samedi 2 juin 2018

Réhabilitation de Droixhe : une catastrophe pour le logement social. De 1.250 logements en moins!


Les élections communales sont pour moi l’occasion de faire un peu le bilan des grands projets d’urbanisme à Liège. Voici le deuxième: Droixhe. Ca aurait dû être l’un des grands projets immobiliers de la législature. « Et au final, c’est un gros gâchis! ». Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Christine Defraigne.
Droixhe est d’abord une catastrophe point de vue pertes pour le logement social. On est passé en quelques années de 1.850 à 600 logements! La seule chose qui me différencie de Defraigne, c’est qu’elle aurait TOUT rasé…
C’est aussi une perte inestimable pour le patrimoine immobilier. Et c’est à Droixhe que la stratégie de Partenariats Public Privé (PPP) a touché le fond. Non seulement aucun investisseur privé s’est pointé ; ceux-ci ont eu le culot de demander d’être payé pour une remise de prix !
Une rénovation selon des stratégies différenciés’
La saga de Droixhe commence en 1995 avec le bureau d’études français PROJENOR qui subdivise le quartier en différents secteurs ‘à rénover selon des stratégies différenciés’. En fait, on découpé la proie en morceaux plus digestes pour le privé. En vain : ces ogres ne montrent pas d’appétit…
Après Projenor, la Région wallonne constitue en 1999 la société coopérative Atlas, avec un conseil d’administration proportionnel PS, PSC, PRL et Écolo. Atlas va chercher le consultant Roland CASTRO qui propose de «dédensifier par écrêtage ».  En 2001  la Société wallonne du logement rend un avis négatif sur le budget de 2,1 milliards pour le projet Castro-Droixhe. Exit Castro, mais ses conseils (chers) ont été le prétexte pour raser encore 256 logements!

Alain Rosenoer : on manque cruellement d’une culture de partenariat privé-public.

A la même époque le ministre wallon du Logement Michel Daerden visite à Bordeaux un projet visant à raser les bâtiments ‘ghettos’. Dans la foulée de cette visite, son chef cab Alain Rosenoer, aujourd’hui toujours Directeur général de la Société Wallonne du Logement, note qu’on manque cruellement d’une culture de partenariat privé-public.
En 2006, la SA Atlas est mise en liquidation. L'échevine du Logement de la Ville de Liège, Maggy Yerna lance un nouveau plan qui favorise la mixité de fonction, d'habitat et générationnelle.
Je suis pour la mixité, comme elle existe par exemple en Hollande où à Vienne ou 30 à 40% de l’habitat est public. Mais si la mixité revient à démolir du logement social pour reconstruire pour des revenus moyens, c’est njet.

La Filiale Immobilière Publique (FIP)

Tous les opérateurs publics impliqués (Maison Liégeoise, Régie communale autonome et l'Institut des Personnes âgées de Liège - IPAL) se retrouvent dans la Filiale Immobilière Publique (FIP). L’opération est budgétisée à 171 millions d'euros, mais le budget n’est débloqué qu’en 2008. La Maison Liégeoise cède via un bail emphytéotique ses droits de propriété sur le site à la FIP, qui hérite également des 27,7 millions d'euros restant dû depuis… la construction du site (en 2017 “Today in Liège” dévoile que cet amortissement de bâtiments qui n’existent pluscoûte à  la FIP chaque année 1,5 million d’euros).
La FIP est donc en état de faire un appel à projet européen en 2008. Mais quatre ans plus tard, en mars 2012, à l’occasion du salon du Mipim, la FIP doit faire un constat d’échec : les 200 millions d'€ ne suffisent pas à ferrer les promoteurs privés. A la place des tours démolies nous retrouvons un vaste terrain vague tandis que les trois tours restantes restent désespérément vides.
Les pouvoirs publics s'apprêtent donc à investir en solo : 120 logements (15 millions d'€) et une maison de repos de 135 lits (22 millions d'€) ainsi que dans les premiers étages de chacune des deux tours 50 lits de résidence service. Nos édiles jonglent ici avec la novlangue : ils ont remplacé le terme ‘logement social’ par  logement public’. Une maison de repos ou une résidence service est dorénavant compté comme logement public. Loin de nous d’en nier l’utilité sociale, mais ces projets ne devraient pas servir à cacher le démantèlement du logement social.

Défrayer les candidats non retenus mais dont le dossier était correctement constitué ?

Chez Maggy Yerna  aucune autocritique sur la stratégie PPP : «Nous lancerons la construction de ces deux projets en espérant que le privé suivra en investissant dans le reste des tours ». Willy Demeyer rechérit dans le même sens: «il faut voir si le cahier des charges n’est pas trop contraignant pour le partenaire privé. Lui demander, par exemple, de louer des logements n’est sans doute pas pertinent ». Denis Bosson, directeur commercial chez le promoteur Franki avance ‘une piste de solution’ : le maître d’ouvrage, le pouvoir public, doit comme en France, prévoir un budget pour défrayer les candidats non retenus mais dont le dossier était correctement constitué…
Après le scrutin électoral de 2012 Pierre Gilissen (MR) et de Bénédicte Heindrichs (Ecolo), administrateurs de la Filiale immobilière publique et de la Maison liégeoise, demandent de retourner devant le Conseil communal afin d'obtenir un nouveau mandat, débat refusé par l'échevine en charge du Logement Maggy Yerna qui a désormais également en charge l'Aménagement du territoire. En 2014 Castagnetti commence la démolition de trois tours.
En janvier 2017, la construction de 108 logements publics au carrefour de la rue Ernest Marneffe et des avenues de Nancy et de la Croix-Rouge est confié à Wust-Moury pour un montant de près de 12,7 millions. L’ensemble devrait être finalisé pour 2020. Ces résidences services et maisons de repos ne sont même pas un plus, mais un simple transfert.
Et  après ? 
Yerna et Demeyer espèrent envers et contre tout de trouver des investisseurs pour reconstruire le quartier, plus loin dans l’avenue de la Croix-Rouge, mais aussi vers l’îlot compris entre la place Louis de Geer et la rue Hector-Chainaye.

Un objectif de 20% de logement social en Wallonie

Face à la crise du logement, il faut se donner des moyens d'arriver à l’objectif de 20% de logement social en Wallonie. La Société Wallonne du Logement est surendetté, et la situation de la Maison liégeoise est encore plus dramatique, surtout après la déche de Droixhe. Le 30 juin 2011, la Maison Liégeoise était dans le top quatre des sociétés déficitaires du SWL : moins 35 millions. Pourquoi ne pas loger la dette historique des SLSP, à commencer par celle de   la Maison liégeoise, dans un ‘bad bank’, et affecter à l’amortissement de ce boulet une taxe sur les maisons abandonnées ou par une taxe sur les bureaux qui ne respectent pas une mixité fonctionnelle ?

Post Scriptum : Droixhe le plus bel exemple urbanisme moderniste

On ne saurait omettre la valeur patrimoniale de Droixhe, en bonne partie irrémédiablement perdue. Daniel Dethier, un des architectes responsables pour la rénovation des six immeubles le long de la Meuse signale, à juste titre, que « la Cité de Droixhe constitue, en Belgique, le plus bel exemple d’application de la pensée moderniste – et particulièrement des CIAM (congrès internationaux d'architecture moderne ) au logement social. Alors que la Région manque de logements, 1550 appartements sont démolis au prix fort alors que la Ville de Liège doit encore payer l’édification des immeubles jusqu’en 2037» (ndlr les 1550 sont le chiffre actualisé des logements perdus). Le plan-masse a été conçu suivant un principe de rationalisation de l'espace utile : le complexe est divisé en unités de voisinage (2000 logements), elles-mêmes composées d'unités d'habitation (500 logements). Séparation des fonctions, sécurité, hygiène et confort président à l'élaboration du projet ».
Pierre Frankignoulle de l’association « Homme et Ville »  a animé pendant sept ans une cellule d’accompagnement sociologique de Droixhe, en collaboration avec Daniel Dethier. Selon lui,  « Droixhe est inspiré de la Charte d’Athènes et du CORBUSIER : 75% des 18 hectares non bâtie ; présence d’équipements collectifs; 100% de salles de bains alors que le logement privé de l'époque n'en offrait que 7% en Belgique (en 1947). L’architecture des lieux est souvent montrée du doigt : mais n’est-il pas réducteur de focaliser sur ce seul paramètre ? ».
Quand la préservation du patrimoine rejoint un besoin social urgent…  
 http://hachhachhh.blogspot.com/2013/12/

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