On retrouve dans l’expo ‘Et si on osait la Paix’ un tas
de symboles dont certains sont devenus des icones. Je me suis basé sur une ébauche
d’article de wikipedia. Cette ébauche n’est sûrement pas complète, mais elle reprend à mon avis les
symboles qui ont émergés et qui ont marqué des générations de pacifistes de
tout poil.
Bertrand Russel et Peace and love.
Pour commencer il y a Peace and love. «☮». Le symbole a été inventé par le graphiste
britannique Gerald Holtom, à la demande de Bertrand Russell, organisateur et
chef du mouvement pour le Désarmement Nucléaire. Le signe reprend les initiales
D et N en alphabet sémaphore. Il a été repris par les activistes contre la
guerre du Vietnam et aussi par le mouvement hippie. Le signe a été détourné à
l'occasion des attentats de novembre 2015 à Paris pour symboliser la Tour
Eiffel.
Bertrand Russell est mathématicien, 3e
comte Russell et prix Nobel de littérature! Il n’a pas commencé sa ‘carrière’pacifiste avec la menace nucléaire. En 1907 il se met candidat pour défendre dans
la campagne le droit de vote pour les femmes.
Le 4 août 1914, lorsque la Grande-Bretagne
déclare la guerre, notre militant pacifiste écrit un article pour le journal «
the Nation »: « La première nécessité pour la démocratie, pour la civilisation
et pour tout progrès facilitant la lente transformation de la bête sauvage en
homme, c’est la paix ». L’article
est refusé.
Il prépare en 1915 avec la suffragette Sylvia Pankhurst
l’International Women's Congress for
Peace and Freedom, aux Pays Bas. Russell
s’engage dès 1916 pour les objecteurs de conscience : « ce sont les
objecteurs de conscience qui forment le noyau de la civilisation future. » Dès
septembre 1916, il donne une série de
conférences devant des auditoires ouvriers, à Manchester et à Birmingham. Pour empêcher la ‚contagion pacifiste‘ le War
Office interdit l’accès des régions industrielles à Russell.
Russell en arrive à défendre le socialisme parce
qu’il est le seul à s’opposer au capitalisme
C’est à cette époque qu’il ‘retournera’ le poète Siegfried Sassoon. Sassoon retrouvera
dans un hôpital militaire un autre poète antiguerre Wilfred Owen en août
1917.
En 1917 la Grande Bretagne n’arrive plus à
combler ses pertes sur les champs de bataille par le volontariat, et envisage
la conscription. Russel lancera l’association contre la conscription
(NCF) ; cela le conduira en prison en 1918.
Il dénonce vigoureusement la croyance absurde
selon laquelle « une guerre peut mettre fin à la guerre ». En bon logicien,
Russell se demande si la propagande des gouvernements est validée par les faits:
« On croit toujours que les guerres sont justes et que l’on combat pour les
intérêts de la paix, mais aucune guerre jusqu’ici n’a mis fin à la guerre. Si
celle-ci doit se terminer autrement, alors elle doit engendrer un esprit
nouveau, et surtout elle doit nous débarrasser de cette conviction ardente et
faussement humaine que l’ennemi est cruel. » Avec ironie, Russell imagine deux
chiens de deux pays différents revendiquant leurs « idéaux » : « Si leur
bagarre s’accompagnait d’une activité intellectuelle, l’un prétendrait se
battre pour promouvoir la bonne sorte d’odeur (Kultur), et l’autre pour
défendre la liberté canine imprescriptible de courir sur le trottoir
(démocratie). »
Dès la Révolution russe de 1917, Russell tente
d’associer « pacifisme » et « révolution »: « Le capitalisme n’est parvenu à
garantir ni la liberté, ni une véritable démocratie, ni une paix durable, ni
l’accroissement de la production dont le monde a besoin ; et il n’y a aucune
raison de penser que son échec dans ces domaines soit en quelque façon
temporaire. »
En janvier 1918, quand les soldats américains
arrivent en masse en Angleterre avant d’être envoyé sur le front, il avertit
que ces soldats pourraient être utilisés comme briseurs de grève, comme ça
avait été le cas aux Etats Unis. Cet article lui coûte six mois de prison.
Il fut un des fondateurs du
mouvement pour le
désarmement nucléaire en 1958,
le Committee for Nuclear Disarmament. En 196, il fera dans
ce cadre un dernier tour en prison à l’âge de 91 ans. En 1966 il est encore l'instigateur
d'un tribunal contre les crimes de guerre américains au Vietnam, dont il finança les activités par la vente
de sa propre bibliothèque et de ses
archives.
Le fusil brisé
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Le fusil brisé devient le symbole de
l'Internationale des résistant(e)s à la guerre (IRG) en 1921. Mais le symbole remonte probablement à la répression impitoyable et meurtrière desrévoltes de 1886. Les Jeunes Gardes socialistes (J.G.S.) fondent leur
propagande sur l’antimilitarisme, et demandent aux jeunes recrues de ne pas
tirer sur leurs frères grévistes. Député de Gand, Edouard Anseele lance son
«appel aux mères des soldats» pour qu’elles demandent à leurs enfants,
eux-mêmes prolétaires, de ne pas ouvrir le feu. A l’époque, un tel appel fait
figure de provocation. Edouard Anseele est condamné à six mois de prison.
C’est aussi
l’époque où une « course aux armements »
se développe entre les pays Européens. En 1889, la IIème Internationale est
instituée et s’affirme pacifiste, reprenant la phrase célèbre de Marx «
prolétaires de tous les pays, unissez vous ». La Fédération nationale de la Jeune Garde
socialiste comprend trente-deux groupements en 1891.
Les J.G.S. s’attaquent au service militaire belge, tel qu’il est
pratiqué en 1886 : le tirage au sort, qui permettait aux jeunes favorisés ayant tiré le mauvais numéro, de se faire
remplacer à l’armée par un plus pauvre, en le payant.
Mais au fil du temps ce symbole du fusil
brisé, qui avait valu à Anseele l’emprisonnement, devient le point de
ralliement de la fraction réformiste au sein de cette IIième Internationale. Le
vieux Engels, compagnon de Marx, ne cesse de rappeler qu’une révolution « est certainement la chose la plus
autoritaire qui soit; c'est l'acte par lequel une partie de la population
impose sa volonté à l'autre au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons,
moyens autoritaires s'il en est; et le parti victorieux, s'il ne veut pas avoir
combattu en vain, doit maintenir son pouvoir par la peur que ses armes
inspirent aux réactionnaires. La Commune de Paris aurait-elle duré un seul
jour, si elle ne s'était pas servie de cette autorité du peuple armé face aux
bourgeois ? ».
Au sein des partis bourgeois belges aussi les
tendances antimilitaristes étaient très présentes. Les catholiques parce que
l’armée pervertissait les jeunes. Et dans chaque parti il y avait une tendance
germanophile qui prêchait une neutralité passive absolue pour la petite
Belgique. Donc le fusil brisé perdait petit à petit son côté provocateur. Le
fusil brisé n’empêche pas la direction du Parti Ouvrier Belge de prendre
pendant la guerre une attitude jusqu’au boutiste la plus rabique.
En 1921, Anseele remet un drapeau avec fusil
brisé aux JGS manifestant à La Louvière le 16 octobre 1921, en réponse à une
manifestation patriotique qui avait eu lieu deux semaines auparavent. Voir dans
l’expo Amsab manifestation à La Louvière, 16 octobre 1921, et la hampe de
drapeau.
Grand était la surprise des dirigeants
sociaux-démocrates quand suite à ça, le premier ministre déboulonne le POB du
gouvernement. Il est intéressant de voir les arguments des socialistes dans le
rapport du débat à la chambre
Ceci dit, cette attitude très conciliatrice
n’évite pas aux socialistes d’être traités d’extrême gauche !
Le coquelicot et ‘In Flanders Fields’ de John Mac Crae : un appel à la guerre
Le coquelicot est devenu un symbole mondial de
cette guerre ; symbole que je croyais pacifiste. Je l’ai cité souvent sur
facebook, entre autres parce que mon grand-père est mort du typhus attrapé ‘in
flanders fields’ : il avait repris une ferme bourrée de cratères derrière
l’Yser, en 1918.
Jacques Pauwels m’a appris que le poème ‘In Flanders Fields’ de John Mac Crae est en fait un poème guerrier, jusqu’au boutiste. Voici la dernière strophe :
Poursuivez votre combat avec l'adversaire
Nous vous lançons le flambeau de nos mains défaillantes
Afin qu'il soit vôtre et que vous le teniez haut
Si vous manquez de parole à nous qui mourons
Nous ne pourrons pas dormir bien que les coquelicots poussent
Dans les champs de Flandre.
Nous vous lançons le flambeau de nos mains défaillantes
Afin qu'il soit vôtre et que vous le teniez haut
Si vous manquez de parole à nous qui mourons
Nous ne pourrons pas dormir bien que les coquelicots poussent
Dans les champs de Flandre.
Alors que des fleurs de pavot rouges étaient
distribuées par la Royal British Legion, la Women's Co-operative Guild https://en.wikipedia.org/wiki/Co-operative_Women's_Guild
commença en 1933 à distribuer des fleurs
de pavot blanches avec ses 73.000 membres. Mais les pavots blanches n’ont
jamais percées ; entre autres parce qu’un pavot blanc, ça n’existe pas.
Mais surtout parce que détourner un symbole belliciste fort n’est pas évident…
Mac Crae n’est pas seulement politiquement un
jusqu’au boutiste. Il paye son engagement guerrier de sa vie : il décède le
28 janvier 1918 à l'Hôpital militaire britannique de Wimereux.
Pour mes amis flamands, voici une belle
transcription de Anton van Wilderode. Même s’il n’est pas blanc comme neige,
van Wilderode a laissé tomber le ‘chute’ belliciste, voulant rester dans un
pacifisme flamingant pas toujours de bon aloi. Un problème est qu’avec ça son
texte n’a plus cette conclusion dramatique du poème d’origine.
In Flanders
Fields staan de papavers rood
onder het zwart gelid der houten kruisen.
De leeuwerik vliegt tegen vuur en dood
gevederd in de hemel van Diksmuide
en zaait zijn lied tussen schrapnels en schroot.
Wij zijn de doden thans. Maar kortgeleden
nog levenden almachtig aangetreden
voor dat schoon land waarvan wij zonen waren.
Nu liggen wij doodstil in Vlaanderens aarde,
in Flanders Fields!
onder het zwart gelid der houten kruisen.
De leeuwerik vliegt tegen vuur en dood
gevederd in de hemel van Diksmuide
en zaait zijn lied tussen schrapnels en schroot.
Wij zijn de doden thans. Maar kortgeleden
nog levenden almachtig aangetreden
voor dat schoon land waarvan wij zonen waren.
Nu liggen wij doodstil in Vlaanderens aarde,
in Flanders Fields!
La colombe de la paix et Guernica
Au départ la colombe n’était pas un symbole de
paix. Dans le récit du Déluge dans la Bible, Noé envoie une colombe qui revient
tenant dans son bec un rameau d’olivier. Elle a été rendue célèbre en tant que
symbole de la paix à travers la Colombe de la paix dessinée par Picasso en 1949
pour le Mouvement mondial de la paix. Notre peintre aura une fille, cette même
année, qu'il prénommera Paloma (= Colombe). Ce symbole a été repris par un tas
d’autres artistes. Nous retrouvons dans l’expo l’acrylique et
fusain sur toile, ‘En avant vers
Sheffield Ou Le Congrès de Varsovie’ , de 1950. Le Ier
Congrès mondial des partisans de la paix s’était déroulé à Paris, en avril 1949.
Son comité permanent était présidé par un Prix Nobel de Chimie, Frédéric
Joliot-Curie. Il prend le nom de Conseil mondial de la paix (CMP) qui lance son
Appel de Stockholm, en 1950 avec comme mot d’ordre « l’interdiction
absolue des armes atomiques et de destruction massive ». Cet appel a
récolté 500 millions de signatures (un cinquième de la population mondiale de
l’époque), dont près de 300.000 pour la seule Belgique ! Initialement, c’est
Gênes qui devait accueillir le IIe Congrès des partisans de la paix, avec
toujours la colombe de la paix de Picasso comme emblème. Face au refus
d’accorder des visas aux délégués, les organisateurs se tournent vers
Sheffield, mais le gouvernement britannique à son tour refuse à la veille de
l’ouverture de valider les passeports des délégués jugés indésirables. La
rencontre internationale est alors transférée en urgence à Varsovie (un « pont aérien
» jeté entre Bruxelles et Prague permet le transfert rapide des délégués
présents) où elle s’ouvre avec trois jours de retard, le 16 novembre 1950. D’où
le double titre de la toile :
« En avant vers Sheffield et Le Congrès de Varsovie ». Le groupe Forces Murales, dont Somville, a réalisé des toiles d’une dizaine de mètres carrés l’occasion
du 30° anniversaire du Parti Communiste, au Heysel, en 1951, pour eux une sorte
de fresques portatives.
Picasso est aussi l’auteur de Guernica, une de ses œuvres anti-guerre les plus
célèbres. Il réalisa cette huile sur toile entre le premier mai et le 4 juin
1937, commandée par le gouvernement républicain pour le pavillon espagnol de
l'Exposition Internationale de Paris de 1937. Cette toile monumentale est une
dénonciation engagée du bombardement de la ville de Guernica, le 26 avril 1937,
ordonné par les franquistes et exécuté par des troupes allemandes nazis et
fascistes italiennes.
Le tableau est devenu très vite un symbole de
la dénonciation de la violence franquiste et fasciste, avant de se convertir en
symbole de l'horreur de la guerre en général. Conservée pendant toute la
dictature franquiste aux États-Unis, sur demande de Picasso, cette œuvre a
finalement été transférée en Espagne en 1981. Et se trouve aujourd’hui au musée
Reina Sofia à Madrid. On a accroché à proximité Les Désastres de la guerre, de Goya. Deux
artistes dénoncent à deux siècles d’intervalle la guerre.
Le tableau est accompagné de photographies de
la guerre civile espagnole de Robert Capa, de documents de propagande
d'époque... Mais aussi d'un film de Luis Buñuel, de tableaux de Juan Miro, ou
encore d'une maquette du pavillon espagnol de 1937.
Le musée Reina Sophia expose aussi 45 études
préliminaires pour Guernica. Physiquement, Picasso a réalisé cette toile en
cinq semaines. Mais c’est en fait un condensé de dizaines d’esquisses et de
tableaux de taureaux, chevaux et tous les éléments qui composent le tableau. Il
s’est inspiré aussi du fusillé du ‘Tres de Mayo’ de Goya que l’on retrouve
dans la femme qui lève les bras au ciel.
La toile ‘Non à la Guerre’ de Forces Murales repris
dans l’expo ‘Et si on osait la paix’ réfère directement au Guernica de
Picasso.
Le drapeau arc-en-ciel « PACE »
Le drapeau arc-en-ciel a été utilisé la
première fois lors d'un défilé de la paix organisée à Perugia en 1961 par le
pacifiste et philosophe Aldo Capitini, surnommé par certains le Gandhi italien. Il ne nait pas pacifiste ; il
est pour l’entrée en guerre de l’Italie en 14-18. Sa ‘conversion’ date de 1929.
Ses méthodes d’opposition non-violente lui valent cinq mois de prison en 1942.
Son drapeau s’inspire du drapeau des pacifistes anglo-saxons qui en 1958,
guidés par Bertrand Russel, ont marché sur Aldermaston lors d'une manifestation
antinucléaire. Comme avec la colombe de la paix, ici aussi on est dans la
Bible, et le déluge universel, quand Dieu place l'arc-en-ciel comme sceau de
son alliance avec les hommes et la nature, promettant qu'il n'y aura jamais
plus d'autre déluge universel.
Le drapeau Pace est habituellement composé de
sept couleurs : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange et rouge de haut en
bas avec le mot « PACE ». Le Flag of Race de l'association pour les droits
civiques du révérend Jesse Jackson en reprend cinq. En 2002, le drapeau a été utilisé
massivement lors de la campagne Pace da tutti i balconi (« la paix sur tous les balcons ») comme
signe de protestation contre la guerre d'Irak
Einstein
Avec Einstein qui tire la langue, on n’est
plus dans les symboles. Mais je me permets de l’ajouter ici parce qu’il a été présent
sur tellement de posters de notre génération.
En 1939, Albert Einstein écrit à Roosevelt pour lui demander de faire
construire la bombe nucléaire. Pourtant, le physicien est un pacifiste. Il
s'est déjà fait beaucoup d'ennemis pendant la Première guerre mondiale en
dénonçant cette boucherie. Mais avec la montée du nazisme, sa position change:
il faut résister au fascisme par les armes. Pendant la guerre d'Espagne
(1936-1939), Einstein prendra nettement parti pour le camp républicain contre
le camp fasciste de Franco. Le gouvernement américain n'a pas une position
antifasciste ferme durant la Deuxième guerre mondiale. En septembre 1942, par
exemple, au début de la bataille de Stalingrad, il écrit: "Pourquoi
Washington a-t-il aidé à étrangler l'Espagne loyaliste républicaine ?
Pourquoi aucun effort n'est fait pour aider la Russie qui en a le plus grand
besoin ? Ce gouvernement est largement contrôlé par des financiers dont la
mentalité est proche de l'état d'esprit fasciste". En janvier 1943,
lorsque les nazis sont arrêtés à Stalingrad, Einstein déclare: "Sans la
Russie, ces chiens sanguinaires allemands auraient atteint leur but. Nos
enfants et nous avons une énorme dette de gratitude envers le peuple russe qui
a enduré tant d'immenses pertes et de souffrances." Finalement Einstein
est écarté du programme de développement des premières bombes nucléaires par le
FBI. Il est contre la bombe nucléaire. Il condamne immédiatement les
bombardements d'Hiroshima et Nagasaki et crée en 1946 le Comité d'Urgence des
Scientifiques Atomistes (ECAS) pour combattre le nucléaire militaire et proner
le règlement des conflits de manière pacifique. Juste avant sa mort le 18 avril
1955 il signe le célèbre Manifeste pour la paix Russell-Einstein.
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