Nous avons à la Préalle un atelier de peinture
et tapisserie dynamique « Arts en couleurs » animé par
Kader Bendjabbar (les mardis et jeudis de 9h à
13h.). Arts en couleur prépare actuellement une expo de tapisserie qui se
tiendra au Centre Culturel. Des travaux magnifiques et originaux. Un aspect qui
mérite d’être mentionné est qu’elles n’utilisent que des matériaux de
récupération : elles n’on pas encore dépensé un euro pour leurs fils de
laine…
Nos ‘licières’ (ou licier, parce que Kader tisse
aussi) font des œuvres très modernes, mais perpétuent en même temps une longue
tradition.
Le lissier (parfois orthographié licier, au féminin lissière ou licière)
prépare le carton de sa tapisserie à partir d’une œuvre mise à l’échelle
voulue, choisit ses couleurs (échantillonnage), prépare son métier (de
haute-lisse ou de basse-lisse) et monte sa chaîne, avant de commencer à tisser
les motifs du carton.
La haute lice est exécutée sur un métier vertical. Le licier écarte les fils
pour voir le carton placé sous les fils en basse lice ; en haute lice, il use
d'un miroir car le carton est placé derrière lui. Au départ, des fils de chaîne
de laine écrue, qui constituent la matrice, sont tendus sur des rouleaux
appelés ensouples. Ils sont recouverts au fur et à mesure du tissage par des
fils de trame, qui apportent le dessin et les couleurs. L'exécution peut se
faire à plusieurs mains. Elle est longue et minutieuse. Pour exécuter la trame,
le licier actionne des pédales, qui séparent la nappe de fils de chaîne en fils
pairs et impairs, permettant le passage d'une navette avec son fil. Ce passage
s'appelle une passée. Il y a autant de navettes qu'il y a de couleurs. Le
licier peut procéder à des effets : le battage, sorte de hachure qui permet de
faire des dégradés de couleur ; le relais, sorte de coupure entre deux zones de
couleur. Le travail effectué s'enroule au fur et à mesure sur l'ensouple. Une
fois achevé, on déroule l'ouvrage.
La tapisserie de Bayeux, grandiose pièce
historique de 70 mètres de long qui narre l'invasion de l'Angleterre par
Guillaume le Conquérant au IXième siècle, est injustement appelée tapisserie car
c'est en réalité une broderie, exécutée « aux
points d'aiguille ». La broderie est connue depuis des temps immémoriaux,
contrairement à la tapisserie, plus complexe à mettre en œuvre, et dont le
démarrage se situe à la fin du Moyen Age.
Edmond Dubrunfaut, à la base d’un renouveau de la tapisserie dans l’après-guerre
Dubrunfaut Les Quatre Ages de la Vie |
Il faudrait peu-être les amener un jour au Musée
de la Tapisserie à Tournai, inauguré en 1990.
A la base de ce musée, Edmond Dubrunfaut. Le
renouveau de la tapisserie à Tournai dans l’après guerre, c’est lui. Le Musée de la Tapisserie accueille des collections permanentes
constituées de prestigieuses tapisseries anciennes des XVe et XVIe siècles, à
côté d’œuvres plus modernes que l’on doit notamment à Dubrunfaut, Somville et
Deltour, du collectif "Forces Murales", et des œuvres surprenantes de certains créateurs
contemporains.
Un atelier de restauration permet au public de
découvrir le travail lent et minutieux de préservation de la fibre. Les
licières travaillent à la réalisation de commandes privées ou publiques. Ces
travaux sont exécutés à la main sans aucun moyen mécanique,
Le Crecit, Centre de recherche d’essais et de contrôle pour l’industrie textile
organise des visites guidées sur 3 axes : la teinture de la laine, le travail
des licières sur des métiers de haute lice et la restauration de tapisseries,
tapis ou recouvrements de fauteuils. 4 000 nuances de couleurs ont déjà été
teintées ici !
Tournai héberge aussi le Centre de la
Tapisserie, des Arts Muraux et des Arts du Tissu de la Fédération
Wallonie-Bruxelles (TAMAT), garant de la sauvegarde et de la préservation du
patrimoine tapisserie-textile issu des collections de la Ville de Tournai, de
la Province de Hainaut et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le TAMAT a
également des ateliers de recherches où des boursiers viennent travailler dans
une liberté artistique totale.
Les tapisseries de la cathédrale de Tournai et la haute lice
Tournai fut, aux XVe et XVIe siècles, l’une
des principales villes licières du pays. C'est à un licier d'Arras- qui était le lieu
de fabrication le plus important d'Occident dans les premières décennies du xye
siècle - que Toussaint Prier, chanoine de Tournai, s'adresse pour faire
exécuter les tapisseries de la cathédrale, achevées en 1402 et consacrées à la
vie des deux saints patrons: Piat et Eleuthère. Plus tard, Tournai arrache à
Arras sa profitable clientèle. Jusqu'à ce que Bruxelles vienne lui ravir la
suprématie, à la fin du siècle, c'est à Tournai, devenu le plus grand centre de
la tapisserie, que s'adressent les principaux clients d'alors et d'abord le
plus fastueux mécène du temps,
Dubrunfaut, un des fondateurs des ‘Forces
Murales’, à côté de Roger Somville et Deltour, connaissait l’antique tapisserie dans
la cathédrale de Tournai. Pour le groupe Forces Murales, créé en 1947, la
tapisserie permet de placer l’art « là où passent et vivent les hommes ». Le trio met sur pied deux ateliers à Tournai
(Leroy, fin 1942 et Taquet, en 1945).
Leur premier projet est le centre de Rénovation de la tapisserie : «la
tapisserie a été le compagnon le plus quotidien de l’homme ». Mais
bien vite le groupe doit se rendre compte que ce compagnon le plus quotidien de
l’homme n’échappe pas non plus aux forces du marché. Les lissiers
http://www.institut-metiersdart.org/metiers-d-art/textile/lissier de la
coopérative atteignent une production moyenne journalière de 5,82 dm2.
On peut se faire une idée du prix d’un tapis…
La première – et seule - grosse commande de
trois cents mètres carrés vient de Spaak, à cette époque Premier ministre et
ministre des Affaires Etrangères, pour les ambassades belges à l’étranger.
Somville explique: « cette commande était
le résultat de difficiles tractations entre le Conseil Economique Wallon et le
Ministère des Affaires Etrangères : nous donnions du travail à des handicapés
professionnels, et nous recevions en échange de cet effort sur le plan social,
les 300 mètres carrés de tapisserie murale pour un Centre de Rénovation et une
Coopérative de production. Je donnais des cours de dessin et d’histoire de
l’art à des ouvriers et des ouvrières âgés de 30 à 60 ans qui n’avaient jamais
dessiné, ni bien souvent dépassé le stade des études primaires. Ces lissiers
firent un effort merveilleux. Malheureusement, au bout de trois années de
luttes, notre Coopérative se trouva confrontée à d’énormes problèmes financiers
et fut mise en faillite. Les lissiers avaient reçu leur salaire, mais les trois
peintres-cartonniers ‘bénéficiaient’ des déficits accumulés par la Coopérative».
Notre trio se tourne alors vers les fresques,
une technique moins coûteuse et plus rapide à exécuter.
Ce qui n’empêche pas Roger Somville de réaliser
encore en 1963 Le Triomphe de la Paix, une tapisserie monumentale de 80 m² qui
décore un temps le Palais de l’OTAN à Paris,
et qui aujourd’hui est à la Commission Européenne à Bruxelles.
Pour Dubrunfaut, la tapisserie reste l’un de
ses modes d’expression privilégié. Il dessine entre 1937 et 2006 quelques 800
cartons pour plus de 5000 m2 de tapisseries tissées, dont 60 forment
le cycle « Les temps de l’homme ».
En 1979 il crée avec Norbert Gadenne la Fondation de la Tapisserie, des Arts du
Tissu et des Arts muraux de la Communauté française. Il est membre fondateur du
Domaine de la Lice en 1981. Et en 1985 il a l’occasion d’installer à la stationde métro Louise «La terre en fleur»,
une tapisserie, céramique et tôle d’acier émaillée vitrifiée. C’est une œuvre prophétique. Des décennies avant l’appel d’Al Gore, l’artiste
part d’une recommandation de l’UNESCO: «Sauvons
les espèces, une grande menace plane sur la nature, les animaux, les arbres,
les plantes,...». Il déploie une riche décoration végétale et florale qui
intègre l’homme et l’animal en liant tendrement tous les signes de vie entre
eux. Edmond Dubrunfaut a fait don à l’IHOES de plus
de 330 œuvres, dessins, de lithographies, d’aquarelles, de cartons de
tapisserie et de peintures créées entre 1945 et 1999.
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