Le projet de chauffage urbain est une des pièces maîtresses du Master Plan pour la friche des Acec. Récupérer de la chaleur ‘fatale’ est important pour le climat. La chaleur fatale est l’énergie résiduelle qui sort des turbines d’Uvélia. Or, récupérer cette énergie est plus complexe que je ne le pensais. Et ceci n’est pas un argument pour ne pas investir dans le chauffage urbain. Mais plutôt pour le faire dans un autre cadre. Le réchauffement climatique est un enjeu trop sérieux pour être instrumentalisé pour ‘verdir’ des projets immobiliers…
En résumé
D’abord, la transition écologique sera sociale ou
ne sera pas. Or, dans beaucoup de projets de chauffage urbain la dimension
sociale est absente. Pour amortir un investissement qui s’avère plus lourd que
je ne pensais, il faut des clients. Très souvent, on offre des conditions
intéressantes aux promoteurs privés, et on compense en faisant payer les
locataires sociaux qui n’ont pas le choix de se connecter ou pas.
Le chauffage urbain semble à première vue une
évidence. Comment on n’y a pas pensé avant ? Mais on y a pensé avant, et
ça a foiré. Seraing a abandonné en 1996 son chauffage urbain. Un haut-fourneau
était censée chauffer différents bâtiments publics ou logements sociaux. Et à
Droixhe, les contentieux relatifs aux factures de chauffage ont été un
véritable problème pendant des années
Il est vrai que le chauffage urbain a
énormément évolué les dix dernières années. Certes, mais pas dans le sens de
simplification. Le renouveau de ces dernières années est basé sur les énergies
de récupération, dites « fatales ». En France, la chaleur provenant de
l’incinération des déchets ménagers se trouve, en 2014, en deuxième position
des sources d’énergie distribuées par les réseaux de chauffage urbain. Le
sidérurgiste que je suis a été évidemment aussi intéressé à la chaleur des
minerais pour chauffer la ville de Dunkerque . Au début des années 1980,
Dunkerque récupère la chaleur fatale chez Usinor. En 2006, on envisage une
deuxième récupération chez ArcelorMittal. Cette fois-ci, les négociations sont
plus complexes. Le nouveau contrat prévoit des exigences de restitution ou
remboursement des équipements en cas d’arrêt de l’installation. En 2015, on
bute sur l’impossibilité de connaître le devenir des entreprises privées
au-delà du temps de remboursement des investissements.
On évolue vers une diversification des
fournisseurs de chaleur, parce que le contexte économique évolue de plus
en plus vite.
Du côté
clients, les bâtiments publics et les piscines restent évidemment les premières
cibles, mais les principes de bonne gouvernance interdisent de leur imposer des
contrats. Cela vaut encore plus pour les promoteurs immobiliers, voire des
partenaires comme des sociétés d‘industrialisation.
Et puis,
il y a l’adéquation de l’offre et la demande clients- fournisseurs. La demande
d’énergie thermique est très variable au cours de la journée et en cours
d’année. Dans les réseaux de chaleur urbains, la puissance moyenne consommée
sur l’année représente environ 18 % de la puissance maximale appelée. On
cherche alors à utiliser ces réseaux pour produire du froid. Un réseau de froid
est comme un réseau de chaleur qui fonctionne en sens inverse . L’idée est
bonne, et permet de valoriser le lourd investissement dans le réseau urbain
chaud-froid tout au long de l’année. Le problème en Wallonie est qu’au niveau
législatif rien n’existe encore qui rendrait obligatoire le raccordement
La
tendance aujourd’hui est de descendre en dessous des 100°. Oui, mais cela amène
une nouvelle contrainte. La capacité du système doit être dimensionné en
fonction du nombre de clients.
Concernant le projet de chauffage urbain à Herstal,
on peut se demander comment ce mini-réseau dont le financement FEDER ne couvre
que la partie Acec et les environs pourrait évoluer vers un réseau de 40
kilomètres. Soit on le dimensionne à ce mini-réseau, soit on repart d’Uvélia
avec une conduite plus grosse vers le centre et Liège. L’extension sera un
partenariat public-privé. Le budget prévu pour cette seconde phase atteint 30
millions d’euros, une estimation qui me
semble basse.
L’évolution
la plus spectaculaire point de vue chauffage urbain est la « valorisation » des déchets. Je ne
crois pas que ce combustible est en soi plus économique que les combustibles
‘carbonés’. En France le chauffage urbain a eu un boost en 2009 avec le
Fonds Chaleur. Au Royaume-Uni, en Italie, au Danemark, en Irlande ou en
France existe un certificat d'économies
d'énergie. Rien de tel chez nous
Le chauffage urbain herstalien monte les
marches de Cannes
|
Cinq candidats ont répondu à l’appel d'offres pour
les Acec : Véolia, TPF, Engie, EDF
et Coriance qui a eu le contrat. Ils
veulent avoir un pied dans la porte de ce marché potentiel. Mais, à la
différence de la France, les incitants ont pratiquement inexistants.
Récupérer
cette énergie fatale me semble un enjeu important pour la transition
écologique. Mais il faut que cette transition soit sociale. Je termine avec les
positions du PTB sur le chauffage urbain : « grâce aux réseaux de
chauffage urbain, nous récupérons la chaleur résiduelle des industries qui, à
l’heure actuelle, est simplement rejetée dans l’atmosphère. Nous obligerons les
entreprises à faire des investissements en faveur des économies d’énergie et à
basculer vers une économie circulaire. La transition vers 100 % d’énergie
renouvelable implique la nécessité d’un réseau énergétique entièrement nouveau.
Nous mettons donc les différents réseaux d’énergie entre les mains du public et
les transformons en un réseau intelligent, un réseau à commande numérique qui
fait correspondre l’offre et la demande.
Nous introduisons des objectifs contraignants pour rendre l’industrie
neutre au niveau climatique d’ici 2040".
Combien la calorie pour les clients ‘captifs’?
D’abord, la transition écologique sera sociale ou
ne sera pas. Or, dans beaucoup de projets de chauffage urbain la dimension
sociale est absente. Pour amortir un investissement qui s’avère plus lourd que
je ne pensais, il faut des clients. Très souvent, on offre des conditions
intéressantes aux promoteurs privés, et on compense en faisant payer les
locataires sociaux qui n’ont pas le choix de se connecter ou pas. A titre
d’exemple quelques extraits d’un communiqué de 2017 de l'association
la mise en place d’un système de chauffage
urbain par Coriance, le même concessionnaire qu’à Herstal : « A Clermont Ferrand, le chauffage urbain
était censé induire une baisse des coûts du chauffage : il a au contraire
entraîné une hausse moyenne de la facture de 27 % sur 4 ans. À Grenoble la
municipalité avait signé avec un prestataire privé un contrat très
désavantageux pour les usagers. À Paris, le chauffage fait l’objet d’un contrat
de délégation où c’est l’entreprise qui fixe le tarif et non la collectivité.
D’autres situations ont été relevées par l’agence du contrôle du logement
social (Ancols). Ainsi, les 4.700 logements du bailleur social Mâcon Habitat
équipés en chauffage urbain payent deux fois plus cher ce service que les
autres locataires du bailleur. A Clichy les particuliers ont connu une hausse
de tarif plus de quatre fois supérieure à la hausse de tarif des abonnés ‘bâtiments
public’. À Bobigny, les 10.000
logements reliés aux systèmes de chauffage urbain payent environ 20 % trop cher
car ce service finance d’autres activités de la municipalité. Dans le parc HLM
d’Ile-de-France le chauffage urbain est près de 50 % plus cher que la moyenne
du chauffage collectif de ce même parc. Le développement du chauffage urbain a
amené à des projets qui n’étaient pas viables car engageant trop peu de volumes
de consommation. Ils manquaient donc d’économies d’échelle. L’équilibre
économique n’est pas atteint et les usagers doivent en assumer un surcoût
d’autant plus important qu’un nouvel abonné ne se raccorde pas étant donné que
le tarif de départ est prohibitif ». Je signale que CLCV, comme moi, considère le
chauffage urbain comme une solution d’avenir.
A
Cergy-Pontoise aussi, le maire Philippe Houillon s’inquiète de la future grille
tarifaire de Coriance: «l'élément
de tarif R 1 (NDLR facturé sur la base des MWh consommés) baisse, mais le R 2
(comprenant le coût des prestations et le renouvellement des installations) non!
Finalement cela fait une augmentation conséquente de la tarification ! » « Finalement, le tarif moyen
n'augmentera pas, promet Dominique Lefebvre, Président de la Communauté
d'Agglomération de Cergy-Pontoise. « Le
nouveau système incitera aux économies d'énergie, car les habitants verront le
résultat sur leur facture, ce qui n'est pas le cas actuellement.»
Les contraintes du chauffage urbain
Le chauffage urbain semble à première vue une
évidence. Comment on n’y a pas pensé avant ? Mais on y a pensé avant, et
ça a foiré. Seraing a abandonné en 1996 son chauffage urbain, un investissement
de... 360 millions ! Une turbine à la sortie d'un haut-fourneau de Cockerill
était censée chauffer différents bâtiments publics ou logements sociaux. Ce
chauffage serésien a fonctionné une dizaine d'années seulement. En 1991, 260
logements s'étaient retrouvés sans chauffage en décembre (Le Soir 12/06/1996 ).
Et à Droixhe, les contentieux relatifs aux factures
de chauffage ont été un véritable problème pendant des années. La calorie
fournie par la centrale électrique
coûtait chère en raison des déperditions de chaleur. Certains locataires
payaient un loyer social de 100 à 125 euros et une facture de chauffage de 250
euros ! Ce problème a été « résolu »
avec l’arrêt de la centrale en 1995. Une cogénération (c'est-à-dire trois
moteurs à gaz) alimente en chaleur les 15 immeubles (1.800 logements sociaux)
de Droixhe. Désormais, il y a un système individuel de comptage du chauffage.
Mais avec ça les problèmes n’ont pas disparus. En 2012, il faisait 12° dans la
tour "Match" à Droixhe. Les locataires ont dû installer un chauffage
d'appoint. En 2009, la Filiale Immobilière Publique avait pourtant investi 2
millions et demi d'euros pour remplacer le chauffage. Selon Maggy Yerna, échevine
du logement à l’époque, il n'y avait pas de panne au niveau du chauffage mais
peut-être une « inadéquation » entre le fonctionnement habituel et
les températures à l'extérieur. Le problème d'eau chaude de distribution était
lui lié à une panne, récurrente, qui témoigne, comme le problème de chauffage,
d'un défaut de conception du système (sources Le Soir 7/10/1999
et 16/2/2004, RTBF9 février 2012).
Le chauffage urbain : un secteur en pleine évolution
On me
répondra – à juste titre – que le chauffage urbain a énormément évolué les dix
dernières années. Certes, mais pas dans le sens de simplification. Je viens de
signaler le problème d’une facturation socialement équitable : de ce point
de vue là, la situation s’est encore compliquée. Là où à Droixhe on avait un
contact direct entre Electrabel et la Maison Liégeoise, on a aujourd’hui un
paquet de « partenaires »,
avec des gestionnaires de réseau qui se sucrent.
Certes,
le chauffage urbain existe depuis plus d’un siècle. Mais on n’est plus dans le
même registre aujourd’hui. New York par exemple a toujours son réseau à vapeur
centenaire qui pose d’ailleurs pas mal de problèmes. Mais ces réseaux tendent à
disparaître. Nos gourous du citymarketing font pourtant allégrement l’amalgame,
au Mipim, à Cannes. Grégory Radisson, de Coriance,
choisie pour notre futur réseau de chauffage urbain, y déclare au Mipim qu’un des plus anciens réseaux du genre
existe encore à New York, il date du XIXe siècle et est toujours en activité. À
Cracovie, il existe un réseau de 300 km (La Libre
Belgique 13 mars 2019).
Certes, il ne ment pas, mais il omet de dire que ces réseaux n’ont plus
grand-chose à voir avec les systèmes dont on parle aujourd’hui. Encore dans
les années 1960 et 1970 les réseaux de chauffage urbains étaient associés à
l’image négative des grands ensembles.
Un renouveau basé sur les énergies de récupération
Le renouveau de ces dernières années est basé sur les
énergies de récupération, dites « fatales ». Michael Corhay, responsable
projets auprès du Cluster TWEED (Technology of Wallonia Energy, Environment and
sustainable Development) décrit très bien cette évolution sur le site
En France, la chaleur provenant de
l’incinération des déchets ménagers se trouve, en 2014, en deuxième position
des sources d’énergie distribuées par les réseaux de chauffage urbain. Dans un paper « Structuration urbaine d’un réseau de chaleur et énergiefatale » (Flux 2017/3-4 (N° 109-110), pages 9 à 22) Zélia Hampikian évoque
les incertitudes auxquelles sont confrontés les acteurs, avec notamment deux
cas de réseaux de chaleur au Val d’Europe et à Dunkerque. Les pertes qui se
produisent lors de la circulation de la chaleur sont importantes et la pose des
tuyaux est coûteuse. A Val d’Europe, la commercialisation du réseau est
laborieuse et l’infrastructure fonctionne uniquement grâce à la connexion du
parc aquatique et d’une pépinière d’entreprises, mais est surdimensionnée : les
tuyaux sont conçus pour un débit de 800 m3/h, ce qui correspond à une puissance
de 10 MW, tandis que seulement 180 m3/h y circulent.
Le réseau de Dunkerque
Le sidérurgiste que je suis a été évidemment
aussi intéressé à la chaleur des minerais pour chauffer une ville : le réseau
de Dunkerque . Au début des années 1980, Dunkerque commande une étude pour
évaluer quatre sources différentes, dont toutes, excepté la solution envisagée
d’une chaufferie charbon, sont de récupération : gaz sidérurgiques, chaleur
produite par la centrale thermique de Gravelines et « récupération de chaleur dans l’établissement dunkerquois de la
société Usinor » . La récupération chez Usinor est retenue, complétée
par la production d’une chaufferie fioul et de centrales à cogénération.
Usinor accepte sans que de nombreuses négociations
ne soient nécessaires.
Plusieurs décennies plus tard, en 2006, face à
la perspective de croissance du réseau, on envisage une deuxième récupération chez
ArcelorMittal. Cette fois-ci, l’industriel demande de coupler le système à une
installation de récupération de poussières afin de pouvoir amortir cet
investissement sur les deux installations. Les négociations sont plus
complexes. Alors que, dans le premier cas, l’industriel se souciait peu de
l’arrêt de la récupération, dans celui-ci, elle influencerait directement son
processus de production. Chaque acteur fait alors inscrire dans un nouveau
contrat des exigences de restitution ou remboursement des équipements en cas
d’arrêt de la fourniture ou de la récupération de chaleur.
Cette vision de la récupération comme une
situation possiblement provisoire marque le début des réflexions quant à
l’avenir du réseau et à sa dépendance à une source sur laquelle les acteurs du
système énergétique urbain ont peu de contrôle. La démarche est en outre
encouragée par l’importante diminution temporaire de la chaleur produite au
sein des installations d’ArcelorMittal en 2008, en raison de la crise
économique.
Alors que la compétence de gestion du réseau
de chaleur doit être transférée à la Communauté Urbaine de Dunkerque en 2015,
la Ville et cette dernière lancent une nouvelle étude relative au développement
du réseau de chaleur à l’échelle de l’agglomération. L’objectif affiché est
celui de prévoir, d’une part, l’extension du réseau à d’autres communes et,
d’autre part, la diversification des sources d’approvisionnement. Les sources de chaleur analysées par l’étude
sont pour la plupart, de récupération. Elles proviennent ainsi d’autres
industriels ou bien du centre de valorisation énergétique (CVE) de
l’agglomération, équipement communautaire d’incinération de déchets produisant
jusque-là uniquement de l’électricité.
L’étude met en garde contre l’impossibilité de
connaître le devenir des entreprises privées au-delà d’une certaine durée et
notamment au-delà du temps de remboursement des investissements. Ainsi, c’est
en premier lieu le CVE qui est retenu pour la stabilité de son processus et le
contrôle que la collectivité peut exercer sur ce dernier. En définitive, alors
que la première récupération est basée sur une analyse purement
technico-économique et qu’elle s’accompagne de relations vécues comme simples
entre les acteurs, ces dernières se complexifient avec le temps, jusqu’à ce que
chaque côté envisage la possibilité d’un arrêt ou d’une modification non
contrôlée des conditions de l’échange. C’est le résultat de la généralisation
d’une plus grande instabilité économique et industrielle à l’échelle mondiale.
Finalement, un accord a été trouve en janvier
2019: le doublement du réseau de chaleur urbain a été officialisé par la Communauté
urbaine de Dunkerque, ArcelorMittal et Engie France BtoB. Fin 2020,
l’équivalent de 3000 logements supplémentaires sera alimenté en chauffage et en
eau chaude sanitaire grâce à l’énergie dégagée par les installations
industrielles d’ArcelorMittal.
Plusieurs fournisseurs
On évolue donc de plus en plus vers une
diversification des fournisseurs de chaleur, parce que le contexte
économique évolue de plus en plus vite. On l’a vu avec le fermeture de la
centrale de Droixhe, ou du Haut-Fourneau de Cockerill-Sambre (même si là, le
chauffage urbain a capoté avant la décision de fermeture). Pour le Master Plan
des Acec, Uvelia n’est pas éternel non plus. D’ailleurs, juste à côté Intradel
a déjà des fours à l’arrêt, à son ancienne unité de valorisation énergétique (
2 fours à grilles Kablitz et 2 fours rotatifs Laurent Bouillet). Les deux fours
à grilles sont encore en bon état ainsi que les installations du traitement des
fumées. On envisage les utiliser pour la valorisation énergétique de bois non
recyclables (75.000 tonnes de bois par an ; Intradel dispose déjà d’un
gisement de 30.000 t/an en provenance des parcs à conteneurs).
Certes,
il y a aujourd’hui des centrales TGV à cogénération dans toutes les gammes de
capacité. Mais pour les grosses centrales, l’avenir dépend d’une décision
concernant la création d’une capacité de réserve. Ces centrales ne tourneront
qu’en cas de pénurie et ne sauraient donc alimenter d’une manière stable un
réseau de chauffage urbain. Et le besoin en chaleur doit être continu et
à long terme : le rendement, côté production d'électricité seul, est plus
faible avec une unité de cogénération qu'avec une centrale classique.
On
évolue donc vers une situation avec plusieurs fournisseurs qui peuvent
compenser l’arrêt chez un autre. La plupart du temps la production de cette
chaleur fatale est la dernière de leurs priorités. Ils refuseront des
contraintes point de vue fourniture d’eau chaude, en fonction par exemple de
leurs cycles d’entretien, voire de pannes. Ce qui pousse à une augmentation
d’échelle du réseau.
La disparition des clients captifs.
Du côté
clients, on voit disparaître des clients captifs, avec les principes de bonne
gouvernance qui s’imposent partout. Les bâtiments publics et les piscines
restent évidemment les premières cibles, mais les principes de bonne
gouvernance interdisent de leur imposer des contrats. Je serai curieux de
savoir si on saurait par exemple imposer à la piscine de Herstal un
raccordement au chauffage urbain.
Cela
vaut encore plus pour les promoteurs immobiliers, voire des partenaires comme
des sociétés d‘industrialisation. En
France des projets ‘faciles’, près de Disneyland, ont capoté parce que la
société d’industrialisation a refusé d’imposer un raccordement aux investisseurs.
Je ne m’imagine pas autre chose pour le site des ACEC, ou pour l’écovillage de
Coronmeuse. Je vois difficilement la SPI+, partenaire dans le projet pour les
Acec, imposer un raccordement au réseau de chaleur à des investisseurs
potentiels.
L’adéquation de l’offre et la demande clients- fournisseurs
Et puis,
il y a l’adéquation de l’offre et la demande clients- fournisseurs. SelonValorical,
pour assurer l’efficacité du réseau, il
est indispensable de veiller à ce que les capacités de fourniture soient
disponibles en permanence, d’où l’intérêt d’intégrer au réseau d’une part,
l’hôpital CHR La Citadelle qui dispose de chaudières de réserve ainsi que,
d’autre part, des chaufferies d’appoint et de secours (Valorical est un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) regroupant
l’Intercommunale de Traitement des Déchets ménagers Liégeois Intradel, la SA
Urbeo Invest (Ville de Herstal) et l’asbl Liège Energie (Ville de Liège).
En plus,
la demande d’énergie thermique est très variable au cours de la journée (le
matin, fin de journée) et en cours d’année (été-hiver). Dans les réseaux de
chaleur urbains, la puissance moyenne consommée sur l’année représente environ
18 % de la puissance maximale appelée. Pour rentabiliser l’outil et viser à une
utilisation optimale de l’énergie, il est judicieux de rechercher les solutions
qui permettent de valoriser l’énergie thermique lors de faibles appels de
puissance du réseau, notamment au travers de partenariats avec des industriels.
Valorical
estime les coûts d’investissement y compris les adaptations éventuelles sur les
unités de valorisation existantes entre 75 et 120 millions d’euros (source : Valorical GIE : qui sommes-nous ?). Le quadruple des 30 millions avancés par
Herstal Energie Verte…
Un réseau chaud-froid
Certes,
il y a moyen d’utiliser ces réseaux pour produire du froid. Marc Schlitz, expert en environnement au service de la Cellule Stratégique de
la Ville de Liège, propose, dans le cadre de Liège 2025, de développer unréseau urbain de chaleur et de refroidissement (projet N° 1279) : « Aujourd'hui, les progrès techniques
amènent les nouveaux réseaux de 4ème génération capables de produire de la
chaleur en hiver et du refroidissement en été». Coriance et son concurrent Idex se présentent
d’ailleurs systématiquement comme des gestionnaires de réseaux
chaud-froid. ENGIE aussi se positionne comme le leader mondial des réseaux urbains de froid, grâce à une
prise de participation dans Tabreed, un acteur majeur des réseaux urbains de
climatisation dans les pays du Golfe.
Un
réseau de froid est un système centralisé qui fournit de l’eau glacée pour
alimenter un circuit d’air conditionné. La présence d’une source d’eau à
proximité du réseau peut permettre de se dispenser de tour de refroidissement
dans la centrale. Cette technique dite du « free cooling » (refroidissement
naturel) est utilisée par exemple par CLIMESPACE qui puise près de 50 % de ses
besoins en froid dans la Seine pour le réseau parisien. Climespace dessert
notamment le Louvre, l’Assemblée Nationale, la Banque de France, ainsi que de
nombreux hôtels et grands magasins. Par rapport à un système d’air conditionné
classique, ce réseau consomme 35 % d’électricité en moins, émet 50 % de CO2 en
moins, a une efficacité énergétique supérieure de 50 % et réduit de 65 % la
consommation d’eau.
Evidemment, les réseaux de froid disposent d’atouts par rapport aux systèmes de
climatisation individuels : impact environnemental moindre, réduction des
émissions de gaz à effet de serre, capacité à exploiter des énergies
diversifiées (dont des sources renouvelables et de récupération), suppression
des contraintes sur les bâtiments…
Un
réseau de froid peut être vu comme un réseau de chaleur qui fonctionne en sens
inverse . On y trouve une unité d’évacuation de la chaleur, un réseau avec un
fluide caloporteur (en général de l’eau, dont la température se situe entre 1
et 12°C à l’aller, et entre 10 et 20°C au retour) et des sous-stations assurant
la collecte de la chaleur dans les immeubles à climatiser.
La
technique dominante dans les réseaux de froid en France est le compresseur (95%
du froid urbain), avec rejet de la chaleur dans l’air ou dans l’eau. Les
énergies renouvelables et de récupération ne représentent actuellement que 3%
du bouquet énergétique des réseaux de froid. On compte 13 réseaux de froid en
France, desservant 80000 équivalents-logements (894 GWh d’énergie finale). En
Europe, ils ne représentent qu’entre 1% et 2% du marché du froid. Comme pour
les réseaux de chaleur, la centralisation des équipements consommateurs
d’énergie et sources de nuisances potentielles présente plusieurs avantages par
rapport à des systèmes autonomes décentralisés. Les réseaux de chaleur utilisés
pour la production de froid décentralisée sont moins contraignants en termes
d’investissement initial, en revanche ils nécessitent que la chaleur soit
produite à bas coût pour que le prix de revient du froid en sortie soit
compétitif par rapport aux solutions alternatives. Plusieurs dispositions des
lois Grenelle relatives aux réseaux de chaleur concernent également les réseaux
de froid, notamment l’obligation d’étude d’opportunité de création ou
raccordement à un réseau alimenté par des énergies renouvelables lors de
nouvelles opérations d’aménagement, ou encore la procédure de classement
permettant à une collectivité de rendre obligatoire le raccordement au réseau,
dans certaines zones préalablement définies.
L’idée
est bonne, et permet de valoriser le lourd investissement dans le réseau urbain
chaud-froid tout au long de l’année. Le problème en Wallonie est qu’au niveau
législatif rien n’existe encore qui rendrait obligatoire le raccordement et
qu’à Liège il est exclu d’utiliser le refroidissement naturel avec l’eau de
Meuse, aussi longtemps que Tihange utilise au maximum son autorisation
d’augmenter la température du fleuve, surtout en période d’étiage, en été.
Des réseaux basse pression
La
tendance aujourd’hui est d’abandonner des systèmes pressurisés, et de descendre
en dessous des 100°. C’est ainsi qu’à Cergy-Pontoise Coriance préconise à passer tout le réseau en basse pression : « Passer d'une eau
à 160 degrés à 90 degrés use moins les tuyaux, et si on doit intervenir pour
réparer, cela refroidit plus vite. C'est un système plus souple ».
Oui,
mais cela amène une nouvelle contrainte. La capacité du système est alors
donnée par le diamètre des tuyaux et la vitesse de circulation. Le système doit
être dimensionné en fonction du nombre de clients. Or, comme je viens de l’expliquer,
la relation fournisseur- client captif tend à évoluer vers une situation à plusieurs fournisseurs et une
multitude de clients qui ont théoriquement le choix.
Un investissement de plus en plus lourd
Concernant le projet de chauffage urbain à
Herstal, on peut se demander comment ce mini-réseau dont le financement FEDER
ne couvre que la partie Acec et les environs immédiats (avec entre autres la
cité de l’Europe) pourrait évoluer vers un réseau de 40 kilomètres. Soit on le
dimensionne à ce mini-réseau, soit on repart d’Uvélia avec une conduite plus
grosse vers le centre et Liège. Pourtant, c’est ce que Grégory Radisson, délégué régional de la société
française Coriance, fait miroiter au Mipim : "Nous allons concevoir, construire et exploiter un réseau de
chaleur de 40 kilomètres, le premier de Wallonie et plus grand du pays. Le
réseau sera installé pour plus de 50 ans, un investissement total de 12,7
millions d'euros. Il bénéficie d'un soutien du fonds européen Feder de 5
millions d'euros et de la Wallonie à hauteur de 6,3 millions d'euros »
(13/03/19 Trends Tendances).
Ici, il mélange à mon avis les pinceaux :
ces 12,7 millions ne sont que l’amorce du réseau.
A l’occasion de la désignation du le groupement des sociétés françaises
Coriance et Sepoc comme auteur de projet, Jean-Louis Lefèbvre est plus prudent
et parle d’une « première boucle qui
ira notamment jusqu’au site des ACEC. Par la suite, l’idée est d’étendre le
réseau vers Liège et la Basse-Meuse ». Frédéric Daerden a moins de retenue.
A la question « En quoi le projet de
Herstal sort-il du lot? », il répond : «par
son ampleur. Le potentiel de développement est à l’échelle de l’agglomération;
il peut s’étendre tant vers la ville de Liège que vers la basse Meuse».
Herstal Energie Verte ne couvre que Herstal
La constitution de H.E.Ve (Herstal Energie Verte), en mars 2019
« traduit la concrétisation
juridique finale pour la conception, la réalisation, le financement, le
développement et l’exploitation du réseau de chaleur de Herstal ». H.E.Ve a un financement public. Contrairement à ce que Belfius prétend, Feder ne
subventionne pas le projet à 90% , la Région Wallonne paye plus que la moitié,
le solde étant apporté par Urbeo Invest.
Mais l’extension (203 GWh d’énergie) sera
revanche financée via un partenariat public-privé, réunissant la Ville,
Intradel (intercommunale de traitement des déchets) et Coriance-Sepoc. Le
budget prévu pour cette seconde phase atteint 30 millions d’euros (le budget de
la 1ère phase étant de 12,7 millions d'euros ; ces 30 millions
me semblent d’ailleurs une estimation basse).
Mais dans son communiqué Urbéo prétend que Coriance est chargé d’exploiter le réseau étendu pendant vingt ans. Grégory Radisson, CEO de Coriance et
Jean-Louis Lefèbvre, président d’Urbeo Invest et aujourd’hui maire de Herstal
parlent «des projections réalisées par Coriance pour une livraison de 203 GWh
par an via un réseau de 40 kilomètres. Demain, le site des Acec sera relié,
puis Herstal. Et sans doute Liège… » (La Libre Belgique 13 mars 2019).
Et, dans le même journal, Grégory Radisson, cette
fois-ci attitré d’adjoint au développement (France-Belgique), déclare qu’il
faut « d’abord créer une artère, une
canalisation principale de Herstal vers Liège et, de cette colonne vertébrale,
créer d’autres connexions ». 40 km, c’est un maximum ? “Après, il n’y a plus assez de puissance
pour véhiculer la chaleur. Se pose alors la question de reproduire de la
chaleur, mais c’est possible. Aujourd’hui, le coût d’installation reste plus
important qu’une chaudière au gaz. Nous visons donc des copropriétés, de
l’industriel… La première phase prévoit un réseau de 4.200
équivalents-logements. D’ici douze ans, nous aurons un réseau de 20 000
équivalents-logements.” (La
Libre Belgique 13 mars 2019).
Alors qu’on peut se demander où il trouvera
ces premiers 4.200 équivalents-logements, il est sûr d’en avoir 20.000 d’ici
douze ans ? En reconnaissant que le coût d’installation reste plus
important qu’une chaudière au gaz. Comment convaincre alors ces nouveaux
abonnés (très souvent de co-propriétés comme Néolégia et son éco-village de
Coronmeuse) de s’abonner au réseau ? Pourquoi ces co-propiétés se
compliqueraient-ils la vie en s’engageant (pour 50 ans !), s’ils peuvent
équiper leur éco-village de turbines TGV moins chères et, certes, moins
intéressant point de vue climat ?
On pourrait évidemment baisser l’investissement
en profitant de l’installation du tram. A Dijon, par exemple, «la colonnevertébrale du réseau a été dessinée par le tram. Ce qui est logique puisque le
tram et le réseau de chauffage ont un même objectif : servir un maximum
d’habitants ». Le problème à Liège est que le tram et le réseau de
chauffage n’ont pas un même objectif : servir un maximum d’habitants, puisqu’on
est dans un PPP qui doit assurer un return à ses investisseurs privés...
La « valorisation » des déchets
L’évolution la plus spectaculaire point de vue
chauffage urbain est la « valorisation »
des déchets. Je ne crois pas que ce combustible est en soi plus économique que les
combustibles ‘carbonés’, comme le charbon, le pétrole ou le gaz, malgré son
prix bas (voire négatif : les communautés paient pour les brûler). Techniquement
aussi, brûler les déchets est moins évident. Mais c’est surtout les primes
environnementales qui font la différence. Pour ne pas alourdir mon
analyse, je ne me suis pas penché sur les aspects écologiques de l’incinération
des déchets, mais exclusivement sur la réglementation de récupération de chaleur fatale.
En France le chauffage urbain a eu un boost en 2009 avec le Fonds Chaleur qui fait la promotion des réseaux de chaleur via
l’utilisation des Energies Renouvelables et de Récupération (EnR&R),
notamment certaines dont l’utilisation est quasi exclusive via les réseaux de
chaleur : incinération des déchets, récupération de chaleur fatale. La Loi relative
à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) y donne des
objectifs élevés d’utilisation d’EnR&R par les réseaux de chaleur en 2030.
Pour les atteindre, la quantité de chaleur qu’ils livreront devra être
multipliée d’un facteur 2,3 par rapport à 2012. D’après Sia Partners, des
investissements de l’ordre de 10Mds€ devront être réalisés pour développer les
infrastructures nécessaires à cette augmentation, dont l’impulsion devrait
venir du Fonds Chaleur. Ce fonds aide au financement des projets visant à
atteindre un mix énergétique supérieur à 50% d’EnR&R. Les collectivités
passent par une délégation de service public (DSP) auprès des grands acteurs du
marché (Dalkia, Engie) ou des pure players (IDEX,
Coriance). Dijon bénéficie par exemple de 6,4 millions d’euros au titre des Certificats d’économie d’énergie (CEE). Un certificat d'économies d'énergie veut encourager les économies d'énergie. En Europe, on trouve un tel dispositif au Royaume-Uni, en Italie, au Danemark, en Irlande ou en France. Le principe est d'obliger certains acteurs (les « obligés ») à réaliser des économies d'énergie et d'encourager les autres acteurs (les « non-obligés ») par l'obtention d'un certificat. Les obligés peuvent soit réaliser eux-mêmes les mesures d'économie d'énergie, soit acheter des certificats aux non-obligés, soit payer une surtaxe à l'État. En France, la pénalité est fixée à 0,02 €/kWh cumac (kWh cumulés actualisés) maximum et les certificats sont donc négociables sur le marché des certificats entre 0 et 0,02 €/kWh cumac.
Coriance). Dijon bénéficie par exemple de 6,4 millions d’euros au titre des Certificats d’économie d’énergie (CEE). Un certificat d'économies d'énergie veut encourager les économies d'énergie. En Europe, on trouve un tel dispositif au Royaume-Uni, en Italie, au Danemark, en Irlande ou en France. Le principe est d'obliger certains acteurs (les « obligés ») à réaliser des économies d'énergie et d'encourager les autres acteurs (les « non-obligés ») par l'obtention d'un certificat. Les obligés peuvent soit réaliser eux-mêmes les mesures d'économie d'énergie, soit acheter des certificats aux non-obligés, soit payer une surtaxe à l'État. En France, la pénalité est fixée à 0,02 €/kWh cumac (kWh cumulés actualisés) maximum et les certificats sont donc négociables sur le marché des certificats entre 0 et 0,02 €/kWh cumac.
Yves Lederer, Président du Groupe Coriance, qui a
eu le contrat à Herstal, l’a bien compris: «Notre
société est bien positionnée pour tirer parti des besoins croissants en matière
de chauffage urbain généré à partir d’énergies renouvelables dans le cadre des
processus d’appel d’offres. Notre production d’énergie renouvelable est passée
de 34 % en 2012 à 60 % en 2015, en pourcentage de notre production énergétique
totale.»
Et Jésus Olmos, co-responsable mondial des
infrastructures chez KKR, joue en 2016 la même carte dans la recherche d’un
repreneur pour Coriance : « nous
jouissons d’une forte expertise reconnue pour aider les sociétés à s’adapter
aux tendances et réglementations environnementales en plein changement, ce qui
se trouve au cœur du succès de Coriance ».
Evidemment, un des problèmes pour les Acec est
que chez nous il n’y a pas ces contraintes réglementaires, ce qui réduit leur
‘playfield’.
Qui est Coriance ?
Coriance était au départ dans le giron public. Fondée en 1998 par Gaz de France, Coriance exploitait les réseaux de
chaleur et de froid. En 2006, suite à la fusion entre Gaz de France et Suez, la
Commission européenne impose la cession de Coriance, vu que cette fusion pourrait nuire à la
concurrence dans les réseaux de chaleur en France. Depuis Coriance a changé de
mains plusieurs fois. En 2008, le groupe italien A2A en fait l’acquisition. En
2012, Coriance est repris par ses managers, adossés à un fonds d’investissement
(KKR Infrastructure). En 2016, First State Investments devient son actionnaire principal.
Coriance gère à ce moment-là 29 concessions
de chauffage urbain en vendant l’électricité co-générée à Electricité de
France.
La fine fleur des consultants intervient dans
cette opération. KKR prend des conseils auprès de RBC Capital Markets, Clifford
Chance, Simpson Thacher & Bartlett, KPMG, Poyry et Marsh. First State
Investments loue les services de Lazard Frères, DC Advisory, Deloitte, Allen
& Overy, Watson Farley & Williams, Atkins, E-Cube et Willis Towers
Watson. First state n’a pas donné le prix, mais ça doit tourner autour d’un milliard d’euros.
C’est un peu la tape dans ce secteur ;
Le troisième groupe français de chauffage
urbain Idex est en 2018 valorisé à un milliard d'euros. Dans les candidats
repreneurs Vinci avec son allié First State, le propriétaire australien du
groupe Coriance, qui comptaient ainsi valoriser les synergies d’Idex avec
Coriance (Les Echos 21/3/2018). C’est finalement le fonds d'infrastructures Antin qui leur dame le pion.
Financée par de la dette (LBO), l'opération valorise la société à un prix « plus proche de 1,5 milliard que de 1
milliard d'euros » (ces gens-là arrondissent au demi milliard
d’Euros ; nous on râle parce qu’on arrondit à 5 eurocent). La transaction
devrait ainsi figurer parmi les plus significatives de l'année sur le marché
français des infrastructures
Idex aussi « accompagne à long terme les collectivités dans leurs projets de transition énergétique à travers
l’exploitation de toutes les énergies du territoire : biomasse, biogaz,
méthanisation, géothermie, etc. Idex gère 50 réseaux de chaleur et de froid à
travers la France, notamment le réseau qui alimente en chaleur et en froid la
Défense, à Paris. Idex gère 9 usines
d’incinération et de méthanisation. 15 projets de méthanisation sont en
développement ou en exploitation ».
Cinq candidats pour l’appel d'offres pour les Acec
C’est ce qui explique que cinq candidats ont répondu à l’appel d'offres pour les Acec, même si, dans un premier temps, ce n'est pas un énorme réseau de
chaleur qu'il s'agit de construire. Véolia dispose d'une très solide expérience.
Après l'effondrement du bloc soviétique,elle a repris des chauffages collectifs
dans plusieurs pays de l'est ; le
bureau d'ingéniérie TPF est actif aux quatre coins du monde ; Engie et EDF
aussi ont soumissionné. C’est finalement le ‘pure player’ Coriance qui a reu le contrat.
Vous me direz qu’avec
un tel intérêt de la part de la crème des ‘players’ au niveau mondial, ce projet ne saurait que réussir. Je ne partage pas cet
optimisme. L’enjeu pour ce premier appel d’offres est pratiquement nul au
départ. Ce qui compte pour eux est d’avoir un pied dans la porte de ce marché
potentiel. Mais, à la différence de la France, les incitants ont pratiquement
inexistants.
Vous me direz :
il n’y a qu’à les créer ?
La chauffage urbain : un enjeu
trop important pour régler en marge d’une promotion immobilière
Je crois avoir fait un
premier tour de la problématique (ou le défi, si vous voulez) du chauffage
urbain. Récupérer cette énergie fatale me semble un enjeu important pour la
transition écologique. Il faut que cette transition soit sociale. Pas question
de faire payer, indirectement, les locataires sociaux. Le chauffage urbain n’a
plus grand-chose à voir avec les systèmes qu’on a connus auparavant. Cela ne
nous évite pas de faire le bilan des avantages ET des échecs, comme le réseau
de Seraing ou de Droixhe. Il y a incontestablement des progrès techniques. Mais
ce progrès n’a pas simplifié les choses. Les contraintes d’aujourd’hui poussent
à concevoir ces systèmes à une échelle plus grande, avec des taux
d’amortissements plus longs. Et ceci dans un environnement économique où le
prix de la calorie est de plus en plus aléatoire. Ce qui laisse de moins en
moins de place à l’improvisation. L’enjeu est trop important pour faire ça en
marge d’une opération de city-marketing. D’autant plus que le modèle économique
même de ce chauffage urbain est de plus en plus lié aux primes liées à la valorisation
des déchets (primes inexistants en Wallonie).
La nécessité d’un réseau énergétique entièrement nouveau.
Pour cadrer un peu
tout ça, voici ce que dit le PTB sur le chauffage urbain dans son programme
2019 : "Grâce aux réseaux de chauffage urbain, nous
récupérons la chaleur résiduelle des industries qui, à l’heure actuelle, est
simplement rejetée dans l’atmosphère. Par exemple, les entreprises du port
d’Anvers rejettent actuellement deux fois plus de chaleur que ce dont la ville
a besoin en chauffage et en eau chaude sanitaire. Nous les obligeons à faire
des investissements en faveur des économies d’énergie et à basculer vers une
économie circulaire. De cette façon, nous réduisons encore davantage la
consommation d’énergie de l’industrie.
La transition vers 100 % d’énergie
renouvelable implique aussi la nécessité d’un réseau énergétique entièrement
nouveau. Car en plus de l’électricité et du gaz, l’hydrogène et l’eau chaude
deviennent également des vecteurs énergétiques importants. Les fluctuations de
la production et du stockage de l’électricité doivent être maintenues en
équilibre constant. Nous mettons donc les différents réseaux d’énergie entre
les mains du public et les transformons en un réseau intelligent, un réseau à
commande numérique qui fait correspondre l’offre et la demande".
Une utilisation rationnelle de l’énergie dans l’industrie
"Nous
introduisons des objectifs contraignants pour rendre l’industrie neutre au
niveau climatique d’ici 2040. Nous créons ainsi les conditions permettant à
l’industrie de se convertir en un capteur plutôt qu’un émetteur de gaz à effet
de serre à l’horizon 2050. Grâce aux
réseaux de chauffage urbain, nous récupérons la chaleur excédentaire émise par
des industries pour répondre à la demande en chaleur d’autres industries et des
habitations.
Les tours de refroidissement expulsent
d’énormes quantités de chaleur dans l’air. Quel gaspillage d’énergie ! Or
cette chaleur peut parfaitement être réutilisée. Par exemple, par des usines
proches qui ont besoin de chaleur de haute qualité et qui, à l’heure actuelle,
sont obligées de produire elles-mêmes cette chaleur à partir de combustibles
fossiles. Ou par des zones résidentielles situées à proximité : les
réseaux de chauffage urbain peuvent ainsi rendre superflues les chaudières à
gaz et à mazout.
Le risque de tels investissements est trop
grand dans le cadre du libre marché et cela ne garantit pas de retour
économique certain. (Nous voulons) une banque d’investissement pour le climat.
Les entreprises pourront bénéficier de ces nouvelles techniques pour respecter
leurs normes d’émission, à condition de payer des redevances à la banque
d’investissement pour le climat" (Programme PTB 2019 p.55-64).
PS n’ai pas abordé ici la biométhanisation et la
biomasse (valorisation énergétique de bois non
recyclables); ça mérite un blog à
part. Intradel dispose aussi de son ancienne unité de
valorisation énergétique dont le reconditionnement en unité de biomasse est
actuellement à l’étude (et en justice).