Voici l’histoire de notre quartier des Monts pour enfants et primoarrivants. J’ai essayé d’utiliser des mots simples, tout en survolant un siècle de la vie de notre quartier.
Les terres et la carrière de
l’évêque.
La ferme du séminaire, dénommée aujourd'hui ferme Charlemagne. photo Eduard Alphonse Van Loo |
Le quartier des Monts
est assez récent. Jusqu’en 1914 il y avait un hameau connu sous le nom de
Rhées. Les terres étaient de l’évêque. La ferme Charlemagne – aujourd’hui une
chocolaterie - appartenait au séminaire (l’école où l’on forme les prêtres).
Ce qui poussait sur
les terres de l’évêque l’intéressait beaucoup moins que ce qui se trouvait au sous-sol. Les veines de charbon
affleuraient dans la campagne des Monts. L’évêque permettait à creuser partout
des puits de mine. En échange il recevait une charrette de charbon sur vingt. Il
y avait beaucoup de petits puits de mine : comme les mineurs n’avaient
plus d’air après une bonne centaine de mètres et que les moyens pour ventiler
n’étaient pas très puissants on était oblige de creuser de nombreux puits.
Les pierres qui
étaient remontées avec le charbon étaient entassées sur des petits terrils. Il y en a encore
plusieurs dans les champs qui longent la rue des Bourriquets.
Il y a aussi un
terril dans le fond de la rue Schweitzer. Pour les enfants, c’était la montagne
noire. Aujourd’hui elle est plutôt verte parce que l’herbe a poussé dessus.
L’évêque avait aussi
une carrière à la Préalle (d’où la rue de la Carrière ;
dans les plus vieilles églises liégeoises il y a des pierres de la Préalle). Après,
ça a été exploité comme carrière de gravier, du gros et du petit, le sable
était chargé à la pelle dans les charrettes des acheteurs. L’exploitant,
le père Paquet, avait une
façon particulière de tenir sa pelle (à la manière
d’une faux). La carrière a été rebouchée avec les terres creusées lors du
bassin d’orage de la rue de la Limite.
photo Musée Herstal |
Lors de la première guerre mondiale,
une bataille décisive au hameau de Rhées.
Lors des premiers
jours de la première guerre mondiale, en 1914, il y a eu une bataille décisive
au hameau de Rhées. La Belgique avait construit tout autour de Liège des forts,
dont celui de Pontisse, à deux kilomètres de chez nous. On ne le voit pas à
cause de l’autoroute, et il est enterré pour le protéger des canons ennemis.
Pontisse pouvait tirer sur les allemands qui traversaient la Meuse. Mais
l’espace entre ces forts était mal défendu. C’est ainsi que les allemands
avaient réussi à remonter jusque Rhées, entre les forts de Pontisse et de Liers.
Les belges ont réussi à les chasser, mais dans la mauvaise direction : les
allemands sont arrivés dans le quartier Saint –Léonard, au quartier général de l’armée
belge. Le général Leman a dû fuir par la fenêtre.
Au cimetière de Rhées
il y a un beau monument qui commémore ce souvenir. Mais il y a aussi un beau monument
allemand.
Les sinistrés de la guerre
Pendant la guerre
beaucoup de maisons avaient été détruites. Le Roi Albert achète pour les gens
qui ont perdu leur maison des baraques en Hollande. Ces baraques avaient déjà
servi à loger un million de réfugiés belges. La Belgique lance aussi un
programme de construction de maisons sociales, en espérant les payer avec les
indemnités de guerre des allemands vaincus. C’est ainsi qu’en 1923 la Société
Coopérative des Habitations Bon Marché de Herstal achète à l’évêque 12 hectares
de ses terres sur les Monts, et y
construit la petite cité Nicolas Deprez. C’est une cité jardin « avec un jardin légumier où l’ouvrier
utilisera sainement et avec profit les loisirs que lui laisse son
travail ».
Mais quand il
apparaît que ces indemnités de guerre sont beaucoup moindres qu’espérées, le
programme de construction est stoppé.
En 1927 une nouvelle crise de logement apparaît à
Herstal, lorsque 253 maisons disparaissent
avec l’extension de la Fabrique Nationale au Prémadame, le creusement du
canal Albert et l’aménagement de l’Ile Monsin.
Herstal demande un
crédit au gouvernement (ou plutôt à la Société Nationale des Habitations Bon
Marché). Celui-ci demande de justifier cette demande par un recensement des
taudis. Le bourgmestre obtient un prêt pour 145 logements pour des ‘taudis non améliorables ou mauvais
baraquements’ et 647 pour des ‘ménages logés
à l’étroit’.
un pavillon du Fonds Roi Albert à la Préalle |
Entre 1930 et 1935 100 maisons s’ajoutent rue
de l’Agriculture et 28 à la cité Deprez.
Comme cela ne suffit pas, le bourgmestre achète aussi 128 baraques au fonds du
Roi Albert. Ce fonds les vend parce que la plupart des sinistrés de guerre sont
relogés. Presqu’un siècle plus tard il y a encore une bonne dizaine de ces
pavillons du côté rue du Bon Air.
On croirait presque
que ces nouvelles maisons n’ont pas été occupées par les familles qui
habitaient les taudis, puisqu’une enquête de 1962 compte encore 678 taudis dont
la moitié à la Préalle et 100 rien qu’au Pied du Bois Gilles.
La rue de l’Absent
En 1944 Herstal est touché par les V1 et V2
qui ciblaient les usines de la FN mais qui tombaient le plus souvent à côté. C’est
pour reloger les gens qui perdent leur maison que la rue de l’Absent fut bâtie
de 1949 à 1953. Cet Absent désigne le prisonnier de guerre et le déporté, mort
loin de son pays.
Rue Emile Vinck ou la rue des Italiens
Après la guerre on a
besoin du charbon pour la reconstruction. Les charbonnages – dont la Petite
Bacnure à la Préalle-bas- trouvent difficilement des ouvriers pour faire ce
travail dangereux et malsain. Les charbonnages essayent d’abord de mettre au
travail des prisonniers de guerre allemands, mais comme la guerre est finie ils
sont obligés de les libérer, deux ans plus tard quand même. Ils vont alors
chercher en Italie, qui manque de charbon mais qui a des bras. C’est le fameux
contrat ‘bras contre charbon’. Pour un travailleur italien qui descend dans la
mine, l’Italie pourra acheter un sac de charbon. Mais la Communauté Européenne
du Charbon et de l’Acier (CECA) n’accepte pas que les mineurs immigrés, attirés
pour travailler dans les mines, soient
logés dans les baraques. On lance alors un vaste programme de construction. Les
maisons de notre cité en briques jaunes ont été construites avec de l’argent du
CECA. Et les gens ont appelé très longtemps la rue Emile Vinck ‘la rue des Italiens’. On prévoit même une église sur le terrain au bout de l’Avenue de
Brouckère. D’où le nom ‘jardin du curé’. En attendant une chapelle provisoire est inaugurée en 1953, rue de l’Agriculture. La Rue
Emile Muraille est pavée en 1953 et l’Avenue de Brouckère date de 1954.
La rue Villa des Roses
Une petite anecdote : on construit en 1953 8 maisons dans la rue Villa
des Roses. Cette ‘villa’ est en fait une baraque fait d’argile plaqué sur des
branches. Devant cette chaumière il y
avait quelques rosiers, d’où Villa des Roses. La femme qui y habitait était
surnomme Cathérine ‘le bouc’. Dans son
étable elle avait un mouton, parfois une chèvre et principalement un bouc. Les
propriétaires de chèvres y amenaient leurs chèvres, cinq francs le coup.
Les nouveau lotissements
On dirait qu’après cet effort la Société de
Logement est épuisée. C’est surtout l’argent qui ne suit plus. Du côté
logement social on construit les quatre fois vingt dont deux au coin de la rue
du Paradis et de la rue Muraille.
un des 4x20 rue du Paradis; aujourd'hui ces 4 blocs sont complètement rénovés |
Les vingt dernières années notre quartier
connaît un nouvel essor avec des nouveaux lotissements, d’abord derrière ce
qu’on appelle le petit GB; ensuite là où se trouvait le club sportif coq mosan.
Et un dernier lotissement est encore en pleine construction au fond de la rue
Muraille. Ce qui double la population dans notre quartier.
Pour le logement social il y a dans les
tiroirs un plan pour désosser complètement deux des quatre buildings de
l’avenue de Brouckère ; deux autres seraient rasés pour construire un
bâtiment qui sera toujours du logement, mais plus du logement social. Comme par
exemple des logements de transit pour loger des gens qui doivent sortir de
l’hôpital parce que leur traitement est fini, mais qui ne sauraient pas encore
vivre de manière autonome.
On n’a pour le moment plus de centenaires à la
Préalle, mais les anciens ont vu sur un siècle évoluer leur quartier, depuis
que le paisible hameau de Rhées a été perturbé par la guerre, en 1914. Le
quartier a eu ses crises et connu ses moments de gloire. Ce n’est pas le Bronx,
et ce n’est pas la promenade des Anglais à Cannes. Retenons surtout ceci :
le bonheur de vivre n’est pas quelque chose qui nous tombe dessus (ou qui nous
échappe). Chacun de nous contribue à organiser une cohabitation harmonieuse, où
les cultures des différentes communautés qui y vivent aujourd’hui se fertilisent
mutuellement !
1 commentaire:
Tres intéressant travail de recherche!
J'ai habité la cité de Monts de 1950 à 1968 mais je suis né Cité Faurieux dans les baraquements nommés pompeusement aujourd'hui "Chalets Albert I".
Si cela peut vous intéresser, j'ai pu consulter un livre tres intéressant (mais malheureusement impossible à acquérir) qui s'appelle "Dis Pepere raconte"...
Comme je ne pouvais pas l'acquérir je l'ai scanné, passé à l'OCR , et abondamment illustré avec des images qui me semblaient appropriées et dont j'avais gardé souvenir. J'en ai réalisé un blog: http://jeanlaprealle.blogspot.com/
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