vendredi 1 juin 2018

La Chartreuse : aveu d’échec des Partenariats Public- Privé (PPP)


A l’occasion des élections communales, j’ai fait un peu le bilan des grands projets d’urbanisme à Liège. Voici le premier : la Chartreuse.
S’il y a un projet symptomatique de la faillite d’une approche PPP (Partenariat Public-Privé), c’est bien la Chartreuse. Ce site recèle un patrimoine militaire, religieux, minier et paysager unique.
Deux ans après  l’abandon du site par la Défense nationale, en septembre 1983, la Ville de Liège proposa encore 138 modifications au plan de secteur pour éviter le dépeçage du site par les promoteurs. Mais en 1988, quand l’écolo Raymond Yans proposa la préservation du domaine boisé, il l’assortit de l'offre à la promotion privée de 70.500 m2 constructibles. L’année après, en 1989, la ville affecte 14,67 ha du plateau en Zone d’Aménagement Communal Concerté (ZACC).  En soi, cette affectation ne signifie pas nécessairement une urbanisation. La preuve : deux ans plus tard, en 1991, le site  est classé pour son intérêt patrimonial et environnemental.
En 1993, devant la volonté de l’armée de vendre le site pour quelque 35 millions, on envisage encore une fondation, avec la Défense nationale, la ville de Liège, la Région wallonne, la Fondation Roi Baudouin et des ASBL d'horizons divers. Mais on envisage la cession des zones d'extension d'habitat à un promoteur immobilier comme une des sources de financement.
Vers 1994 la Région propose à la Défense nationale 7 millions de FB pour la zone verte non encore propriété publique (la Ville avait déjà racheté le parc des Oblats). Mais pour l’échevin des de l'urbanisme la préservation de la zone verte n’est pas prioritaire, mais bien de ‘rendre l'habitat urbain plus attractif’. Selon lui Liège ne dispose pas des 30 à 40 millions demandés par la Défense nationale. Liège devra donc trouver un ou plusieurs partenaires privés.

Il faut aider les promoteurs à réussir leur projet ?

Et c’est ici que ça se corse. Fin 2003,  Immo Gérardrie achète une partie en vente publique, pour 2,5 millions €. «Il faut aider les promoteurs à réussir leur projet », plaide l'échevin. Immo Gérardrie divise très vite le site en trois lots, dont un acheté par MATEXI qui est à la manœuvre aujourd’hui. L’asbl La Chartreuse remarque judicieusement que la réalisation de ce projet est surtributaire du fait que des promoteurs sérieux s'intéressent aux lots 1 et 3. Le réduit étant le cadeau empoisonné, comme l’asbl le dit depuis vingt ans, ces promoteurs « pensent que les pouvoirs publics devront s'impliquer si ils veulent vraiment, comme ils le prétendent, un avenir pour le domaine ».
Cela n’empêche pas l'échevin de défendre le soi-disant projet immobilier d’Immo Gérardrie ; en fait un saucissonnage. A ce moment déjà, les promoteurs veulent que les remparts soient refaits par la ville. L’argument que la Ville n’a pas les moyens est démoli par les investisseurs même : ils veulent que la Ville casque pour la sauvegarde du patrimoine !

Une « charrette urbanistique » : un terme qui provient tout droit de la boîte à outils de Matexi !

En 2004 la ville lance un  schéma directeur baptisé « charrette urbanistique ». Le terme’charrette’ provient tout droit de la boîte à outils de Matexi !
En 2004 le conseil communal de Liège reprend la Chartreuse dans cinq ZACC’s prioritaires. Le Rapport Urbanistique Environnemental obligatoire, adopté fin  2008 par le conseil communal, adopte à l'unanimité, suggère de demander le statut de Site A Réaménager qui ouvre le droit à des subsides régionaux mais « un tel projet n’est pas intéressant pour un promoteur privé: la rénovation lourde du fort ne permet pas un bénéfice important. Qui plus est, une part importante du terrain est consacrée à des espaces publics et communautaires qui ne rapportent pas d’argent au promoteur. Des transactions ont encore eu lieu récemment sur certaines parties, témoignant d’une certaine spéculation autour de l’avenir du site ».
Le rapport demande le couplage du réaménagement de la zone centrale à celui de la zone sud et nord, bien plus rentables, ce qui permettrait d’équilibrer le déficit de la zone centrale par les bénéfices sur les deux autres zones. Afin de garantir le réaménagement de la zone centrale, un phasage devra être mis en place tout en évitant que la dégradation du fort se poursuive».
Le rapport demande obligatoirement un aménagement avant la mise en œuvre de la ZACC.  Mais au lieu d’un phasage on aura un saucisonnage… Dix ans plus tard l’échevin Hupkens doit constater que cette zone centrale est irrécupérable ou déjà démolie à moitié.
Entretemps Gérardrie Immo est racheté par Immo Chartreuse dont la seule activité se résume aujourd’hui en démolitions et abattage d’arbres, sans autorisation. L’échevin Firket reconnaît qu’Immo Chartreuse est en infraction à plusieurs niveaux. En 2015  Immo Chartreuse demandera encore un Avis d’urbanisme pour  84 logements, dans l'ancien bâtiment principal, avant de disparaitre des radars…
En 2013 Matexi dépose une demande de permis qui n’est jamais mis en œuvre, parce que le promoteur lie la réalisation à l’avancement des travaux chez les investisseurs voisins avec qui, selon l’échevin Hupkens, il n’y a plus aucun contact. En 2017 l’enquête publique sur un avis d’urbanisme de MATEXI pour 74 logements suscite 5.000 réclamations: la palme de la mobilisation citoyenne! Fin novembre 2017, le lendemain de deux interpellations au Conseil Communal, Matexi retire sa demande de permis.
Un Air de Chartreuse demande à juste titre la révision de la RUE de 2008.
Depuis le départ de la Défense et surtout depuis la vente de 2003 les PPP se sont montrés une voie sans issu. Il faut dénouer ces partenariats. D’autant plus que le saucissonnage du site en trois lots a rendu toute solidarisation des coûts d’un aménagement global impossible.
L’ensemble du site est classé depuis 1991 par arrêté ministériel pour son intérêt patrimonial et environnemental. C’est la plus grande zone verte de la ville, le quartier est incapable d’absorber l’augmentation de volume de trafic lié à une urbanisation. Or, le projet Matexi n’est que la première phase d’un plan plus large prévoyant la construction de plus de 400 logements sur 20 ans ! Or si Liège manque cruellement de logements publics et sociaux, il ne s'agit pas de cela ici et maintenant ... mais bien de logements privés. 
photo guilleaume mora-dieu


Mes autres blogs sur la Chartreuse

http://hachhachhh.blogspot.be/2018/02/37ieme-balade-sante-mplp-la-chartreuse.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-les-liens-avec-longdoz.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-son-patrimoine_23.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2018/02/lareine-des-petites-surs-des-pauvres-la.html

Aucun commentaire: