jeudi 27 avril 2017

Herstal : le hameau ancestral de la Fontaine



Grosses manœuvres en vue Rue de la Buse- Pied du Bois Gilles. D’abord Infrabel a commencé les travaux pour la suppression du passage à niveau rue de la Baume, l’aménagement d’un sentier pour piétons à partir de la rue Charlemagne et l’aménagement de la rue Pied du Bois Gilles. Très bien, direz-vous ? Sauf qu’Infrabel n’a pas prévu d’aménager le bout de la rue de la Buse, qui est dans le même état que le Pied du Bois Gilles : une route empierrée pleine de nids de poule que le service des travaux vient de temps en temps boucher par raclage. Quelques semaines plus tard on ne voit déjà plus qu’ils sont passés. Et la Ville n’a apparemment pas prévu de profiter du chantier pour asphalter le bout de rue qui mène vers les six maisons qui se trouvent derrière le bassin d’orage.
La Ville a déjà dû intervenir pour que les camions-poubelles passent. Ils invoquaient l’état lamentable du Pied du Bois Gilles et de la rue de la Buse. Déjà aujourd’hui, avant la suppression du passage à niveau, les services de secours n’arrivent parfois pas à destination. Les habitants de ce bout de la rue de la Buse  ont d’ailleurs demandé un changement de nom en rue Pied du Bois Gilles, puisque demain c’est pas là qu’on y aura accès. La rue de la Buse et la rue de la Baume seront coupées par la suppression du passage à niveau
Depuis l’ouverture du chantier les forains qui occupent le fond de la rue des Bois Gilles s’inquiètent. Il y a quelques années ils avaient été expulsés du quai de l’Abattoir en raison de la construction du nouveau hall omnisports. Il a fallu l’intervention des Droits de l’Homme pour que la ville leur propose une alternative : 25 parcelles sur l’ancienne paire du charbonnage de la Bacnure, au Pied du Bois Gilles.  Mais les conventions des forains ne sont pas transférables. La convention prévoit que dès qu’on descend en dessous de 12 familles conventionnées, cette mise à disposition prendrait fin. Or, il reste 14 conventionnés des 25 au départ, sur cinq ans; la plupart des parcelles sont occupés mais par des gens de voyage sans convention. Quand Infrabel a enlevé la clôture pour aménager le trottoir ils se sont – à juste titre – tracassés. Pourtant, ils adorent le lieu, mille fois mieux que le quai de l’abattoir.

A l’ombre d’un empereur, la forêt du Bois Gilles

Pourtant, au départ, ce n’était pas un coin perdu, mais un hameau pittoresque et ancestral. Notre historien local R. Smeers nous apprend dans son « Herstal, l’ombre d’un empereur » (p.10),  que du temps de Charles Martel, « le Rieu serpentait dans les prairies et les terres cultivées, longeant les vignobles et disparaissait derrière un monticule arboré. Une métairie et un moulin y étaient établis. La forêt du Bois Gilles qui s’étendait vers le nord-ouest en direction de Milmort faisait partie de ce vaste domaine ».

Une jolie fontaine, un lavoir public et du cresson dans un petit cours d’eau transparent

On pourrait se demander : quelle idée pour aller construire une maison dans ce coin perdu de la rue de la Buse? Or, c’est le contraire : au départ ce n’était pas un coin perdu, mais un hameau pittoresque qui a été coupé de tout une première fois par l’aménagement du chemin de fer Liégeois-Limbourgeois en 1863 qui a coupé la rue de la Buse et de la Baume en deux. Le passage à niveau date de cette époque.
Notre historien local Raymond Smeers décrit avec verve le lieu ‘A la fontaine’, massacré par le chemin de fer : une jolie fontaine, un lavoir public et du cresson dans un petit cours d’eau transparent:
« Le Moulin de Villers, à proximité de la ferme-château du Patar est le premier moulin établi sur les rives du rieu le Rida. Un peu plus loin celui-ci reçoit les eaux d’une source au lieu dit ‘A la fontaine’, un tout petit hameau du même nom. Une jolie fontaine est située en contre-bas d’un groupe de six maisons en bordure d’un sentier venant de la rue de l’Agriculture. Ce dernier longeant les vergers et quelques lopins de terre cultivés traverse le hameau sur toute sa longueur pour rejoindre la rue de la Baume près d’un pâté de très anciennes habitations. Cette fontaine a alimenté en eau potable, durant plusieurs décades, les habitants de la Préalle. Bien avant la construction de la voie ferrée elle était pourvue d’une buanderie publique : un grand bac longitudinal en pierre dans lequel les ménagères lavent et rincent leur linge. Tout récemment, ces pierres ont été remises à jour. Bon nombre de personnes viennent cueillir le cresson qui croit en abondance sur les deux rives de ce petit cours d’eau transparent comme un ruisseau de montagne».
la buse débouche dans le bassin d'orage
Cette fontaine munie d'une buse (d’où le nom de la rue) était alimenté par une xhorre ou d'une araine de charbonnage. Elle débouche aujourd’hui dans le bassin d’orage. L'eau des araines était souvent utilisée comme eau potable par la population.
Raymond conclut : « Malheureusement, la description de cette riante vallée appartient au passé. Il n’en reste aujourd’hui qu’un groupe de six maisons expropriées et un bassin de décantation nouvellement construit. Le sentier aboutissant rue de l’Agriculture a disparu et la jolie fontaine décore une pelouse non loin de Herstal » (R. Smeers, La petite histoire de la Préalle, 1985, éd. Charlemagnerie p.31-32)
Raymond ne remonte pas au temps des petits puits de charbon au pied du Bois Gilles : les burs Grise Pierre, le bur aux Corbeaux, Moulin Radoux, Nanoux, Nicolas Wattar, Tirleau, Lagnot et Lambert Gaspar. Tous ces puits furent repris dans la Petite Bacnure dont la paire allait de la rue Pied du Bois Gilles à la rue Verte.
Après l’arrivée du rail la Petite Bacnure a transféré sa paire qui se trouvait à l’emplacement des forains, ce qui a isolé encore un peu plus la dizaine de maisons de la rue de la Baume et de la Buse.

Un projet de lotissement

une taque d'égoût datant du projet de lotissement
Il y a eu un sursaut dans les années 50 quand on a exproprié la rangée de maisons qui se trouvaient dans ce qui est aujourd’hui une prairie avec des arbres fruitiers, pour un projet de lotissement. Sursaut ou coup de Jarnac ? Le projet qui émanait selon les riverains de la SRL n’a jamais abouti. Les égoûts sont pourtant là. Mais les six maisons qui restent n’ont jamais eu l’occasion de s’y raccorder. C’est même à demander pourquoi on oblige Infrabel a en faire des nouveaux égoûts ? Le projet prévoyait même de prolonger la rue de la Buse jusque la rue de l’Agriculture. La plupart des terrains sont communaux. Bref, plein de raisons pour profiter des travaux entamés par Infrabel pour aménager ces 100 mètres de la rue de la Buse, et, pourquoi pas, remettre sur le métier ce projet abandonné dans les années 50-60?

L’accueil des gens du voyage

C’est peut-être aussi l’occasion de prolonger, voire de consolider la convention avec les forains, en voie d’extinction. Ils ont logé là sans problèmes pendant des années. Tout s’est déroulé parfaitement, à la satisfaction de tous. Pourquoi laisser ces gens dans l’incertitude? Demandons-les comment ils envisagent l’organisation.
D’autant plus que depuis 2000 les communes wallonnes peuvent soumettre des projets d’aménagement d’un terrain spécifiquement destiné à accueillir les gens du voyage. La Flandre compte plus de 30 terrains communaux aménagés. Depuis 2010, les communes pilotes d’Amay, Hotton, Namur, Mons, Ottignies, Sambreville, Verviers, Ath, Charleroi, Bastogne et Wasseiges ont signé un partenariat avec la Wallonie dans l’objectif de travailler à l’organisation d’un accueil de qualité.

Conclusion

Ce hameau a plein de charmes et de potentialités, et des racines qui remontent loin dans l’histoire. Laissons faire Infrabel ce qu’ils ont convenu de faire. Mais profitons de cette situation pour faire quelque chose de propre et convenable, aussi bien pour les riverains du bout de la rue de la Buse que pour les forains.

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