Lors de la 18ième balade santé de maison médicale Médecine pour le Peuple MPLP de Herstal, nous avons visité le plus petit marché de Noël du royaume, le plus sympa et le moins commercialisé, à Milmort : porté entièrement par l’associatif ; les bénefs vont à l’associatif. Un marché tout autour de l’huitre, en arrivage direct de la Bretagne. Ils en débitent des tonnes, sous toutes les sauces : crues ou grillés. Attention : bridez un peu votre imagination : ce marché consiste en un chalet. On a donc vite fait le tour.
Nous avons suivi le ravel
de liaison Meuse- Liers pour emprunter la rue du Cheval Blanc qui était
anciennement la voie de Liège. A "la Chapelle", un carrefour qui
figure parmi les plus anciens de la région. Nous longeons le zoning pour
rejoindre notre marché de Noël par la rue Bêche.
Départ
place
Melveille, au croisement Rue sous Thier et la rue Masuy à Milmort. Il y
a un parking en face de l’ancien hôtel communal.
Pour une présentation Milmort s’éveille cliquez
ici.
La rue des trois fermes, les Darchis et les cherwiers de Milmort
Par la rue de la Résistance nous gagnons la
rue des trois fermes : la ferme Labye-Randaxhe d’Archis, la ferme Jehaes, et une
troisième, la ferme Radoux disparue en 1963 sous
l’autoroute.
Au départ elles formaient un domaine, constitué au moment de la Régence
(24 février 1831 - 21 juillet 1831 : régence d' Érasme-Louis Surlet de Chokier). Le fermier n’ayant pas
d’héritier mâle a coupé le domaine en trois pour ses trois filles. Ce qui
explique que ces trois fermes se trouvent dans un mouchoir. Une fille a marié
un d'Archis, l’autre un Radoux et la troisième a été chercher un flamand,
Jehaes.
Les agriculteurs de Milmort et de Vottem
faisaient partie du métier de cherwier (= agriculteur, l’un des 32 vieux
métiers liégeois) dont les premiers statuts datent du 25 juillet 1450: " Seuls les cherwiers ou ouvriers agricoles se
servant de la charrue pourront remuer, fouiller et retourner avec bêches, houes
et autres instruments pour y semer espeautre, froment, seigle, orge, pois,
vesces, féveroles et autres choses semblables. Ils useront seuls de leur
pratique et de leur art. Par suite, qui n'étant pas du métier voudra charruer
dans la banlieue au moins dix tonniers, devra payer au Rentier un droit fixe de
20 florins du Rhin ". Le cherwier est d’ailleurs repris sur le blason
de Milmort. En bas, Rue Lambert Darchis, il y a encore une
autre ferme qui s’appelle la ferme d’Arcis : le portail de est daté à la
clé de 1739. L’escalier datant du XVIe siècle serait encore
visible à l’intérieur. Depuis 1600 nous retrouvons plusieurs Darchis comme
notaires à la chancellerie pontificale. Ce qui explique qu’en 1699 Lambert Darchis lègue une partie de sa fortune d’un
demi-million d’écus à une ‘hospitium
pauperum patriotarum’, des jeunes liégeois pauvres se dessinant au service
de la Curie Romaine. Ca deviendra la fondation Darchis toujours à Rome. Les candidats faisant
défaut, on élargit en 1725 aux peintres, sculpteurs et musiciens. En 1797 l’administration révolutionnaire
sécularise la fondation. Après Waterloo, le patrimoine fortement entamé suffit
à assurer quelques bourses à 4 pensionnaires pour une période limité. La
fondation existe toujours aujourd’hui.
(Leon Henri Darcis, dans Musée
herstalien N°154 novembre 2010)
Mais en fait la vraie ferme Darchis n’existe
plus. Elle était située sur le site RCA devenu Binet (à l’opposé du café de la
Gare par rapport au passage à niveau). Elle fut démolie en 1978… ainsi que sa
chapelle St-Nicolas que l’on disait classée. En dessous de ce qui est en passe
de devenir une friche industrielle se trouvent donc des vestiges vénérables.
Les Darchis ont été aussi métayer de la ferme
Lhoest, près de la gare. Vous avez compris que métayer ne voulait pas dire
pauvre à l’époque...
Nous empruntons sur quelques mètres la Rue du Vicinal :
après le pont autoroutier cette rue a été aménagé en Ravel que nous retrouverons
un peu plus loin. Le nom ‘rue Chera’ est un peu étonnant, voire prétentieux
pour le sentier que nous empruntons. Mais dans la mesure où Chera réfèrerait à
charrette, ça passe.
Des thermes romains en dessous du zoning
Par ce sentier qui peut être boueux nous
rejoignons la rue du Réservoir et un bout de la Chaussée Brunehaut qui a
disparue dans le zoning. Partant d’un gué à hauteur de l’île Monsin, cette
Chaussée traversait de vénérables
lieux-dits: Pireux, Tillet, Bouh'tay où elle y portait les noms de
"Chachie", en 1358 et de "chaulue Brunho", en 1557.
Selon notre historien local M. Collart-Sacré, « on donne improprement le nom de Chaussée
Brunehaut à une voie de grande communication qui fut établie en 1846 ».
Cette Chaussée Brunehaut est déclarée chemin de grande communication en 1863.
Mais une chose est certaine : il y avait là
quelque part une chaussée romaine. Dans le cadre du chantier d'extension de Skechers,
on a « trouvé les traces d'une
chaussée romaine et les reliquats d'un habitat datant du IVe siècle , explique
Jean-Marc Léotard, le directeur des Fouilles de la Région wallonne. Nous avons
également découvert des bains de la même époque. A priori, c'était un relais
qui comprenait de quoi changer les chevaux et permettre aux hommes de se
refaire une santé.» Ils ont mis au jour aussi des puits d'extraction de la
craie, de 14 mètres de profondeur, qui datent de la même époque. Les fouilles
ont été photographiées … et le chantier a repris ses droits (Le Soir 03 aoû. 2015 ).
Le Ravel de liaison Meuse-Liers suit donc quelque part cette voie romaine.
Non au franchissement de l’E313
Via l’Avenue du Parc Industriel nous arrivons
de l’autre côté du spaghetti d’autoroutes une zone fortement menacée par des
projets d’extension du zoning. En 2010 la Spi+ a demandé une modification du
plan de secteur et 42ha avaient été retenus par le gouvernement wallon pour
être requalifiée en une zone d’activités économiques mixtes (ZAEM) (décision du gouvernement wallon du 29 octobre
2010). Cette zone se situant au départ de la Chaussée
Brunehault à Liers (entre le cimetière et l’autoroute E313) vers Liège. Par
contre pour la zone se situant entre la rue des Cyclistes Frontières, la
Chaussée Brunehault et l’E313, la demande de la Spi+ a été rejetée, en
maintenant celle-ci en zone agricole. En 2008 un Comité de défense du village de Liers a mené une campagne contre ce projet ;
campagne qui a été victorieuse jusque maintenant. Avec un peu de chance nous
retrouverons plus loin encore une pancarte ‘Non à l’extension du zoning dans
notre village’. Ils veulent préserver le caractère rural du village et refusent
le passage de cette frontière (constituée par l’E313), qui placerait des usines
dans le jardin de leur maison.
La maison du coin de la rue du Cheval Blanc était
un café. Le comité de Liers essaye d’en reconstituer l’enseigne. La rue de
Rocourt que nous suivons et qui fait plutôt sentier était anciennement la voie
de Liège, d'où l'on pouvait, naguère, gagner, à pied, par les
"basses", la grande ville proche, en une petite heure.
La "triple Hécate" : une triade de Saint Gérard, de Saint-Antoine et de la Sainte-Famille.
A
"la Chapelle", au centre du carrefour, une petite construction en
moellons sommée d'une espèce de clocheton à trois niches en pierre. Cette
"Chapelle" qui a donné son nom au quartier est déjà mentionnée, en
1920 (Ch. J. Comhaire, Soixante et
quelques promenades autour de Liège). En 1920, la "Chapelle"
était constituée d'un massif circulaire, en briques, érigé sur un petit tertre.
Elle a été entièrement reconstruite récemment après avoir été endommagée
accidentellement.
Cette petite construction pourrait remonter
fort loin, jusqu’aux Romains qui s'étaient constitués une collection de
divinités utilitaires à invoquer selon les besoins. La triple Hécate avec 3
têtes ou 3 corps était particulièrement adorée dans les carrefours. La
"triade" de notre modeste chapelle se compose, quant à elle, de Saint
Gérard, de Saint-Antoine et de la Sainte-Famille, une association de saintsque
je n’arrive pas à situer (comme les saints protecteurs ou guérisseurs).
Le
carrefour figure parmi les plus anciens de la région. Y convergent la chaussée
Brunehault, la voie de Liège (= la rue du Cheval Blanc que nous venons d’emprunter),
la Visé-voie (actuellement le Vinâve) et le chemin de Milmort (actuellement rue
des Cyclistes Frontières).
Passé le carrefour, vers Vottem, tout de suite
après la ruelle que l'on appelait jadis "li vôye dèl gade" (actuellement Chèvrevoie), le plan cadastral
qui recense officiellement les lieux-dits indique expressément que cet endroit
porte le nom de "Chaussée Brunhaut".
Nous suivons la Rue du Vinave jusqu’à la
chapelle Notre Dame, chapelle assez récente dont je n’ai pas réussi à
reconstituer la génèse. En face on agrandira
la cité de Liers pour 60 nouveaux logements sociaux de la SRLH, couvrant ainsi la
totalité de la Voie de Melen. Cela suite
à la vente de 128 maisons non rénovables dans la cité (on s’étonne que d’autres ont été jugées rénovables :
elles ont été construites ensemble)… La SRL a peint les maisons rénovées dans
des couleurs criardes, dont un bleu Schtroumpf. François Vergniolle, Directeur
de la SRL, explique dans la Meuse le 26 octobre 2010 : “ Évidemment, tous les locataires ne pourront
pas acheter, de par leurs revenus ou leur âge. C’est pour cela que nous allons
construire de nouvelles habitations sociales, sur le terrain qui jouxte la cité
existante. Au total, nous prévoyons de bâtir vingtaine de “ quatre chambres ”,
une vingtaine de “ trois chambres ” et une vingtaine de “ une chambre ”. Et c’est
dans ces nouvelles constructions que seront relogées les personnes qui n’auront
pas pu acheter de maisons. Nous voulons que les Liersois restent à Liers. Les
200 familles de la cité peuvent être rassurées ”. Je ne vais pas dire qu’il
ment, mais il ne dit pas toute la vérité : une partie de ces 60 nouveaux
logements sont des logements
à loyer d'équilibre; c'est-à-dire un loyer qui couvre les coûts de construction.
Par un sentier nous rejoignons la rue Albert I
juste devant l’autoroute. Vous constaterez que ces terres sont assez humides.
Les constructeurs de l’autoroute ont été assez brouillons dans l’évacuation des
eaux suite à ce changement de relief. Lors de l’enquête publique sur l’extension
de la Cité on a évoqué l’évacuation des eaux. Dans un lotissement récent près
de la rue des cyclistes Frontières ont a dû prévoir des pompes…
Nous retrouvons la rue du Parc Industriel avec
sur notre droite la friche énorme de Colgate, presque l’équivalent de
l’extension de 66 hectares prévue du côté de Hermée. Mais aujourd’hui la SPI+
n’a plus la main sur un terrain vendu et doit donc aller chercher ailleurs, en
laissant la place à des promoteurs privés pour qui, on le comprend, la première
priorité n’est pas la création d’emplois.
Rue Bêche : un échangeur, du pipi de chat et la Bêchette aux fraises de Milmort
Le passage sous-voie de la rue Bêche est
limite pour une semi-remorque. Ce qui explique que l’on retrouve pas mal de
camions au beau milieu du village de Milmort. L’élargissement est un point-clé
de la mobilité, d’autant plus que plusieurs camionneurs (logistique ?) ont
des sites dans les trois zones des Hauts Sarts.
Une seconde menace est un projet de la SPI pour
un l’échangeur au niveau de la rue Bêche et Scam.
Ce projet couperait Milmort de toute liaison
avec Hermée, Oupeye et la campagne de Hesbaye, sauf pour le trafic lourd. On
couperait la rue de l’Escousset, du Tilice et la Route de Hermée.
Au bout du zoning, HTC. Johan Vandepaer est intervenu au Conseil
Communal de Herstal sur les nuisances olfactives (odeur d’urine de chats)
récurrentes à Milmort. Il y avait une forte suspicion sur l’entreprise HTC
(Tanks Cleaning). Cette entreprise a dû
investir 250.000 euros pour recouvrir 2 bassins par des parasols géants, une
installation de biofiltration, un
encuvement de 1200 m2, 5 quais de déchargement de camions hermétiques, un hall
de 108 m2 et un bassin de rétention. Outre ces aménagements techniques, des
espaces verts et un éclairage sont prévus. Bref, c’est devenu Herstal plage
avec des parasols et tutti quanti.
Dans la Rue Bêche une autre ferme intéressante.
Elle a même sa Bêchette - Bière de Milmort.
La bière n’est pas brassé là, mais elle est brassé avec les fraises de la
ferme. La fermière fait un sirop de fraises qu’utilise une brasserie
artisanale. Elle confectionne aussi des confitures maison avec ses fraises de
pleine terre, même pas sous un tunnel, et surtout sans utilisation de
pesticides. Et puis, il y a les poulets fermiers à cuire ou déjà rôties, les
œufs des poules, les plats cuisinés par Myriam et des fromages, des salaisons,
de la viande, des fruits et des légumes…
L’Eglise saint Hubert remonte à 1350 et est l’œuvre d’un architecte renommé, Fernand Lohest
Si l’Eglise saint Hubert est néogothique (elle
est de 1905 ; on a fêté son centenaire en 2005 et on y a servi vin de
Saint-Hubert !), l'église précédente datait des années
1350, à l'exception du transept et du choeur élevés vers 1500. Les mermwètois
ont pris du temps avant de se décider pour la reconstruction : un premier
projet de reconstruction et agrandissement fut livré en 1867 par l'architecte
Lambrecht, de Herstal, un second en 1900 par l'architecte Kaiser, de
Maastricht, enfin un troisième en 1901 par Fernand Lohest, de Liège, qui reçut
l'approbation définitive le 14 Janvier 1903.
Il était temps : l’église était devenue trop petite et surtout risquait de s’écrouler…Des églises qui deviennent trop petites, il faut déjà remonter un peu dans le temps…
Il était temps : l’église était devenue trop petite et surtout risquait de s’écrouler…Des églises qui deviennent trop petites, il faut déjà remonter un peu dans le temps…
Fernand LOHEST (1864 - 1932) est à la fois
architecte et archéologue, ce qui explique la récupération des anciens piliers de
l’église médiévale de 1350 pour son nouveau bâtiment. Il a un beau
palmarès : la reconstruction de la tribune nord du chœur à l'égliseSaint-Jacques en 1914, la restauration du palais des
princes-évêques, l'église de Fexhe-le-Haut-Clocher en 1895, le cloître et le
portail de la cathédrale Saint-Paul en 1908, la chapelle Saint-Lambert (ou
Saint Orémus) à
Herstal en 1927, la basilique Saint-Martin en 1930 ainsi que l'abbaye d'Orval
et des châteaux de Franchimont et de Bouillon.
L’essor du néogothique en Belgique est à
mettre sur la cuisante défaite électorale des libéraux, en 1884. Suite à ça, le
premier ministre libéral Frère-Orban démissionne et les catholiques obtiennent
une majorité absolue qu’ils garderont jusqu’à la Première guerre mondiale. Ils
en profitent pour marquer leur territoire. Ca mérite de ma part un blog à part,
d’autant plus que nous avons au cimetière de Foxhalle le beau monument
funéraire du Delsaux, notre Viollet-le-duc liégeois. L’église de Milmort est
une reconstruction, mais les Saint-Lucistes néogothiques se donnaient à
cœur-joie aussi à la restauration, dont ils avaient une conception assez
particulière. Ils prétendaient mieux faire que les bâtisseurs gothiques ! La
chapelle Orémus par exemple avait depuis 1758 un nef. Après la ‘restauration‘
de Lohest elle en retrouve trois. Les jours néo-romans de la nef, en plein
cintre, sont de sa main.
On ne saurait évidemment juger ces ‘gothiques’à
l’aune du respect de l’ancien qui est la norme aujourd’hui, mais ils imposaient
quand même de manière assez brutale leurs principes, sans respect pour
l’édifice d’origine.
Pour les trésors de l’Eglise voir http://balat.kikirpa.be/results.php?startfrom=2
La grosse cloche date de 1473 : elle est
l'une des plus vieilles du pays. Elle a
survécu aux réquisitions napoléoniennes et allemandes. Les allemands ont jugé
que vu son âge la composition de l’alliage était trop incertaine.
La cloche, l’église, les Darchis :
Milmort n’a pas volé son titre de millénaire, et a érigé à juste titre un petit
monument. C’est là que se termine notre balade. Avant de s’attabler dans le
chalet de Milmort s’éveille (pour ceux que qui veulent terminer leur balade
santé en beauté), on salue bien bas le petit monument du millénaire…
Morale de cette histoire de balades santé
Seules les pensées que l’on a en marchant
valent quelque chose. (Nietzsche, Crépuscule des idoles)
"On peut toujours marcher avec des
cailloux dans ses chaussures, mais on avance quand même mieux si l'on prend le
temps de les retirer... " (Docteur Jean Claude Oualid)
Marcher, c'est retrouver son instinct
primitif, sa place et sa vraie position, son équilibre mental et physique.
C'est aller avec soi, sans autre recours que ses jambes et sa tête. Sans autre
moteur que celui du coeur, celui du moral. (Jacques Lanzmann)
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