vendredi 8 décembre 2017

Le patrimoine minier de la Chartreuse: la galerie minière

photo Claude Defourny
Le  site de la Chartreuse recèle aussi un important patrimoine minier. Michel Dethier du Club de Recherche Spéléo Ourthe Amblève a publié en 2006 un travail très pointu sur “La galerie minière de la Chartreuse“, dans le Bulletin du Vieux-Liège de juin 2006.  Si le collectif « Un air de Chartreuse » a pu mobiliser si largement contre des promoteurs immobiliers qui n’ont rien à cirer de notre patrimoine, c’est grâce au travail de sensibilisation des gens comme M. Dethier. La Chartreuse est classée dans son ensemble en 1991 pour son intérêt patrimonial et environnemental. Là-dedans il y a le Tunnel ou galerie minière, qui va jusqu'en dessous du cimetière de Robermont. Elle a permis l'exploitation des veines de houille qui furent cependant l'objet d'activités d'extraction depuis 1356 (au moins) : l’abbesse de Robermont octroya, à diverses personnes, une veine de houille dite ‘del tombéal’ qui se trouvait sur ses terres.

1800 la concession de la Chartreuse

Sous l’Ancien Regime, le sous-sol appartenait au propriétaire du sol. La Révolution Française change la règle : le sous-sol appartient à la nation. Tous les exploitants doivent alors demander une concession. Un arrêté de M. Desmousseaux, prefèt de l’Ourthe, du 13 avril 1801, octroie la concession de la Chartreuse au citoyen Barthélémy-Alphonse Lecoulteux-Canteleu, pour 50 ans, de toutes les mines dans une surface de 12 km2.
C’est une superficie énorme pour l’époque. Le père Lecoulteux-Canteleu avait été un  proche  de Napoléon, et un as de la finance : il était régent de la Banque de France. La famille Le Couteulx figurait parmi les grands noms du Gotha économique. Barthélémy-Alphonse lui succèdera dans ses titres et à la Chambre des pairs, après la mort de son père, en 1818.
Jusqu’en 1791  toute exploitation minière devait s’arranger avec le propriétaire, ce qui freinait énormément l’exploitation rationnelle du sous-sol. La loi de 1791 oblige à faire ‘acte de conquête’, c’est à dire demander une concession.  A Liège, le gisement houiller de la rive droite avait été exploité d’une façon sommaire et très artisanale, et l’activité minière était pratiquement à l’arrêt vers 1789. Ailleurs il y a eu des contestations nombreuses. Est-ce pour cela que Lecoulteux demande justement cette concession, en sachant que les exploitants ‘historiques’ allaient avoir difficile d’attester leurs droits?  Avec la nouvelle loi il ne suffisait pas de prouver qu’on avait des droits ; il fallait aussi prouver qu’on en faisait quelque chose
Jusqu’en 1815 les familles ‘historiques’ Thonnart, Jehotte, Bertho et cie dont les concessions remontaient à Ernest de Bavière n’osaient pas se heurter trop ouvertement au protégé de Napoléon. Mais après la chute de Napoléon ils rentrent en procès et en 1816 la famille Thonnart obtient l’autorisation de creuser un bure ‘Aux Houlpaix’ (Les Houlpays est le nom de la maison médicale en bas du Thier de la Chartreuse ).
Attention, même la mine de Lecoulteux est modeste : en 1817 la société de la Violette occupe 22 ouvriers dont 12 au fond. La production par quinzaine est de 480 paniers. Un panier de 80 kgs est vendu dix sous. Les ouvriers à la veine de la bure des Religieuses dans la houillère de Violette gagnent 25 sols ; un traineur (hiercheur) 15 sols.

Jean-Barthélemy Le Couteulx envoie J-B Rougeole comme fondé de pouvoirs à Liège. Celui-ci s’arrange avec les Thonnart, une des familles contestataires, et cet accord, ensemble avec le privilège de 1801, convainc le roi Guillaume I à concéder la Violette au comte. Un arrêté de 1828 précise qu’il s’agit d’une maintenu, en référant à la concession de 12 km2 de 1801.

Ces concessions sont exploitées dès 1828 par la société civile La Chartreuse et Violette qui exploite cette année les veines la Violette (0.5 mètres de puissance, à 42 toises de profondeur), Piraquet (puissance 17 pouces) , Saurue  (53 pouces) et Merlo. Le bure de la Violette de 37 mètres de profondeur donne selon un rapport de 1839 un charbon maigre et sulfureux de très mauvaise qualité. La mine de la Violette est inactive le second semestre de 1847, janvier et février 1848, presque toute l’année 1849.
Je ne sais pas à quelle époque la famille Lecouteulx décroche, mais elle reste dans le coin. Quand vers 1846 la Violette crée une nouvelle avaleresse aux Trixhes. Ce creusement est contesté entre autres par la comtesse parce qu’à moins de 100 mètres de trois habitations (dont la sienne). Suite à cela le creusement est abandonné en 1847.

La Société anonyme des Charbonnages de la Chartreuse et Violette.

En 1858 est créé la Société anonyme des Charbonnages de la Chartreuse et Violette. Elle fait creuser, en 1859, une galerie horizontale de 1.480 mètres de long, avec deux puits: la «Sainte Famille» (pour l’extraction, dans l’ancienne plaine de manœuvres, 400 mètres de profondeur, entièrement maçonné, 3.90 mètres sur 2.50).  Celui de « Robermont » servait pour l’aération. Ce puits profond de 605 mètres s’ouvrait dans le terrain appartenant à un hôtelier liégeois, aujourd’hui  près du monument aux morts de 14-18. Il a été remblayé en 1890. De nombreuses galeries passaient sous Amercœur, occasionnant divers dégats.
Un coup d’eau en 1880 au puits de Robermont porte un coup sensible à cette Société peu solide qui finalement est mise en liquidation. Les Charbonnages de Bonne Espérance, Batterie et Bonne-Fin s’intéressent en 1899 à cette concession à proximité des concessions de l’Espérance. Elle fusionne les deux concessions. A cette occasion est accordé une extension de concession de 16 ha, en fait, les gisement en-dessous du lit de la Meuse, jonction nécessaire aux deux concessions. On crée un nouveau siège à la Violette qui produit en 1913 86000 tonnes.
La production est très réduite à la fin de la guerre. Il faut attendre 1920 pour que la Violette atteint le niveau de production de 1913. La coup de grâce vient avec  la construction du pont barrage de l’île Monsin. Il aurait fallu prévoir des stocks très importants ce qui aurait rendu l’exploitation non rentable. La Violette est fermé en 1933

La galerie de la Chartreuse

La galerie creusée en 1859 par la Société anonyme des Charbonnages de la Chartreuse et Violette. est toujours là. C’est un élément important de notre patrimoine minier. 
Cette galerie est un élément important de notre patrimoine minier. Elle permet d’étudier l’évolution des techniques d’extraction du Moyen Age à nos jours. Elle recoupe plusieurs veines de 20 à 70 cm de ‘puissance’. Dans les vides laissés par les tailles elle est maçonnée. Elle est partiellement obstruée à 1280 m. de l’entrée par un effondrement. L’entrée se trouvait dans la cave d’une maison détruite pendant la seconde guerre mondiale car jadis, avant le chemin de fer Liège-Visé, l’ancienne rue passait au niveau de cette cave.
Le puits de Sainte Famille a été sécurisé en 1999 par la DPPGSS. Il est aujourd’hui noyé jusqu’au niveau de la galerie. Des particuliers sont encore venus s’approvisionner en charbon pendant la deuxième guerre mondiale et peut-être même après.
D’un point de vue géologique, la galerie offre une coupe quasi parfaite (car presque perpendiculaire aux bancs) dans le carbonifère moyen (300 millions d’années). Les affleurements houillers de cette dimension et dans un si bon état étant pratiquement inexistants, ce site est donc extrêmement précieux pour les géologues. Il y a aussi des belles néo-concrétions.

L’Ecole belge de spéléologie y a organisé des stages de biogéologie. Ce Site de Grand Intérêt Biologique (SGIB) renferme plusieurs espèces cavernicoles.

Le tremblement de terre de 1983 nous a rappelé que notre région n’est pas à l’abri de secousses sismiques. L’Observatoire royal considère la galerie comme un site fondamental du réseau sismique belge, aussi y a-t-il installé dans une des galeries latérales un sismographe.
Bien sûr, il n’est pas question d’ouvrir cette galerie au grand public. Il y a des dangers d’éboulement et aussi le grisou et autres gaz. Les visites, essentiellement à buts scientifiques et pédagogique sont réglementées. Elle est depuis 1999 sous statut de ‘cavité souterraine d’intérêt Scientifique (CSIS- dans l’Atlas du Karst Wallon N°42/2-E001). Ce statut donne un cadre général à la protection du site et délègue à un comité de gestion le soin de la gérer. Dans le comité des gestion il y a la ville, propriétaire des terrains où se situent les entrées, la DGRNE Ulg et CWEPSS

Sources

Michel Dethier du Club de Recherche Spéléo Ourthe Amblève a publié en 2006 un travail très pointu sur “La galerie minière de la Chartreuse“, dans le Bulletin du Vieux-Liège, juin 2006, pp. 21-33, illustré de photos et d’un plan du site.
Mes blogs sur la Chartreuse
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-les-liens-avec-longdoz.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-son-patrimoine_23.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html

http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-religieux-immateriel-et.html
Une partie des photos de ce blog proviennent de
http://users.skynet.be/cnp/chartreuse/charbonnages.html

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