lundi 25 janvier 2016

Visite à l’expo ‘Et si on osait la paix’



J’ai fait ce blog sur base de ma préparation de la visite guidée à cette expo avec La Braise. J’espère que ça aidera d’autres visiteurs de cette expo. Et j’espère que les participants à la visite guidée y retrouveront leurs critiques et suggestions.

Intro

On vient de commémorer en grande pompe 14-18, mais qui se souvient de ceux qui ont lutté pour la paix? L’expo ‘Et si on osait la paix’ évoque les pacifistes qu’on a traité d’utopistes, de doux rêveurs voire de défaitistes. Et aussi les quatre prix Nobel de la paix que compte la Belgique.
Le pacifisme est d’une complexité insoupçonnée. C’est pourquoi il y a dans l’expo une Zone interpellation citoyenne. Avec des questions d’une actualité brûlante: sommes nous en guerre aujourd’hui, avec des militaires dans la rue? Faut-il interdire les exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite ?
Le Pacifisme est complexe, d’abord parce que souvent toutes les parties déclarent qu’ils sont pour la paix. L’expo montre l’invitation à la Conférence de la paix de La Haye de 1899 : elle provient du tsar Nicolas II, le premier à mobiliser ses troupes le 30 juillet 1914.
Il y a toujours moyen d’avoir la paix, si on accepte une Pax Romana, une paix des vainqueurs. La Paix de Versailles était une paix des vainqueurs : aucun État vaincu n’est invité à la Société Des Nations de 1919, ni la Russie (désormais bolchévique), qui avait quitté la guerre en 1917.
La paix est toujours concrète : en 1939, Albert Einstein demande à Roosevelt de construire la bombe nucléaire, confronté à la montée du nazisme. Et le même Einstein crée en 1946 le Comité d'Urgence des Scientifiques Atomistes (ECAS) pour combattre le nucléaire militaire.
Cette expo est montée à partir de deux collections: l’Institut d’Histoire Ouvrière, Economique et Sociale: les toiles de Forces Murales dans l’expo sont une donation de Somville et l’IHOES a les archives de plein d’activistes pour la Paix de l’après guerre.
La collection du Mundaneum par contre remonte à 1900, avec Henri La Fontaine qui reçoit en 1913 le Prix Nobel de la paix pour son Bureau international de la paix. Son Office international de bibliographie voulait rassembler tous les savoirs du monde et ainsi promouvoir la paix. En 2012 Google devient sponsor de ce «Google de papier».
Il y a deux sortes d’expo : les expos ‘expérience’ et les expos de collection. L’expo 14-18 aux Guillemins se voulait une évocation, un parcours de 800 mètres « riche en émotions », une « immersion ». Drouguet Noémie analyse ces «expositions-spectacles. Des sociétés commerciales se sont créées pour exploiter ce filon. Elles jouent sur l'émotion et les sens. On peut craindre une dérive vers les procédés des parcs d'attractions et la dissipation progressive du contenu scientifique». Le Mundaneum est en quelque sorte un précurseur dans la mise en scène : en 1920 déjà Le Corbusier réalisa plans et maquettes pour  une Cité Mondiale. Et le Mundaneum est aujourd’hui doté à Mons d’un espace d’exposition dont la scénographie a été conçue par François Schuiten (auteur aussi du Train World).
Mais notre expo classique est montée à partir des deux collections ; une expo ‘ouverte’ : on ne prend pas le visiteur à la main ; il faut confronter ses propres idées avec les documents exposés. Dans ce genre d’expo un  aspect important est l’authenticité, la sacralité des documents exposés. Cette expo qui couvre deux siècles est structurée en trois parties : Bâtir la paix, Dénoncer la guerre et Agir par la non-violence. Ces trois thèmes très richement documentés se recoupent, ce qui ne facilite pas la visite.  La ligne du temps permet de structurer – après coup- cette masse de documents.

Les toiles  de “Forces Murales” : En avant vers Sheffield Ou Le Congrès de Varsovie , 1950

Nous commençons notre visite avec les quatre toiles  de “Forces Murales” accrochées aux cimaises de la Cité Miroir. Ces œuvres remontent au Mouvement mondial de la paix de 1949 qui préconisait  la coexistence pacifique, la fin de la course à l’armement, la suppression des armes de destruction massive et l’élimination de toute forme de colonialisme. L’Union belge pour la défense de la paix (UBDP) en est la section belge. Lors du Congrès national des partisans de la paix à Bruxelles en 1950, les peintres Deltour, Dubrunfaut et Somville présentent  ‘Non à la guerre’ et une toile avec un double titre  ‘En avant vers Sheffield et  Le Congrès de Varsovie’. On aurait pu y ajouter Gènes, puisque le 2ième Congrès mondial de Varsovie (1950) aurait du se faire là-bas. Face au refus du gouvernement de De Gasperi d’accorder des visas aux délégués, les organisateurs se tournent vers Sheffield, mais à la veille de l’ouverture le gouvernement britannique refuse de valider les passeports des délégués jugés indésirables. La rencontre internationale est alors transférée en urgence à Varsovie (un «  pont aérien  » assure le transfert des délégués) où elle s’ouvre avectrois jours de retard, le 16 novembre 1950.
En 1951, les trois artistes réalisent encore une toile à la gloire du Festival mondial de la jeunesse, dont l’expo reprend aussi une affiche.
En 1951 ces toiles sont accrochées au Heysel, où le PCB fête son 30e anniversaire, à côté d’une série de toiles évoquant l’implication active du parti dans les luttes ouvrières historiques.
Somville voulait des « fresques portatives, des toiles qui ont comme vocation de voyager de manifestation en manifestation ». 65 ans plus tard ces fresques portatives se retrouvent dans l’expo avec leur évocation du pacifisme des années 50.
En 2009, lors de l’exposition Forces murales del’IHOES à Liège, Roger Somville transforme en donation le dépôt de ces œuvres confiées à l’IHOES.  

Le diplôme du  Prix Nobel de la paix 1913 de Henri La Fontaine.

Un des documents les plus précieux de l’expo est le diplôme du  Prix Nobel de la paix 1913 de Henri La Fontaine. Sur les Nobel de la Paix voir aussi  le beau poster du CNAPD-Intal un peu plus loin. Notre fondateur du Mundaneum  avait préside le Bureau international de la paix en 1891. Il était aussi membre-fondateur du Parti ouvrier belge. En tant qu’un des premiers sénateurs socialistes en Belgique il a œuvré à réunir avant la guerre des conférences interparlementaires.
Dans la foulée de l’appel de Marx ‘prolétaires de tous les pays, unissez vous’,  l’Association Internationale de Travailleurs avait  proclamé en 1870 à  Bruxelles : « Vous qui soupirez après la paix, ne croyezvous pas qu’il serait temps de se liguer contre cette infime minorité qui domine le monde et qui signale partout sa présence par le vol, les dévastations et le massacre ? ».  L’Internationale organise plusieurs Congrès entre 1870 et 1914.
Mais quand la guerre éclate le POB s’avère jusqu’au boutiste, et interdira tout contact avec la social-démocratie de l’Allemagne et de l’Autriche.
Camille Huysmans,  travaillant  en cavalier seul, tente pendant toute la durée de la guerre de maintenir les contacts entre les socialistes européens. Vandervelde refuse d’y prendre part en présence des Allemands. Les socialistes des  pays  alliés  (France,  Angleterre,  Belgique,...)  se  rencontrent  de manière séparée (en février 1915 à Londres) : «Quand la Belgique sera libérée, quand la France sera délivrée, quand il n’y aura plus que des peuples libres en Europe, quand tous les crimes auront été rachetés, et  quand  le  peuple  allemand  sera  rendu  à  lui-même, alors l’Internationale sera possible,  et  nous  dirons  plus  que  jamais:  Prolétaires  de  tous  les  pays,  unissez-vous!».
Emile  Vandervelde,  de  passage  à  Stockholm  en  1917,  afin  de  se  rendre  en Russie (pour exhorter la social-démocratie russe de continuer la guerre, raconte dans ses mémoires cette anecdote : «Victor  Adler, mon  vieil  et  très  cher  ami,  était  à  Stockholm.  Il  envoya  à  notre hôtel  une  lettre – j’ai encore le cœur serré quand j’y pense - où  il  me  proposait une entrevue, disant qu’il était très malade et que ce serait sans doute, pour lui, la dernière occasion de me revoir. Cependant,  faisant  de  mon  cœur  une  pierre,  je répondis par un refus». Nous ne savons pas comment La Fontaine a vécu cette triste fin de ses démarches interparlementaires.

Droit pour la paix

La Conférence de la paix de La Haye de 1899 crée la Cour permanente d’arbitrage.
Mais cette conférence avait été organisée à l’initiative du tsar Nicolas II de Russie – voir le petit cadre avec l’invitation - qui sera le premier à mobiliser ses troupes le 30 juillet 1914.
D’une manière générale, Nicolas II n’est pas une exception : tous les fauteurs de guerre sont obligés de se déclarer pacifistes. La grande masse du peuple n’est nullement enthousiaste à entrer en guerre et il faut les tromper en se montrant pacifiste. C’est ce qui rend le pacifisme si complexe.
Après la guerre, le traité de Versailles instaure la Société des Nations (SDN 1919).  Cette appellation ‘ Société Des Nations’ est fausse : aucun État vaincu n’est invité, ni la Russie (désormais bolchévique), qui avait quitté la guerre en 1917. Les États-Unis ne seront in fine jamais membres de la SDN (pas de ratification par le Sénat).
Woodrow Wilson, le président des États-Unis, prétend imposer  avec ses Quatorze points le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ». Un droit tout relatif : la Société des Nations crée les mandats qui ne diffèrent des colonies que sur le papier.
1914 est donc en quelque sorte l’échec du pacifisme juridique.

Einstein demande de construire la bombe nucléaire

La paix de Versailles porte en elle les sources d’une nouvelle guerre. Mais si l’histoire se répète, ce n’est pas sur le même scénario. Dans l’Allemagne vaincu  se développe depuis les années 1930 le fascisme. Dans l’Italie  vainqueur Mussolini règle ses comptes avec le parti socialiste. Le Japon allié ne se contente pas de la partie de Chine reçu à Versailles. L’Allemagne, l’Italie et le Japon quittent la SDN.
La SDN devient un contrepoids pour ces pays qui cherchent une nouvelle guerre. En 1936, le Rassemblement universel pour la paix à Bruxelles réunit 5000 participants.
Nous voyons dans l’expo Einstein qui tire la langue, présent sur tellement de posters de notre génération. Einstein est exactement l’inverse des idéalistes comme La Fontaine. Il fait une analyse concrète d’une situation concrète. 
Pendant la guerre d'Espagne (1936-1939), Einstein prendra nettement parti pourle camp républicain contre le camp fasciste de Franco. En 1939, il écrit à Roosevelt pour lui demander de construire la bombe nucléaire. Pourtant, le physicien est un pacifiste. Il s'est déjà fait beaucoup d'ennemis pendant la Première guerre mondiale en dénonçant cette boucherie. Mais avec la montée du nazisme, sa position change: il faut résister au fascisme par les armes. En septembre 1942, au début de la bataille de Stalingrad, il écrit: "Pourquoi Washington a-t-il aidé à étrangler l'Espagne loyaliste républicaine ? Pourquoi aucun effort n'est fait pour aider la Russie qui en a le plus grand besoin ? " Finalement Einstein est écarté du programme de développement des premières bombes nucléaires par le FBI. Il condamne immédiatement les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, et crée en 1946 le Comité d'Urgence des Scientifiques Atomistes (ECAS) pour combattre le nucléaire militaire et prôner le règlement des conflits de manière pacifique. Juste avant sa mort le 18 avril 1955 il signe le célèbre Manifeste pour la paix Russell-Einstein.

Semez la justice, récoltez la paix


Déjà la SDN se préoccupe du sort des réfugiés. L’ONU qui lui succède met  en place en 1949 le HCR, Haut commissariat aux réfugiés, et établit en 1951 une convention relative à leur statut. Statut qui est remise en question par la N-VA… Mais n’oublions pas que les réfugiés sont souvent un sous-produit de la guerre et qu’il est plus indiqué d’éviter une guerre que de se préoccuper après-coup du sort des réfugiés…
Une des tentatives pour briser les barrières est l’espéranto, une langue artificielle et auxiliaire. C’est une approche  idéaliste qui reçoit un bon acceuil dans la jeune Union Soviétique. Néanmoins, à partir des années 30 l’Union Soviétique abandonne cette piste, en partie pour des raisons linguistiques, mais aussi en critique sur son idéalisme. Assez étrangement l’Esperanto continue à avoir un certain nombre d’adhérents dans le mouvement communiste ailleurs dans le monde.

La Paix, une idée à cultiver ?

Certaines organisations pacifistes axent leurs efforts sur l’éducation pour changer les mentalités. D’une part, elles luttent pour l’instruction obligatoire, la connaissance étant considérée comme une condition de la paix. D’autre part, elles mènent des actions  ciblées pour promouvoir la paix principalement dans les écoles. Des associations féminines interviennent par des actions d’éducation à la paix dans les familles.
Exemple : l’affiche ‘Plus de jouets de guerre’  de la Fédération nationale des jeunes gardes socialistes, Bruxelles, 19541958 Coll. AMSAB.
On peut évidemment poser des questions sur l’efficacité de ce genre d’actions, quand on voit comment  la culture dominante impose la violence dans les jeux vidéo. Dans une certaine mesure ces actions bien intentionnées sont instrumentalisées par certains partis comme feuille de vigne pour ne pas discuter sur la politique de fond (je pense ici à Spaak, grand défenseur de l’Otan lors de la guerre froide).
Et finalement, dans une situation de guerre, une censure impitoyable s’installe. Les artistes engagés en faveur de la paix peuvent en témoigner: Tousseul est accusé de défaitisme pour avoir signé des articles pacifistes pendant la 1e guerre ; Masereel est déclaré déserteur malgré le fait qu’il n’était pas appelable. Même Brel apprend à connaitre la prison de l’intérieur lors d’une marche anti-atomique…
On peut se demander ce que chantait Brel : ‘qui a tue Jaurès ? ‘ Ce qui nous ramène au déchirement de l’Internationale en 1914 : qu’aurait fait Jaurès si on ne l’avait pas assassiné deux jours avant?

Partie 2 Dénoncer la guerre

L’antimilitarisme

Pour le jeune Parti ouvrier belge (POB) l’armée est considérée comme une arme au service de la bourgeoisie, utilisée pour réprimer les grèves. Mais petit à petit l’accent est mis sur l’iniquité du service militaire par tirage au sort . La Jeune garde socialiste (JGS) milite pour la disparition de ce système qui permet aux riches d’être remplacés. Mais petit à petit la critique du capitalisme comme source des guerres disparaît. La bourgeoisie n’a pas de problème à faire disparaitre ce système de classe en 1909.  Ce qui facilite le grand virage de Vandervelde en août 1914…
L’antimilitarisme teinte le discours de groupes idéologiques divergents (nationalistes, catholiques, socialistes, anarchistes…), qui ne poursuivent pas forcément d’idéal pacifiste. Les catholiques conservateurs par exemple restent longtemps opposés à toute modernisation de l’armée, pour des raisons fiscales, et à l’extension du service armé, considérant la caserne comme un lieu de vices et d’immoralité.
Et pour compliquer le tout, il y avait dans la bourgeoisie belge un bloc pro-allemand, un bloc pro français et un bloc pro anglais.
Pendant la guerre ces fractions s’unissent +- sur une stratégie de neutralité un peu spéciale: En 1914, la Belgique invoquait une neutralité garanti par la France et le Royaume-Uni depuis 1831 : le pays pouvait compter sur ces deux nations pour venir à son secours s'il était attaqué. Mais la Belgique ne pouvait pas signer de traité d'alliance militaire avec un pays, quel qu'il soit, en conséquence du traité de neutralité.

Le « fusil brisé » et l’incident de la manifestation à LA LOUVIERE en novembre 1921.

Maxime Tondeur analyse dans son blog  le « fusilbrisé » et l’incident de la manifestation à LA LOUVIERE en novembre 1921.
Deux ans après la fin de la guerre, c'est la crise : le nombre de chômeurs passe de 38.000 en juin 1920 à 210.000 eu mars 1921 ! Face à la crise, le patronat veut reprendre ce qu'il avait lâché quelques mois auparavant. Dés janvier 1919, le personnel des trams de Bruxelles s'était mis en grève pour les salaires. suivi en octobre 1919 par les tramways à Anvers,  Mons, Charleroi et Liège.
En novembre-décembre 1921 le patronat fit appel à l'Union Civique, organisation anti-grève de la droite extrême, pour conduire les trams et briser le mouvement!!! La grande greve d'Ougree - Marihaye ( 9000 mineurs et sidérurgistes) dure de mars à octobre 1921avec JULIEN LAHAUT comme leader ouvrier charismatique : il fut arrêté. Après 9 mois de lutte, abandonnés par la Centrale des Métallurgistes, ils furent contraints à la reprise.
 C'est dans ce contexte que se déroulent les événements de LA LOUVIERE  en septembre – octobre 1921. La Commission syndicale du POB invite à un séminaire d'étude des délégués étrangers dont un syndicaliste allemand Johann Sassenbach. Le 7 septembre les nationalistes «belgicains» appellent à « interdire l'entrée de La Louvière au  Boche Sassenbach ». Le POB mobilise ses troupes pour se rendre en cortège à la Maison du peuple de la Louvière. Plusieurs milliers de manifestants sont agressés par quelques centaines de patriotards qui hurlent « A mort Sassenbach ». dans la bagarre leurs drapeaux sont arrachés. La droite cléricalo- libérale appelle les « vrais belges «   à « réparer le forfait abominable « . Des scouts, invalides en voiturette, une dizaine de milliers de manifestants amenés par trains spéciaux défilent au son de fanfares militaires envoyées par le ministre de la défense. Le POB organise un défilé, qui, selon ‘ Le Peuple’ s'allonge sur 4 km et dure 1 heure 15 : 468 drapeaux,503 sociétés,39 corps de musique. Le ministre des Travaux Publics ANSEELE est à la tribune.  Un député, volontaire de guerre, remet à la JGS le fameux drapeau représentant un soldat brisant son fusil, dans le cadre d’une réduction du service militaire à 6 mois et du désarmement universel. C'est le tollé au sein du gouvernement - nous sommes à un mois des élections. Le ministre de la Défense , le libéral DEVEZE, exige la démission d' ANSEELE. Le premier ministre CARTON DE WIART considère le fusil brisé comme « odieux ». ANSEELE présente sa démission, suivi par ses 3 collègues VANDERVELDE, WAUTERS et DESTREE ( qui quant à lui trouve le choix du « fusil brisé » « plutôt malheureux »).
On ne peut que savourer l'habileté avec laquelle le POB, à la faveur de ces événements, a troqué sa veste de parti gouvernemental « jusqu'auboutiste » nationaliste et belliciste ( le dirigeant social démocrate allemand Kautsky les avait qualifié de « bolcheviks du nationalisme ») , contre un costume d'opposition antimilitariste , internationaliste et anticapitaliste. Le POB était en position inconfortable avec un patronat super agressif. Je ne peux croire que dans l'ambiance nationaliste et chauvine de ces journées, la présence du ministre Anseele ne soit pas mûrement calculée.
Lui, le moins mouillé dans la poursuite de la guerre – il avait en son temps ( 1917) proclamé son adhésion à la conférence de paix social démocrate de Stockholm - se devait d'être le symbole de ce grand tournant - certains diront de ce retournement de veste.  Et qu'importe qu'à Gand, il ait lui même pourchassé et expulsé du parti dés 1917 les JGS qui se battaient pour une paix immédiate
À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, il y a au sein du POB une certaine opposition entre un pacifisme béat devant la menace fasciste, avec la non-intervention dans la guerre d’Espagne et la lutte antifasciste.

L’antimilitarisme nationaliste flamand et la tour de l’Yser

L’expo reprend aussi quelques affiches d’antimilitarisme nationaliste flamand avec la tour de l’Yser à Dixmude. A ce propos il est intéressant de voir le blog de Maxime Tondeur sur JEF VAN EXTERGEM, militant et secrétaire des JGS d' ANVERS à laquelle il avait adhéré à 13 ans ! 
Partisan de la conférence de STOCKHOLM, sympathisant de la révolution russe, il mêlera à ce combat le combat flamand. C'est pourquoi, on les qualifiera de « socialistes activistes ». Dans le blog de larges extraits du compte rendu du procès de VAN EXTERGEM à la COUR D'ASSISES d'ANVERS en 1920. Il sera libéré en 1921, contre signature d'un engagement à ne plus avoir d'activités politiques. En fait, cette libération sous condition résultaient de la pression des partisans de l'amnistie exercée sur VANDERVELDE par CAMILLE HUYSMANS et par l'aile gauche du POB dont JOSEPH JACQUEMOTTE. VANDERVELDE lui même était opposé à une loi d'amnistie. VAN EXTERGEM sera à nouveau emprisonné de 1925 à 1928 (il avait continué à s'engager politiquement). Il rejoint le Parti Communiste à sa libération en 1928. Fondateur au sein du PCB du « VLAAMSE KOMMUNISTISCHE PARTIJ »en 1937, il le dirigera dés 1940 dans la clandestinité. Il sera arrêté par la GESTAPO en avril 1943, détenu et torturé à BREENDONCK, puis déporté en ALLEMAGNE où il mourra de faim en mars 1945.

La Paix, une idée à cultiver ?

Certaines organisations pacifistes axent leurs efforts sur l’éducation pour changer les mentalités. D’une part, elles luttent pour l’instruction obligatoire, la connaissance étant considérée comme une condition de la paix. D’autre part, elles mènent des actions  ciblées pour promouvoir la paix principalement dans les écoles. Des associations féminines interviennent par des actions d’éducation à la paix dans les familles. Exemple : l’affiche Plus de jouets de guerre  des jeunes gardes socialistes de 1954.
On peut évidemment se poser des questions sur l’efficacité de ce genre d’actions, face à la culture dominante (je pense à la violence dans les jeux vidéo). Dans une certaine mesure ces actions bien intentionnées sont instrumentalisées par certains partis comme feuille de vigne pour ne pas discuter sur la politique de fond des partis sur lesquels elles s’appuient (je pense ici à Spaak, grand défenseur de l’Otan). Et aussi la censure qui s’installe impitoyablement dans une situation de guerre. Les artistes engagés en faveur de la paix peuvent en témoigner: Masereel est déclaré déserteur malgré le fait qu’il n’était pas appelable. Nous retrouvons à côté de Masereel des gravures de nos muralistes Somville et Dubrunfaut. Même Brel apprend à connaitre la prison de l’intérieur lors d’une marche anti-atomique… Et que chantait Brel : ‘qui a tue Jaurès ? ‘ Ce qui nous ramène au déchirement de l’Internationale en 1914 : qu’aurait fait Jaurès si on ne l’avait pas assasiné deux jours avant?

Le Désarmement après 1945

Hiroshima et Nagasaki  sont aussi un avertissement à l’URSS.  Après 1945, le rôle de Spaak à l'OTAN et le climat de guerre froide mène parfois le PS à tenir ses distances avec discours pacifiste. Les jeunes socialistes (parfois en rupture avec la ligne du Parti) et les FPS restent cependant des militants actifs de la cause pacifiste.
L’Appel de Stockholm du Le Conseil mondial de la Paix récolte 300 000 signatures en Belgique, et environ 500 millions à l’échelle mondiale.  Les marches antiatomiques (1960-1970), coordonnées par la jeunesse (principalement socialiste et communiste) et largement relayées par les syndicats, réunissent jusqu’à 15 000 participants.
La manifestation du 23 octobre 1983 contre les missiles à moyenne portée réunit près de 400 000 personnes à Bruxelles. Le Pacte de Varsovie, le pendant soviétique de l’OTAN, est dénoncé comme instrument de l’impérialisme de l’URSS.
Plus de 250 agglomérations se déclarent « communes dénucléarisées ». Le mouvement parvient à retarder de plusieurs années l’installation des missiles sur le sol belge.  Déployés en 1985, ils seront retirés trois ans plus tard en vertu du traité de Washington. Mais les bombes restent. D’où les actions non violentes de Bomspotting à Kleine Brogel. Ces activistes ont été acquittés lors d’un procès en 2015.
Comme en 1914 où la social-démocratie s’est montré impuissante, la grande question surgit : pourquoi ce puissant mouvement des années 60-70 s’est presqu’évaporé depuis la guerre de l’Iraq. 
L’affiche ‘Halteaux criminels de guerre‘ date de la Guerre de Corée. Le 28 mai 1952, le Mouvement de la paix (alors dirigé par des communistes) appelle à une manifestation à Paris contre la venue de Ridgway en France, à l'occasion de sa nomination à la tête des forces alliées en Europe (sous l'égide de l'OTAN). La manifestation dégénère rapidement en affrontements avec les forces de l'ordre. Ces échauffourées font de nombreuses victimes. Du côté des manifestants deux morts, et du côté de la police 372 blessés dont 27 grièvement. Jacques Duclos, alors numéro un du Parti communiste français, est arrêté, puis inculpé pour atteinte à la sûreté de l'État après la découverte de pigeons dans le coffre de sa voiture. On y retrouve aussi le cahier sur lequel le leader communiste prenait ses notes du secrétariat et du bureau politique du PCF. Il y avait écrit : « Nous travaillons pour la défaite certaine [de l'armée française] au Viêt Nam, en Corée, en Tunisie.» Pour le ministre de l'Intérieur, les deux volatiles sont des pigeons voyageurs, preuve de la traitrise de Duclos envers la République. En fait, les deux pigeons étaient morts, et destinés à être consommés : c'est le complot des pigeons. Aucun rapport avec la colombe de la paix ! 

Partie 3 Agir par la non-violence.

On retrouve dans les objecteurs de conscience Kroll. Parfois on fait un portrait assez réducteur des grandes personnalités pacifistes comme Van Lierde. On a retenu son objection de conscience qui l’a mené en prison. Et dans le charbonnage: on lui a laissé le choix entre la prison et la mine. Il dira après coup que la prison était plus supportable .  On a obturé son rôle important joué dans les luttes de libération d’Algérie ou du Congo qui étaient loin d’être pacifique. Van Lierde était fort proche de Patrice Lumumba. Mais nous avons vu le même phénomène avec Einstein où l’on escamote qu’il a préconisé le développement de la bombe atomique…
Les mobilisations contre les « guerres du  pétrole » en Irak (1991 et 2003) sont loin d’égaler le demi million de manifestants contre les missiles.  Pourquoi devant les guerres « humanitaires » menées récemment en Afghanistan, en Lybie le mouvement pacifiste mondial se montre si affaiblidepuis 1989 ?
Jean Bricmont, analyste politique, physicien et essayiste, membre de l'Académie royale de Belgique nous donne un bout d’explication avec le « droit d'ingérence humanitaire ». Ce ‘droit’ est rejeté par l'immense majorité des pays du Sud. La résolution sur la « responsabilité de protéger » accepte, sous conditions, certaines formes d'ingérence. Mais la première application de cette résolution, en Libye, a mené immédiatement à une violation massive du droit international, y compris de la « responsabilité de protéger ». En Syrie, la première application de la résolution sur la responsabilité de protéger pourrait bien être la dernière à cause, justement, de la façon dont l'Otan a abusé de la situation pour «changer de régime » qui n'est absolument pas prévu par cette résolution et est en conflit fondamental avec la Charte de l'ONU. Actuellement, on assiste à une léthargie des instances onusiennes face à la violation du droit international, notamment au nom du « droit d’ingérence ».
 Les défenseurs autoproclamés des droits de l'homme, qui sont souvent mais pas toujours des apologistes des guerres humanitaires, soulignent le caractère affreux et oppressif des dictatures sur le plan interne. Mais qu'en est-il des rapports de force sur le plan international ? Si un groupe de pays s'arroge le droit d'intervenir de façon militaire là où bon lui semble, pourquoi n'est-ce pas une forme de dictature au niveau mondial ? Les défenseurs des droits de l'homme répondraient sans doute que les dommages dus à l'Otan sont moindre que ceux dus aux « dictateurs ». Mais le calcul est moins évident qu'ils ne le pensent, si l’on pense, par exemple, à la guerre en Irak, mais aussi aux guerres en Indochine et à tous les coûts directs et indirects des politiques impériales en Afrique, en Amérique latine, au Moyen-Orient et, jusqu'à ce qu'elle devienne réellement indépendante, en Asie.
Voir aussi l’interview de Jean Bricmont par Candice Vanhecke, réalisée dans le cadre de son mémoire de fin d’études en journalisme, à l’Université Libre de Bruxelles (2009) intitulé : Le droit d’ingérence humanitaire dans la presse française. Cas des guerres du Kosovo (1999) et de Géorgie (2008)

Biblio

Voir aussi mon blog sur les symboles de la paix que l’on retrouve dans l’expo ‘Et si on osait la Paix’ à la cité Miroir  http://hachhachhh.blogspot.be/2015/12/les-symboles-pacifistes-et-lexpo-et-si.html


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