mardi 29 décembre 2015

Agir par la culture lors de la première guerre mondiale



Le livre de Jacques Pauwels ‘la grande guerre des classes’ est parsemé de chansons et poèmes qui ont marquées cette guerre. Il n’approfondit pas le sujet : ces références servent à alléger son message de fond. Mais ces références ont été pour moi le point de départ d’une recherche un peu plus approfondie sur ces artistes contre la guerre. Ce qui m’a frappé, c’est que peu de ces expressions artistiques ont pu influencer le cours de la guerre, en partie à cause d’une censure impitoyable, et en partie parce que ces artistes n’ont pas trouvé une caisse de résonance dans un groupe ou parti solide assez pour faire face à cette déferlante de propagande belliciste.

La chanson de Craonne, Gorizia tu sei maledetta

Une de ces perles rares est la chanson de Craonne. Cliquez ici pour écouter.
En italien il y a ‘Gorizia tu sei maledetta’ ici chanté par Giovanna Marini et son Quartetto Urbano https://www.youtube.com/watch?v=1y2HqCrEJrc 
Comme par hasard, cette chanson revient dans la bande-son du film UOMINI CONTRO – comme par hasard le titre que mon ami Maxime Tondeur a choisi pour son blog. 
Voici encore en vidéo musical
https://www.youtube.com/watch?v=VBmysFH_8Iw par la "Banda POPolare dell'Emilia Rossa.
Celui qui était surpris à chanter cette chanson pendant la guerre était accusé de défaitisme et pouvait être fusillé. La version originale fut recueillie d'un témoin qui affirma l'a entendu des fantassins qui conquirent Gorizia le 10 août 1916. Trois quarts de siècle plus tard, en 1964, la chanson fait encore scandale au Festival des Deux Mondes de Spoleto dans le spectacle « Bella ciao». Les interprètes furent dénoncés pour outrage aux Forces Armées. À la strophe
« Messieurs les officiers traîtres
qui avez voulu la guerre
égorgeurs de chair à vendre
cette guerre nous enseigne à punir »
une voix se lève du parterre : « Hourra les officiers », suivie de choeurs « Hourra l'Italie ». Du poulailler on entonne Bandiera Rossa. Du bas, ils répondent avec Facetta Nera (chanson fétiche des fascistes italiens).

Aux USA, Joe Hill et le Little Red Songbook de l’IWW

En anglais il y a CHRISTIANS AT WAR d’un capitaine de l’armée US et ancien journaliste JOHN F. KENDRICK. Le syndicat Industrial Workers of the World (IWW) s’est rendu compte que mobiliser par la chanson apportait plus que toute autre forme de propagande. Il s’est inspiré de l’Armée du Salut, avec ses petites fanfares. L’IWW parodiait l’hypocrisie des USA qui prétendaient avoir Dieu de leur côté dans la guerre contre d’autres chrétiens. Cette chanson a été publiée dans la 9ième édition (en mémoire de Joe Hill) du "Little Red Songbook" en mars 1916.
Lors d’un procès monstre contre 113 dirigeants de l’IWW à Chicago en 1918, cette chanson sera évoqué à charge, comme preuve de leur caractère athée, punissable aux Etats Unis !
   Onward, Christian soldiers! Duty's way is plain;
    Slay your Christian neighbors, or by them be slain,
    Pulpiteers are spouting effervescent swill,
    God above is calling you to rob and rape and kill,
    All your acts are sanctified by the Lamb on high;
    If you love the Holy Ghost, go murder, pray and die.

    Onward, Christian soldiers! Eat and drink your fill;
    Rob with bloody fingers, Christ okays the bill,
   
    Trust in mock salvation, serve as tyrant's tools;
    History will say of you: "That pack of G.. d.. fools."
En résumé : En avant, soldats chrétiens ! Tuez vos voisins chrétiens, ou faites vous tuer. Dieu vous appelle d’en haut pour voler et violer et tuer. L’histoire dira de vous : bande de fous de Dieu !

Romain Roland, debout, seul, contre la guerre, contre la haine

Dans son blog mon ami Maxime Tondeur décrit comment le grand écrivain français Romain Roland, debout, seul, contre la guerre, contre la haine , interpelle dés septembre 1914 les  élites européennes, les intellectuels, les églises et les partis socialistes, " qui attisent l'incendie - chacun y apporte son fagot."Il est considéré comme l'ennemi public n° 1, vilipendé par tous comme "l'Anti France ». Il sera néanmoins en 1916 couronné du PRIX NOBEL de Littérature. Parmi les  plus grands des intellectuels du monde entier, se rangeront  à ses côtés: S. ZWEIG, P.J. JOUVE, M. GORKI, U. SINCLAIR , G. DUHAMEL,  H. MANN et tant d'autres.
Parmi eux un Belge, de GAND, FRANS MASEREEL.
En même temps que se développait la lutte contre la guerre autour de ROMAIN ROLLAND, d'autres voix naissaient des tranchées : HENRI BARBUSSE, avec ses romans "LE FEU" et "CLARTE",  PAUL VAILLANT COUTURIER et  RAYMOND LEFEBVRE avec "LA GUERRE DES SOLDATS".
Etudes Marxistes a publié de Maxime Tondeur
« Des hommes contre,1914-1918 : Artistes et écrivains contre la guerre ».   ; en néerlandais   ‘1914-1918: Kunstenaars en schrijvers tegen de oorlog’.

Un poème prophétique de Henriette  Roland Holst

La grande socialiste hollandaise Henriette  Roland Holst (elle avait passé un hiver à apprendre le français à Liège) était en septembre 1915 à la conférence deZimmerwald, la première réunion générale des socialistes internationaux depuis le commencement de la guerre et la trahison de la plupart des dirigeants sociaux-démocrates.
Elle a écrit la même année  1915 ses ‘Vers de guerre’.
La Hollande était neutre. Ca n’enlève rien à la force de son message. D’autant plus que la gauche hollandaise a fortement influencé les minoritaires socialistes pacifistes flamingants de Gand et d’Anvers. Voir le blog http://rouges-flammes.blogspot.be/2015/10/1914-1918-uomini-contro-paul-van.html
En résumé:
Cet été le blé pourrissait sur les champs.
Les ouvriers refusaient de travailler: ils voulaient gagner la vie humaine de leurs rêves. Que les maîtres refusaient de donner.
Dans les villes le peuple ouvrier faisait grève. Mais les maîtres étaient forts : une poignée avait les clefs du pouvoir. L’armée ne se révoltait pas encore, serrée dans une discipline rigide.
Les têtes levées et les drapeaux déployés les femmes marchaient.
En face d’elles les jeunes encore figés par l’ordre militaire.
Une jeune fille crie haut et fort ‘Felix’.  Des lignes militaires une voix répond ‘Bérénice’.
Un officier à cheval, avec des yeux d’acier’ crie ‘Feu’


Ce poème était prophétique. En novembre 1918 Roland Holst marchera à la tête d’une manifestation à Amsterdam pour la libération d'un soldat arrêté.
Au moment où elle publie ces vers, en 1915, Henriette Roland Holst  prévoit que la révolution allait arrêter la guerre. Son parti changera en 1918 son nom en Communistische Partij in Nederland (CPN) et adhère à l’Internationale Communiste (Komintern).
 
Pour ceux qui maitrisent le néerlandais, voici des extraits du texte original
Dien zomer rotte 't graan op alle velden.
En de meesters ontstelden.
Ze voelden 't: de arbeiders wilden niet meer
werken zoo ze niet wonnen 't mensch'lijk leven
van hun droom. De meesters wilden 't niet geven.
In millioenen-stad staakte 't arbeiders-volk. Hun dichte scharen
stonden eendrachtig, maar de meesters waren
ook sterk: een hand-vol trotsche heerschers had

de sleutels van de macht. Het leger muitte
nog niet: het was in strenge tucht verhard.
Met opgerichte hoofden schreden de vrouwen, de vlam-lichte
vaandels flapten boven hen.
Nu kwam de stoet waar stom zonder bewegen,
't geweer geschouderd, de geleed'ren stonden
der jongelingen die nog meesters bonden
met vrees en dwang: gezang schuimde hen tegen

hoog als een zee.
Een jonkvrouw met ooge' als starren
riep hoog en helder "Felix"; - uit den drom
der soldaten antwoordde een stem: "ik kom
Bernice".
En toen barstten veel stemmen los: "Komt mede,
komt, gij behoort bij ons, helpt ons, om vrede
te winne' en vrijheid".
Een officier te paard, met oogen
van staal, riep "vuur". Enkele schoten vielen, -
ja enk'le arme gansch wanschapen zielen
deden dit.
Twee jonge vrouwe' en een
met grijze haren waren neer-gezonken,
Diep uit de dichte rijen
der soldaten kreet een stem: "moeder, zachte
moeder"; worst'lend met waanzinnige krachten
rukte een jongeling zich los, liep, viel bezijen
dat arme hoopje stervend leven neer.
En zij glimlachte nog en streek nog even
door zijn krullend haar en hield op te leven,
maar hij sprong overeind, greep een geweer,
en d'offlcier die had gelast te vuren,
viel dood uit het zaal.


Georges EEKHOUD, grand écrivain belge (flamand d'expression française)

« La Grande Guerre sépare les écrivains belges de langue française en deux tendances distinctes. Les uns soutiennent le propos officiel, patriotique et nationaliste, qui veut la défaite  complète de l'Allemagne et exige les réparations dues au vainqueur.  Ceux qui vivent l'occupation au quotidien. dénoncent les causes du conflit et le bellicisme des responsables économiques ou politiques qui le poursuivent ». Georges EEKHOUD, grand écrivain belge (flamand d'expression française),  fait partie des seconds. "Pendant la guerre, il était resté à Bruxelles, et avait d'abord, comme tous ses compatriotes, mis ses espoirs dans une rapide défaite de l'envahisseur. Mais dès 1916, il semble préférer une paix immédiate à toute autre issue, et il se montre intéressé par l'écho des thèses dites de ZIMMERWALD, du nom de ce village suisse où l'extrême-gauche de l'Internationale s'était rassemblée autour d'un programme pacifiste et internationaliste" (P. ARON "PORTRAIT DE L'ARTISTE, pp 10-12).
Il est perséuté après la guerre sous prétexte d’actvisme et perd son job. Le 21 février 1920 , « CLARTE », créée autour d 'HENRI  BARBUSSE, publie une de ses nouvelles « DES HOMMES », un texte rend hommage à six soldats allemands, fusillés à BRUXELLES pour avoir eux-mêmes refusé de fusiller des otages belges. Cette publication est accompagnée d'un hommage à EEKHOUD présenté dans la série « Les grandes figures de l'Internationale », que la revue consacre à des personnalités comme GORKI, LIEBKNECHT , ROMAIN ROLLAND, JOHN REED, BERTRAND RUSSEL,  LENINE  etc.
A sa mort , MICHEL DE GHELDERODE écrira: "Pour avoir clamé sa conscience au dessus du honteux masscre 14-18 et des Brabançonnes avec accompagnement obligé, pour avoir librement parlé en ce pays vendu où l'imbécile moyen a le droit de s'exprimer selon les gazettes à sa solde , EEKHOUD s'est vu classer au rang paria de l'indésirable, confondu parmi les marchands de savon, les activistes, les souteneurs. Mieux, on lui a pris son pain. Je me souviens, EEKHOUD, de ce soir étrangement illuminé où nous apprîmes que la révolution venait d'éclater dans la blanche RUSSIE. Je vous ai vu, vieillard, pleurer plein d'émotion ! 
Les hypocrites vous inhument. Mais vous êtes dans l'univers cosmique.
Il n' y a pas de tombeau pour les hommes de votre taille"
Plus dans http://rouges-flammes.blogspot.be/2014/10/1914-1918-uomini-contro-georges-eekhoud.html

Paul van Ostaijen, poète engagé, et monument de la littérature flamande.

Pour la Flandre mon ami Maxime Tondeur a posté un blog sur Paul van Ostaijen, poète majeur de la littérature flamande. Il rend hommage à ce poète engagé durant les années de guerre http://rouges-flammes.blogspot.be/2015/10/1914-1918-uomini-contro-paul-van.html
Voici des extraits de

A une maman

(une traduction ‘imparfaite, approximative, ne demandant qu'à être corrigée’ dixit Maxime Tondeur).
Tu m'as dit "mon fils est tombé.
Tu ne l'as pas connu, ni son front,  ni ses lèvres
ni ses mains ;
sauf une chose : où il est tombé - au champ d'honneur.
Je sais, petite Maman, tu aimerais lire
Choc des armées, champ de bataille, héros
car comme une sainte triade, on t'a proposé ces mots
Ton fils, Petite Maman, n'est pas tombé pour une juste cause
Mais son sang lui a été sucé par tous
Les millions des funestes croix noires
 se taisent, mais leur plaie, ouverte et sombre
a retrouvé la parole :"tout est leurre et tromperie."       
Il y a aussi son ‘Bezette stad’, ‘Ville occupée’,  un terme qui revient aujourd’hui dans la presse avec beaucoup de tremolos à propos de Molenbeek.  La plupart des journalistes ne se rendent pas compte qu’ils citent un titre de  van Ostaijen. Bezette stad (1921) est une des œuvres les plus prestigieuses de la littérature flamande. Entre autres pour sa typographie révolutionnaire, mais aussi pour son contenu pacifiste. Van Ostaijen a écrit ce codex de 32 poèmes lors de son exil à Berlin en 1920, où il s’est inspiré de l’énergie débridée des dadaïstes et s’est enthousiasmé pour le jazz, le communisme et l’expressionisme allemand.  
Il utilise des fragments de chansons de cabaret, de slogans publicitaires, de titres de films, d’enseignes et d’étiquettes, d’affiches etc. Comme les montages photo de John Heartfield. Il s’inspire aussi du Manifesto tecnico della letteratura futurista de Marinetti de 1912: des associations, des verbes non conjugués, pas de syntaxe, d’interponction et la ‘Rivoluzione tipografica’,
"C’est le meilleur, le plus complet et le plus suggestif des poèmes de guerre que la littérature flamande a produit", dixit Jozef Muls. Bezette stad est un Gesamtkunstwerk, une œuvre d’art totale, la couverture est d’un autre grand artiste, Oscar Jespers, ainsi que la police des lettres (De Morgen, 25 nov. 2015). Jespers fera plus tard le monument funéraire de van Ostaijen (1937- cimetière Schoonselhof – Anvers).

Maïakovski déverse sa colère sur cette bourgeoisie bien nourrie indifférente aux horreurs de la guerre  

En Russie, à la déclaration de guerre, le grand poète Maïakovski lit lors d’unrassemblement patriotique son poème ‘La guerre est déclarée’. Il tente de se faire enrôler comme volontaire dans l’armée, mais ne reçoit pas le certificat de loyalisme politique. Il dessine des affiches de guerre et des cartes postales.
Mais dès 1915, il écrit son célèbre pamphlet pacifiste ‘À vous !’, où il déverse sa colère sur cette «bourgeoisie bien nourrie » indifférente aux horreurs de la guerre.
En voici deux strophes:

Si celui-ci, qu’on conduit à l’abattoir,
lardé de blessures, soudain voyait
comment, la lèvre graisseuse de côtelettes,
concupiscents, vous chantonnez Sévérianine !

Donner sa vie, pour votre plaisir,
À vous, amateurs de femmes et de bons plats ?
J’aimerais mieux dans un bar à des putes
servir du jus d’ananas.

La lecture au café Le chien errant à Saint-Pétersbourg suscite une vive indignation et des dames sont parties dans les pommes...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Au_chien_errant  Le cabaret est fermé après cette déclaration pacifiste de Vladimir Maïakovski (officiellement pour vente d'alcool prohibé).
Le 8 octobre de la même année, notre poète est appelé à servir l’armée et grâce à l’intervention de Maxime Gorki, il est envoyé à l’École de Construction automobile de Saint-Pétersbourg. Durant les années 1915 et 1916, il écrit des vers contre la guerre, dont son poème ‘Guerre et paix’. Durant l’été 1916, à la suite d’une nouvelle intervention de Gorki, il est déclaré inapte au service militaire.
Voici en hyperlien son poème "La Guerre et l'Univers" ( 1915-1916) dit par Eric Fabre au Théâtre de la Passerelle de Limoges en 2012. 
Le texte est interdit par la censure militaire à sa parution; il sera publié par GORKI après la guerre.
Voici en russe ‘La guerre est déclarée’ https://www.youtube.com/watch?v=vI8Aq3wX6y0 .

Un pacifiste ‘converti’ : Begbie

Maiakovski a exalté la guerre au début et a change de camp très vite. Il a eu la satisfaction de voir ses vers repris par le peuple russe qui a mis fin à la guerre par sa révolution de 1917. Mais d’autres qui face à la réalité des tranchées changent de camp n’auront pas cette satisfaction. Ces poètes dont les vers guerriers avaient été publiés sous toutes les formes – y compris sur affiches – verront leurs poèmes pacifistes censurés et leurs voix étouffés. Ils seront seulement publiés après la guerre, contrairement à leurs textes bellicistes qui sont diffusés par une machine médiatique sans failles.
Le cas le plus flagrant est Harold Begbie qui écrivait pour un tabloid des poésies de guerre comme
FALL IN
What will you lack, sonny, what will you lack,
When the girls line up the street
Shouting their love to the lads to come back
From the foe they rushed to beat?    
Un essai de traduction qui ne rend pas la force poétique de ce texte
Mon Petit, sais-tu ce que tu rateras
Quand les filles seront le long des rues
Jetant des bises aux gars qui viennent de battre ce fou furieux.
Ce poème a été très populaire et publié par tract et sur affiches. Il contribuait à montrer du doigt les jeunes qui refusaient de s’engager. Plus tard le texte a été vomi et  détesté quand l’horreur de cette guerre devenait évidente (au point où la Grande Bretagne a dû instaurer le service obligatoire à partir de 1917).
Vers la fin de la guerre Begbie se ‘rachète’ de ce patriotisme guerrier, et comment, avec le poème
WAR EXALTS
La guerre purifie et sort un homme de la boue
Demandes à Dieu ce qu’il pense d’une baïonnette dégoulinante de sang
La guerre est une épreuve pour le courageux et une disgrâce pour le lâche
Montre à Dieu l’homme à son image broyé par un obus
Battez-vous pour faire périr les tyrans et ramollir les brutes
Et après vas te laver la face du sang et essaye d’affronter ton enfant

War exalts and cleanses: it lifts man from the mud!
Ask God what He thinks of a bayonet dripping blood.
By War the brave are tested, and cowards are disgraced!
Show God His own image shrapnel'd into paste.
Fight till tyrants perish, slay till brutes are mild!
Then go wash the blood off and try to face your child.

Gilbert Frankau, envoyé à l'hôpital militaire pour sa « Déclaration d'un soldat », et Mad Jack Sassoon.

Au début de la guerre Gilbert Frankau (1884-1952) haïssait les allemands comme son maître Rudyard Kipling; Frankau avait rejoint le East Surrey Regiment in Octobre 1914. Il publiait des poèmes guerriers dans le Wipers Times, et deux livres de la même trempe The Guns (1916) et The City of Fear (1917). En Octobre 1916 il est en Italie pour combattre la propagande allemande avec 'The Beasts in Gray' ('Let the sword decide what the sword began: / "No truce with the Beasts in Gray!"')
Mais il se tourne vers le pacifisme avec 'The Other Side'. Le poème est construit comme une réponse à un recueil de poèmes qui lui est envoyé par un sous-officier de sa batterie. Frankau y ridiculise la rhétorique fleurie d’un de ces soldats-poètes les plus connus  
Le pacifisme de Frankau s’avèrera peu profond. En 1933 il écrit pour le Daily Express un article 'As a Jew I am not against Hitler' (comme juif je ne suis pas contre Hitler). Il est vrai qu’il regrettera après…
Sassoon est surnommé « Mad Jack » pour ses exploits quasi suicidaires. Contrairement à Frankau, Sassoon évoluera vers une position pacifiste et travailliste plus conséquente. Il rentre en opposition à la guerre suite au décès d’un ami. À la fin d'un congé de convalescence en 1917, il refusa de reprendre son service et, encouragé par des amis pacifistes comme Bertrand Russell (qui à la fin de sa vie présidera encore un tribunal Vietnam) , il envoya à son commandant une lettre intitulée « Déclaration d'un soldat », qui fut communiquée à la presse et dont un député qui lui était favorable donna lecture au Parlement. Plutôt que de traduire Sassoon en cour martiale, les autorités militaires le déclarèrent inapte au service et l'envoyèrent à l'hôpital militaire où il fut soigné, officiellement pour neurasthénie (« shell shock »).  
Sassoon écrira par la suite des perles de textes pacifistes
Cliquez ici pour écouter le poème de Siegfried Sassoon ’’Does it matter’’ (version en français).
Voici une série de ses poèmes en anglais http://siegfried-sassoon.firstworldwarrelics.co.uk/html/poems.html
Son Memorial Tablet a été publié un mois seulement avant la fin de la guerre, et donc trop tard pour avoir une influence sur les évènements.

Owen : qui est pour ce jeu, le jeu rouge écrasant d’une bataille ?

Sassoon rencontra à l'hôpital militaire aussi Wilfred Owen, qui s’était il s'enrôlé le 21 octobre 1915 dans le régiment des Artists' Rifles, un régiment de volontaires qui regroupait des artistes de toutes origines. Ces artistes sont utilisés pour la propagande. Owen avait encore dédicacé la première version de son ‘Pro patria mori’ à son ami Jessie Pope qui publiait des appels à la guerre. Voici le texte en anglais:
Who’s for the game, the biggest that’s played,
The red crashing game of a fight?
Who’ll grip and tackle the job unafraid?
And who thinks he’d rather sit tight?
La guerre est considérée ici comme un jeu.  En janvier 1917, Owen reçoit encore le grade de sous-lieutenant. Un peu plus tard on diagnostique chez lui un syndrome commotionnel (shell shock) et il est envoyé en traitement à Édimbourg. C'est là qu'il rencontre Siegfried Sassoon. Owen fut tué le 4 novembre 1918 lors de la grande offensive finale, une semaine avant l'armistice. Il a reçu à titre posthume la Military Cross.
Voici des extraits de Dulce Et Decorum Est
de Wilfred Owen. Je signale que ce poème a été publié seulement en 1920, après la guerre:

Le gaz ! Le gaz ! Vite, les gars ! Coiffant juste à temps les casques malaisés, quelqu'un hurle encore et s'effondre, comme enlisé dans le feu ou la chaux...
Dans tous mes rêves, sous mes yeux impuissants,
Il plonge vers moi, se vide à flots, s'étouffe, il se noie.
Qu'en des rêves suffocants vos pas à vous aussi
Suivent le fourgon où nous l'avons jeté,
Que votre regard croise ces yeux blancs convulsés,
Cette face qui pend, comme d'un démon écœuré de péché ;
Que votre oreille à chaque cahot capte ces gargouillis
De sang jaillissant des poumons rongés d'écume,
Ce cancer obscène, ce rebut d'amertume tel, immonde,
L'ulcère à jamais corrompant la langue innocente, —
Ami, avec ce bel entrain plus ne direz
Aux enfants brûlant de gloire désespérée,
Ce Mensonge de toujours : Dulce et decorum est

Et encore :
Hymne à la Jeunesse condamnée
Quel glas sonne pour ceux qui meurent comme du bétail ?
Seule, la colère monstrueuse des canons,
Seul, le crépitement rapide des fusils hoquetants
Peuvent ponctuer leurs oraisons hâtives,
Pour eux, pas de prières ni de cloches dérisoires,
Nulle voix endeuillée hormis les chœurs, —
Les chœurs suraigus et démentiels des obus gémissants ;
Et les clairons appelant pour eux depuis de tristes comtés.
En 1917 ses amis du régiment des artistes avaient été engagés dans des attaques presque suicidaires : le 1° bataillon du régiment Artists Rifles est pratiquement anéanti le 30 décembre 1917 dans la Welsh-Ridge counter-attack. Ces artistes ont chanté le Dieu de la guerre ; le Dieu de la guerre les a avalés…
Le  manuscrit de cet Anthem for doomed Youth contient des corrections de la main de Sassoon. Après l'armistice, Sassoon s'appliqua à donner aux travaux d'Owen une plus large audience. Leur amitié est le sujet de la pièce de Stephen MacDonald, Not About Heroes.

Sassoon et Sylvia Pankhurst

Sassoon avait publié sa déclaration d’un soldat dans le « Workers Dreadnought » de Sylvia Pankhurst, un journal qui malgré une censure implacable vendait 10.000 exemplaires. Ce qui nous amène au film les Suffragettes. Le film est beau mais mérite une suite. Il s’arrête à la veille de la guerre, alors que la guerre divisera profondément la famille des suffragettes Pankhurst. Ce n’est pas une critique du film : il s’arrête à la mort d’une des ‘petites mains’ du mouvement pour le suffrage des femmes, mais ça vaut la peine de voir comment ça se termine.
En Grande-Bretagne, les Pankhursts - Emmeline Pankhurst, la mère, et deux de ses filles, Christabel et Sylvia - étaient les chefs de la faction la plus militante de la lutte pour le suffrage des femmes. A la veille de la guerre, Emmeline Pankhurst, la mère, avait été envoyé en prison pour avoir cassé les fenêtres du 10 Downing Street. Mais dès que la guerre a éclaté, elle cesse toute activité politique, se met au service du gouvernement britannique, qui lui envoie en tournée aux États-Unis et aussi en Russie pour rallier les femmes russes pour l'effort de guerre (notre social-démocrate Destrée essayera la même chose avec les soldats russes).
Sa fille Sylvia par contre est devenue une militante anti-guerre ardente, et a publié le journal anti-guerre le plus lu en Grande-Bretagne pendant la guerre. Elle est devenue la compagne de Keir Hardie, chef du Parti travailliste indépendant, prédécesseur du Parti travailliste d'aujourd'hui, une autre force très forte contre la guerre, jusqu'à sa mort en 1915.
L’horreur du pacifisme d’Emelinne et Christabel était si fort qu’elles ont rompu tout contact avec Sylvia. Adam Hochschild a écrit un livre magnifique sur le sujet (en anglais).
Ma conclusion (avec J Pauwels) : si la bourgeoisie anglaise a donné le suffrage aux femmes, c’est plus à cause de Sylvia et de la peur de la révolution que par ‘respect’ pour Emmeline…

Vera Mary Brittain : il n’y a pas de Dieu

Je  termine cet aperçu du war poetry anglais avec Vera Mary Brittain, parce que son engagement pacifiste est paradoxal : infirmière au front, elle perd son fiancé, ses meilleurs amis et finalement son frère sans remettre en cause la guerre. Elle situe son engagement pacifiste plus tard, au printemps 1918, lorsqu’elle doit soigner des prisonniers de guerre allemands : là, devant l’absurdité de soigner des gens que son propre frère avait encore essayé de tuer quelques jours auparavant, elle écrit ce beau poème qui prend aux tripes
God said, “Men have forgotten Me:
The souls that sleep shall wake again,
     And blinded eyes must learn to see.”

So since redemption comes through pain
He smote the earth with chastening rod,
   And brought destruction's lurid reign;

But where His desolation trod
The people in their agony
    Despairing cried, “There is no God.”
(Verses of a VAD and Other Poems 1918)

La Madelon et la censure militaire

Et puis il y a les chansons populaires comme la Madelon, lancé au théâtre aux armées, pour distraire les soldats. Lucien Boyer, l’auteur de La Madelon de la Victoire, reçut la Légion d’honneur en 1920. Bien sûr que La Madelon exprime quelque part un désir d’en finir avec ce carnage, mais ce n’est pas subversif en soi. Ce qui n’empêche pas la censure française d’être sur ses gardes. Anne Simon-Carrère nous apprend dans ‘Chanter la grande guerre’ comment la Préfecture de police de Paris a conservé dans ses archives plus de 30.000 chansons soumises à la censure entre 1914 et 1918. On connaît donc, après un long dépouillement, celles qui ont été chantées ou non, celles qui ont été refusées et celles qui ont été transformées.
Ces archives préfectorales donnent un aperçu non seulement de ce qui se chantait mais de ce qui était proposé par les paroliers mais refusé par le censeur. Un parolier, par exemple, pensait que le public aimerait des couplets suggérant des liens intimes entre des soldats et leurs correspondantes (« marraines ») ; Le censeur interdit ces couplets. Un autre propose un récit où un « embusqué » essaie de séduire l’épouse d’un poilu et se fait tabasser ; la censure préfère qu’un tel sujet ne soit pas abordé. D’autres chansons sont censurées pour protéger l’image des soldats, comme celle, exceptionnelle, où le narrateur soldat appelle à violer des Allemandes pour venger les Françaises. La mobilisation massive des femmes paysannes pour les récoltes, travaillant sans chevaux (réquisitionnés par l’armée) « n’a inspiré aucune chanson ». Les portraits des ouvrières des usines des munitions ne décrivent pas les conditions de travail ni l’épuisement, car les femmes décrites doivent rester féminines. La description réaliste des nouveaux rôles des femmes aurait pu trop angoisser, et bien des chansons insistent sur le fait que les femmes reviendront à leur place « naturelle » dès que la guerre est finie. Enfin, les chansons antiguerre, ou en soutien à des mouvements sociaux tels que les grève des “munitionnettes” sont également absentes du répertoire. Certaines se moquent des féministes ; une chanson propose même de les tabasser, mais c’est aller trop loin pour la censure, et la chanson n’est pas autorisée.

I Want To Go Home, walzing matilda

En anglais il y a 'I Want To Go Home': je veux rentrer chez moi, je ne veux plus descendre dans les tranchées…

I want to go home, I want to go home.
I don't want to go in the trenches no more,
Where whizzbangs and shrapnel they whistle and roar.
Take me over the see, where the Alleyman* can't get at me.
Oh my, I don't want to die, I want to go home.

I want to go home, I want to go home.
I don't want to visit la Belle France no more,
For oh the Jack Johnsons they make such a roar.
Take me over the sea, where the snipers they can't get at me.
Oh my, I don't want to die, I want to go home.

C’est en fait une variante sur une vieille chanson folk “John B.Sails".
Idem avec Waltzing Matilda qui est même devenue le hymne officieux Australien. Ca raconte l'histoire d'un journalier itinérant qui capture un mouton et le met dans son sac de nourriture. Quand le propriétaire arrive accompagné de policiers, le journalier se jette dans la mare proche. Depuis ce temps, son fantôme hante le lieu.
La chanson décrit la guerre comme futile et cruelle, et critique ceux qui la glorifient. Ce qui est illustré dans la chanson par le récit d'un jeune soldat australien de l'ANZAC engagé dans la bataille de Gallipoli. Les paroles ont été écrites par le poète nationaliste Banjo Paterson en 1895.  L'auteur-compositeur australien d'origine écossaise Eric Bogle fait en 1971 la version ‘And the Band Played Waltzing Matilda’ qui est repris par les activistes contre la guerre du Vietnam.
Mais pour illustrer la neutralité du contenu par rapport à la guerre, voici une version chanté par les Aussies en Iraq….
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Une partie des chansons pacifistes que l’on situerait en 14-18 datent du mouvement contre la guerre au Vietnam, soixante ans plus tard. En 1984 John McCutcheon écrit cette chanson qui évoque la fraternisation au front de Noël 1914 (Francis Tolliver est un personnage fictif) :
« Noël 1914 dans les tranchées »
 «C'était Noël dans les tranchées où le gel était si âpre
Les champs gelés de France étaient chauds des chants
de paix qu'on y chantait
Mon nom est Francis Tolliver, et je vis à Liverpool
A chaque Noël depuis la Première Guerre mondiale,
j'ai bien retenu ses leçons:
Ceux qui commandent les tirs ne seront pas parmi les morts ou les mutilés.
Et à chaque bout du fusil, nous sommes les mêmes. »
Voici en version chantée chanté https://www.youtube.com/watch?v=sJi41RWaTCs       

Ravel et le Tombeau de Couperin

En  JANVIER 2015 l’Orchestre Philharmonique de Liège  a exécuté  le Concerto pour la main gauche de Ravel, dans un programme sur la grande guerre. Ce concerto ne date pas de la grande guerre: il est créé à Vienne le 5 janvier 1932. Le lien est que cet œuvre a été écrite sur commande du concertiste manchot Paul Wittgenstein, qui avait perdu le bras droit durant la Première Guerre mondiale sur le front russe. Ce concerto est une allégorie de la guerre : un homme seul se dresse contre l'envahisseur représenté par l'orchestre. Il s'agit là d'un combat titanesque ou le pianiste finira dévoré par la masse orchestrale.
Ce pianiste commanda des œuvres pour la main gauche à quelques-uns des plus grands compositeurs du moment : outre Ravel, il sollicita e.a. Benjamin Britten et Prokofiev (le Quatrième concerto pour piano).
Pourtant, bien qu’exempté de service militaire pour raison de santé, Ravel avait tenu à servir. En mars 1915, il est reconnu apte au service auxiliaire et versé dans une unité proche du front, l’ambulance 13. Hébergé dans un château, il se remet à la musique avec le piano de la demeure. Mon petit doigt me dit que le haut commandement ne voulait pas risquer sa vie. Un peu plus tard, on le laisse pendant trois mois séjourner à Chamouilley  dans l’attente de la réparation de sa camionnette’. En mars 1917, il est muté à Versailles avant d’être réformé le 1er juin 1917. Cela ne l’empêche pas de prendre des positions critiques par rapport à guerre.  En 1916, il justifie ainsi son refus d’adhérer à la Ligue nationale de la défense de la musique française : « Je ne crois pas que pour la sauvegarde de notre patrimoine artistique national il faille interdire d’exécuter publiquement en France des œuvres allemandes et autrichiennes contemporaines. Il m’importe peu que M. Schönberg, par exemple, soit de nationalité autrichienne. Il n’en est pas moins un musicien de haute valeur, dont les recherches pleine d’intérêt ont eu une influence heureuse sur certains compositeurs alliés, et jusque chez nous. » En 1920, il refusera la Légion d’honneur. La guerre a inspiré plusieurs œuvres intéressantes à Ravel. LeTombeau de Couperin de 1917 est une œuvre en hommage à ses camarades disparus au front
Il crée en 1918 Frontispice,  une composition pour piano à cinq mains. Plus dans
Tout autre chose est la Berceuse héroïque de  Debussy où il cite La Brabançonne en hommage à Albert Ier.

FuirLa Folie ! au Kaaitheater, aux portes de Molenbeek

Dans le cadre des commémorations de la Première Guerre mondiale, le chœur bruxellois Brecht-Eisler a invité six autres chorales belges pour un grand projet commun autour de la paix. C’est devenu Fuir La Folie ! Le spectacle s’est donné dans les rues qui portent toutes des noms faisant référence à la Première Guerre mondiale : place de l’Yser, boulevard d’Ypres, boulevard de Dixmude, boulevard du Neuvième de Ligne, square des Blindés, etc.
La première a eu lieu au Kaaitheater pendant la journée internationale de la Paix, le 21 septembre  2014. Deux mois plus tard on a pu écouter l’œuvre à la Cité Miroir avec la collaboration de “C’est des Canailles!”
La cité Miroir programme ces mêmes Canailles en janvier 2016, avec ‘C'est des Mutins !’ une histoire autour de la guerre 14-18, un spectacle de chants et de textes antimilitaristes, de revendications sociales et de protestation.
La pièce centrale de Fuir la Folie est  l’Ode au Déserteur, composé pour l’occasion par le compositeur Frederic Rzewski, le plus liégeois des musiciens américains (avec Garrett List, tout de même) puisqu’il y a été professeur de composition au Conservatoire. Ayant quitté Liège pour Bruxelles, il est avant tout un citoyen du monde.
Pour cette Ode le compositeur a choisi les textes suivants :
D’abord Drei Minuten Gehör!, de Kurt Tucholsky https://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_Tucholsky
Celui-ci écrit en 1926 :    « J'ai essayé pendant trois ans et demi d'échapper à la guerre, autant que je le pouvais ; j'employais tous les moyens, sauf les moyens extrêmes, pour ne pas être fusillé ni me servir d'un fusil. Mais j'aurais aussi employé tous les moyens, sans exception, si j'y avais été contraint. Je n'aurais pas reculé à utiliser la corruption ou tout autre acte répréhensible ».  Il rentre en Allemagne à l'automne 1918 comme antimilitariste convaincu. Mais ses écrits pacifistes datent tous d’après la guerre. Il participe en 1919 à la création de la Ligue des Anciens Combattants pour la paix et adhéré au USPD (scission de gauche du parti socialiste) en 1920.
Ce beau poème, que je n’ai pas osé traduire en français, ici déclamé, est mentionné dans le livre de Jacques Pauwels (tout compte fait ce blog est en quelque sorte un hommage à J. Pauwels).
Rzewski reprend aussi  Aan een Moeder de Paul van Ostaijen (cfr plus haut).
‘I will not serve’ est un extrait de ‘Portrait of the artist as a young man’, de James Joyce, 1916:  I will not serve that in which I no longer believe, whether it calls itself my home, my fatherland, or my church: and I will try to express myself in some mode of life or art as freely as I can, using for my defense the only arms I allow myself to use -- silence, exile, and cunning.” ‘Je ne veux pas servir une cause dans laquelle je ne crois plus, que cela s’appelle ma maison, ma patrie ou mon église’.
Joyce avait fui la guerre en Suisse neutre. Là-bas il a travaillé avec Zweig sur la traduction en allemand  de son ‘Portrait de l’artiste’. Zweig était devenu devint un pacifiste convaincu sous l’égide de Romain Rolland.
Le cri de Joyce « Je ne servirai pas » réfère au texte biblique Non serviam’. Satan aurait dit ces mots pour exprimer le rejet de servir Dieu dans le royaume céleste. Dans la Bible, Jérémie déplore que le peuple d'Israël clame « non serviam » pour exprimer son rejet de Dieu.
"Ero un povero disertore(chanté ici lors d’un festival en 2014)  est une vieille chanson populaire qui remonte à 1840.
Pour la finale, Rzewski a repris ‘Down by the Riverside’, un gospel qui remonte (au moins) à 1860 et dont il avait déjà fait une adaptation dans les années 1970 contre la guerre au Vietnam. 
A la même époque il avait écrit 36 variations sur la chanson de résistance du chilien Sergio Ortega ‘The People United Will Never Be Defeated’. Ca vaut la peine de l’écouter. Ca va du simple au complexe. Comme son Ode au déserteur: malgré les très bonnes intentions et convictions pacifistes de l’auteur, la musique est trop difficile pour une chorale d’amateurs. Seuls deux chorales professionnelles ont pu chanter tous les chants…

Voilà mon 'petit' aperçu d’artistes contre la guerre. La plupart ne sont pas entrés en guerre avec des convictions pacifistes. Les cas les plus dramatiques sont ceux qui ont commencé par des écrits guerriers, et qui ont été censurés dès qu’ils ont voulu crier l’absurdité de cette guerre. Les seuls qui ont réussi à influencer les évènements pendant la guerre même sont ceux qui ont trouvé une caisse de résonance dans une organisation. Et à ce niveau-là les seules qui ont surnagé sont les tendances à gauche de la social-démocratie. Cela ne veut pas dire qu’ils ont crié dans le désert : certains de ces messages ont été si forts que cinquante ans plus tard des militants contre la guerre au Vietnam les reprennent pour en faire une armé redoutable contre les militaristes…
Voir aussi http://hachhachhh.blogspot.be/2015/12/les-symboles-pacifistes-et-lexpo-et-si.html


apostille

Jacques Pauwels a réagi à ce blog en me suggérant "Maikäfer Flieg" - des chansons perdues de la Première Guerre mondiale ; compilé à partir de 2500 chansons qui ont été recueillies lors de la Première Guerre mondiale dans le Volksliedarchiv allemand en Freiburg.  Ecoutez par exemple http://www.folksong.de/lied-128.html
La chanson Maikäfer Flieg  date de la guerre des trente ans (ça remonte)
Maykäfer, flieg!
Der Vater ist im Krieg.
Die Mutter ist im Pommerland.
Und Pommerland ist abgebrandt.

Plus d'informations sur www.musikvonwelt.deverschollene

Jacques Pauwels nous suggère aussi "Mein Michel was willst du noch mehr," repris dans son livre https://www.youtube.com/watch?v=8TZYsIZNdf4 ou ici par les Grenzgänger https://www.youtube.com/watch?v=4a55AtSWo60

Du hast Bataillone, Schwadronen,
Batterien, Maschinengewehr,
du hast auch die größten Kanonen.
|: Mein Michel, was willst du noch mehr?

Du hast zwei Dutzend Monarchen,
Lakaien und Pfaffen ein Heer,
beseeligt kannst du da schnarchen.
 Mein Michel, was willst du noch mehr?

Du hast Kohlrüben und Eicheln,
und frägst du nach and’rem Begehr,
so darfst du am Bauche dich streicheln.
 Mein Michel, was willst du noch mehr?

Tentative de traduction:
Tu as des bataillons, des escadrons,
des batteries, des mitrailleuses,
Tu as les plus grands canons.
 Mon Michel, que veux-tu de plus?

Tu as deux douzaines de monarques,
Des armées de laquais et de prêtres,
 Mon Michel, que veux-tu de plus?

Tu as des rutabagas et de glands,
de quoi te goinfrer la panse.
Mon Michel, que veux-tu de plus?
 


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