dimanche 2 décembre 2018

43ième balade-santé MPLP : les marchés de Noël de Milmort et de Liers


La 43ième balade-santé de décembre s'est termine au plus petit village de Noël - 1 seul chalet – au village millénaire de Mérmwète. Avec sa dégustation d'huîtres (calibre n°3) de Marennes Oléron en provenance direct du producteur, ou ses kibbelingen (beignets de joues de cabillaud). Le tout  arrosé d'un très bon vin blanc de Sauvignon.

Les fermes de Herstal

Si les marchés de Noël sont en filigrane de notre balade, le thème sera les fermes. Je me suis inspiré d’Ottignies-LLN où Laetitia Losfeld a réalisé un livre «Les fermes d’Ottignies-Louvain-la-Neuve» ;  38 fermes remarquables, fermettes ou fermes disparues. 12 sont toujours en activité.

Une ferme historique disparue sous le zoning

En face de la gare, la friche industrielle de l’ex RCA, à vendre. En-dessous se trouvent les vestiges de la ferme D’Archis, démolie en 1978…
La ferme était la première cense de l’abbaye de Beaurepart (aujourd’hui le séminaire). Depuis 1600 nous retrouvons plusieurs Darchis comme notaires à la chancellerie pontificale ! En 1699 Lambert Darchis lègue une partie de sa fortune à une ‘hospitium pauperum patriotarum’ à Rome, pour les jeunes liégeois pauvres se dessinant au service de la Curie Romaine. Ca deviendra la fondation Darchis dont la valeur des bâtiments est estimé aujourd’hui à 20 millions d’euros (Leon Henri Darcis, dans Musée herstalien N°154 novembre 2010).
Nous avons visité lors d’une autre balade la ferme de l'Escousset. Henri Lhoest a certes repris la
ferme de ses parents, mais le gros de son activité agricole est à Verlaine. Mais le corps de logis de la ferme en quadrilatère autour d'une cour pavée montre encore des traces de percements du 17e siècle et la date 17 juillet 1624. La grange est du 18e siècle. La ferme présente, malgré les remaniements, une lisibilité des fonctions qui justifie son inscription à l’inventaire du patrimoine immobilier. Les Darchis ont été aussi métayer de la ferme Lhoest, près de la gare. Vous avez compris que métayer ne voulait pas dire pauvre à l’époque...

Tout ça ne nous rendra pas Tilice…

Elle n’est pas sur le chemin de notre balade, et elle n’est pas sur Herstal, mais elle domine la paysage en direction de Hermée. Jusqu'en 1740, Tilice et Anixhe constituaient une enclave de la seigneurie de Herstal dans le pays de Liège pour être ensuite rachetée par le Prince Evèque Georges Louis de Berghe. En 1804 Tilice fut rattaché a Fexhe-Slins. La ferme Tilice ou Delforge est construite sur les bases d'une ancienne abbaye. La chapelle date de l'an 1590.

La rue Clerbeau : un Registre des dégâts miniers du charbonnage d’Abhooz impressionnant

En haut de la rue Clerbeau, la ferme Dargent. Mon cama Walthère Franssen nous invite par prudence à marcher au milieu de cette rue sinistrée par les dégâts miniers.
Le Registre des dégâts miniers dans les archives du charbonnage d’Abhooz Milmort (Cladic-WF-ABFH-n°29) est impressionnant:
- en 1903, l’eau du réservoir de la ferme n’a pas complètement disparu, mais ce qui reste contenant beaucoup de boue, les bêtes refusent de la boire, on fait conduire de l’eau par tonneau.  DARGENT se plaint également de l’état des murs de la grange qu’il possède près de l’école et vis-à-vis de la maison communale. L’état des murs est tel que l’instituteur a défendu à ses élèves de jouer près de la grange pour éviter tous dangers.
- A la maison HERMESSE-TASSET de la rue Clerbeau il y a de nombreuses fissures dans les murs, les montants de la porte de l’écurie aux chevaux, pourtant déjà réparées en 1902, sont hors d’aplomb. On a réparé les portes et fenêtres que l’on ne pouvait plus fermer.  En juin 1904, on a réparé le four à cuire le pain qui par suite des fissures ne pouvait plus être utilisé.
- Louis LEBON, locataire de la maison de Alfred DUPONT, au n°7 de la Clerbeau, se plaint en 1904 que la cheminée de la maison est crevassée, les briques tombent sur le toit, et par ces tuiles cassées il pleut dans la maison et la cheminée ne tire plus.
- A la maison Pierre TASSET, au 25 rue Clerbeau, en 1903, le four à cuire le pain est lézardé.
- A la maison Veuve GHYSENS, au 30 et 31 de la rue Clerbeau le propriétaire a fait boucher la fenêtre du coté de la ferme d’Argent dont la voute menaçait de tomber.  La fenêtre a été réparée en mai 1903 et par la suite on a réparé le four à cuire le pain.
- Le 25 juillet 1903, Remy FREDERIC-STASSART au 39 de la rue Clerbeau signale par lettre recommandée que les fissures deviennent plus nombreuses.
- Au 51 de la rue Clerbeau à la maison de la Vve BARBE-LOLY (belle-sœur du Bourgmestre de Milmort), louée à la Veuve LEMOINE, on a réparé les fissures dans le mur attenant à la bergerie quoique le charbonnage ne se soit pas déclaré responsable des dégradations car la maison a été construite sans fondation..
- De même au 52 de la rue Clerbeau, à la maison de la Vve BARBE-LOLY, louée à CROTTEUX, on a constaté en juillet 1903 quelques fissures et réparé les escaliers.

La rue Bêche et sa Bêchette

Nous prenons le rue Voie de Bëche pour déboucher dans la Rue Bêche (ou d’autre, n’est-ce pas ?). Nous avons dans cette rue deux fermes intéressantes. Sur une je n’ai rien comme info. L’autre a même sa bière Bêchette. La bière n’est pas brassée là, mais elle est brassée avec un sirop de fraises de la ferme, qui confectionne aussi des confitures maison avec ses fraises de pleine terre. Et puis, il y a les poulets fermiers à cuire ou déjà rôties, les œufs des poules, les plats cuisinés par Myriam et des fromages, des salaisons, de la viande, des fruits et des légumes…
Mais nous ne prenons pas la rue Bêche mais un chemin réservé au trafic agricole, pour rejoindre la rue de Fexhe. Ce terrain – que je crois est encore en zone agricole - est à vendre. Il faudra que je me renseigne. Nous rejoignons la route de Liers en longeant le cimetière repris dans l’inventaire de notre patrimoine immobilier. « À l'écart du centre du village, cimetière entouré d'un mur de briques et accessible par une entrée flanquée de deux grands piliers de calcaire moulurés. Tombes datant principalement du 20e siècle, dont plusieurs monuments dont le style est marqué par l'Art déco. Plusieurs tombes d'anciens combattants des deux Guerres mondiales accentuent l'intérêt mémoriel du cimetière ».

Une zone agricole sauvée par la mobilisation citoyenne 

De l’autre côté de notre spaghetti d’autoroutes une zone fortement menacée par des projets d’extension du zoning. En 2010 la Spi+  demande une modification du plan de secteur : 42ha avaient été retenus par le gouvernement wallon pour être requalifiée en une zone d’activités économiques mixtes (ZAEM) (décision du gouvernement wallon du 29 octobre 2010). Pour la zone se situant entre la rue des Cyclistes Frontières, la Chaussée Brunehault et l’E313, la demande de la Spi+ a été rejetée, en maintenant celle-ci en zone agricole. Le Comité de défense du village de Liers a mené une campagne contre ce projet ; campagne qui a été victorieuse jusque maintenant. Ceci dit, l’avenir agricole de ces terres est menacé vu leur situation enclavée.

La ferme Royer

En octobre 2018 notre Conseil d’Aménagement du territoire et de la Mobilité (CCATM) a discuté d’un permis d’urbanisme pour la transformation et réhabilitation de la ferme Royer en 25 logements. Avec ça la dernière ferme en activité à Liers disparaitrait. Il est vrai que le fermier avait déjà le gros de son activité à Verlaine, et qu’il n’utilisait ces terres que de manière secondaire.
Ceci dit, cette ferme se trouvait sur une des seules « zones d'aménagement non destinées a l'urbanisation » sur le plan de secteur, autrement dit en zone agricole.
Qui et quand a modifié ce plan de secteur ? Et au profit de qui ? Parce que la plus value foncière suite à un basculement de terres agricole en terrain à bâtir peut monter à 1000% !
Ce bâtiment mérite certes amplement une réhabilitation. En 1012, l'empereur Henri Il alloua Liers à l'Abbaye bénédictine de Florennes qui vendit en 1311 ses biens au Chapitre Saint-Lambert. Dans un document de 1348 on retrouve à cet endroit une Abbatiam. La rue des Prairies débouchait sur un lieu-dit «devant l’Abbaye» et de là partait le sentier «Passay de l’Abbaye » vers Fexhe-Slins. Ce sentier a disparu lors de l’installation de la gare de triage.
La ferme a été expropriée et vendu comme ‘bien national’ en 1796.
Selon l'inventaire du Patrimoine Immobilier, «la ferme de l'Abbaye présente un plan en quadrilatère dont les parties les plus anciennes remontant à la 2e moitié du 16e siècle ont été complétées au début du 18e siècle et aux 19e et 20e siècles. Le portail en anse de panier est daté de 1819. Le claveau central de la grange est daté de 1577.
Le logis du début du 18e siècle est en briques et calcaire. Sa façade de deux niveaux est percée de deux travées de hautes baies à croisée et piédroits harpes, de part et d'autre d'une porte basse à linteau droit; le perron a été reconstruit au 19e s ». La ferme est classée comme monument. C'est un peu fort qu'on n'a pas mentionné ça au CCATM. En plus, ça vaudrait peut-être la peine d’imposer des fouilles, avant de commencer les travaux.
La direction de l’Archéologie au sein de la DGO4 – SPW est censée garantir la prise en compte de la protection des sites archéologiques dans les processus d’urbanisme avec la remise d’avis et, le cas échant, la prescription de fouilles.  Cela peut aller d’un simple suivi avec observation au moment du démarrage de chantier ; un sondage préalable ; jusqu’à des fouilles extensives en fonction de l’intérêt du site.

La rue des trois fermes et la ferme Jehaes, une des dernières fermes en activité à Herstal

On rejoint la rue des trois fermes via la Ravel de liaison Meuse- Liers. La traversée du zoning n’est pas le tronçon le plus intéressant. A l’époque on parlait de Parc Industriel, mais on a oublié de tracer des sentiers… Les trois fermes, c’étaient la ferme Labye-Randaxhe d’Archis, la ferme Jehaes, et une troisième, la ferme Radoux disparue en 1963 sous l’autoroute.  Au départ elles formaient un domaine, constitué au moment de la Régence (24 février 1831 - 21 juillet 1831). Le fermier n’ayant pas d’héritier mâle a coupé le domaine en trois pour ses trois filles. Ce qui explique que ces trois fermes se trouvent dans un mouchoir. Une fille a marié un Randaxhe, l’autre un Radoux et la troisième a été chercher un flamand, Jehaes.
La ferme Jehaes a « une porte charretière en anse de panier, un portail aux jambages harpés du XVIIIe siècle, une cour pavée triangulaire, un corps de logis double, des étables ouvertes par des portes en plein cintre, une grange isolée du début du XIXe siècle ». Si le jargon des architectes ne vous est pas familier, laissez libre voie à votre imagination. Qu’évoque pour vous des jambages harpés, par exemple…
Le portail de la ferme d’Arcis (Rue Lambert Darchis) est daté à la clé de 1739. L’escalier datant du XVIe siècle serait encore visible à l’intérieur. Mais nous avons vu plus haut que la vraie ferme Darchis n’existe plus.

Les agriculteurs de Milmort et de Vottem faisaient partie du métier de cherwier (= agriculteur, l’un des 32 vieux métiers liégeois) dont les premiers statuts datent du 25 juillet 1450: " Seuls les cherwiers ou ouvriers agricoles se servant de la charrue pourront remuer, fouiller et retourner avec bêches, houes et autres instruments pour y semer espeautre, froment, seigle, orge, pois, vesces, féveroles et autres choses semblables. Ils useront seuls de leur pratique et de leur art. Par suite, qui n'étant pas du métier voudra charruer dans la banlieue au moins dix tonniers, devra payer au Rentier un droit fixe de 20 florins du Rhin ". Le cherwier est d’ailleurs repris sur le blason de Milmort.
Marcel Jehaes travaille encore ses terres, même s’il a abandonné le bétail pour le blé, une culture qui ne demande pas une présence 365 jours sur 365. Il travaille d’ailleurs, avec des bails précaires, plein de champs  un peu partout à Herstal (comme par exemple les champs du côté de la rue du Bourriquet, propriété de la SRL. Mais son modèle économique est ailleurs. Avec son frère il a lancé une étude d’incidence et un projet de lotissement de 90 logements sur le terrain entre la rue des 3 Fermes, le Plein Haren (= plaine de Haren !) et le chemin du Vicinal. Il y avait pas mal d’opposition lors de l’enquête publique (dans les opposants au sacrifice de ce poumon vert  il y en avait qui se plaignaient de perdre la vue sur le terril de Blegny). Dont la Ville de Herstal qui a inscrit cette zone dans la « Bande Verte » de son Schéma de Structure Communal (SSC). Marcel Jehaes a contesté ce SSC devant le conseil d’état. Il dit que s’il y a une statue à ériger, c’est pour son grand père qui a déjà été au conseil d’état contre les expropriations de terres agricoles aux Hauts Sarts.
C’est un procès qui fera jurisprudence : n’importe qui intente un procès contre ce SSC gagnera devant le conseil d’Etat. A Herstal presque tout est urbanisable dans le plan de secteur (vous verrons que la ferme Royer xxx); or c’est le seul plan qui a force de loi.
Le problème est que l’instance qui modifie l’affectation au plan de secteur risque de devoir indemniser les lésés (comme c’est le cas rue des Trois Fermes). La Ville a essayé de contourner ce problème avec cette Bande Verte dans son Schéma de Structure. Or, cette notion n’a aucune base légale. Dans la foulée du jugement du Conseil d’Etat a aussi été annulé le Règlement Communal d’Urbanisme, la transcription légale de ce Schéma. Ce qui fait que Herstal n’a plus de règlement. Ce qui doit bien arranger les promoteurs immobiliers puisqu’un projet est jugé adjugé s’il n’y a pas opposition dans le mois. Et comme pour faire opposition il faut pouvoir se baser sur un Règlement d’Urbanisme…
Pour ce qui me concerne, je trouve que ce projet de lotissement est près du centre de Vottem et que l’on peut difficilement qualifier cela de ‘ruralisation’. Il est vrai que les habitants de la cité au dessus du lotissement (ce qu’on appelait ‘camp de Beverlo’, un nom péjoratif donné à la plupart des cités) perdront probablement une partie de leur magnifique panorama. Marcel Jehaes ne compte pas mener le projet de lotissement lui-même, mais une vente avec un plan masse approuvé lui procurera une belle plus-value foncière par rapport aux prix de terres agricoles.

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