photo Claude Defourny |
1800 la concession de la Chartreuse
Sous l’Ancien Regime,
le sous-sol appartenait au propriétaire du sol. La Révolution Française change
la règle : le sous-sol appartient à la nation. Tous les exploitants
doivent alors demander une concession. Un arrêté de M.
Desmousseaux, prefèt de l’Ourthe, du 13 avril 1801, octroie la concession de la
Chartreuse au citoyen Barthélémy-Alphonse Lecoulteux-Canteleu, pour 50 ans, de
toutes les mines dans une surface de 12 km2.
C’est une superficie énorme pour l’époque. Le père
Lecoulteux-Canteleu avait été un proche
de Napoléon, et un as de la finance : il était régent de la Banque
de France. La famille Le Couteulx figurait parmi les grands noms du Gotha
économique. Barthélémy-Alphonse lui succèdera dans ses titres et à la Chambre
des pairs, après la mort de son père, en 1818.
Jusqu’en 1791 toute exploitation minière devait s’arranger
avec le propriétaire, ce qui freinait énormément l’exploitation rationnelle du
sous-sol. La loi de 1791 oblige à faire ‘acte
de conquête’, c’est à dire demander une concession. A Liège, le gisement houiller de la rive
droite avait été exploité d’une façon sommaire et très artisanale, et
l’activité minière était pratiquement à l’arrêt vers 1789. Ailleurs il y a eu
des contestations nombreuses. Est-ce pour cela que Lecoulteux demande justement
cette concession, en sachant que les exploitants ‘historiques’ allaient avoir
difficile d’attester leurs droits? Avec
la nouvelle loi il ne suffisait pas de prouver qu’on avait des droits ; il
fallait aussi prouver qu’on en faisait quelque chose
Jusqu’en 1815 les familles ‘historiques’ Thonnart, Jehotte, Bertho
et cie dont les concessions remontaient à Ernest de Bavière n’osaient pas se
heurter trop ouvertement au protégé de Napoléon. Mais après la chute de
Napoléon ils rentrent en procès et en 1816 la famille Thonnart obtient
l’autorisation de creuser un bure ‘Aux
Houlpaix’ (Les Houlpays est le nom de la maison médicale en bas du Thier de
la Chartreuse ).
Attention, même la mine de Lecoulteux est modeste : en 1817 la société de la
Violette occupe 22 ouvriers dont 12 au fond. La production par quinzaine est de
480 paniers. Un panier de 80 kgs est vendu dix sous. Les ouvriers à la veine de
la bure des Religieuses dans la houillère de Violette gagnent 25 sols ; un
traineur (hiercheur) 15
sols.
Jean-Barthélemy Le Couteulx envoie J-B Rougeole comme fondé de pouvoirs à Liège. Celui-ci s’arrange avec les Thonnart, une des familles contestataires, et cet accord, ensemble avec le privilège de 1801, convainc le roi Guillaume I à concéder la Violette au comte. Un arrêté de 1828 précise qu’il s’agit d’une maintenu, en référant à la concession de 12 km2 de 1801.
Ces concessions sont exploitées
dès 1828 par la société civile La Chartreuse et Violette qui exploite cette
année les veines la Violette (0.5 mètres de puissance, à 42 toises de
profondeur), Piraquet (puissance 17 pouces) , Saurue (53 pouces) et Merlo. Le bure de la Violette
de 37 mètres de profondeur donne selon un rapport de 1839 un charbon maigre et
sulfureux de très mauvaise qualité. La mine de la Violette est inactive le
second semestre de 1847, janvier et février 1848, presque toute l’année 1849.
Je ne sais pas à quelle époque
la famille Lecouteulx décroche, mais elle reste dans le coin. Quand vers 1846
la Violette crée une nouvelle avaleresse aux Trixhes. Ce creusement est contesté
entre autres par la comtesse parce qu’à moins de 100 mètres de trois
habitations (dont la sienne). Suite à cela le creusement est abandonné en 1847.
La Société anonyme des Charbonnages de la Chartreuse et Violette.
En 1858 est créé la Société anonyme des Charbonnages de la Chartreuse et Violette. Elle fait creuser, en
1859, une galerie horizontale de 1.480 mètres de long, avec deux puits: la «Sainte
Famille» (pour l’extraction, dans l’ancienne plaine de manœuvres, 400 mètres de
profondeur, entièrement maçonné, 3.90 mètres sur 2.50). Celui de « Robermont » servait pour
l’aération. Ce puits profond de 605 mètres s’ouvrait dans le terrain
appartenant à un hôtelier liégeois, aujourd’hui
près du monument aux morts de 14-18. Il a été remblayé en 1890. De
nombreuses galeries passaient sous Amercœur, occasionnant divers dégats.
Un coup d’eau en 1880 au puits
de Robermont porte un coup sensible à cette Société peu solide qui finalement
est mise en liquidation. Les Charbonnages de Bonne Espérance, Batterie et
Bonne-Fin s’intéressent en 1899 à cette concession à proximité des concessions
de l’Espérance. Elle fusionne les deux concessions. A cette occasion est
accordé une extension de concession de 16 ha, en fait, les gisement en-dessous
du lit de la Meuse, jonction nécessaire aux deux concessions. On crée un
nouveau siège à la Violette qui produit en 1913 86000 tonnes.
La production est très réduite
à la fin de la guerre. Il faut attendre 1920 pour que la Violette atteint le
niveau de production de 1913. La coup de grâce vient avec la construction du pont barrage de l’île
Monsin. Il aurait fallu prévoir des stocks très importants ce qui aurait rendu
l’exploitation non rentable. La Violette est fermé en 1933
La galerie de la Chartreuse
La galerie creusée en
1859 par la Société anonyme des Charbonnages de la Chartreuse et Violette. est toujours
là. C’est un élément important de notre patrimoine minier.
Cette galerie est un
élément important de notre patrimoine minier. Elle permet d’étudier l’évolution
des techniques d’extraction du Moyen Age à nos jours. Elle recoupe plusieurs
veines de 20 à 70 cm de ‘puissance’. Dans les vides laissés par les tailles
elle est maçonnée. Elle est partiellement obstruée à 1280
m. de l’entrée par un effondrement. L’entrée se trouvait dans la cave d’une
maison détruite pendant la seconde guerre mondiale car jadis, avant le chemin
de fer Liège-Visé, l’ancienne rue passait au niveau de cette cave.
Le puits de Sainte
Famille a été sécurisé en 1999 par la DPPGSS. Il est aujourd’hui noyé jusqu’au
niveau de la galerie. Des particuliers sont encore venus s’approvisionner en
charbon pendant la deuxième guerre mondiale et peut-être même après.
D’un point de vue
géologique, la galerie offre une coupe quasi parfaite (car presque
perpendiculaire aux bancs) dans le carbonifère moyen (300 millions d’années).
Les affleurements houillers de cette dimension et dans un si bon état étant
pratiquement inexistants, ce site est donc extrêmement précieux pour les
géologues. Il
y a aussi des belles néo-concrétions.
L’Ecole belge de spéléologie y a organisé des stages de biogéologie. Ce Site de Grand Intérêt Biologique (SGIB) renferme plusieurs espèces cavernicoles.
Le tremblement de
terre de 1983 nous a rappelé que notre région n’est pas à l’abri de secousses
sismiques. L’Observatoire royal considère la galerie comme un site fondamental
du réseau sismique belge, aussi y a-t-il installé dans une des galeries
latérales un sismographe.
Bien sûr, il n’est pas
question d’ouvrir cette galerie au grand public. Il y a des dangers d’éboulement
et aussi le grisou et autres gaz. Les visites, essentiellement à buts scientifiques
et pédagogique sont réglementées. Elle est depuis 1999 sous statut de ‘cavité souterraine d’intérêt Scientifique
(CSIS- dans l’Atlas du Karst Wallon N°42/2-E001). Ce statut donne un cadre
général à la protection du site et délègue à un comité de gestion le soin de la
gérer. Dans le comité des gestion il y a la ville, propriétaire des terrains où
se situent les entrées, la DGRNE Ulg et CWEPSS
Sources
Michel Dethier du Club
de Recherche Spéléo Ourthe Amblève a publié en 2006 un travail très pointu sur “La
galerie minière de la Chartreuse“, dans le Bulletin du Vieux-Liège, juin 2006, pp.
21-33, illustré de photos et d’un plan du site.
Mes blogs sur la Chartreuse
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-les-liens-avec-longdoz.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-son-patrimoine_23.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-religieux-immateriel-et.html
Une partie des photos de ce blog proviennent dehttp://users.skynet.be/cnp/chartreuse/charbonnages.html
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