Les
élections communales sont pour moi l’occasion de faire un peu le bilan des
grands projets d’urbanisme à Liège. Voici le deuxième: Droixhe. Ca aurait dû être
l’un des grands projets immobiliers de la législature. « Et au final, c’est un gros gâchis! ».
Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Christine Defraigne.
Droixhe est
d’abord une catastrophe point de vue pertes pour le logement social. On est
passé en quelques années de 1.850 à 600 logements! La seule chose qui me différencie de Defraigne, c’est qu’elle aurait TOUT rasé…
C’est aussi
une perte inestimable pour le patrimoine immobilier. Et c’est à Droixhe que la
stratégie de Partenariats Public Privé (PPP) a touché le fond. Non seulement
aucun investisseur privé s’est pointé ; ceux-ci ont eu le culot de
demander d’être payé pour une remise de prix !
Une rénovation selon des stratégies
différenciés’
La saga de
Droixhe commence en 1995 avec le bureau d’études français PROJENOR qui subdivise
le quartier en différents secteurs ‘à
rénover selon des stratégies différenciés’. En fait, on découpé la proie en
morceaux plus digestes pour le privé. En vain : ces ogres ne montrent pas d’appétit…
Après
Projenor, la Région wallonne constitue en 1999 la société coopérative Atlas,
avec un conseil d’administration proportionnel PS, PSC, PRL et Écolo. Atlas va
chercher le consultant Roland CASTRO qui propose de «dédensifier par écrêtage ».
En 2001 la Société wallonne du logement rend un avis négatif sur le
budget de 2,1 milliards pour le projet Castro-Droixhe. Exit Castro, mais ses
conseils (chers) ont été le prétexte pour raser encore 256 logements!
Alain Rosenoer : on manque cruellement d’une culture de partenariat privé-public.
A la même
époque le ministre wallon du Logement Michel Daerden visite à Bordeaux un
projet visant à raser les bâtiments ‘ghettos’. Dans la foulée de cette visite,
son chef cab Alain Rosenoer, aujourd’hui toujours Directeur général de la
Société Wallonne du Logement, note qu’on manque cruellement d’une culture de
partenariat privé-public.
En 2006, la
SA Atlas est mise en liquidation. L'échevine du Logement de la Ville de Liège,
Maggy Yerna lance un nouveau plan qui favorise la mixité de fonction, d'habitat
et générationnelle.
Je suis
pour la mixité, comme elle existe par exemple en Hollande où à Vienne ou 30 à
40% de l’habitat est public. Mais si la mixité revient à démolir du logement
social pour reconstruire pour des revenus moyens, c’est njet.
La Filiale Immobilière Publique (FIP)
Tous les
opérateurs publics impliqués (Maison
Liégeoise, Régie communale autonome et l'Institut des Personnes âgées de Liège
- IPAL) se retrouvent dans la Filiale Immobilière
Publique (FIP). L’opération est budgétisée à 171 millions d'euros,
mais le budget n’est débloqué qu’en 2008. La Maison Liégeoise cède via un bail
emphytéotique ses droits de propriété sur le site à la FIP, qui hérite
également des 27,7 millions d'euros restant dû depuis… la construction du
site (en 2017 “Today in Liège” dévoile
que cet amortissement de bâtiments qui n’existent pluscoûte à la FIP chaque année 1,5 million d’euros).
La FIP est
donc en état de faire un appel à projet européen en 2008. Mais quatre ans plus
tard, en mars 2012, à l’occasion du salon du Mipim, la FIP doit faire un
constat d’échec : les 200 millions d'€ ne suffisent pas à ferrer les
promoteurs privés. A la place des tours démolies nous retrouvons un vaste
terrain vague tandis que les trois tours restantes restent désespérément vides.
Les
pouvoirs publics s'apprêtent donc à investir en solo : 120 logements (15
millions d'€) et une maison de repos de 135 lits (22 millions d'€) ainsi que
dans les premiers étages de chacune des deux tours 50 lits de résidence
service. Nos édiles jonglent ici avec la novlangue : ils ont remplacé le
terme ‘logement social’ par ‘logement
public’. Une maison de repos ou une résidence service est dorénavant compté
comme logement public. Loin de nous d’en nier l’utilité sociale, mais ces
projets ne devraient pas servir à cacher le démantèlement du logement social.
Défrayer les candidats non retenus mais dont le dossier était correctement constitué ?
Chez Maggy
Yerna aucune autocritique sur la
stratégie PPP : «Nous lancerons la
construction de ces deux projets en espérant que le privé suivra en
investissant dans le reste des tours ». Willy Demeyer rechérit dans le
même sens: «il faut voir si le cahier des
charges n’est pas trop contraignant pour le partenaire privé. Lui demander, par
exemple, de louer des logements n’est sans doute pas pertinent ». Denis
Bosson, directeur commercial chez le promoteur Franki avance ‘une piste de solution’ : le maître
d’ouvrage, le pouvoir public, doit comme en France, prévoir un budget pour
défrayer les candidats non retenus mais dont le dossier était correctement
constitué…
Après le
scrutin électoral de 2012 Pierre Gilissen (MR) et de Bénédicte Heindrichs
(Ecolo), administrateurs de la Filiale immobilière publique
et de la Maison liégeoise, demandent de retourner devant le Conseil communal
afin d'obtenir un nouveau mandat, débat refusé par l'échevine en charge du
Logement Maggy Yerna qui a désormais également en charge l'Aménagement du
territoire. En 2014 Castagnetti commence la démolition de trois tours.
En janvier
2017, la construction de 108 logements publics au carrefour de la rue Ernest
Marneffe et des avenues de Nancy et de la Croix-Rouge est confié à Wust-Moury
pour un montant de près de 12,7 millions. L’ensemble devrait être finalisé pour
2020. Ces résidences services et maisons de repos ne sont même pas un plus,
mais un simple transfert.
Et après ?
Yerna et Demeyer espèrent envers et
contre tout de trouver des investisseurs pour reconstruire le quartier, plus
loin dans l’avenue de la Croix-Rouge, mais aussi vers l’îlot compris entre la
place Louis de Geer et la rue Hector-Chainaye.
Un objectif de 20% de logement social en Wallonie
Face à la
crise du logement, il faut se donner des moyens d'arriver à l’objectif de 20%
de logement social en Wallonie. La Société Wallonne du Logement est surendetté,
et la situation de la Maison liégeoise est encore plus dramatique, surtout
après la déche de Droixhe. Le 30 juin 2011, la Maison Liégeoise était dans le
top quatre des sociétés déficitaires du SWL : moins 35 millions. Pourquoi
ne pas loger la dette historique des SLSP, à commencer par celle de la Maison liégeoise, dans un ‘bad bank’, et
affecter à l’amortissement de ce boulet une taxe sur les maisons abandonnées ou
par une taxe sur les bureaux qui ne respectent pas une mixité fonctionnelle ?
Post Scriptum : Droixhe le plus bel exemple urbanisme moderniste
On ne
saurait omettre la valeur patrimoniale de Droixhe, en bonne partie
irrémédiablement perdue. Daniel Dethier, un des architectes responsables pour
la rénovation des six immeubles le long de la Meuse signale, à juste titre, que
« la Cité de Droixhe constitue, en
Belgique, le plus bel exemple d’application de la pensée moderniste – et
particulièrement des CIAM (congrès internationaux d'architecture moderne ) au
logement social. Alors que la Région manque de logements, 1550 appartements
sont démolis au prix fort alors que la Ville de Liège doit encore payer
l’édification des immeubles jusqu’en 2037» (ndlr les 1550 sont le chiffre
actualisé des logements perdus). Le
plan-masse a été conçu suivant un principe de rationalisation de l'espace utile
: le complexe est divisé en unités de voisinage (2000 logements), elles-mêmes
composées d'unités d'habitation (500 logements). Séparation des fonctions,
sécurité, hygiène et confort président à l'élaboration du projet ».
Pierre
Frankignoulle de l’association « Homme et Ville » a animé pendant sept ans une cellule
d’accompagnement sociologique de Droixhe, en collaboration avec Daniel Dethier.
Selon lui, « Droixhe est inspiré de la Charte d’Athènes et du CORBUSIER : 75%
des 18 hectares non bâtie ; présence d’équipements collectifs; 100% de
salles de bains alors que le logement privé de l'époque n'en offrait que 7% en
Belgique (en 1947). L’architecture des lieux est souvent montrée du doigt :
mais n’est-il pas réducteur de focaliser sur ce seul paramètre ? ».
Quand la
préservation du patrimoine rejoint un besoin social urgent…
http://hachhachhh.blogspot.com/2013/12/
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