jeudi 24 décembre 2020

La « bande verte » de Herstal


En 2002, les chercheurs de l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement du Territoire de l’Université Libre de Bruxelles (IUAT-ULB) et du Centre de Recherche en Aménagement et Urbanisme de l’Université de Liège (CRAU-ULg) travaillent sur un Schéma de Structure Communal pour Herstal (SSC). Ce Schéma doit remédier aux faiblesses du plan de secteur des années 70, ou le rouge urbanisable est démesuré par rapport au vert (7% seulement est vert). Le problème est que par rapport au plan de secteur, le SSC n’est qu’un document d’orientation. Dans le Code du DéveloppementTerritorial (CoDT) de 2017 le SSC est assimilé au Schéma de Développement Communal (SDC). Je continue donc d’utiliser dans ce blog l’abréviation SSC.

Nos chercheurs ‘découvrent’ «une très large bande de territoire qui sépare le Herstal urbain du Herstal rural. Elle est constituée d’espace, d’air, de lumière, d’espaces verts, agricoles, paysagers, écologiques ». Ils proposent de limiter l’urbanisation de la bande verte, «vu qu’au moins 2000 logements sont encore possibles dans des zones aptes, et de maintenir son caractère rural et/ou vert et/ou paysager».

Cette bande verte, qui va de Pontisse à Vottem, est peu connue. Et pour cause, puisque lorsqu’on a essayé de couler le SCC dans un Règlement Communal d’Urbanisme (un RCU est un document légal opposable au tiers qui fixe les règles urbanistiques en vigueur dans chacune des zones), le Conseil d’état a jugé ce RCU illégal, devant la première contestation d’un citoyen lésé. Pourtant, toute une série de raisons, dont le réchauffement climatique, plaident pour son maintien. C’est pourquoi je propose ici d’en faire le tour.

Les grandes zones définies par le SSC

Cette bande qui sépare la zone urbaine (bas de Herstal et Vottem) et la zone rurale ou semi-rurale (Liers et Milmort) n’est qu’une des grandes zones définies par le SSC. Il y a encore les zonings qui au départ s’appelaient ‘parc industriels’, les ZACC (Zone d’Aménagement Communal Concertée), et les terrils qui ont un statut spécial. 


Et puis il y a des Master Plan, dont celui du Cœur de Herstal reprend même – du bout des lèvres - l’idée «d’une trame verte et bleue qui suit le relief naturel du vallon de la Préalle et qui relie le plateau herstalien au canal Albert»

Et, pour finir, il y a une bande grise. Dans le Schéma de Structure la friche industrielle des Acec  et le site de la Fabrique Nationale, au centre de Herstal, sont en gris. C'est-à-dire avec une affectation non-définie, autrement dit, laissé à la discrétion du collège. Entretemps, les Acec font partie d’un Master Plan. L’avenir du site de la FN n’est pas défini. Pourtant dont une partie est de facto une friche aussi. Rappelons-nous l’incendie du stock de polyuréthane qui a menacé la rangée de maisons accolées à l’ancienne usine de Prémadame. Cette usine a évolué de friche industrielle à friche immobilière, après la faillite de Newmarket. Pourtant, est-ce trop demander à la direction de la FN –sous statut public !- quels sont ses projets à moyen terme avec sa partie industrielle. La production restera-t-elle éternellement en plein centre ville ? Ne déménagera-t-elle pas tôt ou tard comme on a vu avec FN Moteurs (aujourd’hui Safran Boosters).

Ce Schéma Territorial n’est pas l’Evangile pour moi ; loin de là. Elle a préparé le Master Plan Cœur de Herstal du 5/3/2018 que je critique vertement. Mais la bande  verte a été pour moi une découverte et mériterait une certaine protection contre les appétits immobiliers qui sont autrement plus friands de zones vertes que de friches industrielles ; or, c’est ceux-ci qui devraient à mon avis être au cœur des préoccupations urbanistiques.

Le Clos du Val

Nous commençons notre randonnée le long de la bande verte au Clos du Val à Vottem. Les experts du Schéma de Structure Communale ont mis Vottem dans la zone urbaine, avec le bas de Herstal, tandis que Liers et Milmort  sont qualifiés de zone rurale ou semi-rurale.  Je ne suis pas sûr que les Votemmois seront d’accord…

Selon les Dear Hunters, ce couple d’urbanistes  qui a passé quelques semaines dans un conteneur Place Gilles Gérard, en 2019, ce Clos «pourrait fonctionner comme un point de départ agréable pour des balades récréatives, avec un café au départ et une glace à la fin».

Difficile à s’imaginer que le vallon qui s’étend du Clos du Val jusq’au Faux Rieu à Herstal-Bas a été creusé par un ruisseau, le Rida, qui en été est presqu’à sec.

En 1910 le vicinal 467A LIEGE - HOUTAIN-ST-SIMEON a barré ce val, tout en laissant des passages aux maraîchers. Dans le fond de son jardin un riverain a aménagé une vasque d’eau autour d’une petite fontaine qui de mémoire d’homme ne s’est jamais trouvée à sec. Le terrain en bas est entretenu par la même famille. La vue sur le vallon du Rida à partir du vicinal est magnifique.

Ce vicinal partait de la Place Jean de Wilde, par la Vieille Voie de Tongres et le Cimetière Sainte-Walburge, en faisant une boucle par le Charbonnage de la Batterie pour revenir par la Rue du Plope à Vottem-Eglise.

En bas de la Chaussée Brunehaut, une ancienne décharge


La Ville a été bien inspiré de passer par ce vicinal pour la liaison Ravel Meuse – Ravel Liers (Ravel= Réseau Autonome de Voies Lentes). Quant à la remise à ciel ouvert du Rida, préconisée par le Schéma de Structure Communal, c’est une autre paire de manches. En bas de la Chaussée Brunehaut, le Rida coule en dessous d'un terrain de foot, aménagé sur  une ancienne décharge de Vottem d’avant la fusion. Un demi-siècle plus tard, en juillet 2020, notre bourgmestre ff a encore invoqué des émanations de méthane pour faire partir des gens du voyage qui s'y étaient installés. Notez que la Ville a refusé de prendre en compte cette pollution lors de l'installation d'une Séniorie juste au-dessus, et, avant ça, pour y implanter l’Athenée de Vottem.

Si nous contournons cette ancienne décharge par le sentier Marnette. A son débouché apparaît le hameau de Haren que le SSC définit comme un « hameau à caractère rural, intégré dans la bande verte. Il faut établir avec clarté la distinction entre zone rurale et zone urbaine: y déterminer le rôle des franges en tenant compte de l’importance à accorder au dialogue et partenariat avec le monde agricole».

Dans le  tournant de la rue de Boclinville, il y a la source – ou plutôt résurgence  - du Rida. La Ferme Colson, avec sa cressonnière , n’est plus là. Elle a disparu en 1953. Le cresson sauvage qui y pousse a disparu avec notre été très sec. Selon notre historien local Raymond Smeers, «abritée derrière un rideau d’arbres fruitiers, la ferme n’était pas bien grande, assez vieillotte mais charmante sous son toit de tuiles rouges. Coquette, elle se mirait dans les eaux claires d’un étang très poissonneux, alimenté par de nombreuses sources ».

Le Sentier Muraille : le Rida à ciel ouvert

Le Schéma de Structure propose de valoriser les parties encore à ciel ouvert du Rida. Pour cette partie à ciel ouvert, il suffit de descendre le Sentier Muraille, et je cite encore  M. Smeers: «nous retrouvons le Rida de l’autre côté de la route, fluet, limpide, gazouillant discrètement, se cachant quelques fois sous les hautes herbes qui ondulaient au moindre souffle du vent, suivant les méandres capricieux des rives. Une prairie abondamment arborée de cerisiers, aujourd’hui disparus, ressemblait, au printemps, à un immense bouquet de fleurs. Une dénivellation du terrain augmentait la vitesse du courant permettant à l’eau dans ses remous des perles à profusion pendant que dans les taillis et les arbres voisins, les oiseaux tentaient de mettre au point un chœur à deux ou trois voix brillamment orchestré par une grive musicienne. A hauteur  de la double rangée de saules trempant leurs vertes ramures dans l’élément fluide, le ruisseau s’élargissant, accueillait, dans son lit, écrevisses et crevettes d’eau douce ».

On associe Vottem aux fraises. On devrait ajouter écrevisses  et crevettes d’eau douce à sa palette culinaire.

Un paysage très vert des deux côtés de la rue du Plein Hareng

Sur notre gauche, la très verte plaine de Haren qui est devenue la pierre d’achoppement de la Bande Verte, cette formule alambiquée qui ne correspond à aucune notion légale. Dans les Plans de Secteur il y a comme zones non destinées à l'urbanisation les Zones Naturelles, les Zones de Parcs et les Zones d’espaces Verts. Au fil du temps se sont ajoutés, en surimpression, des périmètres de protection : Point de vue remarquable, Liaison écologique, ou Intérêt culturel, historique ou esthétique. Ces ‘surimpressions’ ne pèsent pas lourds. Le nouveau Code de Développement du Territoire ajoute encore les mentions “ZV“ “ZR“ (Zone Verte et Zone à Rénover). L’embarras du choix, ou embarras tout court ? Les experts du Schéma de Structure Communal ont ajouté la bande verte.

Lorsque les propriétaires des 5,3 hectares entre les rues du Plein Hareng-Visé-Voie, la rue du Vicinal et la rue des Trois Fermes ont introduit un projet de lotissement de 95 lots pour une centaine de logements, la Ville a invoqué le SSC et la bande verte. Mais comme dans le plan de secteur presque tout Herstal est constructible, les fermiers  ont introduit – et gagné - un recours au Conseil d’État contre le SSC, suivi d’un second  qui a annulé le Règlement Communal d’Urbanisme (RCU) qui était censé ‘traduire’ la bande verte dans un texte ayant valeur légale. Les propriétaires ont arrêté les démarches après une Etude d’Incidences, mais demain n’importe quel promoteur immobilier peut sur cette base introduire un permis d’urbanisme qui ne saurait être refusé. Et n’importe quel autre promoteur qui peut cracher 5000€ pour aller au conseil d’état pourra faire de même.

Pourra-t-on faire une urbanisation raisonnée, qui tient compte d’un côté d’une densification nécessaire, et «établir avec clarté la distinction entre zone rurale et zone urbaine », sans passer par une révision des plans de secteur établis à une époque où les priorités n’étaient pas les mêmes que ce qu’il faudrait aujourd’hui ? Je laisse la question ouverte


Toute cette zone en-dessous de Vottem était une terre de maraichers. Ce qui explique un réseau très dense de sentiers. En dessous de ce plan de lotissement apparait clairement le sentier °15. Une bonne partie de ce chemin est envahie par la végétation, et plein de déchets verts et de troncs d'arbres. Ce sentier est terrain communal. 

Les terrains en-dessous, notamment le long du chemin creux n° 11, qui prolonge la Rue de la Limite en direction de Vottem, sont très humides, et une source est bien visible sous les buissons. Juste à côté il y a d’ailleurs la Rue de la Source. Itinéraires Wallonie a demandé à la Ville de faire dégager ces chemins. Le 11 s’appelle dans l’Atlas des Chemins Vicinaux Chemin d’Oupeye au Hareng ou de Visé à Huy.

https://www.balnam.be/herstal/chemin/11

Le Bouxhtay, le plus beau paysage de notre ville.

Sur notre droite, de l’autre côté de la rue des Meuniers, il y a le Bouxhtay, qui est pour les auteurs du SSC le plus beau paysage de la ville. En 1250, l'église Saint-André (place  du Marché à Liège, depuis 1220 l’église de l'ordre teutonique) reçut de la chevaleresse Beatrix de Vottem une donation de sept hectares. En 1359, une chapelle y a été érigée pour le salut des âmes de demoiselles Idulle, Jehenne et Enguienne, filles du seigneur de Vottem. Vers 1600 le château appartient à Lambert de Werteau, bourgmestre de Liège et comparchonnier, c'est-à-dire détenant une parchon, une part, dans un charbonnage: aujourd’hui on dirait un actionnaire. On appelait ces terres pendant longtemps «la montagne de charbon ». La campagne de la Banse doit son nom au puits ‘delle Banse’ où l’on montait la houille par une banse= manne. Ce terrain est public. A l’époque, la commune de Vottem a acheté la propriété de M. Peeters ; le château est à Herstal qui a  cédé une partie du site à la SRL.


Ce n’est peut-être pas le moment idéal pour y passer : l’AIDE (Association Intercommunale pour le Démergement et l'Epuration) y a commencé des travaux d’égouttage, avec deux bassins d’orage : un au pied du terril, qui remplace le bassin tout rikiki du charbonnage de la Petite Bacnure, et un autre plus haut, en bas de la Chaussée Brunehaut.  Peut-être que l’on découvrira, pendant les travaux, la veine de houille ‘Maret’ qui vient à l’affleurement. Elle pouvait atteindre 2m d’ouverture. En dessous de nos pieds,  à côté des ruines de la chapelle, le pertuis d’une autre branche du Rida. Les sources sont dans la prairie qui longe la Rue des Fontaines. Dans les années 70 on y élevait des truites.

La ferme du Patar

Le Rida passe par siphon en dessous de la rue Verte. Il continue son chemin, à ciel ouvert, dans les terrains très marécageux de la ferme du Patar. Cette ferme appartenait au docteur Emile Muraille, bourgmestre de Herstal de 1878 à 1882. La ferme est encore là, mais le premier des neuf moulins actionné par le Rida a disparu. Mentionné déjà en 1341, on aurait retrouvé les fondations lors de la construction du chemin de fer en 1863.


Les pompages des charbonnages ont tari partiellement les sources, mais aujourd’hui l’eau revient. Et l’imperméabilisation des sols fait que les orages d’été de plus en plus violents augmentent de risque d’inondation. Ce qui explique que le Patar est une des seules zones de la bande verte où l’urbanisation est bloquée parce que la zone est inondable.

Je découvre dans le N°126 du bulletin du Musée un article de Raymond Smeers (que j’ai déjà cité plus haut) sur l’inondation de 1951 à la Préalle, dernière d’une série. « Le Rida qui ne distillait plus à l’époque qu’un mince filet d’eau a retrouvé pendant quelques minutes son débit d’autrefois. Ensuite grossi par les eaux de nombreuses petites sources et celles d’exhaures de charbonnages il s’enfla démesurément. L’eau dévalant de la pente occupait toute la largeur de la voie ferrée pour finalement se déverser en cascade dans les deux cours en contrebas de la rue Charlemagne ». M. Smeers conclut : « depuis lors, divers travaux de canalisation ont été entrepris. Dans les cours, les maisons ont été démolies. Il n’y a plus eu d’inondations « ! Il situe la cause dans la surélévation de plusieurs chaussées, lors de la construction de la voie ferrée en 1863. Il me semble qu’il est un peu trop optimiste. Le réchauffement climatique augmente l’intensité des orages, et l’imperméabilisation des sols fait que ces eaux se trouvent  plus vite contre la digue constituée par le talus du chemin de fer.

Une coupe géologique qui permet de remonter le temps

Si vous remontez la rue du Patar, à la fin de l'asphalte, à gauche, une coupe géologique permet d'observer le cailloutis de la terrasse principale de la Meuse et de remonter ainsi le temps... Si ‘terrasse mosane’ évoque pour toi un lieu de convivialité, t’es à côté de la plaque. En 1894 X. Stainier, Professeur de Géologie explique que sur les flancs de la vallée il y a, étagés á des hauteurs différentes, des amas de cailloux roulés qui représentent le premier dépôt connu de la Meuse. Ca remonte au Tertiaire (de -65 à -2.6 millions d'années). La Meuse a, à plusieurs reprises, dû creuser un nouveau lit, suite à un soulèvement tectonique. Le tremblement de terre de 1983 a les mêmes causes…

Si on a aujourd’hui une bande verte peu urbanisée c’est parce qu’à l’époque construire sur les coteaux de ces terrasses n’était pas évident.

Le hameau ancestral de la Fontaine.

Ce sentier est un tronçon du 86 qui va jusqu’à Pontisse (Post&Wellness hotel). Mais suite à la suppression du passage à niveau de la rue de la Baume, il faut faire un crochet par la Place César De Paepe via un Ravel Rail pimpant neuf. Nous longeons dans la rue Pied du Bois Gilles un terrain où la ville a relogé les forains qui étaient sur le site de l’Abattoir, où l’on a construit un nouveau hall omnisports.


Un peu plus loin nous arrivons au hameau ancestral de la Fontaine. Notre historien local R. Smeers nous apprend que du temps de Charles Martel, « le Rieu serpentait dans les prairies et les terres cultivées, longeant les vignobles et disparaissait derrière un monticule arboré. Une métairie et un moulin y étaient établis. La forêt du Bois Gilles qui s’étendait vers le nord-ouest en direction de Milmort faisait partie de ce vaste domaine. Le Rida reçoit les eaux d’une source au lieu dit ‘A la fontaine’. Avant la construction de la voie ferrée elle était pourvue d’un lavoir public. Bon nombre de personnes viennent cueillir le cresson qui croit en abondance sur les deux rives de ce petit cours d’eau transparent comme un ruisseau de montagne. Malheureusement, la description de cette riante vallée appartient au passé. Il n’en reste aujourd’hui qu’un groupe de six maisons expropriées et un bassin de décantation nouvellement construit. La jolie fontaine décore une pelouse non loin de Herstal » (R. Smeers, La petite histoire de la Préalle, 1985, éd. Charlemagnerie p.31-32).

Dans les années 50 on a exproprié la rangée de maisons qui se trouvaient dans ce qui est aujourd’hui une prairie avec des arbres fruitiers, pour un projet de lotissement de la SRL, abandonné depuis.

La rue du Bourriquet et la voie des Botis


Nous poursuivons notre quête de la bande verte au-dessus du centre de Herstal très minéralisé en montant via balnam.be - Herstal Sentier n°i7 , qui fait partie de la Voie des Botis. Via la rue sur Les Thiers nous arrivons dans la rue du Bourriquet. Entre cette rue et le cimetière de Rhées, un vieux puits de mine portait le nom de bêur dès Botîs. Cette  voie des Botis était une de mes premières balades-santé. C’est une des rares promenades reprises sur le site dela ville  C’est en quelque sorte l’œuvre de la vie de mon ami Walthère Franssen.

Le ‘bêur dè Bourikèt’ doit son nom à une rudimentaire machine d'extraction, un treuil actionné par un manège actionné par des mules. Ne rigolez surtout pas avec ces machines: on venait chercher de loin nos spécialistes de l’exhaure. Un village en Pays de Loire s’appelle Decize-la-machine et cette machine était liégeoise !

A côté du building du Bois d’Orange, dans la rue Emile Muraille, se trouvait le puits du Moulin à vent. Ce moulin actionnait une pompe d'exhaure. Comme on ne sait pas très bien où il se situait, on n’a pas osé construire là.

La cité des Monts a été construite sur des terres achetées au Séminaire, dans les années 1920. Au siècle passé un voyait grand pour le logement social ! Une partie des champs sur notre droite sont dans la réserve foncière de la Société de Logement SRL. Aujourd’hui la vigilance est de mise pour éviter qu’on utilise cette réserve foncière pour attirer des promoteurs privés. Le fermier qui les cultive les travaille à titre précaire.

Flprojects et la fourchette de densité nette admissible 

Si une partie de la plaine de Haren a été la pierre d’achoppement de la bande verte, le site en dessous de la cité des Monts en est la pierre tombale ! Une partie de ce site (1,4 hectares),  enclavée entre les rues du Trois Juin, Bon Air et Désiré Janson, est menacé aujourd’hui par un projet de lotissement.


A l’époque, le SSC avait posé trois conditions pour « l’aménagement des zones actuellement bâties qui se trouvent en ‘périmètre urbanisé complémentaire’ (les hameaux, lotissements et clos : Haren, Sur les Monts, Schweitzer, Julio-Curie, Swerts, Kilmarnock, du Mayeur, Rhees, etc.). Il faut les identifier clairement comme relevant des aires spécifiques au RCU, distinctes de la zone urbaine. Des dispositions strictes seront imposées à tout projet de construction, transformation, démolition, etc. Compléter l’urbanisation de fait, sous conditions, pour «achever » un lotissement encore valide, pour transformer un bâtiment existant, pour construire sur un terrain longeant une voirie équipée, etc. Conditions (minimales) pour les modifications (exceptionnelles) à la situation existante: fixer une fourchette de densité nette admissible ; contribution importante des abords et jardins au maillage écologique, diminuer l’imperméabilisation du sol (terrasses, accès, parkings,…), plus de plantations, plus d’espèces indigènes, gestion plus écologique ».

Pour vérifier sur place comment ces conditions ont été vidées de leur substance, je vous invite à suivre le trajet de la marcheexploratoire organisé en fin du printemps 2020. 

Une liaison cyclo-piétonne entre la rue du Bourriquet et le Ravel 76

Nous poursuivons notre quête de la bande verte via un sentier qui sera bientôt une liaison cyclo-piétonne entre la rue de Milmort et la ligne 76 (conseil communal 25/5/2020 393.946€ en partie subsidiable par le département Infrastructures subsidiées de la Région)En fait, il s’agit du sentier 27 de l’Atlas des chemins vicinaux. La liaison débouchera sur le contournement cyclo-piétonne des deux ronds points flanquant la sortie 34 de l’autoroute. On aurait pu passer aussi bien par le sentier 86 qui court en parallèle et qui aboutit dans la rue Hurbise (Post&Wellness hotel), et qui, lui, a pratiquement disparu, grignoté par les labours  et faute d’entretien des haies. On peut discuter sur le choix de ce sentier 27 plutôt que du 86 (qui est un peu le fil rouge de ce blog). Mais je peux me contenter d’un engagement ferme de la Ville pour restaurer l’accès au sentier 86.

Le sentier 86  est selon Itinéraires Wallonie « un chemin presque rural, qui court au ras d’une terrasse mosane, tout en traversant une belle xhaveye (vallon sec). Toute commune qui se respecte aurait déjà sauvegardé ce chemin depuis longtemps ». Dans les champs, quelques anciens puits de mine qui, comme les pierres tombales, portent un nom et une date. Des traces étonnantes de siècles d'activité houillère, recouverts d'une végétation sauvage.

Le Grimbérieu et le Ravel 76


La descente du Ravel de la ligne 76 vaut le détour. Elle descend en pente douce entre les rues Trixhe Maille et du Doyard, pour arriver Avenue de l’Europe.  Ce Ravel fait partie du plan PIC Vert « Plan d’itinéraires communaux verts ». Nous sommes sur le tracé de la ligne Genk – Riemst – Bassenge – Houtain – Hermée – Herstal – Liège. En 1959 les trams sont remplacés par des bus (le 76 du TEC Liège Léopold - Herstal - Hermée - Bassenge - Riemst / Kanne).

Nous sommes ici dans un vallon creusé par le Grimbérieu. Ce ruisseau est quelque part sous nos pieds. A  l’époque les noyaux de peuplement s’établissaient  sur une terrasse de la Meuse, à l’abri des inondations. Au Pré Wigy il y avait une villa romaine et un champ d’urnes protohistorique. Une ferme ainsi qu’un moulin construite  en 1768 ont été expropriées pour l'autoroute. A gauche du Ravel il y a le beau parc du home Louis Demeuse, le potager collectif  “Les Chenillettes”  du  Service d’Insertion Sociale “Chrysalide” et l’arboretum.  La Ville se vante «d’une spécificité de notre arboretum », la Butte du Doyard.  Située à l’entrée du parc, c’est en fait un tas de remblais volontairement non entretenu. Cela peut sembler un vrai fouillis « mais les plantes et les animaux sauvages aiment beaucoup ce genre de lieux qui leur offrent de nombreuses possibilités d’abris et de nourriture. Ronces, érables, bouleaux, ... toute la richesse de notre flore sauvage ».

Des buttes comme ça, il doit y en avoir des dizaines. Et il est vrai que ces lieux sont un havre de biodiversité. Mais pour une ville qui fait si peu de cas de la biodiversité, cette butte fait un peu tâche.

Pontisse et son fort


On termine notre tour de la bande verte via les deux ronds points à l’entrée de l’autoroute.  La SPI a investi sérieusement dans la mobilité douce. Un sous-produit de la lutte contre l’extension des Hauts Sarts dans la zone 4. Des efforts un peu vains devant la pression automobile. Mais c’est toujours mieux que rien. ‘L’hôtel médicalisé’ du Sart-âge est implanté dans un coin très vert, collé à une autoroute très chargée. C’est un terrain privé mais si on respecte les résidents on peut le traverser. Le parc est quand même très « gated community », une résidence repliée sur elle-même. Je suppose que ce n’est pas un problème pour les résidents, même si quelques contacts avec l’un ou l’autre promeneur peuvent remonter le moral. Il faut traverser quelques buissons pour arriver dans la rue de l’Abbaye qui mène vers le fort de Pontisse. Ce fort est repris dans les propositions de la Ville pour se dégourdir les jambes pendant le confinement. Elle intéressera sûrement les enfants, qui pourront y saluer les ânes.

Les forts sont l’œuvre de Brialmont, le Vauban belge (toutes proportions gardées). Selon le général Leman, défenseur de Liège en 1914, ces forts avaient été conçus d’une manière déplorable.  Un jugement trop sévère: c’est  l’évolution des munitions dans la course folle aux armements de 1870 à 1914 qui les a rendus obsolètes, dix ans après leur construction. A Pontisse on peut voir, lors d’une des rares visites autorisées, les dégradations du béton (non armé) avec des blocs de plusieurs tonnes qui se sont détachés du plafond. Dans les années 30 on a construit un fort plus résistant en dessous du premier.

les treuils au Thier Counotte

Le béton a été fait avec des galets et graviers extraits de la Meuse. Au bout de la rue du Fort on avait installé un plan incliné à quadruple voie avec au dessus, au Thier Counotte,  deux machines à vapeur actionnant les quatre treuils. De là une ligne de chemin de fer partait vers les chantiers de Liers, Lantin, Loncin et Hollogne. Ce chemin militaire correspond +- à la rue de l’Abbaye dans le zoning.

Le schéma de structure proposait de classer le fort. Il le vaut sûrement, mais cette proposition était motivée par une compensation pour l’abandon d’une zone verte autour du terril.

Une pipeline de l’OTAN : secret militaire !

La rue de la Ceinture contourne le fort. Juste après la ferme, un tronçon de la balade «au pays des vignerons», avec le losange bleu, descend sur Vivegnis via  le Basse Va. Au-dessus du Bois Noir et du Bois de la Péry la SPI aménagera des sentiers dans la zone tampon avec la future zone 4. C’est le moment où jamais de proposer un maillage vers la rue des Chalets en contre-bas, et avec le parc du Sart-âge que nous venons de traverser. La zone est pleine de ronces, sauf sur une bande très large qui longe un pipeline de l’OTAN.

La rue du Chalet réfère probablement aux baraques Albert, dont nous voyons encore deux exemplaires. Vu le relief, cette zone a été peu construite. Mais ça ne veut pas dire que ça a toujours été une brousse comme maintenant. On retrouve  des traces des anciens potagers qui montaient parfois assez haut. Il y a un sentier sur la carte, mais il est par endroits envahi par les ronces.

Et puis, il y a aussi le passé minier. Les tombes des deux de puits d’Abhooz sont à l’entrée du Brico, en Basse Campagne. Dans l’Avenue Cité Wauters un puits servait à aérer les ouvrages du charbonnage. Quant au terril, il est en-dessous de Chertal. On a rehaussé le terrain de l’aciérie et du Train à Larges Bandes de cinq mètres, avec les schistes du terril, pour écarter la menace d’inondation.

Une ‘agriculture urbaine et périurbaine’ dans des conteneurs


Voilà donc la belle zone verte entre notre centre-ville très minéral et les trois communes très’village’ au-dessus.  La Ville a baissé les bras devant la difficulté d’imposer une urbanisation raisonnée, et a laissé tel quel un plan de secteur vieux d’un demi-siècle et inadapté aux défis actuels.

Pour masquer un peu cette réalité, la ville développe des alternatives tape-à-l’œil dont le plus minable est à mon avis le projet Verdir, un spin off de l’ULG. Verdir fait miroiter, sur l'ancien site des ACEC, une « agriculture urbaine et périurbaine,  des activités hors sol par le biais d’un saut technologique important : l’aquaponie ou l’hydroponie ». Et on prévoit même d’utiliser les voies fluviales afin de « permettre un transport doux et de proximité des produits frais ». Il ne manque que les boteresses pour les porter sur le marché de primeurs place Cockerill !

Un jardin carolingien

Dans le cadre de Wallonie Destination Nature 2020-2021, et avec la commémoration du 1.200ème anniversaire de la mort de Charlemagne, le musée a créé un jardin carolingien. Ce jardin s’est inspiré du ‘Capitulare de villis vel curtis imperii’ de Charlemagne. Ce document renferme des prescriptions disciplinaires curieuses. Le directeur de domaine qui a négligé les ordres royaux devra s’abstenir de boisson (« a potu se abstineat ») jusqu’à ce qu’il ait reçu son pardon. Et il faut croire que la civilisation carolingienne était tourmentée par la famine, au point d’interdire le cannibalisme : « Si quelqu’un, trompé par le diable, croit qu’une femme est une sorcière qui mange des hommes, et que pour cela il la brûle et donne sa chair à manger ou la mange lui-même, il sera puni de la peine capitale ». Si ce jardin est sympa, il ne saurait cacher le manque d’intérêt de la ville pour l’environnement…

Un sculpteur de biotopes sur la friche Kraft


Mais question de greenwashing, le top est le Musée de l’Éphémère sur la friche Kraft. Et je ne blâme pas l’artiste et "sculpteur de biotopes" Werner Moron, de la cellule Art, Nature et Innovation de Natagora, qui a conçu, derrière le nouvel hôtel de ville, un grand parc paysager en 8 zones favorisant la biodiversité, avec des essences différentes : milieu humide ou sec, petite mare, milieu ombragé ou ensoleillé, sols pauvres et riches. Une pépinière slow fait redécouvrir les plantes indigènes. Werner espère que les visiteurs recréeront chez eux des couloirs de biodiversité. C’est presque de l’humour noir face au peu de respect de la biodiversité par la ville…

Werner est un artiste intéressant. Il est présent au Préhistomuseum de Ramioul. Son collectif Paracommand'art a inventé une chorégraphie sur la Place Saint-Léonard avec les Indignés qui l’occupaient. En 2013 il a réalisé au Gosson une sculpture-radeau «L'eau monte » avec des bouleaux coupés sur le site. Il avait déjà réalisé un radeau du même genre, en Pologne, en dialogue avec la Nef des fous (v.1500) de Jérôme Bosch.

Il est conscient que son projet à Herstal est instrumentalisé par la ville pour présenter cette friche industrielle sous un angle favorable : «une œuvre d’art n’est pas là pour faire société mais pour poser une question stridente et interpellant, qui fait polémique. En fait, on doit toujours être dedans ET dehors (ne serait-ce que pour les moyens nécessaires au développement d’une action) ».

La Ville prétend « stimuler ainsi le développement d’activités liées à un tourisme durable générateur d’emplois locaux pour accompagner la transition vers une économie plus verte en liaison avec les objectifs européens à l’Horizon 2020».


Je ne vais pas faire ici le bilan écologique de ce projet (650 m³ de déblais, et 1200 m³ de remblais). Et la dalle de béton de 422 m², ce n’est pas Werner. Elle est là pour l’assemblage de 8 containers de l’architecte de renommée internationale Rudy Ricciotti. Werner Moron aussi a travaillé sur le thème de container marin. Par un système de découpes, imaginé il y a une vingtaine d’années, son box s’ouvre tout autant aux variations des couleurs qu’aux arrière-plans où il va être déposé.

Conclusion

Voilà donc un aperçu la bande verte, avec en miroir des projets ‘Verdir’ qui servent de feuille de vigne à une stratégie qui cherche à attirer à tout prix, et sans conditions, des promoteurs immobiliers. Des promoteurs qui, si on leur laisse le choix, préfèrent évidemment mille fois un ‘green field’ à un ‘brown fields’, avec ses contraintes et parfois ses mauvaises surprises. Il me semble inévitable de passer par une révision des plans de secteur, rédigés à une époque où non seulement les préoccupations étaient complètement différentes, mais, en plus, dans un climat malsain de fusion des communes où l’intérêt général était parfois (souvent) très loin.

Pistes à explorer

Phase finale rapport du 1/7/2010 Schéma de structure Communal https://www.herstal.be/ma-ville/services-communaux/urbanisme/schema-de-structure-communal-rapport.pdf

 

Nous devons au confinement une page Wikipedia très bien faite sur le Rida, rédigée pendant les moments de détente du prof  Jan Nyssen de l’Ugent qui s’est retrouvé en télétravail au Clos du Val https://fr.wikipedia.org/wiki/Rida_(ruisseau)

 

Depuis des années j’organise une fois par mois une balade santé pour ma maison médicale, documentée chaque fois par un blog. Voici une petite liste qui couvre +- le parcours proposé dans le texte que vous venez de lire.

http://hachhachhh.blogspot.com/2020/09/56ieme-balade-sante-mplp-herstal-le-rida.html

http://hachhachhh.blogspot.com/2020/10/58ieme-balade-sante-mplp-herstal-le-rida.html

 

Le Sentier de Vottem

http://hachhachhh.blogspot.com/2014/03/le-sentier-vicinal-n-86-de-herstal-une.html

 

Le Bouxhtay

 http://hachhachhh.blogspot.com/2014/01/les-ruines-du-bouxhtay-le-plus-beau.html

 

Le Hameau du Pied du Bois Gilles

http://hachhachhh.blogspot.com/2017/04/herstal-le-hameau-ancestral-de-la.html

 

La Voie des Botis

http://hachhachhh.blogspot.com/2016/09/25ieme-balade-sante-mplp-la-voie-des.html

 

Lors de l’enquête publique sur FLprojects nous avons organisé une marche exploratoire. On peut la commencer au parking du CPAS dans la rue Désiré Janson. https://hachhachhh.blogspot.com/2020/12/herstal-le-projet-bon-air-3juin-et-la.html

 

Le Ravel 76, la Cité Wauters et le fort

http://hachhachhh.blogspot.com/2017/02/28ieme-balade-sante-mplp-cite-wauters.html

 

Sur le musée éphémère http://hachhachhh.blogspot.com/2019/01/45ieme-balade-sante-mplp-10-fevrier.html

 

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