Notre Société Régionale de Logement de Herstal – dans la novlangue SOCIÉTÉ DE LOGEMENT DE SERVICE PUBLIC - a engagé début 2017 le bureau d’études Espace Environnement et le bureau d’architectes FHW pour étudier les perspectives pour les 4 buildings avec 64 logements de l’Avenue de Brouckère. Sur cette base le Conseil d’administration a validé un plan masse, avec la démolition de deux blocs de 32 appartements, et le remplacement par un nouveau bâtiment qui fermerait la rue Vinck au milieu. Les budgets estimés (20,3 millions au total) sont de 7,4 pour la démolition- reconstruction (+2,1 pour les commerces au rez) et 4,9 pour la rénovation des autres deux blocs. 7,4 pour la démolition- reconstruction et 4,9 pour la rénovation. Et pourtant, on dit partout que rénover est plus cher.
En plus, avec ce projet,
c’est 32 logements en moins pour le parc de logements sociaux. Une perte qui
n’existe pas pour ceux qui parlent la novlangue: pour la
SRL la nouvelle construction avec 40 unités de logement a des fonctions
publiques et sociales. Même s’ils sont de type ‘transitoire’. En partenariat par exemple avec la clinique André
Renard (qui, notons-le, a été impliqué depuis le début dans le projet). Aujourd’hui un logement, peu importe son
statut, est compté dans les logements ‘publics’
La direction de la SRL
a reçu comme mission de réfléchir sur le financement et de prendre contact avec
des partenaires potentiels, autrement dit des partenariats public-privé. Des
partenariats où le privé arrive à mettre la main sur une partie de la réserve
foncière de notre société de logement.
Ceci dit, rien n’est
encore fait. C’est la SRL même qui le dit : «une consultation publique est prématurée puisqu’aucune décision quant à
la suite concrète à donner à cette étude n’a été prise».
Aussi longtemps que la
démolition n’ait commencé on peut réfléchir à des alternatives. D’autant plus
que les premiers concernés, les locataires et les habitants de la Préalle n’ont
pas été impliqués. Pourtant les consultants d’Espace Environnement étaient
spécialisés dans la sensibilisation, concertation & soutien à la
participation et la mise en réseau d’acteurs.
Démolition-reconstruction : la seule piste ?
Chemetov contre la démolition d'un bâtiment qu'il a conçu |
En étudiant un peu cette
démolition-reconstruction je me rends compte qu’en France notamment des
grands architectes comme Paul Chemetov s’opposent à la destruction des grands ensembles des
années 70-80: « Quand
vous travaillez à concevoir un habitat collectif, vous ne pouvez pas connaître
les futurs habitants mais il faut vous en inquiéter. Il faut regarder avec
bienveillance les mœurs, leur évolution, voir comment vos bâtiments sont
habités, aller quelques fois dans les réunions de locataires, entendre des
inepties et des remarques très profondes. Une maison, un bâti quelconque, selon
la façon dont on le construit aujourd’hui, va durer cent ans. On ne peut donc
pas se projeter cent ans en avant… Il faut tendanciellement rendre les maisons transformables, réparables, perfectibles. Freud disait que la réparation est
gratifiante. Nous sommes tous angoissés par la fin, la mort des maisons et
notre propre mort. Les maisons se fissurent et nous nous ridons. Un jour, elles
tombent et nous tombons. La réparation est une activité mentalement réparatrice ».
Et dans ce combat ces architectes développent
des alternatives intéressantes. On peut, selon Chemetov, « modifier
des distributions, des intérieurs, des séparations, sans forcément tout casser».
Une mouvance forte préconise l’abandon la
démolition-reconstruction pour une requalification des logements; et cela
autant pour des raisons écologiques, sociologiques et justice sociale. Une
série d’architectes signent en 2006 un appel «Que démolit-on ? Et qui démolit-on ?» La
Confédération nationale du logement (CNL) est partie prenante du Comité
anti-démolition. Jean-Pierre Giaciomo, son président, veut donner les moyens
aux habitants pour commander leurs propres études, tout comme les comités
d'entreprise peuvent faire réaliser des audits.
L’offre et la demande ou l’augmentation des loyers…
En France le bilan global de cette stratégie
démolition-reconstruction est une diminution du nombre de logements sociaux.
Avec comme conséquence un doublement deloyers au cours des vingt dernières années, dans le parc locatif privé, et une augmentation
de 50% dans le parc locatif social. Entre autres à cause des démolitions
HLM. Exactement comme chez nous, où le
nombre de logements de nos sociétés de logement a diminué, par des démolitions
sans reconstruction, comme à Droixhe, ou par la vente des logements dont la
rénovation est estimée trop onéreuse.
Une piste intéressante : la résidentialisation.
Une des pistes développées par les urbanistes
français est la résidentialisation. La requalification ne saurait se limiter à
l’immeuble (logement, parties communes), mais doit englober aussi les abords
immédiats (pieds d’immeubles, parkings etc). Elle consiste à organiser la hiérarchisation des
parties publiques : les privatiser partiellement, pour en permettre un meilleur
contrôle et une appropriation limitée par les ayants droit, tout en
requalifiant l’image de la résidence. Il faut redonner sens à ces espaces
intermédiaires.
Philippe Panerai (grand prix de l’urbanisme 1999) propose de redéfinir la domanialité, parce que c’est redéfinir les responsabilités. Il préconise une
appropriation individuelle, familiale ou une appropriation collective des
parties communes. Il veut revenir à des échelles plus familières (du quartier à
la cage d’escalier), plus faciles à gérer et de fait plus propices à une
appropriation par les habitants.
Dans son livre "(re)habiliter » l’urbaniste Christian Moley a fait le
bilan d’une panoplie de techniques comme la façade épaisse (créer des extensions
en bande continu ou des extensions de
logement sur le pignon permet en plus de résoudre en partie le problème
des ponts thermiques des terrasses, en contact avec les températures
extérieures). Une surélévation ou
exhaussement permet d’amortir une rénovation sur un plus grand nombre de
logements : chapeauter, coiffer ou couronner.
On peut couvrir cette façade épaisse ou cette
couronne par des panneaux solaires.
Il analyse les enjeux paradoxaux des halls
d’entrée et des pieds d’immeubles ou il préconise de conjuguer la transition et
la résidentialisation, y compris l’organisation du stationnement. Extraire les
circulations et supprimer, maintenir ou créer des coursives.
D’autres développent dans le cadre de la
résidentialisation des solutions intéressantes d’extension aux logements exigus
par la création de prolongements de logis : balcons, loggias, jardins
privatifs, garages …
En faisant des habitants les acteurs centraux
du processus (trouver la bonne solution architecturale avec l’habitant), les
opérateurs de la résidentialisation élèvent l’estime personnelle des résidents
et augmentent de fait leur adhésion au projet. Mobiliser les habitants sur
l’amélioration de leur vie quotidienne et collective crée entre eux des
réflexes de solidarité et un sentiment de responsabilité à l’égard des espaces
communs. Ainsi la résidentialisation contribuerait à produire des formes de
régulation sociale : sécurisation, usages des espaces collectifs, « civilité »
(entretien, tranquillité, intégrité des lieux), relations de voisinage…
Si le terme de « résidentialisation » est récent, l’urbaniste soixante-huitarde
Jane Jacobs a déjà travaillé pas mal sur cette séparation entre l’espace privé et public. Evidemment, même la meilleure théorie peut être pervertie : Mme
Tatcher a récupéré la critique sur « les
espaces issus de l’utopie de Le Corbusier ». A partir des corrélations établis par Alice Coleman entre
défaut d’entretien, caractéristiques des espaces, etc., et les différents
niveaux de criminalité dans 4.100 blocs de logements sociaux à Londres, la
Grande Bretagne codifia en 1990 l’espace défendable avec le label Secured by
Design (SBD).
Un exemple positif d’espaces partages-semi-partagés: Liers et ses terrasses privatives et zones semi-publiques.
Cette résidentialisation, c’est un peu ce
qu’on a fait à Liers, dans la nouvelle cité inaugurée en mars 2019 par notre SRL, rue
de la Digue et de la Sucrerie. Evidemment, on n’est pas ici dans une rénovation.
Les architectes de Pierre Maes & associés
et Contrast Architecture ont mêlé habilement terrasses et jardins privatives et zones semi-publiques.
Bien que groupées, les terrasses privatives et les zones semi-publiquesalternent avec bonheur. Tous les espaces communs sont ouverts, l’accès aux
logements se fait par des escaliers en extérieur. Un pari sur un équilibre
subtil entre intimité et convivialité. Nous préconisons d’appliquer cette
approche « espace
partages-semi-partagés » à la rénovation des quatre blocs de l’Avenue
de Brouckère.
Un exemple négatif : Avenue de Brouckère
La situation actuelle dans les buildings du
Brouckère est exactement le contraire d’une résidentialisation. Ca commence
avec les portes d’entrée. Certains n’aiment pas des portes fermées et font tout
pour qu’elles restent ouvertes. Mais est-ce une solution de les enlever ?
Il y a pour commencer le froid qui rentre par le hall d’escalier. Les portes
intérieures ne sont pas isolées. Et il n’y a qu’un foyer au gaz par appart.
Tout ça ne facilite pas une cohabitation harmonieuse.
Un petit détail : à l’arrière il y a
toujours des fils à linge. Et il y a même des locataires qui risquent de sécher
leur linge dans cet espace ouverte à tous. Na saurait-on réserver cet espace
aux locataires ?
Les rez de chaussée sont actuellement mis à
disposition d’une série d’associations (bibliothèque, Régie des quartiers
etc.). Autant de logements perdus. Et tout ça avec l’argument que personne
n’est intéressé à habiter au rez vu les multiples nuisances. Ces problèmes ne
sont évidemment pas spécifiques pour ces bâtiments de la place Brouckère. La
SRL invoque les mêmes arguments pour réserver le rez de chaussée des ses
nouveaux bâtiments, comme celui de la rue E. Dumonceau, à des commerces. Et
tout ça dans une ville où des centaines de cellules commerciales sont
vides ?
Pour ce genre de problèmes aussi la
résidentialisation ouvre des pistes, avec des terrasses réservées aux
locataires, et des espaces parkings servant comme zone-tampon.
On pourrait évidemment commencer par
l’installation d’un système performant de parlophone, voir un contrôle digital
(littéralement : par empreinte digitale) des entrées, comme la SRL en a
installé d’ailleurs dans les blocs dit « 4 fois 20 ».
Mais même sans ces avancées technologiques, il
y a des solutions. Il y a quelques mois, j’ai visité, avec une équipe d’une
société de logement allemande, la
cité de l’Avenue de l'Europe à Fléron et la Cité de
Moulin à Glain. Les cages d’escalier (et les pelouses tout autour) étaient dans
un état de propreté tel que mes amis allemands en étaient surpris.
Une autre piste est de reporter la cage
d’escalier, voire les portes d’entrée, à l’extérieur du bâtiment. Ce qui permet
un contrôle social sur ce qui s’y passe. C’est d’ailleurs ce qui est appliqué
pour les nouveaux bâtiments de la SRL pour le bâtiment Place des Demoiselles et
dans la rue Elisa Demonceau. On pourrait d’ailleurs combiner cette solution,
dans le cadre d’une rénovation, avec des ascenseurs extérieurs et des coursives
extérieures
Bilan de gaz à
effet de serre global d’une opération
Il y a le bilan
financier d’une démolition-reconstruction par rapport à une rénovation. Nous
avons vu que pour l’Avenue de Brouckère une rénovation est moitié prix. On doit
aussi faire le bilan écologique .
Inter-Environnement Bruxelles(IEB) a par exemple demandé au bureau d’étude ECORES de calculer une
démolition/reconstruction par rapport à une rénovation, à partir de quelques projets récents : Trebel, la tour de logement « UP-site » sur les
anciens entrepôts Delhaize, et les trois tours «Victor» en lieu et place d’une
partie d’îlot jusqu’alors occupée par un mélange de bureaux, d’entrepôts et de
logements.
ECORES a calculé l’énergie
nécessaire pour construire puis démolir les bâtiments existants ajoutée à celle
qu’il faut encore dépenser pour la construction des nouveaux bâtiments.
Autrement dit : le bilan de gaz à effet de serre global est la balance entre
cette énergie qualifiée de grise et l’amélioration des performances
énergétiques du nouveau bâtiment.
Pour UP-site, la
destruction des entrepôts Delhaize coûte 10.000 tonnes équivalent CO2. Si l’on
y ajoute la construction du complexe de bureaux et de logements, on arrive à
environ 28.000 tonnes.
Pour le projet Trebel,
il faudra attendre 48 années d’exploitation pour récupérer la gabegie
énergétique que constitue la démolition du bâtiment existant et la construction
du nouveau bâtiment. Pour le projet Victor, ce n’est qu’au terme de 88 années
d’exploitation que la balance de gaz à effet de serre sera équilibrée. Le
projet aura émis au bout de 20 ans d’exploitation près du triple en CO2 de ce
qu’aurait émis le bâti existant s’il avait été rénové. La démolition des
bâtiments existants aura généré près de 24.000 tonnes de déchets; l’alternative
visant à rénover le bâti existant aurait permis un équilibre CO2 en moins de 15
ans. Notons également que le marché du bureau étant largement saturé, si les
tours trouvent des locataires, ceux-ci videront 100 000 m² de bureau ailleurs
dans la région, augmentant le « passif CO2 » du projet de quelque 25 000 tonnes
d’équivalent CO2
Lire l’étude complète
« Démolition/reconstruction à Bruxelles – Quel est le bilan CO2 ? », ECORES,
IEB, AQL, à paraître sur www.ieb.be
Stigmatiser le bâti existant = stigmatiser ses habitants ?
Ce qui est habitable doit être habité et, le
cas échéant, réparé. Il faut aussi prendre en compte les formes sociales
existantes qu’il est tout aussi important de préserver. Stigmatiser le bâti existant, n’est-ce pas
quelque part stigmatiser aussi ses
habitants ?
Concernant le plan-masse Brouckère, on a
l’impression que l’on veut casser ainsi l’image du cœur de la cité, et changer ainsi
complètement son caractère. Dans les années 20 les cités avaient toutes un
surnom péjoratif. Comme notre historien local –pour le reste très méritant -
Collart-Sacré qui écrit en 1929
dans son chapitre «Maisons ouvrières
(Avenue des -) : cette artère
qui se décore si prétentieusement du titre d'avenue fut taillée en pleins
champs par la Société coopérative des habitations à bon marché de Herstal et
des communes environnantes. Nous ne doutons pas que la Société se soit
inspirée des grands principes d’urbanisme touchant l’hygiène, la salubrité, le
confort, mais il reste indiscutable que ses architectes n’ont guère manifesté
l’amour de l’esthétique. Toutes ces maisons tristement alignées, trahissent
trop leur fabrication en série, bon marché, toutes sont tristes, sombres,
refusant à leur banalité le moindre cachet de gaieté » (La libre Seigneurerie de Herstal , p 504).
Pour la petite histoire : dans les années
50 on donna son nom à la rue qui relie la rue
Hubert Defawes à la rue Emile Vinck. Seulement une erreur s'est glissée sur la
plaque, Collart est devenu Collard. Lui, qui dans son livre, signale souvent
les déviations dans l'attribution des noms de rue, voila que cela lui arrive…
J’ai l’impression qu’avec ce plan-masse on
cherche à casser cette image négative que les cités avaient à l’époque.
Pourtant, la cité des Monts a
énormément évoluée, depuis la première cité de 1928 et la construction de la 2ième
phase dans les années 50 (les bâtiments
en briques jaunes, faites avec de l’argent CECA, afin de remédier au scandale
du logement des mineurs immigrés logés dans des baraques).
La dénomination des
rues a évolué avec la Cité. Les urbanistes du premier noyau ont mis la seule place
(place Hubert Sacré) à l’extérieur de leur cité (en vue d’une extension?). Il y avait une Avenue: celle des Maisons
Ouvrières, qui aurait dû aboutir dans la rue Muraille.
Les urbanistes des
années 50 ont déclassé l’Avenue des Maisons Ouvrières, et créé l’Avenue de Brouckère, que tout le monde
appelle aujourd’hui ‘place’, ce
qu’elle n’est pas avec ces deux voies séparées par un terre-plein central. Les croisements
avec les voies qui débouchent sur la place sont surdimensionnés. Et finalement,
la place a perdu son rôle de place, avec l’axe de gravité qui s’est déplacé sur
la rue Emile Muraille. Aujourd’hui le
quartier des Monts, c’est aussi les nouveaux lotissements du Coq Mosan, de la
rue Muraille et du Bure Crévecoeur, qui ont doublé le nombre d’habitants.
La Cité n’est pas de
l’architecture de haut niveau, mais elle a des charmes et il y a un concept
derrière. Cela ne vaut-il pas la peine de sauvegarder l’unité architecturale de
cette cité? L’Avenue de Brouckère mériterait d’être
réaménagée en Place, un espace semi-partagé où les locataires sont le point de
gravité.
Un retour aux
sources : la coursive ?
En France l’‘école anti-démolition’ – si je peux l’appeler ainsi- développe
parfois des solutions innovantes; ou
dois-je parler d’un retour aux sources ? C’est ainsi qu’elle revisite la coursive extérieure associée à des images négatives héritées de longue date. Apparue
d'abord dans les prisons ou les casernes, elle gagne l'habitat ouvrier au XIXe
siècle dans les opérations spéculatives des faubourgs. Alors que l'habitat
social anglais l'adopte souvent, la production française ne la réserve qu'aux réalisations
pour les catégories les plus modestes. Il y a eu la "rue-galerie" de Fourier. La
coursive avait été l'un des emblèmes d’une architecture "de signature »
(la "promenade architecturale" et la "rue en l'air" de Le
Corbusier). Parmi les réalisations les plus connues, citons Jean Nouvel à Nîmes
(Nemausus) ou encore Bernard Paurd à
Vitry. Aujourd’hui elle s'avère
rationnelle, assurant une bonne intimité
entre pièces habitables et circulation commune.
Ceci dit : je ne veux pas me braquer sur
une technique spécifique : les vertus communautaires de la coursive sont
aujourd'hui relativisées par Paul Chemetov, qui avait été l'un des tenants de
cette conception.
Greffer balcons, terrasses ou vérandas sur la façade
Une rénovation suppose de transformer tous les
plans intérieurs des appartements. Ajourd’hui on veut des séjours-cuisine de 30 mètres carrés. La
dalle centrale, autrefois entrée des immeubles puis lieu de trafics, devient un
jardin clos pour la copropriété.
Nantes Tetrarc |
A Nantes, l'agence Tetrarc a imaginé un
système de passerelles en bois destiné à desservir les appartements par
l'extérieur. Cette variante sur la coursive offre aussi d’autres avantages.
"Les habitants s'en servent aussi
comme lieux de vie. L'été, ils y organisent de grands dîners", se
réjouit son architecte, Daniel Caud. Le duo Beckmann-N'Thépé a transformé à la
ZAC Masséna, à Paris, des terrasses en jardins collectifs. Là on joue sur la
contradiction espace privé-partage.
https://www.lexpress.fr/culture/art/hlm-la-nouvelle-vague_987393.html Les architectes greffent sur la façade
balcons, terrasses ou vérandas. A la tour Bois-le-Prêtre, Lacaton & Vassal
a doté chaque appartement d'un jardin d'hiver qui peut s'ouvrir et se fermer
selon les saisons.
«
Nemausus », logements sociaux de l’architecte Jean Nouvel
L’argument environnemental
On justifie parfois la démolition par la
difficulté de mettre les bâtiments existants aux normes d’isolation. Je ne veux
surtout pas minimiser la condensation qui se produit sur les points froids, et
favorise la prolifération des moisissures. Dans un logement correctement
ventilé, l’humidité relative devrait se situer autour de 50 %. Pour éviter les
condensations, aucune surface intérieure ne doit être à une température
inférieure à 12°C (qui correspond au point de rosée* pour ce niveau
d'hygrométrie). Chaque plancher intermédiaire
peut constituer un pont thermique.
Mais l’ajout d’extensions chauffées, de jardins d’hiver et de balcons, permet justement de réduire passivement la
consommation des énergies. L’architecte Frédéric Druot a réussi réduire cette
consommation de 50%, par l’adjonction de jardins d’hiver à la Tour Bois le
Prêtre, une tour de 100
logements construite en 1962.
Un autre architecte Edouard
François a même imaginé une "tour de la biodiversité", à la ZAC Masséna,
à Paris, en forme de jardin suspendu, rempli d'espèces végétales rares. Leurs
graines, au gré des vents, devraient venir "réensemencer" la
capitale. J’admets qu’on est ici probablement dans la folklorique, mais il faut
parfois oser rêver…
L’argument patrimonial
On a pendant des années montré du doigt
l’architecture et l’urbanisme pour des problèmes qui étaient avant tout
sociétaux. Et dans la foulée on a aussi créé un mépris pour cet urbanisme qui a
une grande valeur patrimoniale.
C’est ainsi qu’en 2002, on a envisagé la
démolition d’un ensemble en trois îlots à Villetaneuse, dus à l'architecte Jean Renaudie, un des meilleurs spécialistes du logement social du XXe siècle en France.
Avec son concept de « cités en étoiles
» il avait cassé l’angle droit et dynamisé l’espace en introduisant la
diagonale et la tangente, contre l’effet « cage
à lapins ». De l'extérieur, on voit des pointes et des arêtes, une sorte de
variation sur l'étoile qui n'a rien à voir avec une barre. Ses bâtiments sont
un foisonnement de terrasses et de jardins privatifs, avec une diversité des
plans des appartements. Renaudie est mort en 1981, avant d'achever cet
ensemble.
La communauté d'agglomération a voulu garderles immeubles, malgré certains défauts. Lorsque l’architecte Emmanuelle Patte retrouve
les plans de Renaudie elle constate que quantités d'espaces «tampons», des
petites pointes, des serres avaient été transformés en surfaces dites
«habitables» après sa mort. D’autre part, des appartements trop mal fichus
n'avaient jamais été occupés.
L’œuvre de Renaudie fait l’objet en 2009 d’un programme de réhabilitation. La
démarche architecturale de rattrapage consiste à supprimer des pointes pour
recréer des pièces d'une forme normale, à transformer certains de ces réduits
en resserre à outils pour les terrasses. Et surtout, à transformer tous les
plans intérieurs des appartements. L'architecte donne des terrasses au sud
quand l'appartement est au nord, fait des séjours-cuisine de 30 mètres carrés
minimum. La Ville recrée de vraies rues là où des sentiers passaient derrière
le pâté de maisons. La dalle centrale, autrefois entrée des immeubles puis lieu
de trafics, devient un jardin clos pour la copropriété.
Malheureusement, cette démarche n’aboutit pas
toujours. A Pierrefitte, la mairie a demandé la destruction de la Cité des
Poètes, achevée en 1983, après avoir soutenu une réhabilitation. Son
argument : «s'il n'y a pas de démolition, il n'y a pas de crédits». Le
maire évoque aussi qu’avec les terrasses qui y sont la règle, et les niveaux
variés, le tout a plutôt un air balnéaire que banlieusard. L’architecture novatrice de l’« écolegradins-jardins » aménage les logements en duplex et triplex à l’intérieur
d’une structure pyramidale, avec chacun une terrasse cultivable avec un traitement
naturel de l’eau de pluie. L’espace se veut propice à la convivialité, au
niveau de la desserte des logements, avec une grande halle couverte par une
verrière ; l’aménagement extérieur s’effectue autour de deux cours piétonnes où
sont installés quelques commerces ou des équipements de proximité. Déjà au
départ , en 1981,le chantier avait été suspendu pendant un an ; sa
livraison ne se fera qu’en 1994. Avant même l’achèvement de la construction,
l’état de l’édifice souffre de dégradations. La mixité sociale particulièrement
faible dès l’attribution des logements, s’est encore amoindrie au cours des
deux décennies suivantes. Cependant, les habitants expriment en 2004 leur
contestation face à la perspective de démolition, à travers une pétition signée
par 811 locataires, soit la quasi-totalité d’entre eux avant leur dispersion
qui sera préalable aux travaux.
«Ils
traitent le quartier des Poètes comme si c'était l'énième barre de La
Courneuve, alors que c'est quasiment de l'utopie réalisée», s'insurge
l'architecte Renée Gailhoustet.
Voilà une série d'arguments pour réévaluer la démolition-reconstruction de l'Avenue de Brouckère. Je ne prétends pas que c'est l'évangile. Mais ça pourrait contribuer à lancer la discussion et la consultation des habitants de notre cité....
Sources
https://umrausser.hypotheses.org/5482
« (Ré)concilier architecture et réhabilitation de l’habitat » / Christian
Moley ; Paris, éditions du Moniteur, mars 2017
Une réflexion théorique et pratique sur la
place de l’architecture dans la requalification de l’habitat collectif avec une
analyse détaillée d’environ 200 opérations parmi les plus marquantes. Centré
principalement sur l’habitat des Trente Glorieuses (1946-1975), ce bilan
critique explique l’évolution du contexte favorable à la requalification des
logementset propose une étude comparative de réalisations aux qualités
architecturales reconnues, classées par type et niveau d’interventions − de
l’immeuble (logement, parties communes) aux abords immédiats (pieds
d’immeubles, résidentialisation) jusqu’à l’aménagement urbain dans le cas
d’extensions neuves ;
Elle offre des outils opérationnels au regard
des enjeux visés (agrandissement de logements, création d’annexes extérieures
privatives, diversification de l’offre, mixité de l’habitat, etc.)
La résidentialisation a été longuement étudiée
par trois architectes, Anne Lacaton, Jean-Yves Vassal et Frédéric Druot, https://issuu.com/marinegerbet/docs/memoire_de_recherche mais leur travail, https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/anne-lacaton-jean-philippe-vassal-et-frederic-druot-paris-france est resté assez confidentiel.
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