mardi 1 avril 2014

Vottem a une place d’honneur au musée "In Flanders Fields"

Le 28 juillet 1914 l'Autriche avait déclaré la guerre à la Serbie. La mobilisation belge commence seulement le 1er août, quatre jours avant le début des hostilités. C’est de l’improvisation partout. Pour défendre les 5 km entre Pontisse et Liers, les hommes du génie creusèrent dès le 1 août plusieurs retranchements et redoutes sillonnant la campagne de Rhées et de Milmort. Dès le 2 août un renfort de 400 armuriers de la FN et 900 mineurs des charbonnages sont réquisitionnés un dimanche à 5 heures du matin ((Musée Herstalien mai-juin 2007 N° 137).
Cela n’empêche nullement les allemands de contourner le fort de Pontisse dans la nuit du 5 au 6 août, et de déboucher au cimetière de Rhées et aussi au fort de Liers où les obus du fort sèment le désarroi. Une partie deses chasseurs allemands qui s’étaient aventurés jusqu’au Thier à Liège se retirent sur Vottem. La 4ième Compagnie de Jäger dirigée par Hauptman und Kompagniechef Horst von KORTZFLEISCH s’établit à la croix Jouette. Pas de chance pour eux : ils tombent sur la colonne Bertrand qui avait avec sa brigade décroché de Rabosée.  La 11e brigade commandée par le général Bertrand représentait un tiers de la III° division de Leman (à l'initiative de la République libre d'Outremeuse, une  statue de Bertrand  a été exécutée par le sculpteur Louis Gerardy et inaugurée en 1934, près du pont d'Amercoeur, sur la place Théodore Gobert).
L’avant-garde de deux compagnies dirigées par le lieutenant colonel Leestmans parvient à se frayer un passage. Par contre, le gros de la troupe se heurte à la résistance allemande. La deuxième colonne du bataillon divisionnaire du génie belge qui marche en tête a des pertes sévères. Van Loo du 11° de Ligne venant de la Préalle avec une cinquantaine d’hommes entre en contact avec les chasseurs allemands Van Loo est tué; ainsi que le commandant allemand von Kortzfleisch. 
Une autre compagnie de ces chasseurs était descendue sur Liège et était arrivée à Saint Léonard au  Q.-G. du lieutenant-général LEMAN, commandant la Position Fortifiée de Liège. Le petit détachement allemand est finalement chassé. Mais cette attaque-surprise amèneLeman à renvoyer toutes les troupes qui devaient protéger les intervalles entre les forts.
L’abbé Crèvecoeur de Vottem décrit ces scènes, ainsi que le coup de main contre le Q.G. du Général Leman (W. Dewé, La Victoire pacifique de l'Abbé Crèvecoeur,curé de Vottem 6 sept. 1914 ; L'authenticité du coup de main tramé contre le Q.G. du Général Leman. Préf. du Lt. Général en retraite ver Eecke).
Mais il est aussi à l’origine d’un évènement qui assurera à Vottem une place d’honneur dans la musée Flanders Fields à Ypres. Voici comment un anglais raconte ça sur le Great War Forum en 2008 : « Le 6 Août 1914, à Vottem, les soldats belges et allemands ont été blessés et tués au cours d'une escarmouche . 22 Belges et 11 Allemands ont été retrouvés morts. Le prêtre local, l'abbé Crèvecoeur, décide de les enterrer au cimetière local dans deux fosses communes. Avant cela, avec l'aide des villageois et peut-être un policier, le photographe local prend des photos des soldats belges et allemands décédés . Les corps ont été placés sur une chaise, les assistants tenaient les soldats par les cheveux. La plupart des assistants à la scène fumaient, probablement pour chasser de puanteur. Avec l'aide de ces photos, le prêtre local a contacté les familles. En 1916, il a été en mesure d'identifier tous les soldats belges qui sont inhumés
dans une nouvelle tombe. En 1920, la justice belge a confirmé le processus d'identification. En 1923, tous les soldats belges ont été inhumés dans un cimetière militaire belge près de Liège ou dans leur village d'origine. Les soldats allemands ont été enterrés pendant la guerre à Liège (note HH : peut être à Rhées – à vérifier). Fin Août 1914, l'armée allemande a étudié de nombreux incidents dans la région de Liège où les habitants belges ont été accusés d'avoir tué des soldats allemands. À Vottem, les images (certainement ceux des corps allemands ) ont évité des représailles envers la population locale. Les photos des soldats allemands sont remis à l'enquêteur allemand. Après la guerre , les 22 plaques de verre sont perdues. Ils réapparaissent sur un marché aux puces local en 2003 où un couple néerlandais les achète et les présente au musée In Flanders Fields. Au début, on pensait que  les plaques de verre étaient des preuves d'atrocités allemandes contre les Belges. Comme aucun nom avait été inscrit sur les plaques, on a du recommencer le processus d'identification » .
Dans son livre l’abbé Crèvecoeur de Vottem donne des renseignements sur ces victimes souvent du 11e de ligne et venant des provinces de Liège ou du Limbourg (In Flanders Fields Magazine, 6eme année, n°12, Juillet 2004,24 p.) . 
Dans la brochure pédagogique du musée "In Flanders Fields"on peut donc lire à la page 22: « Vottem, 6 août 1914 - les premiers morts ». Après s’être battues dans le village, les troupes allemandes et belges se replient, les morts et blessés sont abandonnés sur place. Les habitants prennent alors pitié d’eux. Les blessés sont emmenés au couvent, les Belges et les Allemands dans des salles séparées, et les morts sont enterrés dans deux fosses communes. Tous les morts furent photographiés deux par deux afin d’être identifiés ultérieurement". "La caméra enregistre les visages sans vie, défigurés, leur regard figé et stupéfait face à la folie. Comme si ces hommes n’avaient jamais réellement cru que la guerre puisse leur arracher la vie".
Vottem mérite sa place à Flanders Fields, et mériterait aussi plus de place dans la mémoire collective de Herstal ! En plus, en 2004, à la demande du Flanders Field Museum, le compositeur Liégeois, Stéphane Houben  compose un petit « Vottem requiem » pour soprano, piano, violoncelle et flûte, pour les victimes de Vottem. http://grandhornu.docressources.org/opac/index.php?lvl=notice_display&id=4263 Flanders Fields a édité en 2004 un CD audio de 16 min en quatre parties :
- Lanscape (4'45")
- Lament (3'31")
- Requiem (6'50")
- Epitaph (1'08")
Les textes sont de Jef Lambrecht, Hans Op de Beeck, Steve Houben et Piet Chielens. Une brochure les reprend. Steve Houben a aussi composé la  « Passchendaele Suite » à écouter sur http://www.youtube.com/watch?v=_4Be-Fr4fjY  en collaboration avec trois chanteurs de la tradition anglaise (Coope, Boyes et Simpson). Ce Vottem requiem mériterait d’être joué un jour à Vottem même. Et quand, si ça ne se fait pas en 2014 ?  

En 1914 Vottem a échappé aux représailles. Mais cela ne peut évidemment pas nous faire oublier que la guerre 1914-1918 était le première (et malheureusement pas la dernière) guerre totale, non seulement géographiquement, mais aussi par son implication des populations civiles, avec les représailles contre les populations civiles, sur toute la route Charlemagne, parcourue de la Maison Blanche à Henri-Chapelle (à l'époque poste frontière) et Liège. La Via Charlemagne, c’est ça aussi !


Aucun commentaire: