Le Master Plan pour les Acec joue sur deux thèmes à la mode : le chauffage urbain (cfr mon blog https://hachhachhh.blogspot.com/2019/09/le-master-plan-pour-les-acec-et-le.html ) et green life.
Je dois dire que je pars avec un préjugé
négatif pour ce green life. On avait promis ce projet lancé en 2012 par l'ULiège,
la Spi, le Gré et la Région wallonne sur le site Magnetto à Flémalle, une friche
d'ArcelorMittal. Il y a peut être
quelque chose qui m’a échappé, mais le sidérurgiste que je suis n’ai jamais
rien vu venir. Dis que je me trompe !
Un effet de levier, avec la SPI ?
Pourquoi ce qui n’a pas marché à Flémalle
réussirait à Herstal ? On me dira : il manquait un effet de levier.
Cette fois-ci, on a la Société Provinciale d'Industrialisation, appelée plus
couramment SPI (depuis 1995 et
le rapprochement avec l'Institut Provincial des Classes Moyennes c’est la SPI+,
acronyme de "Services Promotion Initiatives en province de Liège").
Voici comment la SPI+ vend ‘greenlife’ ou ‘Verdir’ (pour « Valorisation de l’Environnement par la Réhabilitation Durable et
l’Innovation Responsable ») : « Le
site sera traversé par un réseau de chaleur et consacrera une vaste superficie
à des serres et des cultures maraichères.
Près de
500 logements sont prévus, avec des immeubles de taille modeste répartis en
deux espaces, aux deux extrémités de la zone. Les vastes halles industrielles
seront partiellement conservées, pour devenir, selon les cas, centre de
conférence, espaces économiques, salle de sports....
Pour que
tout cela soit possible il faut créer
l’effet levier, c’est là que la SPI intervient. Sous l’impulsion de
l’agence de développement, on a déjà créé aux ACEC un groupement d'intérêt
économique (GIE), désignation un bureau d’études GESPLAN en vue de
l’élaboration de la Reconnaissance de zone ; étudié un nouveau concept de « box
in the box » en vue de réaffecter les bâtiments industriels ; hébergement d’un
container permettant les expérimentations VERDIR de
l’ULiege par la SPI ; concertation
avec la ceinture alimentaire liégeoise pour développer le concept d’agriculture
urbaine : une pépinière « Smart Box » composée de containers intelligents
permettront la culture durable d’aliments et le Tropical Plant Factory sera dédié
à l’extraction de molécules destinées aux biotechnologies ; des projets
portés en partenariat avec l’Université de Liège et rendus possibles grâce au
développement d’un réseau de chaleur.
photo paul mahy |
Et, last
but not least, mies en place un système d’occupation provisoire des bâtiments
afin de les préserver du vandalisme en attente de leur affectation définitive ;
installation d’ARSENIC (compagnie théâtrale) sur la partie SPI dans une logique
d’expérimentation urbaine= création de sécurité sur site et importante économie
généréeé». Bien vu, puisque le projet pourrait prendre
du temps… Arsenic a déjà rempli les mêmes fonctions sur le site de Bavière…
« Avec
l’émergence de ces nouveaux cycles de vie, le site des ACEC devient une ville
dans la ville reposant sur la recherche et le travail, mais aussi un lieu de
vie et de sociabilité avec tous les services nécessaire ».
Créer des circuits courts
photo paul mahy |
Selon Cédric Swennen, Directeur Général
Adjoint de la SPI : « Nous avons ici
l’opportunité de créer de circuits courts ». Il pense ici à l’agriculture
urbaine, et plus particulièrement l’aquaponie, une combinaison d’hydroponie de
légumes et d’aquaculture de poissons ; deux systèmes en boucle fermée où
les poissons et les plantes sont reliés par un filtre biologique. Le bio-filtre
purifie l’eau des poissons. Les micro-organismes du bio-filtre transforment
l’ammoniaque produit par les poissons, en nitrite puis en nitrate pour être
directement absorbé par les racines des plantes.
Nous analyserons d’abord les deux systèmes
-hydroponie et aquaculture - séparément avant de voir où est l’intérêt de
combiner les deux.
L’aquaculture.
Commençons par l’aquaculture. On a élevé avec
+- de succès des tilapias dans les eaux de refroidissement de Tihange. Il
faudra évidemment m’expliquer pourquoi ça a foiré. En 1975, Intercom, ancêtre d’Electrabel, raccorde au réseau la première unité
de production nucléaire de Tihange. Intercom voulait valoriser les eaux chaudes
de sa centrale. L’entreprise a jugé à l’époque que le chauffage urbain était
trop peu rentable sous nos climats. C’est ainsi qu’elle a commencé l’élevage detilapia, une espèce tropicale d'intérêt
économique. Tout ça est accompagné par de l'Université de Liège qui y installe
une station de pisciculture.
Si les cochons produisent du lisier, les
poissons, eux, génèrent des déjections et de l’urine sous forme d’ammoniac. A Tihange,
on extrayait les matières organiques dans une station d'épuration et on en faisait
du compost. L’ammoniac étant transformé en nitrates non toxiques par un filtre
biologique, l’eau épurée était réinjectée dans les bassins d’élevage. Tihange
était un système +- fermé, avec ‘seulement’ 10 % d’eau nouvelle réinjecté par
jour.
Faillite de Piscimeuse et arrêt programmé de Tihange
En 1983 cette première société pilote de tilapia devient Piscimeuse au sein de
la société Gabriel, dont la faillite en 2002 entraîne celle de Piscimeuse. Les
frères Bijnens rachètent la société qui deviendra Aquafarm Tihange, dépendant
de Aquafarm Genk.
Ici il me manque un bout d’information. Lorsqu’en
2009, Joosen-Luyckx reprend Vitafish Dottignies en faillite, on apprend qu’elle
dispose déjà de deux sites de pisciculture, l’un à Turnhout, « l’autre à Tihange » (23/10/2009 Le
Soir ). Aquafarm Tihange a donc été repris par Jooskens – que nous retrouverons
plus loin – entre 2002 et 2009. Or en 2002 on commence à parler de l'arrêt de
l'activité de la centrale, avec l’arrêt de fourniture d’eau chaude pour la pisciculture
Et sans eau chaude... adieu tilapias. « Electrabel est tenue de nous signifier en
2008 si elle nous met à la porte en 2013, et toute notre politique est basée
sur cet arrêt potentiel, explique M. Ducarme, directeur de Piscimeuse. Mais si
nous recevons l'autorisation de rester en dépit de l'arrêt de l'activité de la
centrale, nous envisagerons peut-être alors d'élever des poissons d'eau froide,
tel les poissons rouges ou les carpes coï » (Le Soir 6/3/2002).
En 2014 l'Université
de Liège envisage de construire un tout nouveau centre de recherche dédié aux poissons au Sart-Tilman, à proximité de la faculté des sciences appliquées. (RTBF 22 octobre 2014).
En 2017 Electrabel souhaite remettre à nu la parcelle dédiée auparavant à lapisciculture. Plutôt que de détruire la serre de grande dimension (100m.*10m.*
7mètres de haut), Electrabel souhaiterait en faire don à une organisation à but
non-lucratif. Est-ce cette serre-là que l’on projette sur le site des
ACEC ?
Quant à Aquaferm Genk, elle a disparu en 2017,
après 34 ans d‘activité, suite à la
faillite et la fermeture de la centrale au charbon de Langerlo, qui
l’approvisionnait en eau chaude (HLN 11 april 2017).
Voilà donc deux
pionniers de la pisciculture en eau chaude qui ont disparu. Je veux bien que le
problème principal était lié à l’avenir des centrales, et pas à la pisciculture
proprement dite. Mais ce modèle de pisciculture est évidemment lié à un approvisionnement en eau chaude bon marché. Et
par rapport à ça le problème se pose de la même manière que pour les réseaux de chauffage urbain : il faut
diversifier l’approvisionnement en eau chaude pour ne pas dépendre d’un
fournisseur.
Pour la gauche-kaviar : la Royal Belgian Caviar.
L’échec de Piscimeuse et d’Aquaferm Genk n’est
pas l’échec de toute la pisciculture en eau chaude industrielle. L’expertise
technique et scientifique du CEFRA (Centre
de formation et de recherche en aquaculture et en gestion des ressources
vivantes aquatiques) est à la base d’un des plus grands élevages de tilapias
en circuit fermé du monde. Cet élevage a été repris par Joosen-Luyckx Aqua Bio qui
élève à Turnhout et à Dottignies aussi des esturgeons, pour leur caviar. A la
maturité des femelles on récolte les précieux œufs non fécondés, vendus sous la
marque Royal Belgian Caviar (15 % de
caviar par poisson ou 25 kg ; quatre tonnes en 2017, 1 % de la production
mondiale). Il faut du temps : cinq ans pour les femelles baeri et
jusqu’à 18 ans pour le beluga. En
attendant d’avoir du caviar, il y a évidemment les filets des mâles. Et là
aussi la CEFRA est intervenu, pour la
détermination du sexe par échographie, à l’âge de deux ans.
Cette étude a aussi servi pour la perche, où la
femelle grandit plus vite que le mâle, alors que chez le tilapia, c’est le
contraire (Le Soir 17/11/2018). Voilà qui pourrait intéresser la gauche-kaviar. Pour moi, ça sera la
carpe, depuis que j’ai assisté en été 2019 à l'élection de Miss Carpe frite, à
Munchhouse, un village près de Mulhouse.
Je n’ai pas réussi à savoir d’où cette
pisciculture de Turnhout tire son eau chaude, et je n’ai pas l’impression que
l’énergie fatale est importante pour ce modèle économique.
Par contre, les chercheurs du CEFRA ont travaillé aussi sur la réduction des
besoins en eau, par un système à eau recirculée (RAS, Recirculating Aquaculture
System), toujours en collaboration avec Belgian Quality Fish, « pisciculture wallonne » (en fait, 99,99%est dans les mains du flamand Joosen Invest)
Le projet a été financé par le FEAMP (Fonds Européen pour les Affaires Maritimes
et la Pêche) dans le but d’étudier les possibilités de valorisation des
effluents de Belgian Quality Fish par l’aquaponie. C’est la technique
préconisée pour VERDIR Acec. Mais avant d’analyser les éventuels avantages de
l’aquaponie, regardons un peu (brièvement) l’autre pôle, l’hydroponie.
L’hydroponie
La technique d’hydroponie est bien au point. Trois laitues sur quatre consommées en Belgique poussent… les racines dans
l’eau. Et c’est aussi le cas d’une grande partie des tomates. La plupart des
plantes aromatiques, les concombres, mais aussi les épinards, les fraises, ou
encore les aubergines peuvent être cultivés de cette manière.
Les plantes sont cultivées directement dans une solution nutritive à base
d’eau, dans des substrats inertes. L’absence de sol élimine complètement les
organismes et les mauvaises herbes ou adventices. Par conséquent, le travail,
ainsi que l’utilisation d’herbicides, est considérablement réduite mais permise
car il n’y a pas de poissons, vers ou bactéries à ne pas tuer (contrairement à
l’aquaponie dans laquelle on doit s’assurer du maintien de la vie de
l’écosystème).
Ceci dit, je n’ai pas l’impression que cette
technique dépend de la disponibilité d’eau chaude. L’avantage principal de l’hydroponie
est une faible consommation d’eau, mais une grande quantité d’engrais
chimiques. Le principal problème de l’hydroponie est qu’il faut procéder au
remplacement périodique de l’eau appauvrie en éléments nutritifs. C’est le
principal coût récurrent de l’hydroponie.
La culture hydroponique exige une parfaite maîtrise de l’ensemble du système.
La gamme de pH optimale est comprise entre 5,8 et 6,5. La température de la
solution nutritive présente une relation directe avec la quantité d’oxygène
consommée par les plantes, et une relation inverse de l’oxygène dissous en
elle. La température affecte également la solubilité des engrais et de la
capacité de l’absorption des racines. Les rendements diminuent lorsque la
température de la solution nutritive
augmente pendant les périodes chaudes. Et il faut chauffer la solution
nutritive qui devient trop froide dans les nuits froides de l’hiver.
Je n’ai pas l’impression que l’hydroponie
demande beaucoup d’eau chaude. Que du contraire: cette technique demande un
éclairage artificiel, et même avec un éclairage LED, qui produit peu de
chaleur, on a besoin de ventilateurs pour refroidir.
L’aquaponie
Nous avons donc deux systèmes :
l’aquaculture et l’hydroponie. Chaque système a ses contraintes. La motivation
principale pour coupler les deux systèmes est la valorisation des effluents par
l’aquaponie. En effet, les eaux de rejets et les boues (après minéralisation)
contiennent des nutriments qui peuvent être utilisés pour leur croissance par
des plantes d’intérêt commercial. Mais c’est compliqué…
Un projet de ferme urbaine en aquaponie raté dans la ceinture de rouille des Grands Lacs américains
Dans une brochure de présentation de Verdir de 2013, l’ULiège met en avant un
exemple dans le Rust Belt américain. A Pittsburgh, Milwaukee ou Détroit le
développement de formes d’agriculture nourricière sur les friches industrielles
fait partie des programmes municipaux. L’ULiège prend
exemple sur la ferme
Sweet Water Organics à Milwaukee : 80.000 poissons dans des réservoirs
surmontés par des lits de culture de laitues sur 0,75 hectare d’une friche
industrielle. Sweet Water Organics avait fait miroiter à terme une marge brute
de 200.000 US dollars par an ET la création de dizaines d’emplois peu qualifiés.
La ville de Milwaukee avait prêté 250.000 $ non remboursable si 45 emplois sont
créés pour fin 2014.
Ce système est lancé en 2009, avec 2.400
perches et 33.000 tilapias. Début 2011 déjà six employés (sur dix, en comptant les deux fondateurs) quittaient
l’entreprise à cause des salaires impayés et des critiques sur la gestion.
Compass en a interviewé quatre en 2012 qui dénoncent le climat de travail
pourri. "Ils se cachent derrière
l'idée de la durabilité pour réaliser des profits", déclarait Ryan
Bourbon, ancien biologiste de Sweet Water. "En aucun cas, les dirigeants n'ont manifesté le moindre intérêt à
améliorer les conditions de vie pour des personnes autres qu'eux-mêmes."
Les critiques portaient aussi sur le processus.
En 2012 les problèmes financiers et de gestion
s’aggravent et Sweet Water cessa sa production l'année suivante. Milwaukee ne
reverra jamais ses 250.000 $.
Théoriquement, le système aquaponique est une
boucle fermée avec un équilibre à optimaliser entre poissons, plantes et
bactéries. Trop de poissons, trop peu de plantes ou trop peu de bactéries, et
la balance de l'eau devient toxique. Selon
Hull, ancien directeur de l'horticulture, de la recherche et du développement, «on perdait des centaines de poissons par
jour». Les poissons nageaient dans leurs propres déchets, se mordant l'un à
l'autre et mourant d'asphyxie.
«Avec
15.000 tilapias dans un réservoir à système de recirculation aquaponique de 9
000 gallons, nous perdions 1.500 poissons en deux semaines…», écrit le
vétérinaire David M. Vandever. Pour faire face à des densités excessives, Sweet
Water jette des milliers de poissons.Un ex-bénévole raconte comment «les biosolides [matières fécales de poisson
et aliments non digérés] s'accumulaient jusqu'à atteindre quelques centimètres
d'épaisseur dans les lits de culture, et ont finalement dû être aspirés. Plus
d'une fois, j'ai été témoin du pompage de grandes quantités d'eau sale
provenant des aquariums dans l’égout ».
Cet échec est resté relativement caché. Encore
aujourd’hui, en faisant une recherche superficielle sur internet, sans faire
attention aux dates de publication, on peut avoir l’impression que ça reste un
exemple à suivre. Des milliers de personnes du monde entier ont été épatées
lors de visites guidées du modèle Growing Power. Et vont peut-être l’imiter, comme
Uliège le propose, estimant que Sweet Water représente une méthode de
production alimentaire commercialement viable.
D’une manière
générale, ces projets d’agriculture urbaine dans les villes en décroissance
nord-américaines font l’objet d’une forte médiatisation. Flaminia Paddeu dénonce
ça dans son livre «Sortir du mythe de la panacée. Les ambiguïtés de l’agriculture urbaine à Détroit ».
C’est donc sur cette base que la SPI+ annonce
une installation pilote en aquaponie aux Acec. Ne voulant pas être trop
négatif, en me basant sur l’échec de Milwaukee, j’ai continué mes recherches
sur l’aquaponie en milieu urbain. Et j’ai découvert des projets réussis. Nous
avons déjà mentionné Belgian Quality Fish, et son élevage d’esturgeons pour la
production de caviar. Il y a aussi l’omégabaars, un poisson présenté comme bar,
mais en fait un poisson riche en Oméga-3 suite à une alimentation ad hoc.
Le ’omégabaars’ : un poisson végétarien qui déborde d’Omega-3
Chez Aqua4C à Kruishoutem, on élève depuis 2017 l’Omegabaars, un
poisson qui déborde d’Omega-3, des acides gras dont notre corps a besoin, mais
qu’il ne peut pas produire lui-même. Stijn Van Hoestenberghe, de l’université de
Louvain, avu dans un élevage
de perches en Espagne, et ensuite dans un élevage de crevettes aux Seychelles, comment on nourrit le poisson d’élevage en capturant massivement du poisson sauvage.
Stijn a rêvé d’un poisson végétarien. Il « découvre » la perche tigre (Scortum
barcoo) dans les billabongs
d’Australie, ou plutôt dans les élevages australiens : cet omnivore se
plaît en système fermé. Mais Stijn développe une alimentation végétarienne à base de lin, blé, maïs et algue, produit par Aquafood, filiale
d’Aqua4C. Il lance un projet-pilote à l’université de Louvain, et arrive à intéresser
Aqua4C.
Aqua4C passe en dix mois de l’œuf à un poisson de 400-600 grammes. Pour un kilode poisson ils consomment 50 litres d’eau, mais en 2018 ils lancent un circuit
quasi fermé par l’aquaponie.
La chaleur résiduelle des serres de Tomato Masters chauffent l’eau des bassins.
En échange, l’eau résiduelle riche en nutriments fait pousser les tomates. Cela signifie 10 à 20 % d’engrais en moins. Grâce à des investissements et des
collaborations avec les poissonneries, les restaurants et les supermarchés
Spar, Albert Heijn et Carrefour, la production de Aqua4C passe de 100 à 150
tonnes par an. Evidemment, à cette échelle de production, on est loin des
circuits courts, comme le fait miroiter Verdir à Herstal, ou à la Ferme
Abattoir d’Anderlecht.
Paff Box
En 2012 Haïssam Jijakli, Professeur en
phytopathologie et agriculture urbaine à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), lance
son «Paff Box» (Plants And Fishing
Farming). C’est le même Jijakli fera l’étude de faisabilité du programme VERDIR
en 2013 et qui coordonne le projet européen Smart Aquaponic.
En 2013 il prononce un discours à l’occasion de l’ouverture de l’année académique : « Aquaponie est la
contraction de aquaculture et hydroponie. Les poissons vont produire des
déjections qui vont être dégradées par des bactéries et ces bactéries vont
rendre ces déjections assimilables par la plante. En contre partie, la plante
va purifier l’eau qui retourne vers les poissons. Nous sommes donc en présence
d’un écosystème a priori favorable pour le développement durable, en tout cas
pour sa partie’ pilier écologique’. Nous avons développé en spin off un système
aquaponique dans un container : au rez-de-chaussée, des poissons et dans la
serre au-dessus, des plantes. Ainsi, la PAFF box peut occuper la place de deux places
de parking. Nous avons pu montrer qu’il est possible de produire des végétaux
dans des milieux confinés convenant aux friches industrielles ; nous avons
aussi montré que le résultat est économiquement intéressant pour certaines
cultures si on les distribue en circuits courts. Enfin, nous avons aussi montré
que nous arrivons à un bilan carbone positif et qu’on peut renforcer ce bilan
si l’on adjoint des énergies vertes ou des déchets énergétiques d’autres
entreprises. Suite à ces résultats, il a été décidé d’implanter les premières
unités aquaponiques ou hydroponiques sur le lieu emblématique des Acec près de
Liège. Il nous reste encore à valider nos résultats en faisant fonctionner des
unités pilotes ».
Son laboratoire dispose depuis 2018 d’unités de recherche en aquaponie dans le
cadre du projet «Valorisation innovante
des effluents de pisciculture par la méthode aquaponique». Trois unités
identiques de type RAS - Recirculating
Aquaculture System ont été dimensionnées pour l’élevage de différentes
espèces de poissons d’eau douce tempérée ou tropicale. A l’occasion de LIEGE CREATIVE, 14.12.2018 il y a présenté un powerpoint
« L'agriculture urbaine, où en sommes-nous? »
Malheureusement pour lui, une étude de cas «A case study in the urban environment»
de Stijn Verdoodt à l’Université de Gand (en anglais, avec Haïssam Jijakli
himself comme superviseur) n’est pas si affirmative: “La PaffBox a un impact plus important surl'environnement que les alternatives, sauf pour la consommation d'eau. Le
système a des besoins élevés en électricité, et son impact environnemental est
allourdi par ses besoins en infrastructures supplémentaires comme un conteneur
por l’héberger. Le système économise efficacement l'eau grâce à la
recirculation de l'eau suite à une restriction de la production de tilapia
(note HH : le chercheur considère même l’aquaculture comme secondaire). La
PaffBox nécessite plus d'énergie que le système classique le plus impactant, ce
qui nous fait de penser que la PaffBox aura un impact substantiellement plus
important sur l'environnement ».
Et probablement encore
plus grave pour la Pfafbox, un concurrent lui a damé le pion et propose us
système similaire qu’il a déjà réussi à vendre à Anderlecht !
Efficient City Farming ?
ECF Farmsystems, basée à Berlin, s’est fait un nom avec l'ECF Containerfarm,
une unité miniature de production agricole installée dans un conteneur
maritime, avec une cuve pour l'élevage de poissons, surmontée d'une serre pour
la culture des légumes. Le système utilise les déchets et le dioxyde de carbone
produits par l'activité piscicole pour favoriser la croissance des plantes dans
la serre surmontant le conteneur. Quant à l'eau qui entre dans le système, elle
est utilisée deux fois, d'abord pour alimenter l'aquarium, ensuite pour arroser
les plantes. Au départ ECF livrait ces fermes conteneurisées avec un stock de
tilapias.
Ce système conteneurisé utilise une technologie
mise au point par l'Institut Leibniz d'écologie des eaux douces et de la
pisciculture en eau douce, le système aquaponique ASTAF-PRO (Aquaponic System for emission-free Tomato
and Fish Production).
En 2013 déjà ECF Farmsystems remporte un prix
dans la catégorie «agriculture, eau et
déchets» lors du Cleantech Open Global Forum de la Silicon Valley, en Californie.
Les initiateurs s’y prennent d’une manière très maline. Comme le tilapia
a une certaine mauvaise presse avec le film ‘Le Cauchemar de Darwin’ (Darwin's Nightmare ; un documentaire de
2004 sur la perche du Nil), ils le vendent comme « Hauptstadt Barsch », bar de la capitale. Ils
s’organisent en
coopérative et réservent leurs premières perches aux
coopérateurs qui pour 20 euros par an peuvent venir le déguster lors d’un bbq. En
fait, ce barbec, c’est toute la production annuelle. Après, la petite ferme de
conteneurs hiberne jusqu'au mois de mars. La vente de produits alimentaires
n'est pas leur modèle économique. Ils visent un système de franchise (comme à
Anderlecht).
Ils abandonnent très
vite le concept Containerfarm qui à mon avis n’est pas viable et loin d’être
optimal (il faut un certain équilibre entre aquaculture et légumes), et démarrent
en 2015 un farm plus grand sur la friche d’une malterie. Ils annoncent un
potentiel de 30 tonnes de poisson et 35 tonnes de légumes par an.
Ils trouvent 300 coopérateurs qui prennent
pratiquement toute la production de 2016, et organisent de nombreuses visites
guidées.
Les alevins sont achetés aux Pays-Bas à 0,2 g, et
sont vendus à 800 g. Ni la perche ni le basilic ont un label biologique, mais
sont vendus à des prix bien supérieurs au prix bio - 11,99 € le kilo de tilapia
et 1,99 € le pot de basilic - avec l’argument d’un cycle écologique, de
produits phytosanitaires biologiques, de production locale et de trajets de
transport courts. Le chiffre d’affaires (700.000 euros par an) permet juste de
couvrir les coûts (trois employés travaillent dans la production et neuf autres
dont les deux fondateurs, dans les bureaux et à la planification d’autres systèmes
comme Bigh à Anderlecht).
Le pilier de leur
modèle commercial est la franchise: "Ici,
dans notre ferme, nous montrons ce qui est possible. Nous avons acquis beaucoup
d'expérience que nous pouvons transmettre maintenant ». Fin 2019 la ferme urbaine sort toutes les six semaines entre 6 000 et 8000 pots de ‘basilic de la capitale’.
Toute la production est reprise par la chaîne de supermarchés REWE. Pas
spécialement un circuit court… "C’est
un pur hasard que le groupe REWE ait besoin de la quantité de basilic que nous
pouvons produire sur notre ferme". ECF livre ses poissons aussi à
REWE, à Edeka, à Metro et à Frischeparadies.
La structure de
financement est la ‘venture capital’ que je traduis pas ‘capital vautour’. Le capital de départ est un fondsde capital-risque de
son directeur général, Nicolas
Leschke : IBB Beteiligungsgesellschaft,. En 2018 la part détenue par VC
Fonds Technology Berlin, un autre fonds, détenu en partie par la ville de
Berlin, mais géré par IBB, est vendue à un groupe d'investisseurs suisses. Le
montant exact que les business angels suisses investissent dans la start-up n’a
pas été communiqué. On parle de plusieurs millions. L’objectif est de lancer de
nouveaux projets nationaux et internationaux à grande échelle.
BIGH
Ils trouvent un de leurs premiers franchisés à
Anderlecht, avec le projet Bigh (Building
Integrated GreenHouses). Le point de départ est – comme pour les Acec – un
projet immobilier. Et le concept vient d’ECF Farmsystems de Berlin
BIGH a été fondé en 2015 par Steven Beckers, architecte accrédité «Cradle-to-Cradle» et fondateur du bureau de consultance Lateral
Thinking Factory (LTFc), qui prétend introduire l’économie circulaire dans le
secteur immobilier. « A terme, nous
avons pour ambition de créer un réseau de fermes au cœur des grandes villes
européennes. A terme, la ville devient une solution tout en créant de l’emploi
et de l’insertion", annonce Steven Beckers. Il se base sur le supporttechnique d’ ECF Farmsystems:
" nous avons intégré l’expérience
acquise par notre actionnaire ECF Farmsystems ».
Fidentia Green Buildings, finance.brussels
(groupe SRIB), Talence, LTFD et ECF ont fourni la levée de fonds initiale.
Serge Vilain, le président du Comité de Direction de finance.brussels
(SRIB) : « Le projet rencontre
une série de préoccupations environnementales et sociales régionales, en lien
avec l’économie circulaire au service du
développement humain et de la qualité de vie de tous les Bruxellois C’est
pourquoi finance.brussels investit 500.000 euros sous forme mixte ».
La ferme joue aussi sur le thème de l’économie
sociale. Bigh organisera notamment des stages allant d’une semaine à un an, des
formations professionnelles, des formations en agriculture urbaine (via Atelier
Groot Eiland) destinées à des personnes en réinsertion (burnout, dépression,
etc.), et offrira du travail à des personnes handicapées (via Travie).
BIGH s’est installée sur le toit du Foodmet, la nouvelle halle alimentaire du site
Abattoir à Anderlecht, sur une surface de 4.000m2, avec un bail de 36 ans.
C’est la plus grande ferme aquaponique d’Europe. Bigh vise annuellement 35
tonnes de bars rayés, 15 tonnes de tomates, des plantes aromatiques et 120.000
barquettes de micropousses.
La Ferme Abattoir a commercialisé ses premiers
produits en mai 2018. Mais c’est un peu comme les étoiles Michelin attribuées à
un resto qui doit encore ouvrir : avant d’avoir sorti ses premières
salades, BIGH est déjà repris parmi les 10 finalistes (sur 320) du concours des
Radicale Vernieuwers 2017. Et Batibouw décerne en 2018 un BBA (BelgianBuilding Award) à Steven Beckers dans la catégorie Pioneer.
BIGH est aussi repris dans le TOP 5 des Bruxellois de l’Année 2018 dans la catégorie Économie.
Il faut prendre la promesse d‘économie
circulaire’ avec des pincettes : Bigh écoule la production dans quelques
magasins et restaurants locaux, mais des contrats sont d’ores et déjà signés
avec Carrefour et Rob.
Quant aux intrants, le géant des fruits et
légumes Greenyard fournit notamment les Grow Bags, des sacs de culture ici
destinés aux tomates. Il y a aussi Koppert Cress, Gauthier Semences, Koppert
Biological Systems, Tarkett, Derbigum.
Verdir et les subsides européens
Voilà le contexte dans lequel est lancé Verdir. Une
tricherie à Milwaukee, et un projet berlinois basé sur la vente de leurs
brevets. En 2014 le gouvernement wallon débloque deux millions d'euros dans le
cadre de la reconversion des friches industrielles à laquelle Verdir participe.
Le projet reçoit un coup d'accélérateur grâce aux fonds européens Feder
octroyés à l'ULg (59 millions d'euros + 9
millions du Fonds social européen, dont 6 millions pour Verdir). Le
vice-recteur de l'ULg était l'un des initiateurs du projet, au sein de la task
force wallonne qui a procédé à l'examen des projets.
En 2015 on annonce une première installation pilote de
production de végétaux en utilisant la technique de l'aquaponie sur l'ancien
site des Acec. Le projet voisin de chauffage urbain dû à Intradel (fonds Feder
aussi) sera couplé au projet Verdir (La
Libre Belgique 11 juin 2015).
Nous sommes fin 2019 et on ne voit toujours
rien venir. A mon avis une des raisons est la gymnastique compliquée pour aller
grappiller à gauche et à droite des fonds européens. La manne des gros fonds
pour la reconversion a été orientée vers l’Europe de l’Est. Reste une série de
petits fonds. L’Université de Liège est l’université qui en Wallonie reçoit le
plus de moyens budgétaires pour la recherche liés aux fonds FEDER. Une quarantaine de projets présentés par l’ULg ont été retenus par la Task
Force FEDER 2014-2020.
Mais le problème est de sortir quelque chose de cohérent.
Nous avons à Herstal des exemples flagrants avec cette soi-disante gare de la
Place des Demoiselles qui n’existe pas pour Infrabel, ou la maison de quartier
de Hayeneux qui ne trouve pas d’exploitant. La Ville a lancé un appel d’offres
parce que les subsides exigent un Partenariat Public Privé, mais aucun candidat
s’est présenté. Ce beau bâtiment est maintenant de temps en temps utilisé pour
des activités ponctuelles.
Pour vous donner une idée, voici un aperçu des
rateliers repris dans un document de préparation 2013 VERDIR®.
« La
réhabilitation des sites désaffectés revêt une importance majeure pour
l’aménagement du territoire et pour la mise à disposition d’espaces nouveaux
recyclés destinés à l’activité économique, culturelle et récréative voire à du
logement.
Les
inventaires wallons (SPW-DG04 et SPAQuE) évaluent qu’il existe environ 5.000
friches industrielles, sur 10.000 hectares dont 1775 hectares dans le bassin
liégeois. La Région wallonne a soutenu le réaménagement de 72 hectares par an
de 1995 à 2008.
Depuis
peu, l’agriculture urbaine devient également un modèle important de rénovation
de sites industriels abandonnés. VERDIR s’inscrit donc dans cette dynamique de
reconversion des friches via la production de matières vivantes à des fins alimentaires
et non alimentaires.
Dans le
document on retrouve même une esquisse
d’un projet VERDIR® sur le site de Chertal.
L’enveloppe
des fonds FEDER pour le développement durable du secteur agricole et forestier
et des territoires ruraux est de 55 milliards €, dont le sous-programme LEADER (
diversification des activités et la qualité de vie en zone rurale), 13
milliards € pour les pouvoirs publics et PME.
Le
sous-programme Objectif compétitivité et emploi du FONDS SOCIAL EUROPÉEN (programmes
nationaux sectoriels ou régionalisés de soutien à la création d’emplois et à
l'inclusion sociale) de 75 milliards € dont 502 millions € à destination des
PME, ASBL, Universités et autorités locales pour le sous-programme de
Développement Humain et Social dans les domaines: éducation, santé, égalité
entre les hommes et les femmes, cohésion sociale, emploi, enfance et jeunesse
et culture. LE FONDS EUROPÉEN POUR L’EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE (efficacité
énergétique et d’énergies renouvelables): 265 millions €.
LE
PROGRAMME ESPON (coopération entre instituts nationaux d'aménagement du
territoire) 47 millions € pour les universités et centres de recherche.
LE FONDS
LIFE + ( projets environnementaux
innovants) 243 millions €
LE
PROGRAMME MANAGENERGY (échange des meilleures pratiques en matière de gestion
d'énergie à destination des autorités locales).
LE
PROGRAMME ENERGÉTIQUE EUROPÉEN POUR LA RELANCE (PEER) ( sécurité
d'approvisionnement énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet
de serre) Budget de 4 milliards €
LE FONDS
EUROPÉEN POUR LA PÊCHE (développement durable du secteur européen de la pêche
et de l'aquaculture) Enveloppe de 4 millions € (voilà nos tilapia !)
LA
BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT Prêts destinés aux intermédiaires financiers
pour financer des projets dont le coût est inférieur à 25 millions d'euros dans
l’énergie, les transports, les nouvelles technologies et l’environnement.
L’enveloppe est de 40 milliards €. Investissements et garanties pour les
projets réalisés par des grandes entreprises dans les domaines cités au point
précédent : 4 milliards €
LE
PROGRAMME-CADRE À L’INNOVATION des PME des technologies de l'information, des
énergies renouvelables et le renforcement de l'efficacité énergétique.
Enveloppe de 3,62 milliards €.
LE
PROGRAMME-CADRE DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE (PCRD) 50
milliards €
Le
programme Agriculture et Biotech : subventions pour des projets de recherche
sur la production, la consommation durable de ressources biologiques grâce aux
sciences du vivant et aux biotechnologies. Enveloppe de 314 millions €
contenant notamment le Programme Coopération Energie : développement de
technologies rentables pour rendre l’économie énergétique plus durable.
Enveloppe de 382 millions €
L’EUROPE
DEVELOPMENT BANK : Prêts et garanties accordés à des projets sociaux
d’investissement pour développer les milieux urbains défavorisés et des projets
d'investissement dans l'environnement ».
Celui qui veut aller puiser dans ces fonds
doit d’une manière ou d’une autre prouver qu’il rentre dans ces différents
corsets. Or que pour réussir les véritables défis technologiques et
environnementaux il faut une grande cohérence. Tout ça ne m’inspire pas
beaucoup de confiance…
Les LED agricoles et le chauffage urbain
Feder octroie 6 millions d’€ à Verdir. On essaye
aussi de présenter comme s’il y avait des synergies entre ce projet le projet
de chauffage urbain (voir mon blog). L’année passée encore,
en 2018, on présente le chauffage urbain comme une condition essentielle du
projet Green Life et ses deux composantes (une
pépinière « Smart Box » composée de containers intelligents qui permettront la
culture durable d’aliments et le Tropical Plant Factory dédié à l’extraction de
molécules destinées aux biotechnologies : des projets rendus possibles
grâce au développement d’un réseau de chaleur).
Cela me semble du greenwashing. Une ferme
verticale à l’intérieur d’un bâtiment ou d’une serre n’a pas besoin de
chauffage urbain. L’apport artificiel de lumière, même avec la technologie LED,
produit de la chaleur qui doit même être évacuée. Les LEDs dégagent peu de
chaleur, ce qui permet de positionner les plantes quasi collées à la lampe (10 à 15 cm). Mais ce peu de chaleur doit être
évacué. Et la led horticole ne réduirait
que 50% de la consommation énergétique.
Verdir les friches ? Une friche créée de toute pièce !
Je veux bien que « la réhabilitation des sites désaffectés revêt une importance
majeure pour l’aménagement du territoire et pour la mise à disposition
d’espaces nouveaux recyclés destinés à l’activité économique, culturelle et
récréative voire à du logement ».
Mais la soi-disante friche qui est censé accueillir
Verdir a été créé de toutes pièces, en forçant Inductotherm à déménager aux
Hauts Sarts. Les justifications écologiques du projet
‘Verdir’ me semblent faibles. Le réchauffement climatique est un enjeu trop
sérieux pour l’instrumentaliser dans un projet de promotion immobilière très
opaque. Il serait temps de passer aux choses sérieuses.
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