Remacle Le Loup Chartreuse ill. balat |
Et puis, il y a un
patrimoine immobilier. Commençons par les Chartreux. Leur présence remonte à
1357. En 1797 leur couvent est vendu et en partie démoli. En 1853 une communauté de Petites sœurs
des pauvres s’y installe, jusqu’en 2003.
Ce qui reste de l'ancienne chartreuse est vendue au groupe immobilier
Coenen spécialisé dans le ‘temporary
housing ‘.
L’existence mouvementée des Chartreux
La chapelle des Douze
Apôtres, porte d’entrée de la ville, eut à subir les attaques incessantes du
Duc de Limbourg. C’est pourquoi les Prémontrés abandonnèrent en 1288 le
Cornillon. Le Prince-Evêque transforme leur monastère en forteresse, contre les
ennemis extérieurs, mais aussi contre la Cité. En 1336, les liégeois en lutte
contre leur prince-évêque Adolphe de La Marck rasent la forteresse.
Le fil est repris un
siècle plus tard. En 1357, le prince
évêque Engelbert III de La Marck offre aux Chartreux le Mont Cornillon
abandonné. Quatre ermites s’installent dans ce qui reste des bâtiments
abandonnés de la forteresse. Lors de conflits armés le monastère est souvent
occupé militairement. J’aborderai l’aspect militaire dans un autre blog. En
voici un résumé. Lors de la guerre
civile de sept ans entre un autre de la Marck (Everard IV, frère de Guillaume ,
Sanglier des Ardennes) et le Prince-Evêque de Hornes, la ville est à trois
reprises occupée par de la Marck, qui se retranche dans la Chartreuse.
Suite à cette occupation, le prince et la Cité décident de démolir la position fortifiée. Le couvent est en ruine et les moines sont dispersés dans les autres
communautés. Dans les périodes de calme, les moines reviennent. Mais ces
périodes sont courtes. Quand la France de Richelieu s’engage dans la guerre
franco-espagnole de Trente Ans, la principauté et les Chartreux paient les pots
cassés. En 1636 et en 1649 le
condottiere Jean de Werth qui louait ses armes notamment au prince-évêque Ferdinand de Bavière chasse les Chartreux à deux reprises.
En 1691, lors de la
guerre de Succession d'Espagne, le maréchal de Boufflers s’empare de l’abbaye
après 4 jours de bombardement, d’où il bombarde la ville durant plusieurs
jours. Obligé de battre en retraite il met le feu à la Chartreuse. Le fort est
reconstruit en 1694.
En 1702, toujours dans
cette même guerre de succession, les
français défendent la Chartreuse contre les troupes du duc de Marlborough.
En 1703, les Chartreux peuvent reprendre possession de leur couvent à condition
de raser les fortifications, à leurs propres frais ! Le couvent connaît un
nouvel essor et les lieux sont embellis. La gravure de 1738 de REMACLE LE LOUP
a comme titre : "plan et élévation de la. chartreuse comme elle sera.
achevée".Notons que Remacle le loup était un publicitaire avant la lettre: ceux qui voulaient être repris dans 'les délices' devaient payer!
En 1783, l’Empereur
Joseph II supprime les couvents de chartreux, des camaldules et ermites, ainsi
que des couvents de carmélites, de clarisses, de capucines et franciscaines,
comme ‘totalement inutiles à la religion,
à l'état et au prochain’. Mais son décret du 17 mars 1783 ne concerne que
le conseil de Brabant.
Les Chartreux de Zelem et de Liège échappèrent à la dissolution des ordres
contemplatifs probablement parce que la Pays de Liège avait une certaine
autonomie.
En 1792, les troupes
républicaines françaises envahissent Liège. Le couvent des Chartreux est saccagé
et pillé, les moines sont expulsés. En 1794,
au lendemain de sa belle victoire de Fleurus, Jourdan paraissait devant Liège à
la tête de plus de 125 mille hommes, dont
nombre de volontaires liégeois et belges. Les Kaiserlicks se retranchent
sur les hauteurs de la Chartreuse, d'où ils arrosent de boulets le faubourg
d'Amercoeur, dont il ne reste que ruines fumantes.
Le citoyen Lecoulteux-Canteleu achète les Chartreux pour la démolition
En 1797, la République
vend les biens du couvent qui s'étendaient de la rue Basse-Wez à l'église
Saint-Remacle-au-Pont. Une partie fut réunie à d'autres hospices civils dont le
Valdor. Lorsqu’Urbagora propose de recréer un lien avec la Chartreuse, ils ont
des solides arguments historiques… Voir mon blog http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-les-liens-avec-longdoz.html
Le
couvent proprement dit est vendu
au citoyen Lecoulteux-Canteleu qui fait démolir l’église pour vendre les matériaux. Il donne (ou vend) les colonnes de l’église à la
Municipalité liégeoise qui, en décembre1804, les transporte dans la cour du
Palais, dont coût 480 francs, payés au sieur Joseph Piroton, menuisier. En 1817
les colonnes
en marbre sont utilisées dans la construction du
théâtre royal où elles sont toujours visibles.
Ce citoyen n’est pas n’importe
qui : il reçoit à la
Chartreuse l’impératrice Joséphine, épouse
de Napoléon, lors de sa visite à Liège. Son père Thomas-Barthélemy Le Couteulx,
banquier à Rouen, avait été élu en 1789 député du tiers état de Rouen aux États
généraux. Et avait été rapporteur du projet de loi instituant la vente de 400
millions de biens du clergé. Il était régent de la Banque de France qu’il avait
fondé le 24 pluviôse an VIII. Il avait été fait comte d’Empire le 26 avril
1808.
La famille Le Couteulx figure parmi les
grands noms du Gotha économique de la fin du 18ème siècle. Le réseau familial
Le Couteulx s'étend dans toute l'Europe des affaires. Elle représente l'une des
plus grandes fortunes de l'époque.
Son fils Barthélémy-Alphonse hérité ses titres. Ca vaudrait la peine
d’approfondir comment ce pair de l’Empire s’est intéressé à Liège. Il l’est
évidemment de par ses travaux de son père sur les biens nationaux (et les assignats
‘garantis’ par ces biens). Il connait les profits potentiels monstres à faire
en achetant ces biens. Mais il doit y avoir un lien plus profond avec Liège
puisqu’il se lance aussi dans une exploitation charbonnière. Mais je développe
ça dans mon blog sur
le patrimoine minier de la Chartreuse.
Le père Le Couteulx est l’inventeur de la théorie du ruissellement (trickle down economics) :
dans une intervention à la Chambre des pairs, il s’inspire du schéma de
circulation de Quesnay : « Les
dépenses publiques, bien distribuées, doivent faire l’effet du reversement
salutaire de ces eaux élevées par des machines d’une grande puissance, et
réunis dans divers bassins, qui bientôt répandues dans la plaine, par mille
canaux divers, fertilisent tout le territoire sur lequel ils sont distribuées,
et donnent de l’activité aux nombreux ateliers qu’elles mettent en mouvement ».
On n’est plus dans l’anecdotique ici : pour Karl Marx les travaux de Quesnay et de l'Écossais Adam Smith sont à la base de l'économie
politique classique.
Un arrêté de M. Desmousseaux,
prefèt de l’Ourthe, du 13 avril 1801 octroie au citoyen Lecoulteux-Canteleu la
concession de toutes les mines de la Chartreuse pour 50 ans, une surface de 12
km2. C’est une superficie énorme pour l’époque. Et c’est aussi la toute
première concession charbonnière en Belgique. Jusqu’en 1791 le sous-sol
appartenait au propriétaire du sol, et toute exploitant minier devait
s’arranger avec le propriétaire, ce qui freinait énormément l’exploitation
rationnelle du sous-sol. La République attribue le sous-sol à l’Etat et la loi
de 1791 oblige à faire ‘acte de conquête’,
càd demander une concession. A Liège, le
gisement houiller de la rive droite avait été exploité d’une façon sommaire et
très artisanale, et l’activité minière était pratiquement à l’arrêt vers 1789.
Ailleurs il y a eu des contestations nombreuses. Est-ce pour cela que Lecoulteux
demande justement cette concession, en sachant que les exploitants
‘historiques’ allaient avoir difficile d’attester une exploitation
rationnelle ? Là aussi Lecoulteux est révolutionnaire, dans le sens
bourgeois du terme : il comprend à fond la logique qui veut soustraire le
sous-sol à ces spéculateurs de l’Ancien Régime qui bloquent le développement
économique.
Pour le Couvent de la Chartreuse, les affaires
s’arrêtent pour Lecoulteux avec la vente des matériaux. En
1820, les frères
Begasse y installent leur fabrique
de couvertures, avant de s’installer
à Sclessin qui fait des
couvertures Sole Moi jusqu’en 2001, quand Sioen reprend les usines Nordifa qui
s’étaient déjà reconverties dans le textile industriel.
De 1853 à 2003 les Petites sœurs des pauvres.
En 1829 s’y installe une maison
de santé, jusqu’en 1853, quand l’abbé
Groteclaes y installe une
communauté de Petites sœurs des pauvres. De
1853 à 2003,
les sœurs y
accueillirent jusqu’à 250 vieillards
des deux sexes,
quêtant à domicile de quoi subvenir à l’entretien de leurs
pensionnaires (Lily
Portugaels,Les Petites sœurs des pauvres à Liège 19/10/2009 La Libre Belgique). Un mot sur l’araine dite des Petites Sœurs
des Pauvres qui a servi à l’approvisionnement en
eau du couvent et qui sert encore dans ce but à la ferme, le car wash et trois maisons en bas du
site. Si cela a probablement servi à ça – la CILE nous a servi de l’eau potable
provenant des areines franches jusque dans les années 80- mais ces galeries ont été creusées pour
évacuer les eaux des galeries de mines. J’aurais donc pu reprendre cette araine
dans mon blog sur le patrimoine minier.
L'areine est toujours
en parfait état sur une centaine de mètres. Plus loin, elle fut détruite lors
de la
2003 : vente de la Chartreuse à Copabe, un ‘promoteur’ avec un double agenda
En septembre 2003,
avec le départ des Petites Sœurs, on commence à se tracasser sur le site de
l'ancien couvent qui abrite 4 bâtiments dans un parc arboré et entouré d'un
mur: une ferme classée (toiture et façades) des XVIe et XVIIe s., un grand
bâtiment des XIXe et XXe (la maison de repos) au plan en forme de "E"
incluant une chapelle, et deux petites constructions qui abritaient la
buanderie et un atelier. Seul le bâtiment principal (9500 m2 de bâti), qui
comprend 160 chambres et des pièces de vie au rez, est directement habitable.
Ce bâtiment fait l'objet d'une attention particulière des services du
Patrimoine de la Région wallonne. Au rez-de chaussée, l'aile principale abrite
un très beau couloir de l'ancien cloître du XVIIe siècle (non classé), qui
comporte une trentaine de travées et neuf encadrements de portes - jadis des
cellules des moines chartreux - en marbre ou en pierre bleue, surmontés de
tuffeau représentant des saints. "La
ferme est le plus vieux vestige de l'ancien couvent, et il a été remanié
plusieurs fois". En attendant, le site (privé) est habité par la
famille d'une ancienne employée de la maison de repos. Qui espère, qui sait,
retrouver un job sur place? (La Libre Belgique 3 sep. 2003). Il y avait encore d’autres locataires. On le ‘découvrira’ quatre
ans plus tard… En novembre 2003 l'ancienne chartreuse est vendue. Le site de 2,7 hectares part pour 1,5 million d'euros au groupe
immobilier Coenen. Elle avait été mise en vente pour 2 millions. Le Groupe Coenen, specialisé dans le "temporary
housing", prétend y créer des logements pour des durées de
location variables (d'un jour à un an). Une formule susceptible d'intéresser
par exemple des équipes d'ouvriers en mission, des hommes d'affaires, des
couples de jeunes en attente d'un logement définitif, voire des touristes. «Le nouveau propriétaire a déjà développé ce
créneau dans d'autres villes belges», précise Stéphane Gillet, l'agent
immobilier qui a vendu la propriété. Ces logements meublés occuperaient le
bâtiment principal en forme de E. La chapelle serait remplacée par un parking.
Outre la centaine de meublés proprement dits, le bâtiment comprendrait des
pièces de détente: salon commun, salle à manger, salle de sport, sauna, etc. Il
y aurait une taverne dans la ferme classée (XVIe - XVIIe siècle). Quant au
petit lavoir, il pourrait se transformer en logement pour des groupes. Des
espaces d'activités extérieures (plaine de jeux, terrain de tennis...) seraient
aménagés, voire peut-être un parc public, sur une parcelle en contrebas. Le
projet s'annonce «positif pour le
quartier - puisqu'une partie deviendrait semi-publique - et complémentaire par
rapport à ce qui va se faire plus haut», ajoute Stéphane Gillet (18
novembre 2003 Gazette de Liége).
2007 mobilisation contre l’expulsion de 60 locataires
le monument au Génie à l'entrée du parc des Oblats |
Mais ce housing s’avère temporaire pour un tout autre
public ! Coenen découpe le site en 4 parcelles. Trois sont acquis par des particuliers, dont l'ancienne ferme du couvent. Le couvent et une série de petites maisons arrivent dans les mains de la société anversoise Copabe. Ces maisons sont louées à des gens avec des petits revenus. Vers 2007, Copabe est
sommée -en vain- par les autorités de procéder à des travaux de sécurisation. En effet, Copabe est en faillite. Cette insécurité est toute relative: la CPAS de Verviers y avait logé un bénéficiaire dans un logement qui, après coup, n'a pas la superficie réglementaire...
Ca suffit pour que le 10 mai 2007 le
bourgmestre signe un arrêté d'inhabitabilité pour raison de sécurité. Les
locataires des petits appartements qui se louent entre 250 et 350 euros sont
sommés de quitter les lieux. "On
résiste !” C'est le cri lancé par les 60 locataires qui doivent quitter les
lieux pour le 31/7. Une quinzaine de ces personnes, "fragilisées par la vie”, souligne Jean Peeters, responsable du
Front commun SDF, n'ont pas trouvé de solution de relogement. L'avocat
Me Sommacal, conseil des locataires, introduit devant le juge de
paix une triple demande à l'encontre du propriétaire Copabe : restitution des
cautions, indemnités de relocation et dommages et intérêts. Le propriétaire
fait le silence radio.
Ce qui alimente la thèse, parmi les habitants, d'un projet immobilier de luxe."Le propriétaire veut voir le domaine vidé pour y faire ce qu'il veut !”, lance un locataire, qui s'interroge également sur un éventuel intérêt des autorités dans cette affaire. Des propos que réfute le Premier échevin CDH, Michel Firket, bourgmestre faisant fonction en cette période de vacances pour Willy Demeyer. "Mais il est vrai que des projets immobiliers ont été déposés pour le domaine de la Chartreuse”. Il y a plus de bon sens dans la tête de ces locataires que dans la tiesse d’un échevin… On envisage même de ‘reloger’ les habitants mis à la rue au hall du parc Astrid (La Libre Belgique 26 juil. 2007).
Ce qui alimente la thèse, parmi les habitants, d'un projet immobilier de luxe."Le propriétaire veut voir le domaine vidé pour y faire ce qu'il veut !”, lance un locataire, qui s'interroge également sur un éventuel intérêt des autorités dans cette affaire. Des propos que réfute le Premier échevin CDH, Michel Firket, bourgmestre faisant fonction en cette période de vacances pour Willy Demeyer. "Mais il est vrai que des projets immobiliers ont été déposés pour le domaine de la Chartreuse”. Il y a plus de bon sens dans la tête de ces locataires que dans la tiesse d’un échevin… On envisage même de ‘reloger’ les habitants mis à la rue au hall du parc Astrid (La Libre Belgique 26 juil. 2007).
« Le CPAS devait débloquer de l'argent pour nous mais ça reste
virtuel. Quant à l'Agence Immobilière Sociale, elle nous a dit clairement que
nous passons après les 200 personnes sur la liste d'attente. Et sur les six
dossiers introduits seuls deux ont abouti positivement. Pourquoi la Ville ne
s'est-elle pas retournée contre le propriétaire ou n'a-t-elle pas repris le
Domaine à son compte tout en douceur ? Nous avons l'impression que le
propriétaire se sert de la Ville pour vider son immeuble et y préparer un autre
projet plus rentable »,
témoigne un locataire. Les locataires
introduisent un
recours en référé afin postposer l'arrêt d'expulsion de deux mois (L'Avenir 27
juillet 2007).
LLB du 22 août 2007
nous apprend que les soixante locataires, soutenus par l'association Droit au
logement ainsi que par différences personnalités politiques et syndicales,
telles Philippe Henry (Ecolo) et Marc Goblet (FGTB), ont obtenu un délai de
trois semaines et que le sujet sera évoqué lors du prochain collège communal.
Je n’ai pas réussi à reconstituer
sur base des archives de presse la suite de ces expulsions. Toujours est-il que
c’est un argument massue pour inclure du logement social sur le site, ne fût-ce
pour compenser la perte de la bonne centaine de logements à loyer réduit de
cette maison de repos des Petites Sœurs. Liège manque
cruellement de logements publics et sociaux.
2010 le double agenda fait surface
En mai 2010 le double agenda fait surface:
on parle d’une « maison de repos
d'envergure. Le cadre serait assurément idéal pour ce type de bâtiment ».
Si ce n'est encore qu'au stade d'avant-projet, l'ancien couvent est brigué pour
accueillir une nouvelle maison de repos de 195 chambres (La Libre Belgique 22 Mai 2010).
En mars 2011
Christiane Dheere, directrice régionale de Vulpia pour la Wallonie annonce
des projets sur les sites de la Chartreuse et de Franki à Liège. Vulpia offrira
au minimum une cinquantaine d'emplois durables. Elle omet de dire qu’elle ferme
Les Mésanges à Embourg ainsi que les résidences Saint-Christophe et Dartois à
Liège. 150 lits MR (maisons de repos) etMRS (maisons de repos et de soins) à la Chartreuse avec 30 résidences de soins
et services. Du côté des patients des maisons de repos actuelles, "nous les invitons à nous suivre. Vulpia
s'est engagé à maintenir le prix pour eux.” Seuls les nouveaux arrivants
devront s'adapter au nouveau tarif: autour de 45 euros par jour contre 30
environ actuellement (La Libre Belgique 4 mars 2011 et http://plus.lesoir.be/archive/recup/residences-350-nouveaux-lits_t-20110219-018Y7V.html
).
Du côté
patrimoine, à première vue, c’est nickel : les logements à assistance sont dans un nouveau
complexe relié au couvent par un couloir voûté avec les médaillons des abbés successifs. Le promoteur NV Couvent de la
Chartreuse a gardé le caractère unique et historique du site dans la tradition
«monacale ». L’aile authentique du monastère et son cloitre ont été restaurés
avec précaution.
Vulpia a d’ailleurs un
certain palmarès de restauration, avec d’ailleurs encore une Chartreuse, le
Kartuizersite à Sint-Martens-Lierde, fort contesté d’ailleurs pour des raisons
urbanistiques, et passé au forceps. Et un Sanatorium à Tombeek, un bâtiment moderniste de 1937 de
Maxime Brunfaut .
2016 : à la place d’un beau pré, un immense parking de béton.
début des travaux |
Sauf que Group Monument/Monument Real Estate NV (Ingelmunster) et Vulpia Real
Estate/Vulpia Care (Brasschaat) n’y vont pas de main morte par rapport au permis
d’urbanisme. Benoît Mahaux, un riverain, est allé trouver les 89 riverains qui
ont un mur mitoyen avec l’ancien couvent avec une pétition : « Quand nous avons acheté cette ancienne ferme
au Thier de la Chartreuse, le cadre était champêtre. Aujourd’hui, à la place
d’un beau pré, nous avons un immense parking de béton. Il devait y avoir de simples voiries dans le
champ en face de chez nous et les servitudes des voisins devaient être
respectées. Au lieu de cela, nous avons un vaste parking qui ne sert à rien et
qui est éclairé en permanence durant la nuit. Et la voirie devant chez nous est
descendue de 48 cm pour moi et d’un mètre chez mon voisin ! » Suite à leurs
plaintes, le promoteur flamand doit demander un permis de régularisation qui
est soumis à l’enquête publique. Du côté de la Ville, on reconnaît que
l’infraction au permis d’urbanisme initial est bien réelle. « Nous avons d’ailleurs dressé un
procès-verbal, explique Jean-Pierre Hupkens, l’échevin de l’Urbanisme. C’est la
raison pour laquelle le promoteur demande cette régularisation. Mais c’est un
peu trop simple et je pense que la Ville devrait la refuser. Le promoteur devra
remettre en état son parking selon le premier permis. » Et s’il ne le fait pas
? « Nous introduirons le dossier au parquet et il y sera obligé par la force.
» (Sud Presse 5
janvier 2016 ).
Je ne crois pas qu'il y a eu régularisation et le promoteur n'a pas corrigé ses infractions au permis d'urbanisme. Les litiges avec les riverains sont toujours en cours. Or, malgré ça le promoteur anversois a réussi à revendre la nouvelle maison de repos
et ses abords à la compagnie d’assurances L’Intégrale. En mai 2016 l'Integrale rachète pour 22 millions d’euro le domaine et l’ancien
monastère «Couvent de la Chartreuse » à Monument Real Estate et Vulpia Real
Estate. Or, avec l'Intégrale, nous sommes chez Nethys et Publifin! « On ne peut pas l’intégrer dans les résultats de
Nethys », explique Pierre Meyers, président du conseil d’administration, en Mai 2017, « mais
la reprise de la société L’Intégrale est pourtant le fait marquant de l’année.
» Baquelaine lui-même serait intervenu auprès de la Ville pour laisser tomber les infractions urbanistiques. Je rappelle le prix payé en 2003 par Coenen : 1.5 millions ! La
gestion de l’exploitation reste dans les mains de Vulpia Wallonie asbl. Vulpia
Belgique gérait fin 2016 4000 lits.
Les oblats expulsés de la IIIième République comme congrégation prédicante
Il y a évidemment
aussi les Oblats, qui ont donné leur nom au parc Oblats-Chartreuse. Ce n’est pas
une erreur : les Oblats y avaient
un couvent. Les Oblats français avaient installés leur maison de formation autour de
l'église Saint-Lambert de Grivegnée, après les expulsions de 1903, comme les
autres congrégations prédicantes. L'économe de la Maison, Corentin Le Borgne prétend même d’avoir acheté en
janvier 1917 le pilote d'un remorqueur
boche : l'Atlas n°5. « Pour
n'être pas joués, on paya au Pilote un bon souper, suivi d'un bon café qui
l'envoya au royaume des rêves. Très opportunément, la Meuse avait une crue qui
favorisa nos opérations, en nous permettant de franchir les barrages.. Le
Pilote boche fut remplacé par trois pilotes belges : car, il fallait compter
avec les projecteurs et avec les projectiles. Au cas où le premier pilote
tomberait, il serait remplacé par le second, et le second par le troisième. On
entoura le gouvernail d'une cabine blindée pour les protéger contre les mitrailleuses.
On embarqua 108 passagers, dont plusieurs porteurs de papiers importants,
enlevés à la Kommandantur. Puis on quitta Liège le 5 janvier pour aborder
Maestricht 35 minutes après ; jamais bateau n'avait descendu la Meuse à
pareille allure. Au pont de Visé, dit-on, un ponton boche barrait le fleuve et
cria : Halte ! on lui répondit en le coupant en deux et en l'envoyant au fond
de l'eau avec les deux mitrailleuses et les sept mitrailleurs qu'il portait ». Il faudra organiser une confrontation
posthume avec le capitaine Jules Hentjens qui se retournera dans sa tombe de
voir son remorqueur qualifié de boche !
Le parc des Oblats et sa grotte
L’actuelle église St-Lambert est l’ancienne église du couvent des Oblats. En 1934, le diocèse de
Liège, en dialogue avec les oblats, consacre l'édifice et la paroisse sous le
vocable de saint Lambert en nostalgie de la cathédrale
Notre-Dame-et-Saint-Lambert. Voir mon blog.
L'église renferme quelques trésors des
missionnaires oblats, ainsi que certains trésors de la cathédrale démolie.
L'église a été fermée au public en 2010 pour des raisons de sécurité. En 2017,
faute de moyens, la congrégation des missionnaires oblats vendent à une
communauté protestante qui envisage une restauration.
Les missionnaires des
Oblats avaient racheté, après-guerre, rue du Beau Mur , le casino pour en faire
une maison de formation internationale.
En mars 2010 le domaine de la Chartreuse (Fort et Parc des Oblats) est reconnu
comme Site de Grand Intérêt Biologique (SGIB). Le centre Nature et Patrimoine
propose une série de fiches consacrées à l'histoire du site de la Chartreuse.
Dans le cadre du
projet européen “Value Added”, lancé
en 2012, 12 partenaires se sont concentrés sur le réaménagement d’espaces verts
pilotes, dont le parc: « 20 hectares
riches en histoire, mais dont l’absence de gestion entretenait aussi un
sentiment d’insécurité ». Enquêtes, ateliers, marches exploratoires, avec
les écoles du quartier, ou encore les primo-arrivants contactés via l’ASBL “Le
monde des possibles” ont permis
l’élaboration d’un plan d’action en 2013, en collaboration avec la ville qui y
avait aménagé trois sentiers balisés. Les 350.000 euros co-financés par
l’Europe et la Région ont été focalisés sur les entrées, pour les rendre plus
visibles, et ensuite sur l’accessibilité, la restauration de la grotte et
l’aménagement de la dalle jouxtant la lande aux aubépines, avec notamment des
équipements sportifs et des gradins permettant l’organisation de petits
événements.
L’Arvo restauré
L’Arvo que nous voyons
aujourd’hui n’est pas le bâtiment d’origine. En effet, au départ, la fonction
principale était militaire, à l’époque de Jean de Flandre. Lors d’une
restauration récente on y a ajouté des meurtrières. Je reviens là-dessus dans
mon prochain blog.
En 1358, quand Engelbert
III de La Marck fit don du lieu désert aux Chartreux, l’arvô acquiert une
fonction utilitaire. Les moines se retrouvaient avec des terres bien exposées
sur le coteau dont une grande partie était séparée de leurs bâtiments de ferme
par cette route encaissée qui menait de Liège à Herve. Aussi, en 1381, le
prince-évêque les autorisa à construire, à leurs dépens, un pont pour le passage du charroi et du
bétail à leurs terres. Ca se pourrait que ce pont ne passait pas dans le
bâtiment fortifié.
L’Arvo actuel date du
17ième. Selon l'analyse dendrochronologique , l'arbre constituant
l'entrée a été abattu entre 1594 et 1604, celui formant le linteau a été coupé
après 1656 (source :
Laboratoire de dendrochronologie de l'université de Liège).
En 1988 nait l'ASBL Parc des Oblats dans le
but de protéger le site Chartreuse-Oblats. Comme je l’ai dit déjà départ, ces
pionniers ont joué un grand rôle dans la sauvegarde du site. Un des projets de
l'ASBL était de créer un établissement d'utilité publique «Fondation
Chartreuse-Oblats», constituée de partenaires privés et publics, qui aurait
acquis le site, avec la collaboration de l'ASBL La Chartreuse et l'ASBL Etude
et Environnement. L'ASBL a acquis l'arvô et a fait des travaux de sauvegarde
avec l'aide de la Fondation Roi Baudouin et de la Région wallonne. La
restauration définitive s’est faite plus tard : l'arvô est rendu à sa
beauté primitive, et rétabli dans sa fonction initiale qui est celle d'un
passage couvert. Il donne directement accès à la réserve éducative créée suite
à une convention passée entre l'ASBL Etudes et Environnement et la ville de
Liège à propos de terrains appartenant à la commune.
Sources
https://www.europeana.eu/portal/fr/record/2048001/Athena_Plus_ProvidedCHO_KIK_IRPA__Brussels__Belgium__AP_10286161.html
Thier de la Chartreuse en 1887. L'arvô et l'asile des Petites soeurs des
Pauvres | Vuidar, J.
http://www.cartusiana.org/sites/default/files/Stiennon_La%20Chartreuse%20de%20Li%C3%A8ge.PDF
Stiennon, Jacques, a
chartreuse de Liège dans la vie de la Cité, 1979, In: Neuf cents ans de vie autour de
Saint-Remacle-au-Pont. Exposition p. 53-60
Mes blogs sur la Chartreuse
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-religieux-immateriel-et.html
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