un menuisier mais un charpentier ou plutôt un boiseur du
fond du charbonnage. On applique à l’intérieur des maisons un morceau de papier
peint sur les fissures et alors la trace du dommage ayant disparu, il est très
difficile d’obtenir réparation».
Je vous invite à repérer ces lézardes, un
siècle et demi plus tard. . Mais ce que certains ne se rendent pas compte c’est
que tous nous payons pour des stations de démergement, rendus nécessaire par
l’affaissement général du sol. Et même encore aujourd’hui on nie la
responsabilité des charbonnages, dans la mesure où personne n’essaye de faire
payer ces sociétés qui existent encore sous forme de sociétés ‘en liquidation’.
L’Art Nouveau aux Guillemins
Nous avons vu un
alignement relativement homogène de bâtisses Art Nouveau (AN) au Quai Mativa,
construit dans l’après expo 1905. Il y a de l’AN dans le quartier des
Guillemins aussi. Mais le gros du bâti du Guillemins est antérieur, d’un style
plutôt éclectique et classiciste. On retrouve l’Art Nouveau dans les rues où
l’urbanisation a pour l’une ou l’autre raison tardé. Je me suis servi du le
site cirkwi.com et de l’Inventaire du
Patrimoine Immobilier (IPIC).
Nous commençons notre circuit
Art Nouveau par la rue de Rotterdam. Cette rue a été bâti plus tard parce qu’il
fallait d’abord exproprier les maisons
qui bouchaient une percée vers le Boulevard. Pour raser des taudis, on
n’hésitait pas ; mais pour ces bâtisses on mettait des gants et prenait le
temps.
La rue de Rotterdam
rude de Rotterdam 31 image IPIC |
Au N°5 résida
l’architecte Clément Pirnay que nous croiserons un peu plus loin, dans la rue
Dartois. Au n° 11, les fines boiseries des châssis sont originaux,
soigneusement préservés, tant au niveau des fenêtres que de l’oriel ou de la
porte d’entrée. La maison – ainsi que le N° 13 - a été construite en 1904, sur
des plans de l’architecte Victor Rubbers, à la demande du rentier J. Thiriar. Le
n° 38 est de l’architecte Paul Jaspar, que nous avons déjà croisé rue des
Vennes. Pour cette façade de 1897, il s’est amusé à réinterpréter
l’architecture mosane traditionnelle: grande fenêtre du rez-de-chaussée à
croisées de pierre, têtes sculptées aux extrémités du linteau de la porte
d’entrée (tradition dans l’architecture liégeoise du 16e siècle), panneaux moulurés
des boiseries, vitraux dans les baies d’imposte….
D’autres détails
attirent l’attention, comme les dragons sculptés dans les boiseries à la base
de l’oriel et les moellons carrés aux motifs figuratifs au-dessus du
soubassement. Les petits bois de la lucarne principale semblent inspirés de la
forme des paravents japonais. A l’époque, les Européens découvrent l’Art du
japon, qui devient une des sources d’inspiration de l’Art nouveau. Avec ses
formes de feuilles et fleurs de marronniers, la grille d’accès à la cours
constitue une application remarquable du nouveau style.
De l’autre côté de la
rue, les n°31 et 33 sont de Paul Jaspar. Le 33 a été conçu en 1899. Des figures
humaines ornent les extrémités du linteau. Remarquez le dessin original des
boiseries: arc outrepassé et petits bois pour la grande baie du
rez-de-chaussée, oriel aux côtés inclinés à 45°, rambarde du balcon incurvée,
montants et consoles finement sculptés… Des représentations symbolistes nous
interrogent : que peut bien représenter le visage souriant sur la cheminée ? Et
le visage grimaçant qui émerge des rinceaux anguleux à la base de l’oriel ?
Un attentat anarchiste à la dynamite
J. Moineau 1900 ill. Le Maitron |
Ca flairait tellement
le pognon que cette rue a été la cible d’un attentat anarchiste, à la dynamite,
à une époque où elle s’appelait encore rue de la Paix.
Jules Moineau était en 1886 à l’école militaire Il quitta l’armée pour ne pas
avoir à tirer sur les ouvriers. Avec le cafetier Herstalien Wagener il devient un
des animateurs de la commémoration de la Commune de Paris en mars 1886, le
point de départ d’un mouvement social qui a ébranlé le pays.
En mars 1891, suite à un vol de 900 kilos de
dynamite à la poudrière d’Ombret, des anarchistes sont arrêtés et condamnés à
15 et 12 ans de prison. Le soir du jugement, une bombe déposée devant le
domicile du président de la cour d’assises Renson n’explosa pas. Un peu plus
tard un autre attentat vise le procureur du roi et un sénateur, son fils et
l’église Saint-Martin.
Moineau fut arrêté avec 15 autres militants et
inculpé de «vol de dynamite et de complot
» . Il affirma n’avoir exercé qu’une influence morale sur ses camarades, mais
prit sur lui l’entière responsabilité des faits, acceptant « la solidarité de tous les actes qui devaient
amener à la révolution » en précisant qu’il n’avait jamais cherché à faire
de victimes. Il fut condamné à 25 ans de travaux forcés. Il bénéficia d’une
libération anticipée en 1901. Lors d’un meeting en 1902 il déclarait encore:
"J’ai voulu réveiller la masse des
travailleurs ; je n’ai jamais voulu attenter à la vie de personne. Je cherche à
abattre les institutions sociales actuelles et je considère que la victoire
sociale ne peut être obtenue que par la force. La société bourgeoise est
pourrie ; la justice n’est qu’une justice de classe."
La Place de Bronckart
La Place de Bronckart était
le cœur de cette opération immobilière lancée par le clan Fabry. On l’a voulu
uniforme : des goûts et des couleurs on ne discute pas. Mais pour voir de
l’Art Nouveau il faut entrer dans le jardin d’hiver de la brasserie installée dans l’ancien hôtel de
maître au N°3, avec ses miroirs biseautés encadrés par des boiseries dessinant
des volutes organiques.
Dans la rue de
Chestret n°15, l’architecte A. Guillite, qui signe au bas de la façade, a
dessiné des menuiseries qui donnent un cachet: consoles de corniches arquées,
châssis de fenêtres courbes, porte en bois combinant des motifs de disques avec
des lignes droites et incurvées
Rue du Plan Incliné
source Rixhe rail archives |
En 1838, le chemin de
fer atteignit Ans. En 1843, le tronçon Liège - Cologne fut achevé, ce qui fit
de cette ligne le premier chemin de fer transeuropéen. Ca n’a pas été facile de
faire descendre les locomotives d’Ans aux Guillemins. Pour la côte d'Ans l’ingénieur
Henri Maus a du développer la technique de plan incliné. Le 1er mai 1842, le
premier train fut hissé de Liège à Ans. On accrochait aux trains montants un
wagon spécial, muni d'une pince dont les mâchoires saisissaient le câble
moteur.
Jusqu'à
l'électrification de la voie, une seconde locomotive était nécessaire pour
pousser le convoi jusqu'en gare d'Ans. Cette locomotive n'était pas attelée,
elle pouvait ainsi se séparer du convoi sans l'arrêt de celui-ci, avant de
redescendre en gare de Liège. Cette méthode perdura jusqu'aux années 1970, les
premières locomotives électriques n'étant pas suffisantes pour tracter les
convois. Et je crois savoir qu’il y a toujours une loco en réserve, en cas de
pépin, comme des feuilles mortes…
La rue de Sélys
rue de Selys 25 source cirkwi |
La rue de Sélys est
particulièrement riche en bâtiments AN, parce qu’elle a seulement été ouverte
en 1896. Au n°25, la façade est de l’architecte Micha avec les vitraux de la
porte et les ferronneries du balcon en formes végétales stylisées. Les pierres
sculptées décorent les linteaux: tiges, feuilles et fleurs se prolongent d’une
pierre à l’autre afin de fusionner les montants d’encadrement et les linteaux
aux formes arrondies. Les châssis, toujours originaux en 2016, épousent
parfaitement la forme des profils ainsi dessinés. Relevons enfin les amusantes
volutes qui encadrent les extrémités du fronton-pignon sommital.
Au n°17, classée, la
maison du directeur d’usine Henri Piot (1904) est un chef-d’œuvre de
l’architecte Victor Rogister, lui-même élève de Paul Jaspar. La signature est
très maçonnique, avec les sphinx sur les vantaux de la porte, le coq, le hibou,
les visages de vieillards barbus au
sommet des piédroits qui encadrent la lucarne. Notez aussi les poignées de
porte en forme de dragons.
Dans la rue Dartois, Bacot, comptoir
d'Outremer pour le négoce des vins et de spiritueux
La rue Fabry était au
départ une impasse, d’une largeur de 10.7 mètres ! La famille Fabry avait
dès le début rêvé de prolonger cette rue vers le Plan Incliné. Cette percée se
fait au travers de l’ancienne papeterie de la Station, occupée après par les
ateliers de Serrurier-Bovy. Cet architecte a meublé les maisons AN. Un aspect
peu connu de cet architecte est qu’il envisageait aussi une certaine
démocratisation du luxe de l’habitation, avec l’ameublement d’une des maisons
ouvrières construites à Cointe lors du concours de l’Exposition universelle de
Liège en 1905. Notre homme avait déjà conçu une « Chambre d’artisan » pour l’exposition de la Libre esthétique
en 1895.
En 1905 il propose le
mobilier Silex. C’est Ikea avant la lettre. Il pressent que le temps de
l’artisanat est en passe d’être révolu – et là il est en rupture avec l’Art
Nouveau qui jurait justement par les Arts&Crafts- et équipe progressivement
ses ateliers de machines modernes. Une centaine d’ouvriers travaillent dans ses
ateliers liégeois.
Au n° 42 de la rue Dartois, l’architecte Clément
Pirnay dessine en 1920 un immeuble de quatre niveaux commandé par la société
Bacot, avec une exceptionnelle composition de sgraffites: des pampres de vignes
s'étirent de bas en haut, à partir de deux vases situés de part et d'autre de
la loggia. Quatre des panneaux supérieurs sont ornés de corbeilles de fruits. Le
garde-corps, les couronnements des pilastres et du sommet de la façade sont en
ferronneries peintes. L’ossature du bâtiment est en béton armé ; la verticalité
est accusé par les pilastres prolongés de plus de trois mètres au-delà de la
toiture plate pour soutenir l'enseigne commerciale « Bacot, comptoir d'Outremer pour le négoce des vins et de spiritueux ».
Rue Dartois 44, l’habitation personnelle de l'architecte Clément Pirnay, Art Nouveau géométrique construite de 1907 à 1911, l’immeuble avait primitivement
quatre niveaux, et fut exhaussé de deux niveaux en 1926. Le rez entièrement de
calcaire était occupé jadis par le bureau de l'architecte. Au deuxième étage, une
loggia trapézoïdale en calcaire repose sur deux importantes consoles figurant
des sirènes antiques. Surmontant la loggia, le balcon est accessible par quatre
baies jointives séparées par des colonnes à chapiteaux sculptés. Les quatre
panneaux en pierre blanche ornés de couronnes qui amortissaient primitivement
la façade servent aujourd'hui d'allèges au cinquième niveau. Les deux niveaux
supérieurs en brique et béton comportent deux loggias rentrantes triangulaires.
Belle rampe d'escalier en ferronnerie de style Art Déco.
Par après le bâtiment
est occupé par le groupe Egau (Études en
Groupe d'Architecture et d'Urbanisme) qui a marqué sa ville, avec notamment
la gare des Guillemins précédente et la Cité de Droixhe.
A l'angle de la place des Guillemins, un projet Ardent Group
Le groupe liégeois Circus
est parti en 1989 de sa salle Circus de
la place des Guillemins (le métier de base du groupe Ardent est les salles de
jeux) pour racheter petit à petit le café L’Express, le célèbre café Le
Century, suivi de la Brasserie et de l’Hôtel du Midi. On poursuit dans la rue
des Guillemins avec l’Hôtel Métropole, puis l’Hôtel des Nations. Deux petits
bâtiments ensuite occupés par un night-shop et une cordonnerie. Et enfin, le
non moins célèbre restaurant Le Duc d’Anjou. Sans oublier à l’arrière de tous
ces bâtiments, la miroiterie Maretti. En tout +- 5.000 m2 au sol (Ls 3/10/2012 et LLB 18/1/2017).
Un cube de verre fait l’angle, neuf
étages de bureaux, entièrement vitrés, en porte-à-faux de sept mètres sur le
trottoir. Ca a pris 30 ans pour le premier projet privé à se concrétiser autour
de la nouvelle gare TGV. Le « Liège Office Center » n’est pas encore
ouvert que tout est déjà loué. 10 entreprises vont s’y installer prochainement
et y occuperont près de 600 personnes. Un hôtel Ibis Style de 102 chambres (3
étoiles) vient d’ouvrir. Les 12 appartements (de 85 à 127 m²) sont déjà vendus
ou loués et trois surfaces commerciales dont deux sont déjà occupées par Burger
King et par une supérette Carrefour. Mais il y a surtout 11.000 m² de bureaux
tout neufs déjà tous loués. La proximité de tous ces transports en commun et de
cette mobilité douce explique aussi que le bâtiment ne présentera en sous-sol «
que » 185 places de parking voitures et 56 places pour vélos. Et ce pour
environ 600 personnes qui seront occupées sur le site, sans compter les clients
de l’hôtel. 350 pour les neuf premières sociétés et sans doute 200 pour tous
les bureaux que Regus va proposer en coworking. Début avril aura lieu
l’inauguration officielle (Sud Presse 29 janvier 2020).
Nous
ferons le tour de la gare, ou plutôt nous entrerons dans une œuvre d’art! C’est
Calatrava lui-même qui le dit: "Si on est dans la gare on ne regarde
plus la forme mais on est dans l’espace, on
a pénétré à l’intérieur de l’œuvre d’art." Le BBC appelait– à
juste titre – les Guillemmins “his latest sculpture”. Voir mon blog sur le sujet
http://hachhachhh.blogspot.be/2014/01/calatrava-dabord-artiste-avant-detre.html
Un terrain de bataille pour des promoteurs immobiliers.
Nous venons de voir que le Liège Office Center tire très bien son épingle du jeu.
Un autre gagnant est Fedimmo
qui a commencé un nouveau quartier d’affaires, qualifié – un peu vite, tant les
exigences environnementales sont vagues – d’écoquartier par l’ex-ministre écolo
Henry. Paradis
Express a remporté le Mipim Award 2016 et un European Property Award en 2019. Pour cet écoquartier d’1,6 ha, 35000 m², dont 10400 m² habitables, Matexi et Befimmo s’entourent d’un trio A2M,
Greisch et Jaspers-Eyers. Befimmo
construira deux immeubles de bureaux sur 21000 m². Dans un deuxième temps
Matexi fera 115 logements, 1600m² d’espaces Horeca, de services et professions
libérales, et 400 m² de commerces. Là aussi on ne prévoit que 155 places de
parking: les promoteurs invoquent le tram.
La Région wallonne louera, dans le cadre d’un
bail de 18 ans, une surface de 6700 m² dans l’immeuble. 250 agents de la
direction Mobilité et Infrastructures occupent actuellement quatre endroits
différents La direction des routes et autoroutes est aux n°12 à 18 de l’avenue Blonden. Ils sont
plus d’une centaine à y travailler. Les Voies hydraulique se situent dans un
bâtiment rénové de la rue Forgeur, appelé autrefois « L’hôtel des Ponts et
Chaussée ». Plus de 80 fonctionnaires y sont occupés. La Direction de la
gestion des voies navigables est à Angleur, rue du Canal de l’Ourthe, juste à
côté du siège central de la CILE. Ils sont une trentaine d’agents à être
concernés. Le service électromécanique du SPW de Liège, une trentaine de
travailleurs, serait aussi rassemblée rue Paradis.Pour occuper les nouveau
bureaux en construction, à chaque fois,
il s’agit d’emplois publics. Le journaliste Luc Gochel se demande – à juste
titre : à quand l’arrivée de plusieurs centaines d’emplois nouveaux et
financés par le privé? (La Libre Belgique, 28 nov. 2019 et
Sudpresse 22 aoû. 2019).
Les perdants
Mais à côté des gagnants,
il y a aussi des perdants. A commencer par le groupe
Horizon qui avait racheté douze petites maisons à l'abandon et proposait 97
appartements sur quatre étages, en façade et à l'intérieur de l'îlot. 62
riverains de l'avenue Blonden ont émis des remarques lors de l'enquête
publique. Les suivant, collège échevinal demande de réduire le gabarit à
l'intérieur de l'îlot et les reculer par rapport aux buildings. Selon
le promoteur Laurent Minguet, « les gens
se sentiront complètement enclavés entre l'avenue Blonden et la rue Paradis. Ce
n'est plus vendable. Et tant pis, que les riverains conservent leur parking
pourri à l'arrière alors. On passe alors de 97 à 37 appartements ! Sur le PRU
qui n'autorise qu'un maximum de quatre étages : on a déjà accepté une
dérogation pour la tour des finances (de 40 m, elle est passée à 120m), ainsi
que pour le dégradé des immeubles du projet Paradis Express, pourquoi ne pas me
permettre de faire de même ? » Il propose un dégradé à partir des huit
étages de l'immeuble France qui fait le coin, en passant à sept, puis six, puis
cinq, puis quatre (La Meuse, 23 jan. 2020).
La SNCB a de son côté payé une étude d’incidence
pour la construction de 60.000 mètres carrés de bureaux rue du Plan incliné (un
plan de Calatrava !), mais on ne les entend plus.Ca fait beaucoup de bureaux ! Mais ça pose surtout deux question s: comment amener ces milliers de gratte-papiers sur leur lieu de travail. Bien sûr, il y a la gare. Mais le REL (Réseau Express Liégeois) est postposé à chaque tour de vis budgetaire. Et, cela créera au centre-ville des friches énormes, et videra le centre de toute vie. Voir aussi https://hachhachhh.blogspot.com/2018/06/le-quartier-des-guillemins-un-champ-de.html
Un nouvel axe : de
la gare vers le centre commercial Médiacité
Devant la
gare « Liege Together ». Pas pour la Ville de Liège et la SNCB (au sens
générique du terme, toutes filiales confondues) qui en vingt ans de dossier,
n’ont pas développé l’art de la collaboration.
La Ville a soutenu Fedimmo. Calatrava, soutenu par Infrabel, a perdu son
procès contre la construction de la tour Fedimmo de 27 étages, 118 mètres de
haut, à 400 mètres de ‘sa’ gare. Le conseil d’Etat a jugé que rien ne démontre
que l’érection de la tour nuirait à la mission de la SNCB qui est de « construire des gares et leurs dépendances en
dotant celles-ci d’une forte visibilité. »
On
pourrait rire de cette bataille entre star-architectes si le débat se limitait
aux qualités architecturales de l’un ou de l’autre. Mais le tram de Liège ne
s’arrêtera pas sous la casquette d’entrée de la gare cause de cette mésentente.
S’il a fallu attendre plus d’un an avant que les travaux d’aménagement devant
la nouvelle gare prennent forme, c’est parce que les deux pouvoirs ne se
parlaient pas/plus. Au prétexte, un moment, que le plan d’aménagement de la
Ville rognait de quelques mètres carrés sur une pelouse que la SNCB avait
plantée devant sa nouvelle gare ! Si le voyageur qui débarque dans la gare pour
la première fois peut chercher longtemps et sans succès des indications aussi
simples que les arrêts de bus (le sens de circulation, la répartition des
lignes sur les quais, etc.), les taxis, les locations de voiture, les parkings
ou les bureaux de coworking, c’est parce que chacun travaille sur son propre
territoire.
Très
longtemps la SNCB n’y a tout simplement envoyé personne à la « SDLG » (société de développement de
Liège Guillemins), ou des observateurs silencieux. Le centre de design et le projet Circus ont été faits sans vraie
coordination d’ensemble.
Dans l’axe
de la gare à la Mediacité (d’un autre
star-architecte Ron Arad), Calatrava voulait un plan d’eau
jusqu’à la Meuse. Il a du se résigner à des fontaines et une pelouse.
t-on imaginer un dialogue architectural plus
évocateur que cette gare, cette tour Fedimmo et cette maison Rigo ? L’arène où s’affrontent trois promoteur immobiliers : Fedimmo,
Infrabel et Liège Office Center, avec, au beau milieu du jeu de quilles, cette
maison Rigo, symbole de la ‘Cité Ardente’ ? ()
La tour Rosen est toujours
là parce qu’elle est classée depuis 1959. Le noyau de la tour date de 1516 ; la maison est agrandie au XVIIe siècle
par la famille Rosen qui donnera son nom à cette bâtisse. Jusqu'en 1870, année
du comblement des douves, la maison était dotée d'un pont-levis.
Greisch et la belle liégeoise, amante du carnage, excitant à l’assaut un peuple sans
souliers
La ‘Belle
Liégeoise’ est l’oeuvre du bureau d’ ingenieurs Greisch, et l’atelier
français de Michel Corajoud. René Greisch est décédé en 2002. C’est son bureau
qui a participé à la construction par lançage du pont de Millau: deux
kilomètres et demi au-dessus de la vallée du Tarn, en France.
Le bureau Greisch a aussi collaboré avec
Calatrava. Heureusement : suite à leurs calculs la structure a été alourdi
de 30%. Comme je viens de dire : on peut prendre Calatrava comme artiste,
mais on a intérêt à le faire encadrer pour la technique…
La Belle
Liégeoise était le surnom de Théroigne de Méricourt, qui a joué un rôle dans la Révolution Française. Charles
Baudelaire écrivait dans Les Fleurs du Mal : « Avez-vous vu
Théroigne, amante du carnage, /
Excitant à l’assaut un peuple sans souliers, / La joue et l’œil en feu, jouant
son personnage, / Et montant, sabre au poing, les royaux
escaliers ? »
Née à Marcourt, elle s’est
retrouvée en 1789 à Paris où elle fréquente Camille
Desmoulins, Fabre d'Églantine et autres révolutionnaires qui la surnomment « la Belle Liégeoise ». En 1792,
favorable à la guerre, comme Danton et les Girondins, elle tente de créer une «
phalange d'amazones ». Les
Montagnards de Robespierre s’opposent à cette guerre qui plongera la jeune
république dans la défaite. En mai 1793, elle est prise à partie par des femmes
jacobines – les Tricoteuses - qui la dénudent et la fessent publiquement. Cet
incident fait qu’elle passe les 23 dernières années de sa vie à l'asile, où le médecin aliéniste Jean-Étienne Esquirol fait son
portrait. Elle meurt à l'hôpital de la Salpêtrière en 1817.
On
a tissé un tas de mythes autour de sa personne. Mais il faut la part de mythe pour une passerelle qui
prendra sa place à côté de celle de la Régence ou celle de Hennebique que nous
venons de traverser, de l’autre côté de la Boverie..
Mlle Thérouène |
Pour vous
donner une petite idée des mythes autour de sa personne, voici quelques
portraits. Théroigne de Méricourt est réprésentée la gorge découverte,
le sein gauche nu.
Jean-Etienne Esquirol médecin aliéniste fait réaliser ce portrait en 1816, à La
Salpétrière. Elle est alors âgée de 54 ans. Il publie ce portrait dans Les
Maladies mentales, en 1836Un nouvel axe : de la gare vers le centre commercial Médiacité
On a inauguré en 2016 le
nouveau musée de la Boverie, et ensuite la nouvelle passerelle. On a trouvé des
fonds pour rénover la tour cybernétique et le centre consulaire. Et on a apaisé
le trafic sur les quais. Mais cela ne s’arrête pas là.
L’objectif est de prolonger cet axe jusqu’à la Médiacité. C’est probablement
dans ce but qu’une branche de la passerelle aboutit à quelques décamètres de la
Dérivation.
Il y en a sûrement qui trouvent un peu dommage
que les arbres centenaires du parc bouchent un peu la vue. Sous cet angle là la
remontée des castors est probablement une aubaine : on a déjà coupé la
rangée d’arbres centenaires derrière le musée..
Mais le problème ne se limite pas à ces arbres.
Le promeneur se retrouve devant un véritable nœud presqu’autoroutier qui
n’invite pas à traverser cet espace indéfini.
C’est pour cela que le promoteur Wilhelm &
Co a appelé l’architecte-designer Ron Arad (qui
se fait d’ailleurs accompagner cabinet d’architectes belges Jaspers-Eyers que
nous avons croisé de l’autre côté de la Meuse, au Paradis Express).
Il fallait un geste architectural fort pour répondre à l’œuvre de Calatrava qui
se trouve dans l’axe de Médiacité.
Ceci dit, relativisons ce ‘geste fort’. Sa
"nervure", serpent, cétacé, veine saillante ou rivière (au choix) donne
de la chair et de l’air à un bâtiment qui est pour le reste une "boîte noire" assez
conventionnelle, comme la plupart des centres commerciaux. Et encore, son
serpent ne se voit que du ciel (il est
vrai que les drones se démocratisent). Wilhelm&Co a juste cherché à
donner "une identité" à la Médiacité.
La "verrière" ondoyante,
transparente, ponctuée d’éléments rouges, qui sillonne d’un bout à l’autre la
Médiacité (360 mètres), est formée de rubans d’acier (20 cm de large)
entrelacés, et d’une couverture en ETFE, une sorte de plastique ici posé en
quatre couches formant de fins "coussins" gonflés à l’air. Ron Arad:
"La seule chose dont j’étais sûr,
c’est que ce bâtiment allait être défini et lu par le toit... Et le sol
(regardez ces ombres projetées par la structure !) en est une sorte d’imitation
Ce n’est pas un centre commercial, dans le sens d’un bâtiment avec des
magasins, mais plutôt une rue couverte. Un marché turc".
« Ce
serait un grand compliment qu’un centre commercial puisse être mentionné comme
un monument architectural », confie Arad. Il
avoue ne pas avoir tenu compte de l’histoire du site de la Médiacité. Le seule
référence indirecte aux laminoirs de Longdoz qui occupaient le site est ces
rubans d’acier (LLB 31 mai 2009).
Cette Médiacité pose aussi deux autres
problèmes : la mobilité. Les bouchons risquent d’être fatals, non
seulement au centre commercial même, mais aussi au quartier bien vivant du
Longdoz. Et la concurrence avec Belle Ile est là. Carrefour y décroche. Non
seulement les deux centres commerciaux risquent de se phagocyter, mais ils
étranglent aussi les commerces au centre ville.
Les Laminoirs et ferblanterie de Longdoz
Ron Arad n’a pas tenu compte de l’histoire du
site de la Médiacité. L’ancien sidérurgiste et ferblantier que je suis devra
donc se contenter de ses rubans d’acier pour évoquer l'ancienne usine de
fer-blanc de Dothée. Charles-Martin Dieudonné Dothée crée en 1847 au Longdoz un atelier pour la
tôle, du fer et du fer-blanc.
En 1881 Espérance-Longdoz s’installa dansl’ancienne ferblanterie. Paul Borgnet (1863-1944), alors âgé de 18 ans, y
installe un atelier de galvanisation de tôles au trempé. En 1905, il
construit à Flémalle une usine qui
devient en 1911 Phénix Works. En 1935, il y lance la production de fer-blanc,
par étamage au trempé. Passée sous le contrôle de Cockerill en 1970, l’entreprise
est absorbée en 1989. J’ai assisté à la fermeture de cette ligne de fer blanc,
et l’arrivée de ses ouvriers à Ferblatil où je travaillais.
En 1948, l’usine du Longdoz produit encore 142.000 tonnes de tôles. Le laminage
à chaud est arrêté en 1957. Après la fusion de Cockerill et Espérance-Longdoz
en 1970, l’activité cesse définitivement en 1980. J’ai travaillé à Ferblatil
sous le dernier directeur de Longdoz.
La Mmil ou « Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège »
En 1963 Espérance-Longdoz ouvre un musée dans
l’ancienne usine Dothée, à l’endroit même où se trouve aujourd’hui la « forge à la wallonne ». Après la
fusion avec Espérance-Longdoz, Cockerill case en 1973 le musée dans l’asbl « musée du fer et du charbon ». Suite à la
crise sidérurgique Cockerill en fait don à la Ville de Liège. En 1990, suite aux difficultés financières de la
Ville, l’ULiège, la Ville et le Musée de la Vie Wallonne, épaulés par Cockerill
Sambre, ses filiales de revêtement et Vieille-Montagne créent la « Maison de la Métallurgie et de l’Industrie
de Liège ».
La rectification de l’Ourthe
Au départ, l'Ourthe se divisait en deux bras principaux en aval de l'actuel
pont des Grosses Battes. Le bras principal empruntait l'actuel boulevard de
l'Automobile et passait plus ou moins à la place de l'actuelle Dérivation pour
se joindre au cours principal de la Meuse vers l'actuel pont Atlas. Un autre
bras, le Fourchu Fossé, contournait l'actuel centre commercial de Belle-Île par
le sud avant de parcourir tout l'actuel boulevard Émile de Laveleye et
rejoindre la Meuse à hauteur de l'actuel pont de Fétinne. Dans le cadre du
projet de canal Meuse et Moselle qui ne verra jamais le jour, le canal de
l'Ourthe emprunte en 1847 une partie du méandre du Fourchu Fossé actuellement
encore visible à l'arrière du centre commercial Belle-Île, près du pont
Marcotty.
En 1846, la ville décide de rectifie la Meuse
et de créer la Dérivation. L'épidémie de choléra en 1849 (près de 2 000 morts) força
la décision. De 1853 à 1863, on creuse la Dérivation dans laquelle on dévie une partie des eaux de
la Meuse (25 à 30 %).
Le cours actuel de l'Ourthe, presque
rectiligne entre le pont des Grosses Battes et le pont de Fétinne, n'existait
pas avant 1902. La rivière est rectifiée
en 1905, avec l’expo, créant ainsi le quai Mativa et le parc de la Boverie. L'actuel
boulevard de l'Automobile aussi est asséché en 1905.
Des «fascines végétales» sur la Dérivation
En dehors des grosses eaux la Dérivation n’est
pas très profonde. Même les rameurs doivent parfois slalommer entre les bancs
de sable.
C’est ainsi qu’en 2016
on a pu installer dans la Dérivation un projet pilote en partenariat avec la
Maison wallonne de la pêche, des cylindres en fibres naturelles de coco
biodégradables, végétalisés par plusieurs espèces de plantes aquatiques et
contenus dans des structures métalliques fixées aux murs des berges, dans le
cadre du plan communal de développement de la nature (PCDN). En 2019 près de
160 mètres de fascines supplémentaires ont fleuri, et au moins 120 m sont
annoncés pour 2020. Le “ système
racinaire” va servir aux poissons en vue d’y coller leurs œufs Les alevins vont pouvoir se nourrir autour
des racines, le Martin-pêcheur va venir se nourrir des alevins…A l’occasion l’échevin de la transition écologique évoquait le plan Maya, avec des fascines
végétalisées dans la darse de Cheratte, après une polution en juillet 2007 par
des insecticides provenant de Chimac-Agriphar. À la suite à cette forte
pollution, plus de vingt tonnes de poissons avaient été tués (L'Avenir 24 sep.
2019).
Ce qui peut faire
rêver certains de terrasses flottantes sur la Dérivation, afin de relier
Outremeuse avec Amercoeur, faubourg du Cœur…
sur les Guillemins
et la Boverie
Redeker, Romain, Les stations de pompage du bassin
Liégeois : un patrimoine fragile https://matheo.uliege.be/bitstream/2268.2/6040/5/s099766Redeker2018.pdf
« Ma«
Manière de montrer les délices de Liège »
http://hachhachhh.blogspot.com/2017/07/ma-maniere-de-montrer-les-delices-de.html
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