La châsse de Sainte-Ode, «trésor de
Wallonie», un chef-d’œuvre de l’orfèvrerie mosane du XIIIe
siècle, ne sortait de son coffre-fort dans
la collégiale d’Amay qu’une ou deux fois l’an. On veut la mettre dans une
vitrine blindée, elle-même dans un meuble. Meuble qui sera placé dans le
capitulaire. C'est presque des poupées russes: une châsse dans une vitrine dans
un meuble dans le capitulaire. C’est dans le capitulaire où se réunissaient les
neuf chanoines. Heureusement que les temps ont changé: sous l'ancien régime les
collégiales étaient la chasse (=/= châsse!) gardée des chanoines, et étaient
ouvertes rarement au public. Mais il y a toujours des discussions avec la
fabrique d’église sur le meuble. Pourtant, dans la même collégiale d’Amay, il y a le sarcophage de sainte
Ode. L’original est dans le crypte . Une copie qu’on peut toucher et palper
est dans les cloîtres.
Qu’on s’achète une bonne imprimante 3D et qu’on
fait une copie de la châsse ; et qu’on range cette œuvre précieuse dans
son coffre fort pour la ressortir une ou deux fois par an, comme c’était d’ailleurs
la coutume à l’époque. Ca amènera un peu de monde dans la procession !
Les Musées des copies
Meunier et son fils à Séville |
D’où vient ce rejet des copies ? Fin du 19° on
a commencé partout des Musée des copies et les plus grands artistes y ont
contribué. Ma seule explication est qu’on a réussi à nous faire regarder les
œuvres d’art avec les yeux de Picsou : combien de dollars de valeur ?
En 2008 une exposition "Constantin Meunier en l'Andalousie" au Musée
des Beaux-Arts de Bruxelles, a réuni 75 esquisses et tableaux, tous des copies
! En 1882 le gouvernement, en la personne du directeur de l'Administration des
Beaux-Arts, demande à Constantin de réaliser une copie de la Descente de croix
de Pedro Campaña conservée à la Cathédrale de Séville : les autorités
bruxelloises imaginent ni plus ni moins la création d'un Musée des copies
regroupant les grands chefs-d'œuvre de l'art belge conservés à l'étranger. La
France a inauguré un tel musée à Paris vers 1870. Constantin séjourne à Séville
d'octobre 1882 à avril 1883. En 1883, sa Descente de croix arrive à Bruxelles
pour étoffer les collections du Musée des Copies. Très controversé, celui-ci
ferme ses portes en 1891 (le Musée des Copies de Paris fit pareil dès 1876).
Dans l’autre sens, il y a des grandes
œuvres restaurées qui ne sont plus qu'une "réédition" de l'original.
A Bruges, en 2004, a eu lieu une expo coup-de-poing sur les restaurations
abusives qui peuvent aller jusqu'à la totale falsification mercantile. Car ce
qui était considéré voici 100 ou 150 ans comme une restauration justifiée
apparaît aujourd'hui comme une falsification en bonne et due forme. « Fake/not fake ? » présentait six
tableaux attribués aux primitifs flamands, En vedette de
l'exposition,
Joseph-Marie Van der Veken (1872 – 1974), restaurateur belge, praticien
pragmatique et expert de renommée mondiale. Au point où on lui a demandé de
peindre une copie des « Juges intègres
», le panneau du Triptyque de l'Agneau mystique de Jan van Eyck volé en 1934.
Afin d'éviter tout malentendu, le restaurateur donna à l'un des chevaliers les
traits du roi Léopold III. Mais d’autres de ses tableaux sont des faux. « Vierge à l'Enfant » se métamorphose en «
Repos pendant la fuite en Egypte ».
Il y ajoute saint Joseph, un panier et un baluchon. Le visage d'une Vierge,
entièrement refait, prend les traits de la fille de son jardinier ! Primitif ?
Il n'hésite d'ailleurs pas à assembler des
mains d'un tableau de van Eyck, une tête prise chez Hans Holbein, un corps
piqué chez Cranach. Il vend cela à des antiquaires qui font passer ces tableaux
pour des primitifs authentifiés. Pas bête, l'homme va très vite se mettre à son
propre compte et vendre lui-même « ses
» primitifs. On le voit poser à la manière de Memling en photo, puis se
dessiner dans la plus pure inspiration du maître flamand. C'est le champion de
l'art de la craquelure. On le voit dans la « Vierge à l'Enfant » attribuée initialement à Rogier de la Pasture
et dite Madone Renders, du nom du banquier et ami de Van der Veken qui lui
avait confié la restauration. Il a gratté une partie de la couche picturale
jusqu'au bois pour la repeindre. Van der Veken a développé un concept inédit,
d'un point de vue juridique beaucoup moins dangereux que la création de toutes
pièces d'oeuvres anciennes : l'hyperrestauration, ou le faux partiel sur base
d'un ancien tableau. Van der Veken rachète des oeuvres endommagées ou
médiocres. On imagine la suite de la création totale... Pendant la Seconde
Guerre mondiale, Emile Renders vendra sa collection au maréchal Goering. Sa
plus grande fierté: « La Vierge au chanoine Van der Paele ». L’homme est
tellement incorrigible qu’à sa mort, il
lègue encore à ses petits-fils quelque « Vierge à l'enfant », l'une
copiée d'après Bouts, et l'autre, d'après Gossaert. Mais on ne parle pas ici
des œuvres qu’il a officiellement retaurés et qui se trouvent dans tous les
musées belges…
Il y a quelques années, la pièce maîtresse de l’expo « Van Gogh au Borinage » était Le semeur, ou plutôt les semeurs, une partie des innombrables copies que Van Gogh a fait de Millet. Mons expose une grande toile 64 x 55 cm et une petite, 32 par 40 cm, ainsi qu’un dessin sur le même thème que Tomonori Tsuchimori, le conservateur en chef du Uchara Museum of Modern Art, a accompagné personnellement jusqu’à Mons.
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