Le château de Chokier
La forteresse de Chokier a été rasée deux
fois. Une première fois en 1298, lors de la guerre entre les Awans et Waroux (une
véritable vendetta). Le seigneur des lieux Guillaume de Hozémont s'était moqué
publiquement de l'autorité du Prince Evêque et vit son château rasé. Quatorze
années plus tard une alliance entre le prince et le peuple de Liège porte un
fameux coup à ces guerres féodales stériles lors du Mal Saint Martin.
En 1345, la famille Surlet voit son château
brûlé par les Hutois, Liégeois et Dinantais réunis. Ceux-ci, révoltés contre la
mauvaise gestion des deniers publics par la famille Surlet, pillèrent et
ruinèrent les biens des familles des dits échevins.
Mais dans la famille Surlet (comme chez les de
la Marck) on trouve de tout. Le 28 octobre 1467 c’est un Surlet de Chokier qui
conduit les Liégeois à la bataille à Brusthem, à côté de Raes de Heers. Il est resté parmi les 6000 morts. Son
voisin Guillaume de la Marck est aux abonnés absents cfr l’histoire d’Aigrémont
ci-dessous.
Au XVIIIe siècle la forteresse médiévale – ce
qu’il en restait - fut transformée en château de plaisance et prit à peu près
l'aspect qu'il a aujourd'hui. Le 27 juin 1717, le Tzar Pierre le Grand fut reçu à Chokier. «Pierre premier, surnommé le Grand, czar
de Moscovie, arriva en 1717 de France à Liége, où il fut reçu avec éclat &
magnificence. Ce monarque y vit ce qu’il y avoit de plus remarquable, &
observa sur-tout, avec attention, les houillères, et leurs machines. De là, il
se rendit à Spa, où il prit les eaux pendant six semaines, et recouvra une
santé parfaite. »
Ajouter une légende |
Un siècle plus tard en 1815, un général de Napoléon, le Comte
Louis-Henri Loison, achète le château. Celui-ci avait commencé sa carrière en
1801, à la tête le la 25e division qui commande le département de l'Ourthe. Il
se fait remarquer par la dévastation de l'abbaye d'Orval qui lui vaut le
conseil de guerre. Pour être traduit devant le tribunal pour des faits de
pillage dans l’armée française de cette époque, il fallait y aller! Il monte vite général de brigade à l'armée de
Rhin-et-Moselle. Il suit Napoléon jusqu’au bout: après sa participation aux cent jours il est mis à la retraite en
1815. C’est à ce moment-là qu’il achète Chokier, probablement pour échapper à
la restauration qui frappe les partisans de Napoléon en France. Il n’en
profitera pas beaucoup : il s'éteint le 30 décembre 1816 à l'âge de 45
ans. Sa dépouille est inhumée dans un mausolée bâti dans le parc du château où
elle repose durant 50 années. En 1867, lors de la vente de la propriété, le
mausolée est transféré au Père-Lachaise où il rejoigne pour toujours sa 19e
division (Henri
Jeanpierre : Loison, général divisionnaire oublié: 1771-1816 et
http://www.napoleon-series.org/research/biographies/loison/c_chokier.html).
Le château d’Aigremont
Le château d’Aigremont a été construit sur les
ruines du château de Guillaume De la Marck. Pour Henry Carton De Wiart (‘La Cité Ardente’ p109)
c’était « un personnage farouche et
redouté, ne respirant que la guerre, vivant de la guerre, ardent aux querelles
et aux rapines, aux débauches, d’humeur sauvage et de poil rude, cruel envers
ses ennemis jusqu’à leur arracher le cœur de la poitrine, quand il les a
massacrés, il a plus d’un trait commun avec le sanglier ardennais dont il poste
la hure dans ses armes et dont il revendique le nom en guise de sobriquet ».
Son histoire a inspiré le roman Quentin Durward de
Walter Scott en 1823, roman
qui a fourni le sujet du Massacre de l'évêque de Liége peint par Delacroix.
Massacre de l'évêque de Liége par Delacroix |
On dit parfois que le chemin de l’enfer est
pavé de bonnes intentions. Mais pour Guillaume de la Marck c’est exactement le
contraire. Le chemin de ce de la Marck était pavé des intentions les plus
sordides, mais a pavé la route des révolutionnaires liégeois.
Le hasard de l’histoire fait que ce chevalier
pillard a joué du début à la fin un rôle clef dans la longue lutte qui a opposé
les liégeois à leur prince-éveque Louis de Bourbon, lutte qui s’est terminé par
le sac de Liège en 1468.
Ce prince-éveque avait été imposé à la Cité par
le duc de Bourgogne en 1456, et tué par les mains de notre chevalier brigand le
29 août 1482 sous les murs de Liège. Au moment où Louis de Bourbon monte sur le
trône de St Lambert, l’époque était révolutionnaire: en 1452 Gand s’était
révolté contre Philippe ‘le Bon’. Et en 1463 la ville de Cologne conteste la
nomination de son archevêque Robert de Bavière.
En 1458 déjà Louis de Bourbon doit se retirer
à Maastricht. En 1461 Raes de Heers dirige la révolte les knuppelslaegers ou
fustigeants, qui aboutit en 1464 à la mise sous séquestre des biens et la
déchéance du prince évêque. Fin 1465 le pape Paul II déclare par une bulle ‘La Pauline’ que l'autorité temporelle et
spirituelle sur le pays de Liège appartient à l'évêque, et non à la Cité.
Evidemment, le protecteur le plus redoutable
du prince est le duc de Bourgogne qui est à cette époque en conflit avec le roi
de France Louis XI. Les liégeois croient pouvoir profiter de cette lutte :
en août 1465 ils déclarent la guerre au duc de Bourgogne et ils chassent Louis
de Bourbon de Huy. Ils ont été un peu rapides. Louis XI qui doit se battre sur
deux fronts, contre bourguignons et bretons, signe une paix séparée avec la
Bourgogne en 1465 et les liégeois se retrouvent donc seul devant le Bourguignon Philippe le Bon, qui marche avec
une armée de Brabançons et de Namurois contre Liège et les bat le 20 octobre
1465 à Montenaeken.
Mais deux ans plus tard, en septembre 1467, Philippe
le Bon, protecteur du prince éveque, meurt. Les Liégeois croient le moment venu
de porter l’estocade à leur Prince. Ils assiégent le château de Huy où s'était
réfugié leur évêque. Guillaume de la Marck figure parmi les assiégeants et met
la ville au pillage. De Bourbon se réfugie auprès du nouveau duc de Bourgogne
Charles le Téméraire. Les Liégeois avaient tablé sur une période de
transition : ils se trompent encore. Le Téméraire défait des milices
communales liégeoises à Brusthem et ordonne l’incendie de la ville rebelle en
octobre 1468.
De La Marck fait profil bas et essaye de faire
oublier le pillage de Huy. Il fortifie Aigremont et recrute des partisans
auxquels il faisait porter comme épaulette la hure de sanglier. Ce condotierre
avant la lettre propose ses offres de service au Téméraire quand celui-ci passa
par Maestricht pour aller secourir l'archevêque de Cologne. « En ces temps
troublés, la pyramide féodale s’efface devant celle des entrepreneurs de
guerre. On se contente maintenant de bandes de soudards, dont les membres
comptent une forte proposition de déracinés. De la March débauche directement
ou par des tiers des partisans de son ennemi Louis de Bourbon. Il acceuille des
bannis retour d’exil. Ces affidés comptaient une certaine quantité de gens à
cheval » (C. Gaier, Armes et
combat dans l’univers médiéval II, éd. De Boeck, p.86).
Louis de Bourbon n’a évidemment pas beaucoup
d’appuis dans le pays de Liège. Il ne peut pas se permettre de faire le
difficile dans le choix de ses alliés. Quand Everard de La Marck propose
d’amnistier son frère Guillaume l'évêque le rétablit dans sa seigneurie
d'Aigremont, et lui donne même la forteresse de Franchimont et du château de
Seraing en Hesbaye. Il le nomme chef de sa maison et grand maïeur de Liège, et
lui donne une escorte de vingt-quatre cavaliers dont il prit l'entretien à sa
charge. Guillaume mène une expédition contre Raes de Heers, leader de la
révolte. Mais en même temps il répond par le mépris et de la provocation à cet
éveque pantin. En 1474, à la tête de
tous les mécontents, il arrive devant les portes de Liège. Louis de Bourbon
arrive encore à réunir quelques troupes et s'empare du château d'Aigremont
qu'il fit raser.
Aigrémont |
Mais sa victoire sur De La Marck sera de
courte durée. Avec beaucoup de perspicacité celui-ci va harceler le protecteur
du prince, Charles le Téméraire qui assiégeait alors la ville de Neuss. Un peu
avant il lui avait encore proposé ses services. Ce siège sera le chant de cygne
de Charles le Téméraire qui trouvera la mort sous les murs de Nancy le 5
janvier 1477.
Le prince-évêque Louis de Bourbon doit fuir vers Gand. Guillaume de la Marck tue Louis de Bourbon en 1482.
Guillaume de la Marck croit son heure venu et
continue le harcèlement contre le successeur du Bourbon Jean de Hornes. Il ne
saisit pas que les temps ont changé, et que les contradictions entre le roi de
France Louis XI et l’empereur Maximilien, qui a repris le duché de Bourgogne
après la mort du Téméraire, se sont atténuées. Le 9 janvier 1483 les bandes de
Guillaume de la Marck sont battues à Hollogne-sur-Geer. Guillaume de la Marck
est encore une fois amnistié en 1484 avec la Paix de Tongres et c’est en
compagnie des de La Marck que Jean de Hornes fait sa Joyeuse Entrée à Liège.
Mais l'archiduc Maximilien d'Autriche exige la tête de Guillaume. L'évêque
attire Guillaume de la Marck dans une embuscade aux environs de Saint-Trond. Il
est emmené à Maastricht où le 18 juin 1485 il est exécuté pour avoir tué Louis de Bourbon.
Aigrémont - Photo JM Onkelinx |
Son successeur Jean de la Marck, continue la
lutte contre Jean de Hornes, le nouvel évêque. En janvier 1487, il assiége
Liège. La guerre durera encore sept ans, jusqu’en 1492.
Voilà l’histoire de la forteresse, qui est à
la base de ce château de plaisance superbe.
En 1971, le château est acquis par la société
royale des demeures historiques de Belgique. Mais faute d’argent la société
royale vend le château en 2001 à la société Dumont Wauthier qui est surtout
intéressé par les gisements de calcaire. Si on les laisse exploiter les carrières
tout alentours, ce superbe château risque de se retrouver sur un piton…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire