vue depuis le petit bacnure |
Depuis mars 2014, Médecine pour le Peuple
Herstal organise tous les deuxièmes dimanches du mois une balade-santé de +- 2 heures. Cette balade du 14 décembre 2014 part de la
gare de Herstal. Il y a quand même deux fois un dénivellé de +- 80 mètres et les
sentiers sur un terril peuvent tâcher souliers et bas de pantalon…
On se rend compte que les deux terrils De
Belle Vue et de Bernalmont ont été chargés principalement pendant et après la
guerre, quand on compare leur taille actuelle avec les mamelles de 1939, lors
de l’Exposition de l’eau.
En plus, ils se chevauchent. Les deux
charbonnages se sont chamaillés comme des chiffonniers et un géomètre a été
appelé assez souvent pour déterminer lequel a débordé sur l’autre. Au vu du
résultat, il a perdu son temps…
Pieper et le Bur de la Pucelle
Dans le cadre de la requalification du
quartier, la Ville a aménagé un parc ‘paysager’ (=bas entretien- sans
connotation négative) sur les flancs des coteaux qui bordent l’ancienne gare de
marchandises. Ce parc couvre en fait l’ancien site des Etablissements Pieper, installés dès 1907 rue Petite Foxhalle. Connu par les amateurs d’armes pour ses
pistolets de poche Bayard, Pieper a aussi fabriqué dès 1934 la Mitraillette 34
pour l’armée belge. En 1940 une direction allemande supervise la production de
mitrailleuses lourdes pour la Luftwaffe. Ce qui explique quelques bombardements
de la part des Britanniques à la fin de la guerre. En 1944, les AEP reprennent
difficilement leurs activités. La faillite suit en 1953. Les bâtiments ont été
détruits en 1957.
A droite, la Rue Champs des Oiseaux était
dénommée précédemment chemin des Pucelles, parce que s’y trouvait le bur ‘delle
Pucelle’, autrement dit "de la Vierge Marie" exploitée vers
1700. Le bur avait une profondeur de 47
mètres. Lors d’une balade santé, un participant m’a raconté comment ils
jouaient dans les ruines de Pieper et avaient accès à ce puits. Tous ces puits
de moins de 80 mètres datent d’avant l’introduction des machines à vapeur,
lorsqu’il était très laborieux d’évacuer l’eau en dessous des graviers du lit
de la Meuse. On utilisait quand même des
chevaux, des ânes, des chiens lévriers ou des moulins à vent pour actionner
des pompes, mais le résultat était aléatoire.
Nous suivons la rue de la Crête dans l’axe de
la rue des Vignes. Cette « rue » est bordée d'une série de pavillons,
construits par le charbonnage en 1947 pour y loger ses travailleurs
étrangers. Les 20 pavillons de la rue de
la Crête étaient réservés aux familles.
Tandis que les pavillons de la rue des Petites Roches étaient aménagés
en phalanstère pour les "célibataires". En réalité, ces "célibataires" étaient pour la plupart mariés mais venus en
Belgique sans leurs familles.
On peut faire le tour des 2 terrils à partir
de la rue de la Crête en empruntant le passage situé à gauche ou par le passage
situé face au n° 46 de la rue des Vignes.
Le terril de Belle-Vue
Belle-Vue un peu après la fermeture |
A hauteur des
établissements “La Marée”, se trouvait le charbonnage de Belle-Vue. Le Charbonnage de Belle-Vue et Bien-Venue à Herstal est acquis en 1930 par les
Charbonnages du Hasard, une ancienne société charbonnière dont la concession se
situait sur les territoires de Cheratte, Housse, Barchon, Cerexhe-Heuseux,
Soumagne et Fléron. La Société cessera ses activités avec la fermeture de
Cheratte en 1977.
Le terril de Belle-Vue a un volume de
1.300.000 m3 et une hauteur de 80 m. Il
a été chargé jusqu'en 1968. Le terril était
chargé par skip, avec au sommet un culbuteur et des glissières. En bas de la Ruelle des Renards, la maisonnette
marquée au fronton ‘1923’ abritait le
machiniste et le treuil de la mise à terril du charbonnage de Belle Vue. Un skips est un wagonnet roulant sur la voie
inclinée du terril, les roues arrière étaient doublées de façon à produire le culbutageautomatique du skips lorsque celui-ci arrivait au sommet du terril.
Le terril de Bernalmont
La société charbonnière de la Grande Bacnure
fut fondée en 1824. Sa paire supérieure
est située à Bernalmont et sa paire inférieure rue Derrière Coronmeuse. En 1830, elle reçoit acte de sa concession de
275 hectares. En 1840, elle occupe 260 ouvriers et possède 2 machines à vapeur.
En 1862, la concession de la Grande Bacnure est portée à 290 hectares, elle
s'étend sous Liège, Herstal, Vottem et Bressoux. En 1920 elle fusionne avec la
Petite Bacnure, mais en réalité ces deux sociétés dépendaient depuis longtemps
de la famille Braconnier. On réunit alors les différents sièges par un tunnel
qui partait d'un étage inférieur du puits de la Petite Bacnure, à - 30 mètres,
pour arriver à - 47 mètres au puits de Gérard Cloes et de là aboutir à
Coronmeuse dans la rue J. Truffaut entre les maisons nos 49 et 53. A la paire inférieure rue Derrière Coronmeuse
une partie de la production est lavée. C’est par ce tunnel que les pierres
résidus du lavoir retournent pour la mise à terril.
Le terril de
Bernalmont http://terrilsdeliege.11vm-serv.net/BERNALMONT a un volume de +/-
3.000.000 m3,
une hauteur de 84 m, une masse de 4,9 millions de tonnes et il occupe une
surface de 11,50 hectares. Il fut chargé
de 1920 à 1971, des stériles de Gérard Cloes mais aussi d'une partie de ceux de
la Petite Bacnure. Le siège de Gérard Cloes fut en exploitation jusqu'en 1960,
mais subsista en tant que siège annexe à la Petite Bacnure jusqu'à la fermeture
de ce dernier en 1971.
La prairie aux chevaux aveugles.
Au carrefour de la rue Henri Nottet et de la Lavaniste-Voie, il
y avait autrefois une prairie dénommée "la prairie des chevaux aveugles". C'est là que le charbonnage
mettait au vert ses chevaux de fond. A partir du XVIe siècle, des
manèges à chevaux faisaient tourner les roues d'extraction, mais ce n'est que
vers 1815 que la traction chevaline est utilisée dans le fond. Au début ils restaient quasi à demeure dans
le fond, puis à la faveur des congés payés instaurés en 1936 et de la
limitation de la durée du travail hebdomadaire, ils étaient remontés assez
régulièrement.
Sur le fait de savoir s'ils étaient
bien traités, les témoignages varient.
Au charbonnage de Milmort il est assez fréquent que des ouvriers soient
mis à l'amende pour mauvais traitements infligés aux chevaux. Pour le seul charbonnage de Cheratte, de 1931
à 1956, au moins 56 cadavres de chevaux furent remontés du fond de la mine.
Ayant été, avant guerre, objet de
dénonciation concernant le mauvais traitement subi par ses chevaux de mine, le
charbonnage de la Petite Bacnure invita la Ligue de défense des chevaux de mine
à visiter ses chevaux. Le rapport dressé
à l'époque précise que les chevaux en liberté étaient bien soignés, bien
traités et "heureux de la récompense
qui leur était accordée après une semaine de labeur" (Le destin des chevaux de mine, Ed. par la Ligue
pour la défense et la protection des chevaux de mine, Liège, 1938).
Le terril de la Petite Bacnure
L’accès au terril se fait par un sentier situé
à mi-parcours du tronçon de la rue Campagne de la Bance situé entre la rue de
Herstal et la rue de la Houillère. Ce sentier en montée douce conduit à la
crête du terril.
En 1658 une fosse "la Petite
Backeneure" existait à La Préalle.
La concession de la Petite Bacnure établie en 1830 couvrait 130
hectares. Elle s'étendra par la suite sur
238 hectares. En 1840 la profondeur du
puits est de 158 m et le charbonnage compte 227 mineurs.
La Petite Bacnure a fusionné en 1920 avec la
Grande Bacnure. En 1925 le siège de la Petite Bacnure compte 791 ouvriers dont
571 au fond et 220 à la surface. En 1955
pour les deux sièges, il y a 2012 ouvriers.
Ce charbonnage arrêta son exploitation souterraine en 1971. En septembre
1975 la belle-fleur s'écroule sous les coups des démolisseurs.
Les deux puits de mine de la Petite Bacnure sont
marqués par une borne posée sur la dalle de couverture du puits : «Bacnure
n° 1 - P.B. - 704 m. - 1971» et pour l’autre «Bacnure n° 2 - P.B. - 702 m. -
1971» (la concession minière, le n° (et la hiérarchie) du puits, le nom du
siège du charbonnage, la profondeur et l’année de fermeture du puits. Ces
emplacements de puits de mine sont protégés par la législation minière. Il s'agit de la profondeur totale du puits,
pour les mineurs la cage descendait à 675 mètres, ensuite les mineurs
descendaient plusieurs grâles pour atteindre jusqu'à 900 mètres).
La hauteur du terril par rapport au niveau du
sol est de 83 mètres. Le sommet du terril est à 198 m d’altitude. Il fait 3,2
millions de m3 et 5,6 millions de tonnes.
D'après un sondage réalisé par l'INIEX en
1977, 25 % de son volume était en combustion. Au sommet, on peut observer, sur
une vingtaine de m², des boursouflures ou des croûtes par lesquelles
s'échappent des fumerolles faites de vapeurs d’eau et de gaz sulfureux. J’ai eu
le plaisir de montrer ces fumerolles à un artiste en résidence aux ateliers
RAVI de la Ville de Liège (Résidences Ateliers Vivegnis International, Jerome Giller,
qui a fait sur cette base un vidéomontage magnifique que j’espère un de ces
jours pouvoir vous présenter.
Une nébuleuse de sociétés gravitant autour des terrils
entrée charbonnage cloes |
La S.A. de la Grande Bacnure existe toujours,
comme société en en liquidation. Les droits d'exploitation du schiste du
terril ont été confiés à la s.a. Betorix, puis par la suite à la s.a. Fondation
Sud-Africaine (FSA). A noter que la s.a.
de la Grande Bacnure, la S.I.R., et la F.S.A. avaient des administrateurs communs et avait une adresse
commune: rue du Petit-Chêne, 95. L'expert Petitjean parle de "ceux qui gèrent la nébuleuse de sociétés
gravitant autour du terril" (Morelle, Liège-Matin RTBF du 08-03-2007).
Aujourd'hui les actions de cette Belle aux bois
dormante sont dans les mains de Valimo qui espère tôt ou tard valoriser ces dizaines d’hectares.
Le Décret du 9-5-1985 de la Région Wallonne avait établi un classement
des terrils en 3 catégories "A", "B" ou "C". Un
premier classement a été établi en 1989, puis un second en 1995. Le 9/3/1995, le terril a été classé en
catégorie "C", c'est-à-dire éventuellement exploitable, cela suite à
une intervention de la S.I.R, à l'époque partenaire
immobilier du Golf de Bernalmont, qui avançait une extension possible du golf,
bien que son intention était tout autant l’exploitation du terril. La S.I.R. avait d’ailleurs déjà présenté en
1987 une maquette avec le terril de la Petite Bacnure remodelé en illustration
du projet de création du golf.
Depuis ce projet a été abandonné et la liaison
entre le golf et le terril coupée par un lotissement.
En 1999 encore la SIR avait suggéré
l’exploitation du terril.
Un glissement de terrain
Pourtant, l’INIEX avait conclu, en 1989 déjà,
que le terril de la Petite Bacnure est non exploitable pour ce qui est de la
récupération de charbon. Et pour cause,
dans les parties brûlées du terril, il n’y a plus de matière combustible. Même l'exploitation
du schiste rouge du terril de la Petite Bacnure n’est pas envisageable à cause
de la combustion. Cet avertissement est
d’autant plus fondé que le terril a connu en 1969 un début d’exploitation de
schiste en tant que remblais. L’exploitation menée en dehors de toute règle de
sécurité ne survécut pas à un accident mortel survenu sur le chantier au pied
du terril.
Un glissement de terrain relance le débat en
avril 1999. Une partie du versant sud-ouest du terril s'effondre et obstrue
partiellement la rue Campagne de la Bance. La cause de ce glissement est le
tassement dû à la combustion, et l’humidification de la base du terril par la
non-évacuation des eaux de ruissellement et d’égouttage. Quand la SIR doit
passer à la caisse, ils sont aux abonnés absents. Le déblaiement traine en
longueur, ainsi que l’enquête sur les causes. En 2006 Frédéric Daerden veut
"avancer sur le terril de la Petite Bacnure. Un
jugement doit intervenir le 15 juin. Il faut en profiter pour changer le terril
de catégorie et le faire araser pour débloquer la situation" (La Meuse du 2 juin 2006, "Les
premières volontés du premier homme"). Un jugement
de la Cour d’Appel de Liège du 12-07-2006 condamne Herstal à réaliser des
travaux au pied du terril et à en partager la facture avec la S.I.R. et la
F.P.A. (Fondation Sud-Africaine). La Ville invoque le risque d’insolvabilité de
ces derniers et fait procéder à une saisie conservatoire de 95.000 € sur les
schistes du terril.
Le 16 mars 2009 le Conseil Communal de Herstal a voté la vente
de schistes du terril afin de couvrir une partie des frais de sécurisation du terril. Le PTB a voté contre à cause
des nuisances certaines qu’entraîneraient pour les riverains pendant les 5 à 10
ans d’exploitation du chantier à ciel ouvert pour traiter les 3.231.000 mètres
cubes de schistes du terril.
Nadia
est intervenu au conseil communal : « Le 30 mars 1995 le Conseil communal a votée quasi à l’unanimité une
motion contre la décision de la Région Wallonne de classer le terril de la Petite Bacnure en
catégorie C (éventuellement exploitable après investigations) et non de la
maintenir en catégorie A (inexploitable) comme le souhaitait la Commune. Par ailleurs, ce même
conseil communal réaffirmait sa volonté de voir au plan de secteur ce terril
classé en Zone Naturelle. L’attachement
des Herstaliens à ce qui est leur terril - pétris de leur sueur, si pas de leur
sang - mérite mieux qu’une décision d’arasement. Lorsqu’en 1994 s’était posée la question du
premier classement (A, B, C) des terrils quant à leur valorisation, 448
signatures de riverains ont été recueillies pour la conservation des terrils. »
terril bacnure vu du terril Batterie (Vottem) |
Les terrils herstaliens nous offrent 20
hectares d’espace "nature"
soit 0,9 % du territoire communal.
Ces 20 hectares sont, sur les 2.354 hectares du territoire communal, les seuls espaces verts
et boisés conséquents à l’abri de toute intervention humaine. La valorisation
de nos terrils en tant qu’espaces naturels serait facilitée s’ils avaient le
statut de propriété publique - tel le terril de l’Espérance qui est propriété
de la Commune de Saint-Nicolas. Au plan de secteur, le terril pourrait passer
de la zone verte à la zone naturelle, et, pour ce qui est de sa valorisation,
il pourrait passer de la catégorie "C" "exploitable sous
condition" en catégorie "A" "inexploitable". Enfin le passage du terril au statut de
propriété publique, permettrait d’envisager, pour ce terril remarquable, un
classement en tant que Site. La s.a. des Charbonnage de la Grande Bacnure était
débitrice à l’Etat belge d’emprunts non remboursés. Pourquoi elle n’a pas été
l’objet de saisie, qui aurait pu donner un statut de propriété publique à ces
terrils ?
Les
valeurs écologiques et paysagères de ces terrils sont d’ailleurs mises en avant
dans le Schéma de structure de la Commune de Herstal. Pour le Centre de recherche de l’ULB qui a
élaboré ce Schéma en 2003, le maintien des terrils constitue un atout de base
pour ce qui est de la gestion environnementale du territoire communal
herstalien.
Un terril en combustion
A la surface d'une pointe de combustion on a
une température comprise entre 25 ° C et 60 ° C. Elle peut monter à 100 ° C à
une profondeur quelques dm et à 1000 ° C dans la partie intérieure du foyer.
Il n’y a pas de végétation si la température
dépasse 50 ° C, mais entre 20 ° C et 45 ° C on a une végétation (Digitaria
sanguinalis, myuros Vulpia et Spergularia rubra) liée à un microclimat très particulier,
où le sol ne gèle jamais, et la végétation reste verte pendant tout l'hiver là
où elle sèche rapidement en été. La combustion peut prendre plus de 50 ans.
La flexion gravitropique des arbres sur les
pentes est une conséquence de la reptation du sol, suite de la raideur de la
pente et la faible compacité.
Des glissements de
terrain ont été observés sur tous les terrils, presque tous liés aux zones
ayant de la combustion. Tandis que des glissements de terrain étaient fréquents
dans la période d’activité et ont menés à des catastrophes comme le glissement
de Jupille, les glissements de terrain en cours s'inscrivent dans le cadre du
processus de stabilisation et sont principalement corrélés à la combustion.
Documents
Walthère Franssen (de dos) à Cheratte |
Maud Verkindere "Les terrils à Herstal"
Philippe Frankard, " Flore, végétation et
écologie des terrils charbonniers de la région liégeoise" mémoire de
licence 1984 au Département de botanique de l’Université de Liège.
Intervention du professeur Monjoie du Service
de géologie de l’Université de Liège au Colloque sur les friches de
charbonnages de la région liégeoise, le 27/11/00 à l'ULG
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire