vendredi 21 octobre 2016

dans la foulée de notre 26ième Balade-santé MPLP Herstal présentation du 'Carnet de Liège' qui l'a inspirée

Dans les pas de Jerome Giller, Résident Ateliers Vivegnis, et de Victor Hugo

Notre balade-santé MPLP du 13 novembre est partie d’une rencontre en 2014 avec Jerome Giller, un artiste en résidence à  Liège. Il vient de publier en été 2016 son ‘Carnet de Liège’ (CL).
Notre balade-santé du dimanche 11 décembre est remplacée par une présentation de son livre, en présence de l’artiste. Cela se fera dans la nouvelle salle de notre maison médicale, avenu Ferrer n°26, de 10h à midi. Entrée par la ruelle des Sept Bonniers. Jerôme Giller montrera aussi son vidéomontage sur le terril de la petite Bacnure. Il est arrivé à filmer les fumeroles de notre terril en feu comme si on était sur un volcan. Comme on est ici dans des souvenirs charbonniers, il y aura, pour terminer cette matinée en beauté, des œufs et du lard, et une bière de saison après la présentation (vers midi).
Il y décrit comment il a « emprunté une portion de la voie de chemin de fer qui relie les hauts fourneaux de Seraing, dans la périphérie sud de Liège, à l’aciérie de Chertal qui se trouve au nord. Cette portion est aujourd’hui à l’abandon. Sur cette voie de chemin de fer, autrefois, circulaient des convois de wagons-torpilles qui transportaient la fonte en fusion des hauts fourneaux à l’aciérie. Aujourd’hui, les infrastructures sidérurgiques liégeoises sont sous cocon : c’est à dire que les unités de production sont entretenues mais qu’elles ne sont plus utilisées. Elles appartiennent à ArcelorMittal ».

La Route du Feu

Lors de ses résidences il lance des errances exploratrices’. A Liège cela a consisté à  suivre comme une ligne dans le paysage La Route du Feu : « en proposant au public de suivre au plus près les berges du fleuve, je voulais qu’il comprenne comment le fleuve a modelé l’urbanisme et les paysages de la ville. J’ai constaté, par exemple, que la voie de chemin de fer qui permettait d’acheminer la fonte en fusion des hauts fourneaux de Seraing à l’aciérie de Chertal, est une quasi-parallèle à la Meuse. Son tracé suit chaque méandre du fleuve » (CLp.10).
Il nous demande de nous imaginer « un paysage constitué d’une centaine de cheminées, peut-être mille, crachant du feu sous un ciel saturé de fumées noires et épaisses. Une vision dantesque ».
Cette route du feu vient de Victor Hugo pour qui « toute la vallée semble trouée de cratères en éruption. Quelques-uns dégorgent derrière les taillis des tourbillons de vapeur écarlate étoilée d’étincelles ; d’autres dessinent lugubrement sur un fond rouge la noire silhouette des villages ; ailleurs les flammes apparaissent à travers les crevasses d’un groupe d’édifices. On croirait qu’une armée ennemie vient de traverser le pays, et que vingt bourgs mis à sac vous offrent à la fois dans cette nuit ténébreuse tous les aspects et toutes les phases de l’incendie, ceux-là embrasés, ceux-ci fumants, les autres flamboyants. Ce spectacle de guerre est donné par la paix ; cette copie effroyable de la dévastation est faite par l’industrie. Vous avez tout simplement là sous les yeux les hauts fourneaux de M. Cockerill » (Le Rhin, lettres à un ami, Lettre VII, Victor Hugo).
Je propose donc de suivre lors de notre balade-santé au plus près cette ‘route du feu’, avec quelques arrêts pour écouter quelques extraits de ces ‘Carnets de Liège’ et, pourquoi pas, un peu de Victor Hugo.

La route de la fonte

En fait, Jérôme aurait du parler de la route de la fonte. Dans les années 60 l’Espérance-Longdoz (E-L) décide de construire une nouvelle aciérie et un train à larges bandes à Chertal. Entre ses haut-fourneaux (on vient de dynamiter le dernier, le HF6 à Seraing) et cette nouvelle acierie il y a une vingtaine de kilomètres. E-L décide d’utiliser des wagons thermos. En soi rien de bien révolutionnaire : chez Sidmar aussi le transfert se fait dans l'enceinte des installations même sur quelques kilomètres en wagon torpille! Quand Usinor a repris Cockerill-Sambre on envisageait de transporter de la fonte de Dunkerque à Liège, sur 200 kilomètres.
Pour E-L il suffisait de se brancher sur le faisceau rail installé sur de l’île Monsin dans les années 30 à partir de la ligne 125a  Liege - Namur.
Du fait du poids (192t pour la wagon plus 125 T. de fonte: 317t. en tout) la poche-torpille ne repose jamais directement sur les rails mais sur deux wagons porteurs dont l'un a aussi pour fonction de basculer la torpille au moment du déchargement. Les rails sont toujours là, sauf un petit bout  que des délégués FGTB ont démonté en 2013 pour empêcher une centaine de wagons-thermos de partir vers Sidmar. « Le train, composé d’une centaine de wagons poches-torpilles, est à l’arrêt depuis des mois, depuis la fermeture du haut-fourneau », indique Didier Smetz, vice-président de la délégation FGTB chez ArcelorMittal Liège.« La direction a répertorié les wagons qui étaient en état de fonctionner et compte les envoyer vers le site de Gand. »

« Je ramasse des histoires un peu comme on ramasse des cailloux ».

Jérôme Giller « marche, explore des  gens, comme le pécheur. J’écoute et je collecte des paroles. Je ramasse des histoires un peu comme on ramasse des cailloux. De retour à l’atelier je les traduis en dessins et en mots. Chaque dessin est le fragment d’un temps plus large. C’est l’extrait d’une exploration, d’une errance ou d’une promenade. Peut-être que derrière chaque dessin, on sent le temps de l’errance ? ».
Un des cailloux dans ces ‘carnets d’empreintes’ de Jérôme est le chantier Mategro, devant Chertal.
 « Les photographies Les Concassés, ont été réalisées lors d’une captation vidéo sous le pont de Milsaucy. En explorant les alentours, je tombe sur un dépôt de matériaux. Je suis sur les bords de la Meuse en Belgique, dans un « no man’s land » et je vois surgir les mots Rhin, Jura, Lave, Cyclone… Le potentiel narratif de ces mots agit immédiatement sur moi. En les lisant, je suis transporté dans d’autres géographies, d’autres situations, d’autres ambiances. Je voyage. Dans ce cas particulier, les mots Jura, Rhin, etc. désignent des matériaux. Jura est un type de caillou qui provient des gravières jurassiennes. Rhin, c’est le sable du Rhin » (CL p.36).
J. Giller n’a pas repris ‘carpe diem’, un sable dont je n’ai pas retrouvé les spécifications. Ni le sable blanc de Lommel utilisé pour rejointoyer. Il y a aussi le Lommel cyclone qui est blanc gris. Le lave vient de l’Eiffel et ses volcans endormis, à 100 kilomètres de chez nous…

La plus belle écluse du royaume

Du pont Milsaucy nous avons une vue sur une des plus belles écluses du royaume. Ecluse stratégique qui permet le passage du Canal Albert à la Meuse, en aval du pont barrage vers le port pétrolier: la Meuse n’est pas (plus) navigable en aval. Ce port pétrolier nous vaut les prix de carburant les plus bas du pays. En 2015 la Compagnie Pétrolière Liégeoise vient de reprendre l’ancien site Belgomazout pour y effectuer un stockage APETRA (réserve stratégique de l’Etat).

Tout ça ne nous rendra pas Monsin…


Nous entrons ici sur le territoire de Liège. Pourtant, Monsin a fait partie de Herstal jusqu’en 1927. Enfin, presque : « sous le régime français, lors de la formation du cadastre et de la délimitation des communes, il fut décidé que toutes les îles de la Meuse passeraient à Wandre. Mais en 1805, pour compenser les terrains que Herstal avait dû concéder à Vivegnis, on lui restitua l’île de Wandre, sauf l’île des dos qui resta à Wandre. Le biez Trappé marqua la séparation.
 La construction du canal Albert vint éveiller le gros appétit liégeois. Le 28 décembre 1925 le Conseil Communal  de Liège adopta un projet de recul vers l’aval de la Meuse des limites de cette ville. Cette cession comprenait rien de moins que toute la partie de Herstal sise sur la rive droite du canal jusqu’au hameau du Rivage, englobant Marexhe, Monsin, Milsaucy, soit 200 ha ou un septième de la superficie de la commune. Herstal marquait son désaccord suite à quoi Liège arrêtait ses prétentions au hameau de Ponça, Milsaucy restant à Herstal.
En fin de session de la Chambre du 13 juillet 1926 le projet de loi fut voté dare dare à la Chambre ; le 20 juillet le Sénat entérinait le vote de la Chambre. Ainsi fut consommée la spoliation.
D’une superficie de 1568 ha le territoire de Herstal fut réduit à 1351 ha, subissant une mutilation de 217 ha.
Des compensations furent promises à Herstal. L’ogre n’avait-il pas poussé ses outrecuidantes prétentions jusqu’à rêver de se gaver d’une portion de territoire supplémentaire comprenant les quartiers de Hayeneux et de Saint Lambert, jusqu’à la rue de Marexhe. Rien de moins !
Et voilà que mis en appétit Liège Gargantua élève de nouvelles prétentions et revendique des bandes de terrain de chaque côté du nouveau canal depuis le pont Herstal-Wandre jusqu’au delà de Vivegnis, sous le fallacieux prétexte que son port comprendra le canal Albert jusqu’à cette distance. Pourquoi pas jusqu’à Anvers ? On affirme même que la ville élève ses prétentions à l’adjonction pure et simple de toute la commune. (Collart-Sacré, La Libre seigneurie de Herstal, éd. Thone, 1927 TII p. 521-522).
Je remercie Liesbeth Pittery et Mr Joris Vanderborght du Service de Documentation et Archives de la Chambre des représentants de Belgique qui m’ont transmis le
Projet de loi du 14 juillet 1927 incorporant à la ville de Liège certaines parties des communes gemeenten Bressoux, Jupille, Wandre et rattachant aux communes de Jupille en Wandre certaines parties de la commune de Herstal. La commission est présidée par Xavier Neujean.  
Cliquez ici pour l’exposé des motifs.

Privatisation de la rue de l’île Monsin ?

L'île Monsin va-t-elle être interdite aux différents véhicules qui n'ont rien à y faire? L'idée est en cours de réflexion tant du côté des villes de Liège et de Herstal, que du port Autonome et du SPW-Routes. Cette privatisation permettrait de sécuriser l'endroit. En venant de l'E 25, il suffit de sortir à l'île Monsin, emprunter le pont barrage, traverser l'île pour se retrouver sur le boulevard Ernest Solvay, à Herstal, et de là, à Coronmeuse. Un fameux raccourci. Mais ces voitures se mélangent à un important charroi de poids lourds. L'idée serait donc de filtrer l'accès au site via ses trois ponts. Le pont barrage, lorsque l'on vient de l'E25. Le pont de Milsaucy, depuis le boulevard Zénobe Gramme à Herstal. Et le pont de Marexhe via le boulevard Ernest Solvay et Coronmeuse (La Meuse  26 octobre 2015). Comme si c’est tellement plus sécurisant de retrouver ce trafic sur le ‘boulevard urbain’ de Herstal, qui est déjà une demie-autoroute….

« Les friches en attente d’un devenir » ?

Jérôme décrit son état mental ‘entre-deux ‘ lors de ses errances: « Les espaces d’entre-deux sont les friches, les bâtiments à l’abandon, les dessous de pont, les voies ferrées hors d’usage, etc. Ces espaces m’intéressent car ce sont des espaces qui font justement rupture rythmique. Ce sont des espaces suspendus dans l’espace-temps des rythmes. Ils sont à l’image des ruines des anciennes civilisation, en attente d’un devenir. Il suffit de les ré-investir soit par l’imagination soit par une action d’occupation pour leur faire reprendre vie ».
Lors de mon repérage, j’ai rencontré deux photographes de ces ‘forbidden places’. Ces explorateurs urbains se promenaient sur ce faisceau ferroviaire presqu’abandonné de l’île Monsin. Presque : il y a des clignotants aux passages des voies, et il doit y avoir encore une entreprise qui envoie de temps en temps quelques rames. L’un de ces photographes est un ancien cokier ; le père de l’autre a travaillé à Chertal. Ils n’osent plus aller à Chertal; pas à cause des caméras ou du gardiennage, mais à cause des Roumains qui viennent y voler le cuivre.
Ceci dit, des ‘lost grounds’, il y en a sur l’île Monsin. Pourtant, lors de l’inauguration du canal Albert, l’île était un trilogiport avant la lettre, avec des liaisons eau-rail-route son chemin de fer et ses darses.
La traversée de Monsin est très minérale. Petit à petit la situation s’est dégradée. Et on n’a rien fait pour contrercette évolution. C’est beaucoup plus facile d’exproprier des ‘green fields’ pour un tout pimpant Trilogiport, vide… L’aménagement des 100 hectares à Hermalle-sous-Argenteau, avec un quai de 1.850 mètres le long du canal Albert et une darse supplémentaire de 350 mètres  a coûté 29 millions d’euros.

Le Port Autonome de Liège, état dans l’état ?

Monsin est géré par une intercommunale Port Autonome de Liège (PAL) présidé par Willy Demeyer. Lors d’une conférence à la Braise sur « Les métiers de la Meuse et les origines du Port Autonome » Robert Halleux a décrit comment l’ingénieur fils d’éclusier limbourgeois François Driesen eut l’idée du canal Albert et d’un port sur l’île Monsin surhaussée (cent hectares), et devint le premier directeur du Port. L’Association wallonne du personnel de l’Etat mène en 1938 campagne “contre la nomination d’un Flamand à la tête d’un organe liégeois, créant scandale dans la population liégeoise”!
Cet organisme public créé en 1937 gère aujourd’hui 31 zones portuaires (366 hectares). Le port est accessible aux caboteurs fluvio-maritimes jaugeant jusqu’à 2 500 tonnes et aux convois poussés  de  deux  barges  (4.500tonnes).
Le PAL est le premier port intérieur belge et troisième port  intérieur d’Europe  après Duisbourg et Paris. Il y a eu une baisse en 2005, avec l'arrêt d'une partie de la phase à chaud de la sidérurgie. Le PAL a renoué avec la croissance en 2007, avec 15,79  millions  de tonnes,  + 9,54 % par rapport à 2006 (14,41 millions de tonnes).  
Le Port autonome affiche dans son Communiqué de presse du 16 févr. 2016 une année 2015 remarquable, avec un trafic global eau-rail-route de 19.822.944 tonnes (+10%). 14.594.172 tonnes par la voie d’eau; 3.656.112 par la route et 1.572.660 tonnes par chemin de fer. Le trafic conteneurs a atteint 40.665 équivalents vingt pieds.
Je n’ai pas essayé de savoir comment on établit ces statistiques. L’augmentation des tonnages enregistrés par la route et le rail en 2015 par exemple est due principalement au terminal à coils de Renory, géré par la société Renory, véritable porte d’entrée de la sidérurgie à froid liégeoise. Je suppose que ça correspond aux 1.013.693 de tonnes de Métaux mentionnées dans le rapport. Mais quand ces coils sont transporté de Renory aux laminoirs à froid de Ferblatil, sont ils comptabilisés une deuxième fois ? Et quand ces mêmes bobines laminées à froid vont de Ferblatil à Kessales ou à Flémalle, les compte-t-on une troisième fois ? Ce que je sais est que ces camions roulent entre Tilleur et Jemeppes-Flémalle-Ivoz comme s’ils roulaient à l’intérieur du port.
Les 3.663 Tonnes de ‘Minerais’ sont ce qui reste des 3 millions de tonnes du temps de la sidérurgie à chaud.
Les 3.321.485 tonnes ‘Coke et produits pétroliers’ montrent le poids du port pétrolier.
une belle vue sur port charbonnier à partir du NHV
Les 1.319.794 tonnes de ‘houille et lignite’ sont probablement pour Terval (cfr plus bas).
J’ai difficile à m’imaginer ce que représentent les 6.479.462 tonnes de ‘Produits minéraux non métalliques’.
Remarquez la croissance extraordinaire (+129%) des ‘Matières premières secondaires, déchets’ : 1.003.708 tonnes. A cela s’ajouteront bientôt les boues de dragage.
La nouvelle centrale de production d’enrobés hydrocarbonés de Gravaubel, a également dopé le transport routier d’une petite centaine de milliers de tonnes.
28.000 emplois seraient générés en région liégeoise par les activités portuaires, dont près de 12.000 emplois directs et représentant pas moins de 15% de l’ensemble du PIB de la province de Liège – selon une récente étude (2011, pas si récent que ça) de la Banque nationale de Belgique. En 2015 il en reste 8.900 emplois directs et 13.200 emplois indirects
Ces chiffres couvrent donc toute la zone portuaire, d’Engis à Lixhe. Revenons maintenant au ras des paquerettes de Monsin…

Terval et le top 10 des poussières fines

Fin observateur, Jérôme a vu qu’il y a encore du charbon qui transite par Monsin. « Les minerais arrivent par la Meuse, sur des péniches fluviales, et sont ensuite véhiculés par camion. Sur la route #12, les poussières de minerai ont patiné la pierre des pavés. Elles lui donnent un éclat particulier. C’est comme si quelqu’un était venu frotter les pavés avec une mine graphite. J’ai réalisé cette photographie en milieu de résidence. Elle évoque l’errance du marcheur, les pavés foulés par les pas, et le paysage liégeois modelé par la présence des industries minières et sidérurgiques».
Il est vrai que ces montagnes de charbon tapent à l’œil. Terval et son port charbonnier nous a valu être dans le top 10 des poussières fines. Merci à notre médecin du Peuple Johan Vandepaer qui a poursuivi pendant des années un combat pour déterminer la source qui mettait systématiquement Herstal au top des villes les plus polluées par les poussières fines. Pour imposer finalement à Terval des mesures permettant de sortir du top 10, tout en restant en dessous de la moyenne…
Terval tourne à plein régime depuis 1985. Celle-ci assure aussi le criblage, le mélange et le lavage de charbon-vapeur, d'anthracite et de gypse. Deux millions de tonnes y transitent chaque année. Selon les PDG Benoît Blondiau et Dirk Schmidt-Holzmann, « la fermeture des charbonnages européens a laissé sans fournisseur des clients industriels. ArcelorMittal, Electrabel, CBR et Holcim, les sucreries d'Oreye et de Tirlemont… Tous sont clients de Terval qui se fournit auprès de BHP Billiton et Anglo American ou le sud-africain Exxaro. Il y a quelques années, ces grands producteurs amenaient directement la marchandise en Europe. Maintenant, ils ne désirent plus s'occuper de logistique et préfèrent passer par des intermédiaires comme nous. Le charbon de Sibérie ne peut pas être lavé et trié là-bas, en raison des températures trop basses. Nous le faisons ici. Nous faisons une part importante de notre chiffre d'affaires sur le dernier trimestre, après la récolte des betteraves pour les sucreries. Les cimentiers cherchent à remplacer le charbon ou le gaz par du combustible de substitution, pour diminuer leurs coûts. Ils utilisent une flamme produite par du charbon broyé-séché pour maintenir la combustion".
L'entreprise occupe une vingtaine d'ouvriers et 9 employés. Elle détient également deux filiales en France, Terval SARL et Bioval, qui fait dans la biomasse ( L’echo 6/11/2010).

Déchets dangereux, sols pollués, boues de dragage.

Monsin est aussi devenu un haut lieu du traitement des déchets. EUROPORTS INLAND TERMINALS a eu le feu vert pour un centre de prétraitement et de récupération de déchets dangereux, des sols pollués et des déchets, ainsi qu’ENVISAN INTERNATIONAL (groupe De Nul)  pour un centre de 150.000 tonnes par an de boues de dragage. Envisan succèdé à Oxybel, filiale d’ArcelorMittal. La reconversion en marche ?
En décembre 2012 le PTB a réagi à une demande de Revatech pour l’extension de ses activités. Elle avait été récemment pointée du doigt dans le cadre de l’émission de particules fines, comme Terval. « Comment la pollution du sol par cette entreprise est contrôlée et par qui ? Y a-t-il une pollution dans l’atmosphère ? Existe-t-il un plan d’urgence en cas d’incident catastrophique ». 160.000 tonnes de déchets industriels à Engis et à l’île Monsin : piles, eaux usées et autres verres contaminés; c’est notamment de cette activité qu’émanaient les particules fines.
En mars 1995 «Recyliège» s'est installé dans les 5 hectares déjà utilisés à cet effet depuis 1991 par un entrepreneur liégeois spécialisé dans la démolition, à l'initiative des entrepreneurs liégeois, rassemblés au sein de Tradécoliège (société de Traitement des Déchets de la Construction à Liège). Une participation de la Région via la Spaque (société publique d'aide à la qualité de l'environnement) assure une minorité de blocage. On estime à de 900.000 tonnes la production annuelle de déchets classe 3 en province de Liège (environ 1 T par habitant). La Région wallonne autorise l'emploi de matériaux recyclés dans ses cahiers des charges concernant les travaux subsidiés de fondation ou de sous-fondation de route depuis le 2012 : un nouveau marché pour l'utilisation de ces déchets réduits en «briquaillons». Le marché existant, voici l'outil.

Traiter des déchets, quand c’est fait dans les règles, pourquoi pas. Mais je me tracasse, quand je vois que Marc Gilliquet, Directeur au Département de la Police et des Contrôles chez Service public de Wallonie, est aussi vice-président du port autonome. Il est juge et partie…
La darse couverte appartient à la Somef (Société d'opérations maritimes et fluviales), qui est passé des mains d'Arcelor à celles du groupe CFNR (Compagnie française de navigation rhénane). Outre la darse couverte elle y a deux quais extérieurs de grande capacité " (Llb 27/10/2007)

Le gobie et les braconniers de silures

J.G s’est attaché à la Meuse « en grande partie à cause de son rythme. Le fleuve est une géographie rythmique qui fait rupture avec les rythmes du reste de la ville. Sur la Meuse, le rythme du temps est plus lent. Les péniches se déplacent beaucoup plus lentement que les véhicules à moteur qui tournent autour du fleuve. Sur ses berges, on y croise des pécheurs à la ligne - une activité qui prend du temps – et des flâneurs qui se trouvent ici justement parce qu’ils ont du temps. Les bruits sont différents également, plus doux. Ce rythme de la Meuse est plus proche de la lenteur avec laquelle je m’applique à marcher. C’est pourquoi je me suis attaché à la suivre » (CL p.24).
Un pêcheur lui apprend « la présence dans la Meuse du gobie pourtant absent dans le répertoire des poissons. Selon wikipédia, ils sont dépourvus de vessie natatoire, ils n’ont pas d’autre choix que de passer la majeure partie de leur temps sur le substrat ou à proximité. Ce sont donc de très mauvais nageurs, lorsqu’ils se déplacent d’un endroit à l’autre, c’est avec une nage maladroite et désordonnée» (CL p.15).
De mon côté je découvre lors de ma reconnaissance un repaire de braconniers, avec bateau et tout, en dessous du pont du chemin de fer juste avant Bressoux. Et moi qui croyais que le braconnage était réservé au gibier…Ils pêchent entre autres le silure, un poisson magnifique. Je n’ai jamais compris pourquoi presque personne ne pêche l’anguille, pourtant une pêche très sportive… Ou la pêche au cormoran. J’ai plusieurs amis-pêcheurs. Ils me parlent des écrevisses du Hemlot. Ils se plaignent parfois des cormorans qui nichent à Chertal. Mais aucun ne m’a encore parlé du gobie.

Conduite d’oxygène

A côté du pont par où la route de la fonte traverse la Meuse il y a une conduite d’oxygène d’Air Liquide, construite au départ pour les besoins de l’aciérie de Chertal. Affiner un convertisseur de 350 tonnes à l’oxygène, ça demande un fameux débit… Cela me rappelle un accident mortel à Chertal en février 2008 : Geoffrey LAMOLINE (32 ans) et Pablo CARBOJAL (34 ans), y sont morts suite à une fuite d'oxygène provenant de cette conduite. A Chertal elle se retrouve enterrée derrière le mur de la salle où ces deux travailleurs étaient en train de réaliser des travaux de peinture. L'accumulation d'oxygène dans cette salle, au contact de graisse et de peinture, aurait entraîné un  phénomène d'auto-combustion, transformant les deux travailleurs en torches humaines (extrait communiqué C-DAST).
Cet oxyduc d'Air Liquide va de Seraing à Maasmechelen ou il rejoint  le tronçon Tessenderlo/ Maasmechelen.

Le pont barrage

Le pont-barrage de Monsin a été inauguré à l'occasion de l'Exposition internationale de 1930. Il est de l'architecte Joseph Moutschen, qui a vraiment marqué le paysage que nous voyons autour de nos. Les parties métalliques sont de Cockerill. Ce pont barrage fait partie des aménagements du Canal Albert qu’on a voulu avec le moins d’écluses possibles. On en a profité pour créer une centrale hydraulique au barrage de Monsin.
Le bief va d’Ivoz Ramet au port charbonnier de Genk. Pour cela il a fallu surélever la section entre Hermalle et Lixhe.
L’étude d'un canal entre Liège et Anvers avait été demandée en 1923 déjà à la Commission Bouckaert. Le projet reçoit un coup d’accélérateur en 1927, suite aux crues désastreuses de l'hiver 1925-1926. Accessoirement, on voit dans ce chantier gigantesque aussi un moyen de résorber le chômage suite à la crise économique de 1929. Et le réarmement qui démarre suite à cette crise donne un dernier coup de pouce : on arrêtera les allemands sur le canal Albert!
En 1936 les  français demandent de fortifier la Meuse, y compris le canal Albert. Nous avons vu les bunkers qui flanquent le pont ferroviaire. Il y en a dans la pont-barrage. Mais les derniers bunkers, du côté de Chertal, ne seront pas prêts en 1940 vu que les travaux de rectification de la Meuse ne viennent que de se terminer.
L’expo de 1930 se fait dans le cadre du centenaire de l'indépendance nationale. Liège voit grand : pour cette Exposition ambitieuse on crée une nouvelle gare à Bressoux.et le nouveau pont de Coronmeuse qui relie Bressoux à Coronmeuse (aujourd’hui le pont Atlas), à l’époque le plus long du pays.

Le Mémorial Albert Ier, monument à l'entrée du Canal Albert à Liège, esplanade et parc, avec ses bunkers


A la pointe méridionale de l'île Monsin, ensemble monumental en calcaire réalisé aussi d'après les plans de Joseph Moutschen (encore lui !), inauguré en 1939. Le phare auquel s'adosse la statue du Roi Albert Ier, oeuvre du sculpteur Marcel Rau, a une hauteur de 40 mètres. Au fond de l’esplanade, à gauche, La Ville d'Anvers et Le débardeur par Robert Massart ; à droite, La Ville de Liège et Le métallurgiste, par Louis Dupont.
En dessous du mémorial, des bunkers. En 1937-38 l’armée se rend compte que l'édification du mémorial réduit sensiblement l'action des mitrailleuses du flanc amont de l'abri du pont Marexhe, que nous avons vu en début de notre balade. De plus la tour de 40 m représente un repère que l'on a intérêt à renverser au début des hostilités, vu que de toute façon l'ennemi tentera de l'abattre. Il est impératif d'empêcher qu'elle ne tombe mal, soit en obstruant le canal, soit en détériorant les abris ou en encombrant leurs champs de tir. Pour cela, il faut prévoir des fourneaux de mine disposés de façon à n'abattre que la partie supérieure et que cette partie tombe en arrière suivant l'axe du monument. En avril 1938, l’armée aménage deux abris dans le mémorial, MeMo 1 et MeMo 1 bis. A des fins de camouflage on les recouvre de minces plaques de même matériau que celles du monument, y compris les embrasures qui seront, en temps de paix, obturées par une maçonnerie légère en briques. MeMo 1 est aménagé dans le socle supportant la tour et la statue du Roi. Son accès est situé au centre de la petite esplanade, face à la tour.

Marchez où bon vous semble, là où c’est défendu…

J. Giller  invite « à retrouver le lien qui unit l’homme à la géographie. Pour le retrouver, je me sers de l’esprit libertaire qu’il y a dans le nomadisme historique. La liberté de mouvement. Ce que je dis au public qui partage mes expériences de déplacement géographique c’est : exercez votre liberté de déplacement. Sortez des sentiers battus. Suivez vos propres chemins. Marchez où bon vous semble, là où c’est défendu, sautez les barrières qui limitent et délimitent l’espace, passer par dessus le concept de propriété privée lorsque c’est nécessaire. J’invite le public à faire l’expérience d’une mobilité qui ne répond pas aux injonctions du déplacement orchestré : se déplacer pour aller chercher à manger, se déplacer pour se rendre à son travail, se déplacer pour rentrer à son domicile. Je les invite au contraire à perdre leur temps, à se perdre dans la géographie, à se déplacer sans but. Je les invite à mettre en acte une forme de liberté qui consiste à se ré-approprier l’espace géographique » (CL p.27).

« La dérive et l’errance créent des espaces nomadisantes. Comme de suivre une ligne dans le paysage. Une ligne visible, comme la Meuse par exemple, lors de la marche La Route du Feu, ou une frontière administrative, ligne abstraite car fixée par les cartes, comme la frontière de la Région de Bruxelles-Capitale que j’ai proposé de cheminer pendant neufs jours en 2015 lors du Laboratoire pour l’art dans la ville, Being Urban. Cela me permet de créer des situations de marche qui déroutent et désorientent. Parce que suivre un chemin qui n’en est pas vraiment un, c’est hasardeux. Ça vous fait traverser des géographies jusque-là inconnues ou des territoires que vous auriez préféré éviter. Se déplacer de cette manière sans véritable but de destination, ça n’a pas vraiment de sens. Sauf à se dépayser et se déterritorialiser justement, à faire l’expérience d’une forme d’être à l’espace qui ne répond à aucune injonction de déplacement. Je marche de plus en plus souvent sur les lignes qui font limites dans la géographie. Parce que questionner les frontières physiques des paysages, revient à questionner les frontières psychologiques et les usages de la géographie (CL p.44).
JG a organisé aussi une marche urbaine exploratrice sur la frontière franco-belge entre le Mont à Leux et le Risquons-tout ; de schreve, pour le flandrien que je suis. 
Nous avons marché dans ses pas sur la Route du Feu. Je suis tenté à continuer l’expérience, et de suivre, lors d’une de nos prochaines balades-santé, une frontière administrative, ligne abstraite car fixée par les cartes, comme la frontière de Herstal par exemple. On a d’ailleurs déjà commencé avec Monsin, qui faisait partie de Herstal jusqu’au moment où «la construction du canal Albert a éveillé le gros appétit liégeois », selon notre historien local Collart-Sacré.

Sources

http://www.jeromegiller.net/?actualite.head.147306212558
Carnet de Liège, livre d'artiste, 24x16 cm, 150 exemplaires, ISBN : 978-2-9601929-0-2 , 20 euros Le dialogue a pour point de départ la résidence artistique de Jérôme Giller aux Résidences-Ateliers Vivegnis International (RAVI) de Liège qui s’est déroulée de juin à septembre 2014. Il est illustré par différentes œuvres produites par Jérôme Giller lors de la résidence. Deux années espacent la résidence de ce dialogue. Implication poreuse de deux regards croisés, le dialogue s’est construit peu à peu entre le 13 juin et le 25 juillet 2016. Il a pris forme autour de Liège pour digresser naturellement à d’autres lieux de la réflexion. À l’image d’un itinéraire non linéaire, telle une dérive ouvrant sur des espaces non-fermés.

Jérôme Giller (1973, FR) vit et travaille à Bruxelles. Le travail artistique se déploie essentiellement dans les territoires urbains et péri-urbains. Ses interventions sur les territoires sont furtives, voire immatérielles ; des expériences ; des laboratoires poétiques qui infiltrent le réel.
www.jeromegiller.net
http://www.jeromegiller.net/carnetdeliege/?empreintes-sol-liege 96 empreintes du sol de Liège par actions de gaufrage du papier
http://www.jeromegiller.net/carnetdeliege/?les-ponts-de-liege deux séquences vidéo sur les ponts de Liège
https://vimeo.com/100326744 Pont d’Ougrée
http://iselp.be/uploads/newspapers/dp-being-urban_1.pdf 20
Il a aussi développé la Dériviation, où la ville est envisagée comme un plateau de jeu. Les participants à la performance sont invités à parcourir l’espace urbain, guidés par une suite de tirages de dés.
http://www.dekamer.be/digidoc/DPS/K3095/K30952029/K30952029.pdf Parlementair Document 28K0320-1926-1927 Projet de loi du 14 juillet 1927 incorporant à la ville de Liège certaines parties des communes gemeenten Bressoux, Jupille, Wandre et rattachant aux xommunes de Jupille en Wandre certaines parties de la commune de Herstal. La commission est présidée par Xavier Neujean.  
Voici l’exposé des motifs
Le lien vers le document complet
Un canal et trois hommes, Robert-Armand Planchar, éd. Cefal, Liège, 2011.
http://www.wallonie.be/sites/wallonie/files/publications/brochure_canalalbert75ans_web.pdf 

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