mercredi 18 décembre 2019

54ième balade-santé MPLP Herstal : le Bois d’Avroy


Parc, forêt, friche? L'ancien domaine de De Laminne
via google earth
Notre 54ième  balade-santé MPLP Herstal de  janvier 2020, est parti ad panorama du Boulevard Kleyer. 
Pour commencer un grand merci à Claude Warzée dont les blogs m’ont beaucoup aidé. Voir une liste des ces blogs sur Cointe en fin de ce blog.

Un panorama sur un terril

Un montage de 296 clichés assemblés en une seule vue
Ce panorama date de 1905. Cointe reçoit une annexe de l'Exposition universelle destinée aux manifestations agricoles (horticulture, floriculture), aux promenades, aux activités sportives et aux festivités de plein air. Gustave KLEYER, bourgmestre de Liége à l’époque, aménage le boulevard dont le premier tronçon est baptisé Boulevard de Cointe.  Il prendra le nom de son créateur, Kleyer, en 1921, quand ce dernier cessera ses fonctions de bourgmestre. Ce «boulevard de circonvallation» fait partie d’un projet de ceinture de 11 km, de Cointe à la Citadelle. Il est aujourd’hui encore une pièce-clé du Plan Urbain de Mobilité.
Un Belvédère doit «montrer dans toute son étendue le magnifique panorama de la ville de Liège, l’enfilade de la vallée de la Meuse jusque Visé». Ce belvédère aurait été installé sur le terril d’Avroy.
Pourtant la Rue des Terris est plus bas. Il y a dans le coin aussi une rue de la Scorre. Une référence à l’exhaure ou areine d’Avroy ?  Dans un texte de 1278, le Chapitre cathédral stipule que «ledit Thierry devra la ditte terre scorrer à son cost (à ses frais) et quand le scorre viendrat à cerbon (quand il aura » atteint la veine) nous devons paier le quarte des costenges (payer le quart des frais)». Donc scorrer = xhorrer. Quant à une areine, un document du XIVe siècle mentionne les eaux en provenance des Bois l’Évêque et d’Avroy, lesquelles débouchent dans les campagnes des Guillemins, où elles irriguent des cultures et alimentent les douves de demeures seigneuriales, avant d’aller se jeter dans la Meuse via un fossé longeant l’actuelle rue Paradis.
Selon les urban explorers de Tchorski l’areine d'Avroy est  mentionnée dans la littérature, mais ils ne trouvent pas trace actuellement sur le terrain.
Le charbonnage d’Avroy acheminait ses charbons à la gare des Guillemins par un chemin de fer en plan incliné. Ce plan incliné qui passait sur les flancs de coteaux, en dessous de nos pieds, a été démantelé pour l'Exposition de 1905.
plan du site cointois de l’Exposition universelle de 1905, traversé par le nouveau boulevard. Le prince Albert découvre le panorama de Liège lors d’une visite au chantier de l'Exposition. Notons que l'Exposition universelle de 1905 avait aussi une houillère fictive, la «Houillère du Vieux-Liège», avec 250 mètres de galeries où des mineurs effectuaient leurs activités d'extraction du charbon. Le site comprenait notamment une buvette souterraine. Une entorse à la réalité historique, obligatoire à Liège.

Un parc paysager de 65 hectares

plan exposition 1905 swaelmen
blog claude warzee
Dans notre dos le parc paysager de 65 hectares, l’œuvre de Louis Van der Swaelmen. Cet architecte-paysagiste a conçu aussi le parc de la Boverie qui est toujours là, dans toute sa beauté. Pendant la guerre il élaborera le Park-system, la ville entourée de cités-jardins isolées par une ceinture verte. En 1922 il peut mettre ses idées en pratique dans les cités-jardins le Logis et Floréal, à Watermael-Boitsfort. Nous suivons le boulevard jusqu’au Carrefour market.

Le domaine de la famille de Laminne

La famille de Laminne avait installé son domaine au début du XIXe siècle à la jonction du Bois l’Évêque et du Bois Saint-Gilles, dans le périmètre des actuels boulevard Kleyer, rue des Bruyères, ruelle des Waides et rue Julien d’Andrimont (un bourgmestre de Liège au XIXe siècle ; jusqu’en 1970 c’était un sentier). Autour de leur château de style Louis XVI,  ils aménagent (ou trouvent) a des jardins potagers, des pâturages et des houblonnières.
Bien sûr, ce n’est plus le paysage qui a ébloui l’évêque Monulphe et pour qui «l’humble bourgade en dessous de ses yeux deviendrait une cité illustre ». La scène a été repris dans la bande dessinée «Pays de Liège, vie d’une Église », de Michel Dusart et Vink.
Je ne remonte pas non plus à ’antique forêt d’Avroy défrichée dès le Xe siècle, et les lieux-dits qui rappellent cette forêt d’antan: le Bois l’Évêque, le Bois d’Avroy, le Bois Saint-Gilles…
Mais ce que les promoteurs immobiliers (et une échevine) appellent aujourd’hui une friche était un parc. En 1991, notre capucin et conseiller Ecolo Germain Dufour s’inquiète pour ces dizaines d'arbres marqués, or que dix-huit arbres seulement sur six cents sont autorisés à l'abattage. Le promoteur Codrim parlait d’une « forêt sauvage non entretenue depuis près de 35 ans ». Certes, c’est un parc un peu spécial : les de Laminne ouvrent en 1827, en association avec John Cockerill, une bure dans leur domaine.
Tout compte fait, la mode était à l’époque d’ériger dans les parcs des fabriques. Dans le parc à Ermenonville où Jean-Jacques-Rousseau est enterré il y a des fabriques dédiées à une vertu. Nos gentilhommes liégeois n’allaient pas jusque là, mais la vue sur une usine et des cheminées suscitait chez eux un réel plaisir. Le domaine privé de Cointe aussi a été construit avec vue sur le fond de vallée très industrialisé.
Je suppose qu’il s’agit de la villa qui émerge de la butte boisée à l’intersection des rues Bois l’Évêque et Bruyères, sur cette photo de 1935. Elle est touchée par un bombardement en mai 1944. Elle abrite jusqu’en 1947 quelques religieuses du Sacré-Cœur dont le couvent tout proche vient de brûler. 
C’est  l’actuel Internat de la Communauté française.

Le Castel Bois l'Évêque

Le domaine De Laminne est morcelé en 1910 et 1912, et une partie des terrains repris dans les actifs de la houillère qui y construit une gentilhommière familiale à son directeur. Je suppose qu’il s’agit de la résidence familiale ou Willy de Laminne (1921 – ) s’établit en 1951. J’ai eu un de Laminne comme  ingénieur puis directeur chez Ferblatil.
villa de laminne fin 50 blog claude warzee
Désertée en 1975, dégradée par un incendie dans les années 1980, la propriété reste à l’abandon jusqu’en 1990. Je suppose que c’est l’époque où s’y établit le Carrefour. Le promoteur immobilier  Jean Baudoux achète en 1966 une partie des terrains du charbonnage en liquidation pour le compte de la Caisse nationale de pension pour employés. Il veut y construire quatre blocs d’immeubles. Le plan particulier d'aménagement n°74 du 27 juin 1966 est fort peu contraignant : il détermine cinq zones: la première en bordure du boulevard interdit tout abattage sur une profondeur de 7 mètres; la deuxième, de 13 mètres, soumet l'abattage à l'accord de la ville; dans la troisième l'aménagement s'effectue «au mieux»... (Le Soir 31/10/1991). Mais la société Baudoux tombera en faillite avant le début des travaux.
En 1990 la société immobilière Codrim fait miroiter un gigantesque complexe de prestige, composé de trois groupes de logements, avec parvis animés de fontaines, piscine, courts de tennis, club house et parc luxueux
La Ville déroule le tapis rouge et annonce une modification du plan particulier d'aménagement de Cointe qui n’était pourtant pas très contraignant. Ceci dit, cette modification traine et la Ville ressort le dossier en 2013, en vue des nouveaux projets qui ont surgi ! Objectif: permettre à Codrim - peu connue à Liège, elle aurait réalisé 40.000 logements de haut standing au cours de ces 20 dernières années, en Europe, mais aussi aux Caraïbes - de concrétiser un projet immobilier de luxe sur un site primitivement destiné à de l'habitation sociale (je suppose que cela réfère au projet Baudoux qui travaillait pour une caisse de pensions) (Le Soir 11/01/1991).
de Laminne 1990 abandonnee depuis 1965 blog claude warzee
Sur près de quatre hectares à l'angle des rues des Wallons, Bois l'Évêque et de Joie, l'investisseur compte édifier trois groupes de logements «de très haut standing» d'ici 1996. Chaque groupe s'ouvrira sur des parvis animés de fontaines. Un investissement de 500 millions (150 millions en première phase) dont le promoteur espère financer la moitié par un crédit à négocier avec l'An-Hyp. La Codrim n’a que 32 millions de capital. Le prix de vente de la centaine de logements devrait tourner entre 7,7 et 8,5 millions de BEF.
Avec un club-house, un terrain de tennis, une salle polyvalente, peut-être même une piscine privée, le Castel Bois l'Évêque prétend offrir demain ce qui existe de mieux à Liège. La vocation résidentielle de Cointe (ses villas, un air de Deauville, le parfum des glycines, insiste l'architecte) en serait renforcée. Les érables, marronniers, chênes, charmes et cèdres du Liban étaient à l’époque un point sensible puisque le promoteur doit promettre qu’ils seront pour l'essentiel préservés, et que la surface construite ne représentera pas 20 % de la superficie totale du site.
Mais ces promesses s’avèrent lettres mortes. En été 1991, au démarrage de la  première phase, le conseiller Ecolo Germain Dufour s’inquiète :  plusieurs dizaines d'arbres sont marqués, d'autres numérotés. Or dix-huit arbres seulement sur six cents sont autorisés à l'abattage. Lors d’une visite de chantier, Remy Van Krunkelsven, administrateur-délégué et ex-cadre de Ferblatil reconverti dans la brique, rassure : « C'était pourtant simple: il suffisait de me demander tous les éclaircissements! Le relevé des espèces et du nombre des arbres à hautes tiges du domaine a, paraît-il, été établi naguère (je suppose qu’il s’agit de l’époque Baudoux note HH), puis corrigé. En trente-cinq ans les choses ont changées. t je n'ai jamais vu nulle part le chiffre de dix-huit. La ville n'aurait prévu que le maintien de 150 arbres remarquables. Codrim s’est trouvé face à une forêt sauvage non entretenue depuis près de 35 ans. De ce fait nous nous trouvions en présence d'arbres remarquables répertoriés sur un plan mais ayant disparu depuis belle lurette ou au contraire d'arbres non moins remarquables qui étaient apparus depuis le dernier recensement.... Bon nombre de sujets on dû et devront être abattus pour cause de maladie ou de maturité. Ce n'est pas plus ou moins 150, mais bien plus de 600 arbres remarquables qui seront conservés. D'ailleurs nous n'en avons abattu jusqu'à présent que quatorze à dix-sept dont sept dans la zone de la première phase des travaux » (Le Soir 31/10/1991).
chancre codrim blog claude warzee
Codrim est la première société de la nébuleuse Van Krunkezlsven à tomber en faillite, en 1992. Le chantier est abandonné.
Cogim, Coprogim, Cori et Cogesim, détenues par Van Krunkelsven et plusieurs sociétés de droit suisse, hollandais et luxembourgeois (FIP Services, à Fribourg, les SA Improvest et Mefol Holding, à Luxembourg, Tivana Vastgoed BV, aux Pays-Bas...) affichent une perte cumulée de 15,7 millions pour un capital global de 53,4 millions. Van Krunkelsven doit trouver un partenaire financier pour relancer les travaux. Sinon le dépôt de bilan serait pour le 25 février. L'échevin liégeois de l'urbanisme, William Ancion (PSC) qui avait annoncé le projet au début de 1991 continue à faire la publicité via l'ASBL Pro-Liège qu'il préside et à la tête de laquelle il a placé le directeur du service communal de l'urbanisme (Le Soir 20/02/1993).
L’écheveau des sociétés de Van Krunkelsven tombent les unes après les autres en faillite (Le Soir 17/11/1994)L'un des créanciers, l'entrepreneur Gillard, reprend en 1995 le chantier à son compte, en association avec Franki Invest.  Il relance en 1999 le chantier. Immo-Légia (Immovest Europe, CGER, Vesta Immo, à côté de Gillard) construit sur les fondations Codrim trois immeubles de 3 étages; 47 appartements, sur les plans d’Outtelet-Ogonovsky/Atelier de Genval. Les travaux se terminent une année plus tard, la vitesse de construction s'expliquant par le fait que les fondations existent.
Mais ce projet ne couvre que 5.000 des 35.000 m 2 de la propriété de Gillard SA qui avait dès le début exprime l'intention de construire ultérieurement sur le plateau de l'ex-château de Laminne.

1000 arbres menacés par le projet immobilier General Construction

Nous entrons donc dans ce domaine. Je suppose que les pierres de taille dans la ruine, à gauche en entrant, sont de cette villa De Laminne. En 1991 le promoteur Remy Van Krunkelsven en avait fait le portrait: une forêt sauvage non entretenue depuis près de 35 ans (1955). Vers 1966 150 arbres «remarquables» avaient été répertoriés mais ont disparu depuis belle lurette, et, au contraire, des arbres non moins remarquables étaient apparus depuis le dernier recensement.... Il envisageait de garder 600 arbres remarquables.
C’est sur ce site que la société General Construction lance en 2019 un projet immobilier de 100 logements sur trois hectares. Il y a des hêtres, chataîgners, chênes, érables dont certains majestueux et centenaires ont été probablement été plantés par les De Laminne. 70% de ces feuillus sont déjà marqués pour l’abattage. Une réunion d’information le 12 novembre à l’école communale Bensberg est très agitée
Ce 25 novembre, Sophie Lecron interpelle le collège PS-MR de la Ville de Liège pour demander une protection du parc en le rachetant au promoteur immobilier. Le bourgmestre Demeyer commence par regretter le déroulement "inacceptable" de la séance d'information. L'échevine Yerna ajoute une couche en regrettant un "climat tendu entretenu de l'extérieur. La priorité est donnée aux quartiers sans espaces verts dans le cadre du plan PEP'S.  Bien sûr, dans le programme de redéploiement des espaces publics, les espaces verts ont une place centrale. Le processus d'élaboration du schéma de développement communal avance et on peut espérer qu'il se fera sans approche partisane. Qu’on le veuille ou non, cette parcelle privée est bien une friche, et, qui plus est, elle se trouve à côté d’un parc public aménagé. Et il y a aussi cet autre défi à relever pour Liège: la construction de 15 000 logements.” (La Dernière Heure 29 nov. 2019).
Sophie explique que l’atmosphère à  la réunion s'est surtout tendu lorsque le représentant du promoteur a expliqué (comme Mme Yerna !) que le site n'était pas un parc mais une friche, que personne ne se promenait là-bas. Si la ville s'oppose au rachat, elle pourrait pourtant exproprier pour utilité publique. Ou modifier le plan de secteur en sortant cette partie de la zone rouge bâtissable en la transformant en zone parc. Sophie conclut : « la ville a des leviers et il est temps qu'elle les active. La Régie Foncière a déjà racheté des bâtiments privés dans le cadre d’opérations de rénovation urbaine. Pourquoi n’en serait-il pas de même dans le cadre de la préservation des espaces verts de la Ville ? Dans l’étude PEP’s qui sert de cadre à l’ambition de la Ville d’offrir des superficies d’espaces verts suffisantes à tous les Liégeois.es, ce Bois d’Avroy est repris en espace vert de qualité. Vouloir planter 4000 arbres mais accepter toujours d’en abattre est incompréhensible. La décision d’octroyer ou pas le permis n’arrive qu’au terme de la procédure, mais pouvez-vous envisager d’entamer les démarches pour racheter ce terrain à Général Construction et accélérer l’élaboration d’un schéma de développement communal qui pourrait bétonner la préservation des espaces verts, tout en indiquant les lieux adéquats pour construire les logements nécessaires à Liège »?
Un conseiller communal MR propose que ce soient les citoyens qui rachètent la parcelle pour en faire un bois commun. Il estime que si 4000 personnes donnent 11 € l’affaire st réglé. Il me semble que cette estimation est assez basse !
Une pétition d’un "Carré Cointois" (Alexandre Fransolet, Anne Melkior, Louis Maraite et François Pottié) interpelle la Ville sur son  Plan Stratégique Transversal (PST) , fruit d’une démarche participative ‘Liège 2025’ : «trois des thèmes prioritaires nous semblent en contradiction avec le projet  immobilier au Bois d’Avroy: apaiser la ville pour améliorer la qualité de vie; repenser la mobilité pour plus de mobilité douce, durable et de multimodalité ; réussir la transition climatique. Il y a plus de 1000 logements dans la seule rue d’Andrimont, avec des congestions au Laveu, la rue des Wallons, la rue de l’Observatoire, le quartier Saint-Gilles/Saint-Laurent.  Et il y a ces 3 hectares de bois, une forêt quasi «primaire» dès lors qu’elle n’a plus connu d’intervention humaine depuis 40 ans,  avec des arbres remarquables par dizaines. Le PST communal multiplie les projets de plantation d’arbres, de maillage vert, de moyens d’actions contre le réchauffement climatique. Et un projet immobilier viendrait ruiner ce poumon vert existant ? Nous vous demandons d’opposer un REFUS à cette demande de permis ». Signalons que Louis Maraite est dans la majorité…

La fin du siège de la houillère du Bois d'Avroy

Le parc De Laminne (je n’utilise à dessein pas le terme ‘Bois d’Avroy’ pour éviter une confusion avec le parc d’Avroy) a plusieurs débouchés. Nous sortons via le vaste complexe d’appartements érigé de 1967 à 1979 sur les terrains qui jouxtaient la houillère d’antan. La rue Julien d’Andrimont, du nom d’un bourgmestre de Liège au XIXe siècle, est sur l’assiette d’un chemin existant et existe sous ce com depuis 1970.
bois d'avroy-liege-fin annees 1950.jpg
En face de ces trois buildings les soubassements de l’ancien siège de la houillère. La production a été très tôt évacuée par une galerie débouchant Sous-les-Vignes, dans la campagne de Sclessin, à proximité de la ligne de chemin de fer Liège-Namur. Le siège a gardé pendant quelques dizaines d’années des fonctions logistiques pour être totalement fermé en 1939. J’ai retrouvé la tombe de l'ancien puits 1 et 2 du Bois d'Avroy 
Voici leur géolocalisation approximative :
siège social N°1 50° 37′ 25″ N, 5° 33′ 09″ E
puits 1 : 50° 37′ 25″ N, 5° 33′ 09″ E
puits 2 : 50° 37′ 26″ N, 5° 33′ 10″ E
La concession des Charbonnages du Bois d'Avroy se situait sur Tilleur, Liège, Sclessin et Angleur, sous les collines de Cointe et du Sart-Tilman. Les actionnaires, dont John Cockerill, transfèrent en 1837 les actifs aux Charbonnages et Hauts Fourneaux de Sclessin. Ferblatil, où j’ai travaillé,  s’implante sur la friche du charbonnage du Grand Bac 50° 36′ 44″ N, 5° 32′ 00″ E et de
de cette aciérie. J’ai encore visité, par un passage laissé dans les caves du skin-pass des galeries de cette aciérie. Et j’ai eu un De Laminne comme directeur à Ferblatil.
La colline de Cointe reste truffée de puits et galeries de mine. Un effondrement notoire s'est produit au 75 de la rue des Hirondelles en 1914. En 1988, lors du creusement du tunnel de Cointe, un effondrement se produit dans le jardin du numéro 20 de la même rue. Quelque 100 m3 de béton durent être coulés pour combler ce puits d'une soixantaine de mètres de profondeur.

Les blocs des architectes Jean Poskin et Henri Bonhomme, auteurs de la Cité administrative et de la tour Kennedy.

Le Bois d’Avroy au début des années 1950. Autour des prairies concernées par le projet immobilier (1), on peut identifier la villa de Laminne (2), le dessus des rues de Joie et des Wallons (3), le boulevard Kleyer (4), la rue Bois d’Avroy (5) et le site du charbonnage abandonné (6).
Il me semble que le projet failli de Baudoux allait jusque là, parce que c’est toujours l’Office national des pensions qui en est propriétaire, lorsqu’entre 1967 et 1971 une association momentanée avec Moury y construit les blocs dessinés par les architectes Jean Poskin et Henri Bonhomme, auteurs à la même époque de la Cité administrative et de la tour Kennedy. Apparemment, les logements ne se vendent pas très bien puisqu’en 1983  les blocs C et D, pourtant terminés depuis cinq ou six ans, sont toujours inoccupés.
Le 8 novembre 1983, suite à  un tremblement de terre de magnitude 4,9 sur l’échelle de Richter, les autorités communales réquisitionnent  les centaines d’appartements inoccupés dans les blocs C et D. Ils abriteront pendant des mois mille sinistrés de Saint-Nicolas, Glain et Montegnée, quartiers les plus touchés vu la vétusté de l’habitat et la fragilité du sous-sol minier.
Quand l’Office national des pensions revendra ses biens en 1989, plusieurs sociétés immobilières se succéderont pour réhabiliter les lieux, dégradés par les occupants éphémères de 1983, puis restés longtemps à l’abandon. Le bloc D est en partie occupé par une maison de repos pour personnes âgées.
bois d'avroy-liege-2013.jpg

2017 Thomas et Piron

Michel Gretry rtbf 12 février 2018 
Nous débouchons sur l’arrière des anciens bâtiments d’un centre de formation professionnel du Forem. Les soubassements remontent à la houillère du Bois d'Avroy. J’y ai passé neuf mois, en 1978, pour une formation de fraiseur. Deux bornes sont toujours visibles sur le site.
Les bâtiments marqués d’une flèche datent de l’époque du charbonnage. À l’emplacement de la croix, se trouvait le local de machinerie de la dernière belle-fleur.
Le Centre ferme ses portes en 2012. Des promoteurs proposent en 2018 de raser l'immeuble pour y construire 72 appartements, dans une première mouture. C’est un projet immobilier vieux de plusieurs années déjà, porté par la société Thomas&Piron.
SIA Architects avait déjà annoncé – un peu prématurément- l’ouverture début 2017 d’un ensemble multi-résidentiel, malgré l’avis défavorable du collège communal liégeois en décembre 2016, après une enquête publique.
Mais début 2018 la région wallonne octroie un permis unique pour un projet revu légèrement à la baisse. Il faut dire que la Région était juge et partie, puisqu’elle est aussi vendeuse du terrain ( RTC 12 fevrier 2018 ).
Le promoteur descend à 60 appartements, avec 118 places de stationnement au lieu de 97. Le stationnement et la mobilité sont évidemment un point litigieux. Les accès pour les voitures sont une impasse et une voirie privative.  Le collège communal rend à nouveau un avis défavorable, basé cette fois sur cinq griefs (il y en avait 13 sur le premier projet). Le fonctionnaire délégué (voir dans le document de l’Union des Villes  (Une procédure particulière : les permis publics), considérant que les modifications apportées étaient suffisantes, décidé quand même d’attribuer le permis. Liège fait appel auprès du gouvernement wallon. Jean-Pierre Hupkens, l’échevin liégeois de l’Urbanisme : « Nous considérons que ce projet reste encore excessif, qu’il n’a pas été modifié dans ses caractéristiques fondamentales. Il est vrai qu’il faut faire disparaître le chancre actuel de la rue Bois d’Avroy, mais pas n’importe comment». Thomas & Piron invoque « une série de contraintes techniques importantes : il faut dépolluer le terrain, désamianter les bâtiments à détruire, sans même parler des puits de mine. L’aménagement du terrain représente une dépense importante, ce qui veut dire que nous
devons prévoir une densité de logements suffisante pour la rentabiliser».
En juin 2018, Carlo di Antonio, ministre wallon de l’aménagement du territoire, casse le permis. Thomas et Piron introduit un recours au Conseil d’Etat contre la Région wallonne au motif que le refus n’explique pas suffisamment en quoi un bâtiment moins haut améliorerait la situation de chancre et apporteraient une densification plus raisonnée avec de meilleurs espaces extérieurs. Pour le promoteur, le gabarit du bâtiment en projet n’est pas en rupture avec d’autres bâtiments de grand gabarit situés à proximité, même si le modèle est jugé obsolète par la Région wallonne.
Je suppose que l’affaire est toujours pendante.

Un paysage qui évoque les houblonnières du domaine De Lamine et un itinéraire pédestre bucolique

Nous tournons le dos à ces quatre projets immobiliers. Devant nous, un paysage qui évoque les houblonnières du domaine De Lamine. Je ne crois pas qu’on aura le temps de suivre l’itinéraire pédestre à la découverte des espaces verts  De Cointe à Saint-Léonard, réalisée dans le cadre du Plan Communal de Développement de la Nature (P.C.D.N.)  qui passe en bas, et longe les terrains maraîchers avant de passer par la ruelle des Waides.
Nous contournons les blocs de la rue Bois d’Avroy pour déboucher dans la rue des Bruyères que nous traversons juste avant d’arriver au Boulevard, pour retrouver le long d’un boulevard beaucoup plus modeste un vestige intéressant de l’expo de 1905.

Des maisons ouvrières au boulevard Montefiore

maison_1905 bd montefiore
blog claude warzee
A l’occasion de l’expo 1905, un comité présidé par l’ancien bourgmestre de Bruxelles Charles Buls lance un concours d’habitations à bon marché. 25 maisons ouvrières, les N°s 2-32, y sont construites dans une voirie créée pour la circonstance. Ces habitations dotées d'un grand confort pour l'époque sont dites « ouvrières » parce qu'elles représentent ce qu'on fait de mieux en matière de logement modeste. Ces maisons sont l'oeuvre de la Caisse générale d'Epargne et de Retraite, de la S.A. des Charbonnages d'Ougrée, la S.A. des Charbonnages de Mariemont et Bascoup, de la Vieille-Montagne, et de seize sociétés de construction de toute la Wallonie. Elles présentent un aperçu des variantes géographiques et typologiques de maisons ouvrières au début du siècle. Elles furent dessinées par vingt-deux architectes, sous la direction de Delhaize.
A ce concours, s’en joint un autre, pour la décoration intérieure et l’ameublement. Gustave Serrurier-Bovy, dont nous avons vu la villa, et qui avait déjà recueilli de nombreux compliments (et quelques critiques) pour sa "Chambre d’artisan" (exposition de la Libre esthétique, 1895), propose son mobilier Silex, l’Ikéa de l’époque. Jules Destrée s’enthousiasme pour son projet. Il souligne l’ "impression de fraîcheur, de santé, de joie et d’énergie".
Nous avons donc fait la boucle entre ces maisons-pilote du début du siècle précédent, un projet mégalomane du milieu du siècle en une flopée de promoteurs qui se marchent sur les pieds en ce début du XXIième. Et nous retrouvons notre panorama sur le boulevard avec une question non résolue : un parc séculaire, ou une friche à assainir au plus vite ?

Sources

Blogs de Claude Warzée qui a enseigné le français et les sciences humaines à l'institut Saint-Laurent. Il est pensionné depuis 2012.

http://www.ihoes.be/publications_en_ligne.php?action=lire&id=38&ordre=numero Hygiène, art et ordre social. Le confort du home ouvrier de 1830 à 1930 (analyse n°38, publiée le 18/12/2008 Camille Baillargeon sur Gustave Serrurier-Bovy
Brigitte Halmes, Le patrimoine du quartier de Cointe, éd. Institut du Patrimoine Wallon
Pol Schurgers dans Cointe d'hier et d'aujourd'hui  un album grand format de 343 pages, illustré de quelque 400 documents inédits, vieilles cartes postales et photos en couleur qui font revivre
« Pays de Liège, vie d’une Église », réalisée par Michel Dusart et Vink, éditée en 1984 par l’ISCP-CDD, diocèse de Liège https://www.belgicana.be/livres/pays-de-liege-vie-dune-eglise-michel-dusart-vink-iscp-cdd-1984/
 LIÈGE AUTREFOIS LES QUARTIERS ET LEUR HISTOIRE COINTE HAUT-LAVEU SAINT-GILLES BURENVILLE Noir Dessin Production 380 photos, cartes postales et documents inédits. Une promenade le long des boulevards Kleyer, Hillier, Sainte-Beuve,

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