mardi 3 décembre 2019

Herstal: Verdir et le Master Plan pour les Acec


Le Master Plan pour les Acec joue sur deux thèmes à la mode : le chauffage urbain (cfr mon blog https://hachhachhh.blogspot.com/2019/09/le-master-plan-pour-les-acec-et-le.html ) et green life.
Je dois dire que je pars avec un préjugé négatif pour ce green life. On avait promis ce projet lancé en 2012 par l'ULiège, la Spi, le Gré et la Région wallonne sur le site Magnetto à Flémalle, une friche d'ArcelorMittal.  Il y a peut être quelque chose qui m’a échappé, mais le sidérurgiste que je suis n’ai jamais rien vu venir. Dis que je me trompe !

Un effet de levier, avec la SPI ?

Pourquoi ce qui n’a pas marché à Flémalle réussirait à Herstal ? On me dira : il manquait un effet de levier. Cette fois-ci, on a la Société Provinciale d'Industrialisation, appelée plus couramment SPI (depuis 1995 et le rapprochement avec l'Institut Provincial des Classes Moyennes c’est la SPI+, acronyme de "Services Promotion Initiatives en province de Liège"). Voici comment la SPI+ vend ‘greenlife’ ou ‘Verdir’ (pour « Valorisation de l’Environnement par la Réhabilitation Durable et l’Innovation Responsable ») : « Le site sera traversé par un réseau de chaleur et consacrera une vaste superficie à des serres et des cultures maraichères.
Près de 500 logements sont prévus, avec des immeubles de taille modeste répartis en deux espaces, aux deux extrémités de la zone. Les vastes halles industrielles seront partiellement conservées, pour devenir, selon les cas, centre de conférence, espaces économiques, salle de sports....
Pour que tout cela soit possible il faut créer l’effet levier, c’est là que la SPI intervient. Sous l’impulsion de l’agence de développement, on a déjà créé aux ACEC un groupement d'intérêt économique (GIE), désignation un bureau d’études GESPLAN en vue de l’élaboration de la Reconnaissance de zone ; étudié un nouveau concept de « box in the box » en vue de réaffecter les bâtiments industriels ; hébergement d’un container permettant les expérimentations VERDIR de
photo paul mahy
l’ULiege par la SPI ; concertation avec la ceinture alimentaire liégeoise pour développer le concept d’agriculture urbaine : une pépinière « Smart Box » composée de containers intelligents permettront la culture durable d’aliments et le Tropical Plant Factory sera dédié à l’extraction de molécules destinées aux biotechnologies ; des projets portés en partenariat avec l’Université de Liège et rendus possibles grâce au développement d’un réseau de chaleur.
Et, last but not least, mies en place un système d’occupation provisoire des bâtiments afin de les préserver du vandalisme en attente de leur affectation définitive ; installation d’ARSENIC (compagnie théâtrale) sur la partie SPI dans une logique d’expérimentation urbaine= création de sécurité sur site et importante économie généréeé». Bien vu, puisque le projet pourrait prendre du temps… Arsenic a déjà rempli les mêmes fonctions sur le site de Bavière…

« Avec l’émergence de ces nouveaux cycles de vie, le site des ACEC devient une ville dans la ville reposant sur la recherche et le travail, mais aussi un lieu de vie et de sociabilité avec tous les services nécessaire ».

Créer des circuits courts

photo paul mahy
Selon Cédric Swennen, Directeur Général Adjoint de la SPI : « Nous avons ici l’opportunité de créer de circuits courts ». Il pense ici à l’agriculture urbaine, et plus particulièrement l’aquaponie, une combinaison d’hydroponie de légumes et d’aquaculture de poissons ; deux systèmes en boucle fermée où les poissons et les plantes sont reliés par un filtre biologique. Le bio-filtre purifie l’eau des poissons. Les micro-organismes du bio-filtre transforment l’ammoniaque produit par les poissons, en nitrite puis en nitrate pour être directement absorbé par les racines des plantes.
Nous analyserons d’abord les deux systèmes -hydroponie et aquaculture - séparément avant de voir où est l’intérêt de combiner les deux.

L’aquaculture.

Commençons par l’aquaculture. On a élevé avec +- de succès des tilapias dans les eaux de refroidissement de Tihange. Il faudra évidemment m’expliquer pourquoi ça a foiré. En 1975, Intercom, ancêtre d’Electrabel, raccorde au réseau la première unité de production nucléaire de Tihange. Intercom voulait valoriser les eaux chaudes de sa centrale. L’entreprise a jugé à l’époque que le chauffage urbain était trop peu rentable sous nos climats. C’est ainsi qu’elle a commencé l’élevage detilapia, une  espèce tropicale d'intérêt économique. Tout ça est accompagné par de l'Université de Liège qui y installe une station de pisciculture.
Si les cochons produisent du lisier, les poissons, eux, génèrent des déjections et de l’urine sous forme d’ammoniac. A Tihange, on extrayait les matières organiques dans une station d'épuration et on en faisait du compost. L’ammoniac étant transformé en nitrates non toxiques par un filtre biologique, l’eau épurée était réinjectée dans les bassins d’élevage. Tihange était un système +- fermé, avec ‘seulement’ 10 % d’eau nouvelle réinjecté par jour.

Faillite de Piscimeuse et arrêt programmé de Tihange

En 1983 cette première société pilote de tilapia devient Piscimeuse au sein de la société Gabriel, dont la faillite en 2002 entraîne celle de Piscimeuse. Les frères Bijnens rachètent la société qui deviendra Aquafarm Tihange, dépendant de Aquafarm Genk. 
Ici il me manque un bout d’information. Lorsqu’en 2009, Joosen-Luyckx reprend Vitafish Dottignies en faillite, on apprend qu’elle dispose déjà de deux sites de pisciculture, l’un à Turnhout, «  l’autre à Tihange » (23/10/2009 Le Soir ). Aquafarm Tihange a donc été repris par Jooskens – que nous retrouverons plus loin – entre 2002 et 2009. Or en 2002 on commence à parler de l'arrêt de l'activité de la centrale, avec l’arrêt de fourniture  d’eau chaude pour la pisciculture
Et sans eau chaude... adieu tilapias. «  Electrabel est tenue de nous signifier en 2008 si elle nous met à la porte en 2013, et toute notre politique est basée sur cet arrêt potentiel, explique M. Ducarme, directeur de Piscimeuse. Mais si nous recevons l'autorisation de rester en dépit de l'arrêt de l'activité de la centrale, nous envisagerons peut-être alors d'élever des poissons d'eau froide, tel les poissons rouges ou les carpes coï » (Le Soir 6/3/2002).
En 2014 l'Université de Liège envisage de construire un tout nouveau centre de recherche dédié aux poissons au Sart-Tilman, à proximité de la faculté des sciences appliquées. (RTBF 22 octobre 2014).
En 2017 Electrabel souhaite remettre à nu la parcelle dédiée auparavant à lapisciculture. Plutôt que de détruire la serre de grande dimension (100m.*10m.* 7mètres de haut), Electrabel souhaiterait en faire don à une organisation à but non-lucratif. Est-ce cette serre-là que l’on projette sur le site des ACEC ?
Quant à Aquaferm Genk, elle a disparu en 2017, après 34 ans d‘activité,  suite à la faillite et la fermeture de la centrale au charbon de Langerlo, qui l’approvisionnait en eau chaude (HLN 11 april 2017).
Voilà donc deux pionniers de la pisciculture en eau chaude qui ont disparu. Je veux bien que le problème principal était lié à l’avenir des centrales, et pas à la pisciculture proprement dite. Mais ce modèle de pisciculture est évidemment lié à un  approvisionnement en eau chaude bon marché. Et par rapport à ça le problème se pose de la même manière que pour  les réseaux de chauffage urbain : il faut diversifier l’approvisionnement en eau chaude pour ne pas dépendre d’un fournisseur.

Pour la gauche-kaviar : la Royal Belgian Caviar.

L’échec de Piscimeuse et d’Aquaferm Genk n’est pas l’échec de toute la pisciculture en eau chaude industrielle. L’expertise technique et scientifique du CEFRA (Centre de formation et de recherche en aquaculture et en gestion des ressources vivantes aquatiques) est à la base d’un des plus grands élevages de tilapias en circuit fermé du monde. Cet élevage a été repris par Joosen-Luyckx Aqua Bio qui élève à Turnhout et à Dottignies aussi des esturgeons, pour leur caviar. A la maturité des femelles on récolte les précieux œufs non fécondés, vendus sous la marque Royal Belgian Caviar (15 % de caviar par poisson ou 25 kg ; quatre tonnes en 2017, 1 % de la production mondiale). Il faut du temps : cinq ans pour les femelles baeri et jusqu’à 18 ans pour le beluga.  En attendant d’avoir du caviar, il y a évidemment les filets des mâles. Et là aussi la CEFRA  est intervenu, pour la détermination du sexe par échographie, à l’âge de deux ans.
Cette étude a aussi servi pour la perche, où la femelle grandit plus vite que le mâle, alors que chez le tilapia, c’est le contraire (Le Soir 17/11/2018). Voilà qui pourrait intéresser la gauche-kaviar. Pour moi, ça sera la carpe, depuis que j’ai assisté en été 2019 à l'élection de Miss Carpe frite, à Munchhouse, un village  près de Mulhouse.
Je n’ai pas réussi à savoir d’où cette pisciculture de Turnhout tire son eau chaude, et je n’ai pas l’impression que l’énergie fatale est importante pour ce modèle économique.
Par contre, les chercheurs du CEFRA ont travaillé aussi sur la réduction des besoins en eau, par un système à eau recirculée (RAS, Recirculating Aquaculture System), toujours en collaboration avec Belgian Quality Fish, « pisciculture wallonne » (en fait, 99,99%est dans les mains du flamand Joosen Invest)
Le projet a été financé par le FEAMP (Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche) dans le but d’étudier les possibilités de valorisation des effluents de Belgian Quality Fish par l’aquaponie. C’est la technique préconisée pour VERDIR Acec. Mais avant d’analyser les éventuels avantages de l’aquaponie, regardons un peu (brièvement) l’autre pôle, l’hydroponie.

L’hydroponie

La technique d’hydroponie est bien au point. Trois laitues sur quatre consommées en Belgique poussent… les racines dans l’eau. Et c’est aussi le cas d’une grande partie des tomates. La plupart des plantes aromatiques, les concombres, mais aussi les épinards, les fraises, ou encore les aubergines peuvent être cultivés de cette manière.
Les plantes sont cultivées directement dans une solution nutritive à base d’eau, dans des substrats inertes. L’absence de sol élimine complètement les organismes et les mauvaises herbes ou adventices. Par conséquent, le travail, ainsi que l’utilisation d’herbicides, est considérablement réduite mais permise car il n’y a pas de poissons, vers ou bactéries à ne pas tuer (contrairement à l’aquaponie dans laquelle on doit s’assurer du maintien de la vie de l’écosystème).
Ceci dit, je n’ai pas l’impression que cette technique dépend de la disponibilité d’eau chaude. L’avantage principal de l’hydroponie est une faible consommation d’eau, mais une grande quantité d’engrais chimiques. Le principal problème de l’hydroponie est qu’il faut procéder au remplacement périodique de l’eau appauvrie en éléments nutritifs. C’est le principal coût récurrent de l’hydroponie.
La culture hydroponique exige une parfaite maîtrise de l’ensemble du système. La gamme de pH optimale est comprise entre 5,8 et 6,5. La température de la solution nutritive présente une relation directe avec la quantité d’oxygène consommée par les plantes, et une relation inverse de l’oxygène dissous en elle. La température affecte également la solubilité des engrais et de la capacité de l’absorption des racines. Les rendements diminuent lorsque la température de la solution nutritive  augmente pendant les périodes chaudes. Et il faut chauffer la solution nutritive qui devient trop froide dans les nuits froides de l’hiver.
Je n’ai pas l’impression que l’hydroponie demande beaucoup d’eau chaude. Que du contraire: cette technique demande un éclairage artificiel, et même avec un éclairage LED, qui produit peu de chaleur, on a besoin de ventilateurs pour refroidir.

L’aquaponie

Nous avons donc deux systèmes : l’aquaculture et l’hydroponie. Chaque système a ses contraintes. La motivation principale pour coupler les deux systèmes est la valorisation des effluents par l’aquaponie. En effet, les eaux de rejets et les boues (après minéralisation) contiennent des nutriments qui peuvent être utilisés pour leur croissance par des plantes d’intérêt commercial. Mais c’est compliqué…

Un projet de ferme urbaine en aquaponie raté dans la ceinture de rouille des Grands Lacs américains

Dans une brochure de présentation de Verdir de 2013, l’ULiège met en avant un exemple dans le Rust Belt américain. A Pittsburgh, Milwaukee ou Détroit le développement de formes d’agriculture nourricière sur les friches industrielles fait partie des programmes municipaux. L’ULiège prend
exemple sur la ferme Sweet Water Organics à Milwaukee : 80.000 poissons dans des réservoirs surmontés par des lits de culture de laitues sur 0,75 hectare d’une friche industrielle. Sweet Water Organics avait fait miroiter à terme une marge brute de 200.000 US dollars par an ET la création de dizaines d’emplois peu qualifiés. La ville de Milwaukee avait prêté 250.000 $ non remboursable si 45 emplois sont créés pour  fin 2014.
Ce système est lancé en 2009, avec 2.400 perches et 33.000 tilapias. Début 2011 déjà six employés (sur dix, en comptant les deux fondateurs) quittaient l’entreprise à cause des salaires impayés et des critiques sur la gestion. Compass en a interviewé quatre en 2012 qui dénoncent le climat de travail pourri. "Ils se cachent derrière l'idée de la durabilité pour réaliser des profits", déclarait Ryan Bourbon, ancien biologiste de Sweet Water. "En aucun cas, les dirigeants n'ont manifesté le moindre intérêt à améliorer les conditions de vie pour des personnes autres qu'eux-mêmes."  Les critiques portaient aussi sur le processus.
En 2012 les problèmes financiers et de gestion s’aggravent et Sweet Water cessa sa production l'année suivante. Milwaukee ne reverra jamais ses 250.000 $.
Théoriquement, le système aquaponique est une boucle fermée avec un équilibre à optimaliser entre poissons, plantes et bactéries. Trop de poissons, trop peu de plantes ou trop peu de bactéries, et la balance de l'eau devient toxique. Selon Hull, ancien directeur de l'horticulture, de la recherche et du développement, «on perdait des centaines de poissons par jour». Les poissons nageaient dans leurs propres déchets, se mordant l'un à l'autre et mourant d'asphyxie.
 «Avec 15.000 tilapias dans un réservoir à système de recirculation aquaponique de 9 000 gallons, nous perdions 1.500 poissons en deux semaines…», écrit le vétérinaire David M. Vandever. Pour faire face à des densités excessives, Sweet Water jette des milliers de poissons.Un ex-bénévole raconte comment «les biosolides [matières fécales de poisson et aliments non digérés] s'accumulaient jusqu'à atteindre quelques centimètres d'épaisseur dans les lits de culture, et ont finalement dû être aspirés. Plus d'une fois, j'ai été témoin du pompage de grandes quantités d'eau sale provenant des aquariums dans l’égout ».
Cet échec est resté relativement caché. Encore aujourd’hui, en faisant une recherche superficielle sur internet, sans faire attention aux dates de publication, on peut avoir l’impression que ça reste un exemple à suivre. Des milliers de personnes du monde entier ont été épatées lors de visites guidées du modèle Growing Power. Et vont peut-être l’imiter, comme Uliège le propose, estimant que Sweet Water représente une méthode de production alimentaire commercialement viable.
D’une manière générale, ces projets d’agriculture urbaine dans les villes en décroissance nord-américaines font l’objet d’une forte médiatisation. Flaminia Paddeu dénonce ça dans son livre «Sortir du mythe de la panacée. Les ambiguïtés de l’agriculture urbaine à Détroit ».
C’est donc sur cette base que la SPI+ annonce une installation pilote en aquaponie aux Acec. Ne voulant pas être trop négatif, en me basant sur l’échec de Milwaukee, j’ai continué mes recherches sur l’aquaponie en milieu urbain. Et j’ai découvert des projets réussis. Nous avons déjà mentionné Belgian Quality Fish, et son élevage d’esturgeons pour la production de caviar. Il y a aussi l’omégabaars, un poisson présenté comme bar, mais en fait un poisson riche en Oméga-3 suite à une alimentation ad hoc.

Le ’omégabaars’ : un poisson végétarien qui déborde d’Omega-3

Chez Aqua4C à Kruishoutem, on élève depuis 2017 l’Omegabaars, un poisson qui déborde d’Omega-3, des acides gras dont notre corps a besoin, mais qu’il ne peut pas produire lui-même. Stijn Van Hoestenberghe, de l’université de Louvain, avu dans un élevage de perches en Espagne, et ensuite dans un élevage de crevettes aux Seychelles, comment on nourrit le poisson d’élevage en capturant massivement du poisson sauvage. Stijn a rêvé d’un poisson végétarien. Il « découvre » la perche tigre (Scortum barcoo) dans les billabongs d’Australie, ou plutôt dans les élevages australiens : cet omnivore se plaît en système fermé. Mais Stijn développe une alimentation végétarienne à base de lin, blé, maïs et algue, produit par Aquafood, filiale d’Aqua4C. Il lance un projet-pilote à l’université de Louvain, et arrive à intéresser Aqua4C.
Aqua4C passe en dix mois de l’œuf à un poisson de 400-600 grammes. Pour un kilode poisson ils consomment 50 litres d’eau, mais en 2018 ils lancent un circuit quasi fermé par l’aquaponie.
La chaleur résiduelle des serres de Tomato Masters chauffent l’eau des bassins. En échange, l’eau résiduelle riche en nutriments fait pousser les tomates. Cela signifie 10 à 20 % d’engrais en moins. Grâce à des investissements et des collaborations avec les poissonneries, les restaurants et les supermarchés Spar, Albert Heijn et Carrefour, la production de Aqua4C passe de 100 à 150 tonnes par an. Evidemment, à cette échelle de production, on est loin des circuits courts, comme le fait miroiter Verdir à Herstal, ou à la Ferme Abattoir d’Anderlecht.

Paff Box

En 2012 Haïssam Jijakli, Professeur en phytopathologie et agriculture urbaine à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), lance son «Paff Box» (Plants And Fishing Farming). C’est le même Jijakli fera l’étude de faisabilité du programme VERDIR en 2013 et qui coordonne le projet européen Smart Aquaponic.
En 2013 il prononce un discours à l’occasion de l’ouverture de l’année académique : « Aquaponie est la contraction de aquaculture et hydroponie. Les poissons vont produire des déjections qui vont être dégradées par des bactéries et ces bactéries vont rendre ces déjections assimilables par la plante. En contre partie, la plante va purifier l’eau qui retourne vers les poissons. Nous sommes donc en présence d’un écosystème a priori favorable pour le développement durable, en tout cas pour sa partie’ pilier écologique’. Nous avons développé en spin off un système aquaponique dans un container : au rez-de-chaussée, des poissons et dans la serre au-dessus, des plantes. Ainsi, la PAFF box peut occuper la place de deux places de parking. Nous avons pu montrer qu’il est possible de produire des végétaux dans des milieux confinés convenant aux friches industrielles ; nous avons aussi montré que le résultat est économiquement intéressant pour certaines cultures si on les distribue en circuits courts. Enfin, nous avons aussi montré que nous arrivons à un bilan carbone positif et qu’on peut renforcer ce bilan si l’on adjoint des énergies vertes ou des déchets énergétiques d’autres entreprises. Suite à ces résultats, il a été décidé d’implanter les premières unités aquaponiques ou hydroponiques sur le lieu emblématique des Acec près de Liège. Il nous reste encore à valider nos résultats en faisant fonctionner des unités pilotes ».
Son laboratoire dispose depuis 2018 d’unités de recherche en aquaponie dans le cadre du projet «Valorisation innovante des effluents de pisciculture par la méthode aquaponique». Trois unités identiques de type RAS - Recirculating Aquaculture System ont été dimensionnées pour l’élevage de différentes espèces de poissons d’eau douce tempérée ou tropicale. A l’occasion de LIEGE CREATIVE, 14.12.2018 il y a présenté un powerpoint « L'agriculture urbaine, où en sommes-nous? »
Malheureusement pour lui, une étude de cas «A case study in the urban environment» de Stijn Verdoodt à l’Université de Gand (en anglais, avec Haïssam Jijakli himself comme superviseur) n’est pas si affirmative: La PaffBox a un impact plus important surl'environnement que les alternatives, sauf pour la consommation d'eau. Le système a des besoins élevés en électricité, et son impact environnemental est allourdi par ses besoins en infrastructures supplémentaires comme un conteneur por l’héberger. Le système économise efficacement l'eau grâce à la recirculation de l'eau suite à une restriction de la production de tilapia (note HH : le chercheur considère même l’aquaculture comme secondaire). La PaffBox nécessite plus d'énergie que le système classique le plus impactant, ce qui nous fait de penser que la PaffBox aura un impact substantiellement plus important sur l'environnement ».
Et probablement encore plus grave pour la Pfafbox, un concurrent lui a damé le pion et propose us système similaire qu’il a déjà réussi à vendre à Anderlecht !

Efficient City Farming ?

ECF Farmsystems, basée à Berlin, s’est fait un nom avec l'ECF Containerfarm, une unité miniature de production agricole installée dans un conteneur maritime, avec une cuve pour l'élevage de poissons, surmontée d'une serre pour la culture des légumes. Le système utilise les déchets et le dioxyde de carbone produits par l'activité piscicole pour favoriser la croissance des plantes dans la serre surmontant le conteneur. Quant à l'eau qui entre dans le système, elle est utilisée deux fois, d'abord pour alimenter l'aquarium, ensuite pour arroser les plantes. Au départ ECF livrait ces fermes conteneurisées avec un stock de tilapias.
Ce système conteneurisé utilise une technologie mise au point par l'Institut Leibniz d'écologie des eaux douces et de la pisciculture en eau douce, le système aquaponique ASTAF-PRO (Aquaponic System for emission-free Tomato and Fish Production).  
En 2013 déjà ECF Farmsystems remporte un prix dans la catégorie «agriculture, eau et déchets» lors du Cleantech Open Global Forum  de la Silicon Valley, en Californie.
Les initiateurs s’y prennent d’une manière très maline. Comme le tilapia a une certaine mauvaise presse avec le film ‘Le Cauchemar de Darwin’ (Darwin's Nightmare ; un documentaire de 2004 sur la perche du Nil), ils le vendent comme « Hauptstadt Barsch », bar de la capitale. Ils s’organisent en
coopérative et réservent leurs premières perches aux coopérateurs qui pour 20 euros par an peuvent venir le déguster lors d’un bbq. En fait, ce barbec, c’est toute la production annuelle. Après, la petite ferme de conteneurs hiberne jusqu'au mois de mars. La vente de produits alimentaires n'est pas leur modèle économique. Ils visent un système de franchise (comme à Anderlecht).
Ils abandonnent très vite le concept Containerfarm qui à mon avis n’est pas viable et loin d’être optimal (il faut un certain équilibre entre aquaculture et légumes), et démarrent en 2015 un farm plus grand sur la friche d’une malterie. Ils annoncent un potentiel de 30 tonnes de poisson et 35 tonnes de légumes par an.
Ils trouvent 300 coopérateurs qui prennent pratiquement toute la production de 2016, et organisent de nombreuses visites guidées.
Les alevins sont achetés aux Pays-Bas à 0,2 g, et sont vendus à 800 g. Ni la perche ni le basilic ont un label biologique, mais sont vendus à des prix bien supérieurs au prix bio - 11,99 € le kilo de tilapia et 1,99 € le pot de basilic - avec l’argument d’un cycle écologique, de produits phytosanitaires biologiques, de production locale et de trajets de transport courts. Le chiffre d’affaires (700.000 euros par an) permet juste de couvrir les coûts (trois employés travaillent dans la production et neuf autres dont les deux fondateurs, dans les bureaux et à la planification d’autres systèmes comme Bigh à Anderlecht).
Le pilier de leur modèle commercial est la franchise: "Ici, dans notre ferme, nous montrons ce qui est possible. Nous avons acquis beaucoup d'expérience que nous pouvons transmettre maintenant ». Fin 2019 la ferme urbaine sort toutes les six semaines entre 6 000 et 8000 pots de ‘basilic de la capitale’. Toute la production est reprise par la chaîne de supermarchés REWE. Pas spécialement un circuit court… "C’est un pur hasard que le groupe REWE ait besoin de la quantité de basilic que nous pouvons produire sur notre ferme". ECF livre ses poissons aussi à REWE, à Edeka, à Metro et à Frischeparadies.
La structure de financement est la ‘venture capital’ que je traduis pas ‘capital vautour’. Le capital de départ est un fondsde capital-risque de  son directeur général, Nicolas Leschke : IBB Beteiligungsgesellschaft,. En 2018 la part détenue par VC Fonds Technology Berlin, un autre fonds, détenu en partie par la ville de Berlin, mais géré par IBB, est vendue à un groupe d'investisseurs suisses. Le montant exact que les business angels suisses investissent dans la start-up n’a pas été communiqué. On parle de plusieurs millions. L’objectif est de lancer de nouveaux projets nationaux et internationaux à grande échelle.

BIGH

Ils trouvent un de leurs premiers franchisés à Anderlecht, avec le projet Bigh (Building Integrated GreenHouses). Le point de départ est – comme pour les Acec – un projet immobilier. Et le concept vient d’ECF Farmsystems de Berlin
BIGH a été fondé en 2015 par Steven Beckers, architecte accrédité «Cradle-to-Cradle» et fondateur du bureau de consultance Lateral Thinking Factory (LTFc), qui prétend introduire l’économie circulaire dans le secteur immobilier. « A terme, nous avons pour ambition de créer un réseau de fermes au cœur des grandes villes européennes. A terme, la ville devient une solution tout en créant de l’emploi et de l’insertion", annonce Steven Beckers. Il se base sur le supporttechnique d’ ECF Farmsystems: " nous avons intégré l’expérience acquise par notre actionnaire ECF Farmsystems ».
Fidentia Green Buildings, finance.brussels (groupe SRIB), Talence, LTFD et ECF ont fourni la levée de fonds initiale. Serge Vilain, le président du Comité de Direction de finance.brussels (SRIB) : « Le projet rencontre une série de préoccupations environnementales et sociales régionales, en lien avec  l’économie circulaire au service du développement humain et de la qualité de vie de tous les Bruxellois C’est pourquoi finance.brussels investit 500.000 euros sous forme mixte ».
La ferme joue aussi sur le thème de l’économie sociale. Bigh organisera notamment des stages allant d’une semaine à un an, des formations professionnelles, des formations en agriculture urbaine (via Atelier Groot Eiland) destinées à des personnes en réinsertion (burnout, dépression, etc.), et offrira du travail à des personnes handicapées (via Travie).
BIGH s’est installée sur le toit du Foodmet, la nouvelle halle alimentaire du site Abattoir à Anderlecht, sur une surface de 4.000m2, avec un bail de 36 ans. C’est la plus grande ferme aquaponique d’Europe. Bigh vise annuellement 35 tonnes de bars rayés, 15 tonnes de tomates, des plantes aromatiques et 120.000 barquettes de micropousses.
La Ferme Abattoir a commercialisé ses premiers produits en mai 2018. Mais c’est un peu comme les étoiles Michelin attribuées à un resto qui doit encore ouvrir : avant d’avoir sorti ses premières salades, BIGH est déjà repris parmi les 10 finalistes (sur 320) du concours des Radicale Vernieuwers 2017. Et Batibouw décerne en 2018 un BBA (BelgianBuilding Award) à Steven Beckers dans la catégorie Pioneer.
BIGH est aussi repris dans le TOP 5 des Bruxellois de l’Année 2018 dans la catégorie Économie.
Il faut prendre la promesse d‘économie circulaire’ avec des pincettes : Bigh écoule la production dans quelques magasins et restaurants locaux, mais des contrats sont d’ores et déjà signés avec Carrefour et Rob.
Quant aux intrants, le géant des fruits et légumes Greenyard fournit notamment les Grow Bags, des sacs de culture ici destinés aux tomates. Il y a aussi Koppert Cress, Gauthier Semences, Koppert Biological Systems, Tarkett, Derbigum.

Verdir et les subsides européens

Voilà le contexte dans lequel est lancé Verdir. Une tricherie à Milwaukee, et un projet berlinois basé sur la vente de leurs brevets. En 2014 le gouvernement wallon débloque deux millions d'euros dans le cadre de la reconversion des friches industrielles à laquelle Verdir participe. Le projet reçoit un coup d'accélérateur grâce aux fonds européens Feder octroyés à l'ULg (59 millions d'euros + 9 millions du Fonds social européen, dont 6 millions pour Verdir). Le vice-recteur de l'ULg était l'un des initiateurs du projet, au sein de la task force wallonne qui a procédé à l'examen des projets.
En 2015 on annonce une première installation pilote de production de végétaux en utilisant la technique de l'aquaponie sur l'ancien site des Acec. Le projet voisin de chauffage urbain dû à Intradel (fonds Feder aussi) sera couplé au projet Verdir (La Libre Belgique 11 juin 2015).
Nous sommes fin 2019 et on ne voit toujours rien venir. A mon avis une des raisons est la gymnastique compliquée pour aller grappiller à gauche et à droite des fonds européens. La manne des gros fonds pour la reconversion a été orientée vers l’Europe de l’Est. Reste une série de petits fonds. L’Université de Liège est l’université qui en Wallonie reçoit le plus de moyens budgétaires pour la recherche liés aux fonds FEDER. Une quarantaine de projets présentés par l’ULg ont été retenus par la Task Force FEDER 2014-2020.
Mais le problème est de sortir quelque chose de cohérent. Nous avons à Herstal des exemples flagrants avec cette soi-disante gare de la Place des Demoiselles qui n’existe pas pour Infrabel, ou la maison de quartier de Hayeneux qui ne trouve pas d’exploitant. La Ville a lancé un appel d’offres parce que les subsides exigent un Partenariat Public Privé, mais aucun candidat s’est présenté. Ce beau bâtiment est maintenant de temps en temps utilisé pour des activités ponctuelles.
Pour vous donner une idée, voici un aperçu des rateliers repris dans un document de préparation 2013  VERDIR®.
« La réhabilitation des sites désaffectés revêt une importance majeure pour l’aménagement du territoire et pour la mise à disposition d’espaces nouveaux recyclés destinés à l’activité économique, culturelle et récréative voire à du logement.
Les inventaires wallons (SPW-DG04 et SPAQuE) évaluent qu’il existe environ 5.000 friches industrielles, sur 10.000 hectares dont 1775 hectares dans le bassin liégeois. La Région wallonne a soutenu le réaménagement de 72 hectares par an de 1995 à 2008.
Depuis peu, l’agriculture urbaine devient également un modèle important de rénovation de sites industriels abandonnés. VERDIR s’inscrit donc dans cette dynamique de reconversion des friches via la production de matières vivantes à des fins alimentaires et non alimentaires.
Dans le document on retrouve même  une esquisse d’un projet VERDIR® sur le site de Chertal.
L’enveloppe des fonds FEDER pour le développement durable du secteur agricole et forestier et des territoires ruraux est de 55 milliards €, dont le sous-programme LEADER ( diversification des activités et la qualité de vie en zone rurale), 13 milliards € pour les pouvoirs publics et PME.
Le sous-programme Objectif compétitivité et emploi du FONDS SOCIAL EUROPÉEN (programmes nationaux sectoriels ou régionalisés de soutien à la création d’emplois et à l'inclusion sociale) de 75 milliards € dont 502 millions € à destination des PME, ASBL, Universités et autorités locales pour le sous-programme de Développement Humain et Social dans les domaines: éducation, santé, égalité entre les hommes et les femmes, cohésion sociale, emploi, enfance et jeunesse et culture. LE FONDS EUROPÉEN POUR L’EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE (efficacité énergétique et d’énergies renouvelables): 265 millions €.
LE PROGRAMME ESPON (coopération entre instituts nationaux d'aménagement du territoire) 47 millions € pour les universités et centres de recherche.
LE FONDS LIFE +   ( projets environnementaux innovants) 243 millions €
LE PROGRAMME MANAGENERGY (échange des meilleures pratiques en matière de gestion d'énergie à destination des autorités locales).
LE PROGRAMME ENERGÉTIQUE EUROPÉEN POUR LA RELANCE (PEER) ( sécurité d'approvisionnement énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre) Budget de 4 milliards €
LE FONDS EUROPÉEN POUR LA PÊCHE (développement durable du secteur européen de la pêche et de l'aquaculture) Enveloppe de 4 millions € (voilà nos tilapia !)
LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT Prêts destinés aux intermédiaires financiers pour financer des projets dont le coût est inférieur à 25 millions d'euros dans l’énergie, les transports, les nouvelles technologies et l’environnement. L’enveloppe est de 40 milliards €. Investissements et garanties pour les projets réalisés par des grandes entreprises dans les domaines cités au point précédent : 4 milliards €
LE PROGRAMME-CADRE À L’INNOVATION des PME des technologies de l'information, des énergies renouvelables et le renforcement de l'efficacité énergétique. Enveloppe de 3,62 milliards €.
LE PROGRAMME-CADRE DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE (PCRD) 50 milliards €
Le programme Agriculture et Biotech : subventions pour des projets de recherche sur la production, la consommation durable de ressources biologiques grâce aux sciences du vivant et aux biotechnologies. Enveloppe de 314 millions € contenant notamment le Programme Coopération Energie : développement de technologies rentables pour rendre l’économie énergétique plus durable. Enveloppe de 382 millions €
L’EUROPE DEVELOPMENT BANK : Prêts et garanties accordés à des projets sociaux d’investissement pour développer les milieux urbains défavorisés et des projets d'investissement dans l'environnement ».
Celui qui veut aller puiser dans ces fonds doit d’une manière ou d’une autre prouver qu’il rentre dans ces différents corsets. Or que pour réussir les véritables défis technologiques et environnementaux il faut une grande cohérence. Tout ça ne m’inspire pas beaucoup de confiance…

Les LED agricoles et le chauffage urbain

Feder octroie 6 millions d’€ à Verdir. On essaye aussi de présenter comme s’il y avait des synergies entre ce projet le projet de chauffage urbain (voir mon blog). L’année passée encore, en 2018, on présente le chauffage urbain comme une condition essentielle du projet Green Life et ses deux composantes (une pépinière « Smart Box » composée de containers intelligents qui permettront la culture durable d’aliments et le Tropical Plant Factory dédié à l’extraction de molécules destinées aux biotechnologies : des projets rendus possibles grâce au développement d’un réseau de chaleur).
Cela me semble du greenwashing. Une ferme verticale à l’intérieur d’un bâtiment ou d’une serre n’a pas besoin de chauffage urbain. L’apport artificiel de lumière, même avec la technologie LED, produit de la chaleur qui doit même être évacuée. Les LEDs dégagent peu de chaleur, ce qui permet de positionner les plantes quasi collées à  la lampe (10 à  15 cm). Mais ce peu de chaleur doit être évacué. Et la led horticole  ne réduirait que 50% de la consommation énergétique.

Verdir les friches ? Une friche créée de toute pièce !

Je veux bien que « la réhabilitation des sites désaffectés revêt une importance majeure pour l’aménagement du territoire et pour la mise à disposition d’espaces nouveaux recyclés destinés à l’activité économique, culturelle et récréative voire à du logement ».
Mais la soi-disante friche qui est censé accueillir Verdir a été créé de toutes pièces, en forçant Inductotherm à déménager aux Hauts Sarts. Les justifications écologiques du projet ‘Verdir’ me semblent faibles. Le réchauffement climatique est un enjeu trop sérieux pour l’instrumentaliser dans un projet de promotion immobilière très opaque. Il serait temps de passer aux choses sérieuses.


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