Mérmwète, chef lieu de canton
ephémère avec ses Belles de Milmort et ses huitres d’Oléron
Milmort, c’est tentant
de l’expliquer par une grande bataille qui a laissé mille morts. C’est ce que
fait notre chroniqueur principautaire Jean des Preis(des prés à outremeuse) : « et celle fut apalée Milhemort, portant que
en temps que ons le edifioit oit la 1 batalhe, où ilh oit milhe hommes morts
entre les parties » (Li Mireur des Histors). Notre Jean des Preis avait une imagination
débordante mais il cherche trop loin. Il faut chercher l’explication dans le
wallon Mermwète: une mare morte,
traduite par les moines de Saint Riquier en Matermortua. L’abbaye cède ces
terres en 1007 à un chevalier nommé Hubert pour cent sous d’argent et un cens
annuel de 25 sous. Avec ça nous savons ce que Mermwète vaut !
Ajouter une légende |
Vottem avait ses
fraises - la St-Lambert, la Merveilleuse et surtout la Souvenir Charles
Marchiroux. Milmort aussi avait ses « Belles
de Milmort ». Mais aujourd’hui on y vient pour ses huitres: un Grand Festival de l'huitre de Milmort est organisé chaque année dans le plus
petit village de Noël du monde : un
seul chalet ! Pour celui qui ne les aime pas nature je les conseille gratinées.
35000 huîtres y sont dégustées au profit des papilles gustatives, … et des
associations de jeunesse et d'œuvres sociales du Village. Oufti ! Quéne afêre a
Mérmwète !
Millemorte a aussi été
chef lieu de canton ephémère! En 1795 le Directoire de la République française
instaure les Municipalités des Cantons. Le 27°
canton regroupe 20 localités avec 12.752 habitants dont Herstal, Glons,
Juprelle, Rocourt et Millemorte comme chef lieu ! Un lieu beaucoup plus central
que ne l’est aujourd’hui Herstal pour ses communes fusionnées. Mais malgré cela
la première réunion dans la ferme des Prémontrés ou d’Archis, le 19 janvier
1796, commence mal : il y a 15 absents sur 40 maires et 12 des 25 présents
refusent de prêter le serment de fidélité à la République. Le 31 juillet 1796
le chef-lieu est transféré à Herstal. Mais cela provoque aussi une dissidence
et on fixe finalement le chef lieu à Hermée. En 1789 Milmort comptait 478
habitants, dont 53 mendiants errants. 32 savaient lire et écrire (Spécial millénaire Matermortua
1007- Milmort 2007 Musée herstalien N°136 mars 2007).
Le café de la gare, ma Maison du
Peuple
Nous commençons (et
terminons) notre balade au café de la gare à Milmort, un vrai café de village,
avec un cuistot intéressant. Pour moi c’est aussi un peu ma Maison du Peuple :
trois générations de restructurés d’Uniroyal s’y donnaient rendez-vous pour
contester des plans de fermetures successives, et j’ai eu l’honneur de les
conseiller dans leurs démarches juridiques, dont le dernier s’est terminé en
2014 seulement.
J’ai aussi contribué à
la publication d’un dossier sur cette affaire par la Gresea.
Le passage à niveaux
de la gare de Milmort sera bientôt supprimé, avec celui plus loin de la rue de
Lambotte. Si Infrabel arrive à se mettre d’accord avec la SPI et la Ville,
parce qu’il y a un problème suite à l’extension des Hauts Sarts en direction de
Hermée. Les deux ronds points rue de Hermée, à l’autre bout du zoning, saturent
aux heures de pointe. Pour résoudre ce
problème, le PCM Herstal avait proposé en 2009 un nouvel échangeur à … Milmort ! En 2013 la SPI
reprend ce projet et place cet échangeur à hauteur de la rue Bêche, en coupant
la rue de l’Escousset, la rue du Tilice et la Route de Hermée : excusez du
peu.
Non seulement la ferme
Lohest est coupé de ses champs : la SPI trace aussi une route à travers
les champs, dans la prolongation du 2ième Avenue, pour que les
camions puissent atteindre directement cet échangeur. Le fermier voit ça à
juste titre comme la prochaine extension du zoning. Les auteurs de l’étude
d’incidence se sont rendus compte de la forte opposition contre ce projet et ses
incohérences, mais n’abandonnent pas et le postposent.
Le viaduc qui doit
remplacer les deux passages à niveau à Milmort déboucherait donc sur trois routes qui pourraient demain être
fermées (l’Escousset, Tilice et la Route de Hermée). Infrabel a un véritable
casse tête avec cette situation.
Par contre on peut
espérer un élargissement du tunnel en dessous du chemin de fer rue Bêche (mesure
essentielle pour éviter le passage de camions dans le centre de Milmort). Mais
là aussi ce nouvel échangeur plombe ce projet… Sans compter qu’Infrabel, la SPI
et la Ville ne sont pas encore d’accord sur la facture.
Une ferme historique menacée par la
SPI
Ajouter une légende |
Nous prenons la rue de
l’Escousset, avec la ferme Lhoest. En fait, une ferme historique : la
cense «Anthoienne Darchis dict Le Compte
». Compte de compteur ; pas comte. Autrement dit : comptable de la ‘cour d’Arcis appartenante à l’Abbaye de Beaurepart’. Dans cette abbaye des Prémontrés se trouve aujourd'hui le séminaire de Liège. En fait, cette ferme est la seconde cense de Beaurepart, la première étant la
ferme D’Archis. L’abbaye n’a pas éprouvé le besoin de donner un nom à celle de
l’Escousset. Deux pierres dans la façade de la cour intérieure donnent le
millésimé 1624, date de construction probable. Les Darchis ont été métayers
dans les deux fermes. Métayer ne veut
pas dire pauvre. Depuis 1600 nous retrouvons plusieurs Darchis comme notaires à
la chancellerie pontificale ! Ce qui explique qu’en 1699 Lambert Darchis
lègue une partie de sa fortune d’un demi-million d’écus à une ‘hospitium pauperum patriotarum’ à Rome, pour
les jeunes liégeois pauvres se dessinant au service de la Curie Romaine. Ca
deviendra la fondation Darchis qui existe aujourd’hui toujours à Rome.
Au départ, tous les pensionnaires portaient la soutane, «ce qui ne les faisait pas changer de mœurs en changeant d’habit »,
selon G. Kurth. Les candidats faisant défaut, on élargit en 1725 aux peintres,
sculpteurs et musiciens. Dans les pensionnaires on retrouvera Léonard Defrance et André-Modeste Grétry. Lambert Darchis a
ainsi aidé à loger, nourrir et blanchir le responsable de la déstruction de la
cathédrale Saint-Lambert…
En 1797
l’administration révolutionnaire sécularise la fondation qui dispose à l’époque
de 1500 écus romains de revenus, écus qui alimentent même le trésor de guère de
Bonaparte. Après Waterloo, le patrimoine de la fondation était fortement
entamé. Ses rentes suffisent à peine à assurer quelques bourses pour quatre pensionnaires pour une période limité. Aujourd’hui la valeur des bâtiments est estimé à 20 millions d’euros (Leon Henri Darcis, dans Musée
herstalien N°154 novembre 2010).
La ferme est gérée aujourd’hui par HenriLhoest, vice-Président de la FWA, et très actif dans le comité contre
l’extension du zoning.
Le fort de Liers
Le fort de Liers a
joué un rôle important dans la bataille de Rhées, la nuit du 5 au 6 août 1914.
D’abord il a contribué à une (petite) victoire tactique belge en arrosant de
projectiles les allemands qui avaient pénétré à Rhées, dans l’intervalle entre
Liers et Pontisse. Mais Liers a fait basculer la bataille pour les forts de
Liège d’une autre manière. Des bataillons allemands qui s’étaient approchés du
fort de Liers en profitant du talus du chemin de fer sont refoulés. Une
compagnie allemande descend sur Liège et arrive par la rue Saint-Léonard dans
la rue Ste-Foi où se trouve le Q.-G. du lieutenant-général LEMAN,
commandant la Position Fortifiée de Liège. Le petit détachement allemand est
finalement chassé. Mais cette attaque-surprise amène Leman à renvoyer en
arrière toutes les troupes qui devaient protéger les intervalles entre les
forts vers le gros de l’armée belge qui se trouvait sur la Gette. Suite à ça,
les allemands étaient maîtres des intervalles entre les forts et avaient
l’embarras du choix pour installer leurs canons qui tiraient des obus de 420
mm.
Plus dans http://hachhachhh.blogspot.be/2014/02/la-bataille-de-rhees-du-5-aout-1914.html
Un autre fait divers
mène à la petite bataille de Vottem qui nous vaut une place à Ypres, au musée"In Flanders Fields". Deux compagnies chassés par les tirs de Liers se
retrouvent à Vottem où un feu nourri les accueille. Ce qui subsiste de ces deux
compagnies reflue vers Rocourt dans une carrière. Après une escarmouche meurtrière
les chasseurs allemands rejoignent Lixhe. A Vottem, après le repli des troupes
allemandes et belges, les morts et blessés sont abandonnés sur place. Le curé
de Vottem emmène les blessés au couvent, les Belges et les Allemands dans des
salles séparées, et les morts sont enterrés dans deux fosses communes. Tous les
morts – allemands et belges - furent photographiés deux par deux afin d’être
identifiés ultérieurement. Presqu’un siècle plus tard ces plaques en verre
réapparaissent dans une brocante. Onze de ces photos sont exposées à Ypres.
Dès novembre 1914 les
allemands occupent les forts. Dans le mess des officiers de Liers, il reste
encore des inscriptions en allemand. Un monument
se trouve rue des Combattants. L’Harmonie
de Liers interprète bien volontiers deux marches des régiments qui étaient
positionnés autour de Liers en 1914 : les 11e Régiment et le 12e Régiment de Ligne.
Les allemands
améliorent certain forts, comme à Boncelles où l’on construit une tour d’air.
Mais Liers reste tel quel pendant la guerre.
A partir de 1927 la Belgique décide de moderniser certains forts comme
Pontisse. Liers n’est pas réarmé mais transformé en dépôt de munitions avec les
forts de Hollogne et de Lantin.
Vendu à la Fabrique nationale de Herstal pour un franc symbolique en 1949, le
fort de Liers démilitarisé est occupé aujourd'hui par Techspace Aero -
anciennement FN Moteurs - qui y a installé ses bancs d'essais de moteurs
d'avions. En surface, les coupoles de tir ont fait place aux citernes de
kérosène destinées à alimenter les bancs d'essais. Lorsque l'on travaille en
endurance, explique l'ingénieur de Techspace, un moteur consomme 80.000 l en
trois jours en tournant 24 h sur 24. Le mur d'enceinte a été détruit à la
dynamite afin de laisser entrer les camions dans la fosse antipersonnel. De
part et d'autre des enceintes d'escarpes et de contre-escarpes, des toits ont
été lancés, histoire de construire des hangars. Dans ces locaux on retrouve un
véritable résumé de l'épopée de la FN moteurs : les vieux bancs d'essais des
moteurs de Gloster Meteor, de Fouga Magister ou des moteurs Atar de Mirage. Les
moteurs d'Airbus A 320 installé sur de nouveaux bancs sont protégés par une
porte de 13 tonnes. Le poids du dossier
d'un moteur est plus lourd que le moteur lui-même. « Il n'y a que les ingestions de pigeon dans les turbines que nous ne
reproduisons pas. Cela se fait sur d'autres bancs d'essais avec des tirs au
poulet».
Lors de la fusion des
communes de 1977, le fort est traversé de part en part par les nouvelles limites communales sans conséquences pour la solidité de l’ouvrage….
La Ferme Tilice ou Delforge
La ferme Tilice photo Eddy Van LOO |
Nous suivons un sentier qui longe l’autoroute pour déboucher dans la rue de Tilice. Jusqu'en 1740, Tilice et Anixhe constituaient une enclave de la seigneurie de Herstal dans le pays de Liège pour être ensuite rachetée par le Prince Evèque Georges Louis de Berghe. En 1804 Tilice fut rattaché a Fexhe-Slins. La ferme Tilice ou Delforge est construite sur les bases d'une ancienne abbaye. La chapelle date de l'an 1590.
Nous passons un peu
plus loin, au cimetière de Hermée, devant un petit
monument en honneur du Lancaster MK II KO-L , descendu le 19/11/1943. C’était un des premiers raids de la bataille pour Berlin. Le général Arthur "Bomber" Harris espérait
ainsi briser la résistance allemande: "cela
nous coûtera entre 400 et 500 avions. Mais les nazis perdront a guerre".
Entre Novembre 1943 et mars 1944, Harris lance 16 raids sur Berlin. Ca a été un
échec qui a couté à la RAF 1.047
bombardiers descendus, 1.682 fortement endommagés, et 7.000 pilotes perdus. C’est incroyable ce que
l’on retrouve comme détails aujourd’hui. Je n’ai pas réussi à savoir ce qu’ils
ont mangé cette nuit. Mais je sais que ce 18 novembre 440 Lancaster ont été envoyés sur Berlin. 26 ont raté leur cible. Neuf avions ont été perdus,
avec 43 morts et 23 aviateurs faits prisonniers. Le KO-L (DS680) a été descendu sur son chemin
de retour par Oblt. von Bonin du II./NJG1 (NJG= nachtjagdgeschwader : des
chasseurs de nuit) et s’est écrasé
à Hermée. Aucun survivant: le pilote autralien P/O Raymond Peat, le co-pilote
Sgt Neil McKay; le navigateur Sgt Noel Shaw; le radio Sgt François Collenet; le
meccano Sgt Hugh Bannister; le pointeur F/Sgt Murray Richardson RCAF ; les
mitrailleurs Sgt George Sharratt et F/Sgt Sydney Anderson RCAF. Ces membres
d’équipages sont enterrés à Heverlee. Pour ceux qui maitrisent l’anglais, voici
le lien vers un récit de ce raid. Toute notre région,
sur le passage le plus court vers l’Allemagne, avait été truffé d’artillerie
antiaérienne et presque chaque village compte une épave de bombardier.
Biblio
Spécial millénaire Matermortua
1007- Milmort 2007 Musée herstalien N°136 mars 2007
Leon Henri Darcis,
dans Musée herstalien N°154 novembre 2010
Daniel Bastin, Les
forts de Pontisse & de Liers
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire