mardi 25 janvier 2011

Fredéric le Grand règle en 1740 à sa manière l’affaire de Herstal

Sans Souci de Fréderic Le Grand à Potsdam

Thomas Carlyle publie en 1837 sa ‘Révolution Française’ en trois volumes. Ce grand historien écossais a aussi écrit des belles pages sur Frédéric le Grand de Prusse (History of Friedrich II of Prussia, Called Frederick the Great). Friedrich Engels l’appréciait pour cela, mais jugeait que pour le reste Carlyle était un représentant du socialisme féodal.
En 1740 Frédéric le Grand vend Herstal au Prince Evêque de Liège. A ce propos Carlyle écrit en 1858 ces lignes mémorables. Nous suggérons à notre Frédéric le Grand local de les buriner sur sa nouvelle mairie.
« Héristal, maintenant appelé Herstal, était autrefois un château connu de toute l'humanité; le château du roi Pépin, qui s'appelait" Pépin d'Héristal, "avant qu'il ne devienne roi des Francs et engendra Charlemagne. Il est situé sur la Meuse, dans ce pays fertile de Spa; en rive gauche de la Meuse, un peu au nord de Liège, et il a probablement commencé comme un site plus grand que Liège, qui dans un premier temps, était un monastère dépendant de Herstal. Pensons seulement comment ces deux entités ont évolué; La spirituelle Liège est maintenant une grande ville, noircie par les fumées de ses forges et machines à vapeur; Herstal est un village insignifiant, dont ont a parlé par hasard pendant quelques semaines en 1740, et dont on ne parlera probablement plus dans les siècles à venir… »
C’est quoi, ces évènement de 1740 ? Je résume – en traduction libre de l’anglais – le Chapitre 5 AFFAIR OF HERSTAL.
Herstal, lors de son histoire millénaire, avait passé à travers des fortunes diverses, et connu assez souvent des changements de propriétaires. Au 17° siècle il était dans les mains de la maison d’Orange-Nassau. Quand le 28 octobre 1568 Louis d’Orange se présente avec ses gueux devant les portes de Liège il joue pratiquement un derby…. A ce propos voir mon blog sur Gérard de GROESBEECK et les gueux.
Mais un siècle plus tard Guillaume III d’Orange savait probablement à peine qu’il était aussi seigneur de Herstal. A sa mort, n'ayant pas d’enfants, une partie de son patrimoine, dont Herstal, échoit à son cousin Friedrich Wilhelm, de la maison de Prusse. Cet héritage est contesté, entre autres par Louis XIV, et ce n’est qu’en 1732 que Friedrich Wilhelm obtient Herstal. Maigre consolation, tant cette affaire lui apportera de la peine.
Le peuple de Herstal était extrêmement réticent à venir sous la domination de Friedrich Wilhelm, connaissant les rigueurs du système de recrutement militaire prussien. Ils refusent leur fidélité et ils montrent un profond désir de contrecarrer et d’irriter Friedrich Wilhelm. Tout cela n’aurait probablement mené à rien, si leur voisin, le prince-évêque de Liège, ne s’était pas mis en tête d'avoir des prétentions obscures de souveraineté sur Herstal, remontant jusqu’en 1171, l'empereur Frédéric Barberousse et Charlemagne. A partir de là il encourage les gens Herstal dans leurs actes de mutinerie. Il enferme entre autres un lieutenant recruteur Prussien dans la prison de Liège, sur plainte des Herstaliens.
Cela continue jusqu’en 1739, quand Friedrich Wilhelm, sur son lit de mort, voulant en terminer avec cette petite affaire, offre à vendre Herstal pour 100.000 thalers à cet évêque de haut vol. L'évêque refuse cette proposition. Il a d'autres tours dans son sac pour faire baisser le prix.
Herstal est le premier dossier que le jeune Friedrich prend en mains après la mort de son père. Fréderic écrit le 4 Septembre 1740 une lettre au prince évêque de Liège :
«Mon cousin, connaissant toutes les ATTEINTES faites par vous sur mes droits incontestables sur ma baronnie libre de Herstal, et sachant comment des meneurs séditieux ont été tolérées par vous depuis plusieurs années, dans leurs actes détestables de désobéissance envers moi, j'ai mandé mon conseiller privé Rambonet de vous contacter et d’exiger en mon nom, dans les deux jours, une réponse claire et catégorique de vous à cette question: auriez vous encore la prétention de faire valoir votre prétendue souveraineté sur Herstal, et comptez vous continuer à protéger les rebelles à Herstal, dans leurs désordres et leur abominable désobéissance? En cas de refus, ou de réponse tardive à ma demande juste, vous vous rendrez seul responsable, devant le monde, des conséquences qui suivront infailliblement.
Votre très affectueux Cousin, FRIEDRICH."
Le prince évêque ne réagit pas. Le roi ordonne à son conseiller privé Rambonet de clouer un manifeste imprimé sur les portes de Liège, intitulé :
« Exposition des raisons qui ont obligé sa Majesté le Roi de Prusse à faire des représailles sur le prince-évêque de Liège. Sa Majesté le Roi de Prusse est avec regret forcé de recourir à la méthode des armes, afin de réprimer l'affront. Comme il n'y a aucun moyen d'avoir justice, que de le faire pour soi-même, etc. »
En même temps il ordonne à son major-général Borck de partir avec 2000 cavaliers et de l'artillerie pour Maeseyck, une ville de l'évêché, où il exige une contribution de 20,000 Thaler payable en trois jours, ainsi que des indemnités pour l'hébergement de ses troupes et cinquante Louis par jour pour ses dépenses personnelles. L’évêque pleure "qu'il était en voyage, qu’il croyait qu’on avait répondu au roi, qu’il est décidément le plus maltraité des évêques», et d'autres choses hystériques. Il se plaint auprès de l’Empereur :
"Votre HUMILISSIMUS et FIDELISSIMUS VASSALLUS, et très dévoué Servant, Georgius Ludovicus; doux, modeste, et incontestablement dans son droit: A-t-on jamais ainsi rabrouée et saisi par la gorge un membre du Saint Empire romain germanique. Oh, aidez-moi, grand Kaiser, et enlève cette poignée de fer! Le roi du Borussia est entré avec 2.000 soldats sur le territoire de Liège ».
Ce qui est une vérité incontestable, mais vaine. Borck est là, et "2.000 de bons arguments avec lui», disait Voltaire, qui fait sa part pour démolir dans ses écrits les prétentions de Prince évêque.
L’empereur Charles VII exige le retrait des troupes Prussiennes, mais Frédéric s’assied dessus. Là dessus l’empereur suggère prudemment que "Votre Majesté consentirait peut être à vendre Herstal, comme votre Père de glorieuse mémoire a été heureux de proposer une fois". Friedrich répond tout de suite: "Certes, le prix était à cette époque 100.000 thalers. Avec les frais encourus depuis ce sera 180.000 thalers, en plus des frais de l’expédition de Maeseyck. A cela nous ajoutons un fifrelin de la vieille dette, limpide comme le soleil, mais jamais payé, de 60.000 thalers due par de Liège depuis le traité d'Utrecht; 60.000, pour lesquels nous ne facturons pas d'intérêt: Ce qui fera 240.000 thalers ».L'évêque est heureux de cette sortie et paiera une partie au comptant, et 4 pour cent d'intérêt jusqu'à la liquidation totale. Ses ambassadeurs "reçoivent des tabatières en or», et reviennent légèrement grisés!
Voilà l’affaire insignifiante de Herstal, ville dont on a parlé pendant quelques semaines en 1740, et dont on ne parlera plus jusqu’à l’élection de deux élus PTB vers la fin du XX° siècle…

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