Intro – ligne du
temps
Voici une balade « Liège
des révoltes » dans le quartier attachant de Sainte Marguerite. Je l'ai faite avec la Braise à l'occasion du Festival de la promenade et des Journées du Patrimoine. Elle part
de Hocheporte pour monter via les
remparts et les degrés des Tisserands sur le Mont Saint Martin, pour se
terminer sur les degrés de Saint Pierre.
Avant de suivre les révoltes
sur le terrain, nous les parcourons ici dans l’ordre chronologique. Le palais épiscopal d’Eracle au Publémont,
assailli par une ‘émeute furieuse’ en 970, n’existe plus. Eracle a toujours son
mausolée dans le choeur de la basilique Saint-Martin. Eracle a dû signer les premières franchises. Son
successeur. Notger l’a vengé en incendiant l’hôtel de ville où siégeaient en
assemblée 240 bourgeois.
En 1177 le curé Lambert le
Bègue est condamné comme hérétique par le concile de Venise parce qu’il préconisait
la pauvreté dans l’Eglise; une rue et une paroisse protestante de Liège
s’appellent Lambert-le-Bègue. L’église Saint-Christophe où Lambert avait sa
cure est toujours là ; mais la pittoresque rue des Bégards est fermée à
cause des toxicomanes…
La collégiale Saint-Martin,
où plusieurs dizaines de nobles ont péri dans l'incendie suite au Mal
Saint-Martin en 1312 a été reconstruite, et est même devenue basilique en 1886.
Le Mal Saint-Martin a laissé aussi un patrimoine immatériel: la Paix de Fexhe.
Ce document de 1316 prend dans l’histoire du Pays de Liège la même place que la
Magna Carta pour l'Angleterre.
En 1491, et puis en 1513 les Rivageois firent
émeute pour avoir du pain et des juges laïques. Trois
mille Rivageois ont campé devant l'abbaye
Saint Laurent. Le ‘doux archevêque Monseigneur de la Marck’ (dixit Charles
Decoster dans son Ulenspiegel) fit clouer les
têtes des suppliciés Rivageois aux portes de Sainte-Marguerite et de
Sainte-Walburge. Ces portes ont disparu ainsi que le sang répandu. Il reste une
rue et une Haute Ecole à leur nom.
Au N° 45 du Mont Saint
Martin meurt 65 ans plus tard un autre de la Marck, Guillaume II, seigneur de
Lumey, amiral – excusez du peu - des gueux de la mer et stathouder de Hollande.
En 1572, à la tête de 26 bâteaux, il s'était
emparé de Brielle. Et puis, et je termine avec ça, La
grève générale de 1936 part du charbonnage de la Batterie (Sainte-Marguerite).
Le "Faubourg Sainte-Marguerite" est peuplé d'armuriers et de mineurs.
Avec la construction de la seconde enceinte, la
"porte de Sainte-Marguerite" (supprimée en 1841) devient un des
principaux accès à la ville. Elle était située à l'époque entre les Degrés des
Tisserands et la rue des Fossés. Le "Faubourg
Sainte-Marguerite" est peuplé d'armuriers et de mineurs. Déjà lors du
Mal Saint Martin, « arrivèrent les
paysans de Vottem, armés de tridents et de faux, tandis que de l’autre côté,
par les faubourgs de Sainte Marguérite apparurent les redoutables Houilleurs
précédés de leur bannières rouges à l’effigie de leur patron Saint Léonard »
(L. Polain cit. in P. Baré,
Herstal sous la révolution liégeoise p.37).
cribleuses charbonnage Sainte Marguerite |
La grève générale de 1936 part du charbonnage
de la Batterie (Sainte-Marguerite). Trente ans plus tard, en 1967, le
charbonnage de Bonne Fin – quel nom prémonitoire - ferme dans de très mauvaises
conditions. On y frôle la catastrophe, comme on en a vécue une au Many à
Seraing, quelques semaines avant la fermeture. Le passionné d'histoire
industrielle Henri Delrée, directeur divisionnaire des Mines, raconte
l’incendie qui a eu lieu au siège de Ste-Marguerite: « Le Many devait fermer au mois de mai. Alors,
suite aux protestations des organisations syndicales, on le prolongeait de
semaine en semaine et de mois en mois. Il allait fermer théoriquement fin 53
mais la catastrophe est arrivée. A la Bonne fin, c’était plutôt des feux
spontanés. C’était des couches à feu. Le charbon était trop fin. Cela a duré
tout un temps. Il a fallu faire des barrages. Ce qui a accéléré la fermeture du
charbonnage » (INTERVIEW 21/04/1997).
Près du carrefour Fontainebleau (notre balade
ne va pas jusque là : le trajet le long de la voie rapide est peu
intéressant) quelques vestiges peu connus. Aux pieds des escaliers de la
passerelle qui surplombe la voie rapide nous trouvons une plaque. Débouchant de la passerelle on découvre à
gauche la première dalle. 10 mètres à gauche de la 1ère on découvre la 2ème, en
lisière du sous bois. Sur la face latérale on lit "S M".
Le rond-point autoroutier du Cadran, transformé en « carré-point ».
Au profond déclin socio-économique de Sainte
Marguerite, avec la fermeture des charbonnages, s’ajoute une erreur
urbanistique monumentale. Fin du XIXème siècle, on avait
tracé le chemin de fer de ceinture et élargi la rue de Bruxelles. Ce chemin de
fer passe en dessous du Mont Saint Martin et la seule trace visible est un
puits d’aération récemment reconstruit.
Mais un petit siècle plus
tard, c’est la cata, pire que tous les V1 tombés sur Liège. En 1975 une liaison
à l'autoroute E25 coupe le quartier en deux et provoque le départ de 5000
habitants. Ce grand projet est l’œuvre du groupe
l’Equerre. C’est en quelque sorte son chant de cygne. L’agence est en faillite
en 1982. C’est aussi l’époque où l’on abandonne le projet fou de ramener une
autoroute Place Saint Lambert. Ca coûtera 30 ans pour recoudre cette cicatrice.
L’urbaniste Jean Englebert raconte comment il a été confronté « aux urbanistes-conseils de la Ville,
L’EQUERRE. Ce groupe était proche du pouvoir et nous, nous venions en
contre-pouvoir. Il fallait que les autoroutes arrivent à Liège, elles devaient
passer place Saint-Lambert. Nous étions contre ces idées. De là est né le
problème de la place Saint-Lambert. L’EQUERRE a ensuite proposé qu’une
autoroute arrive au boulevard de la Sauvenière par la rue Saint-Gilles, puis
par la rue des Augustins, puis finalement, par la rue Sainte-Marie. Et il a
même été prévu un passage de l’autoroute en dessous du parc d’Avroy »…
Le rond-point autoroutier
du Cadran est transformé au début des années 2000 en « carré-point». Cette horreur est censée ‘reconnecter le quartier au centre-ville’. A l’impossible nul n’est
tenu… Le vaste no man's land de Fontainebleau coupe le
quartier de Sainte-Marguerite en deux: un arrêt de bus isolé qui fait office de
coupe-gorge, une voie rapide que le piéton ne peut franchir sans une solide
assurance-vie et des pelouses qui ne font plaisir qu'à l'automobiliste. Une
erreur du passé à réparer.
On ne va pas mettre toute
la situation du quartier sur ces erreurs urbanistiques, mais il y a quand même
un peu (beaucoup) de ça. Ce quartier que l’on a longtemps nommé faubourg de
l’Ouest, fait l’objet d’une ZIP, soit une zone d’initiatives privilégiées. Pour
obtenir ce statut, les indicateurs
étaient les suivants : plus de 60 % de personnes isolées, 40 % de ménages
monoparentaux, 35 % de personnes exclues des statistiques fiscales car
disposant d’un revenu trop faible, 65 % de locataires et 40 % d’étrangers.
Cela n’empêche pas que des
promoteurs immobiliers ont des projets avec ce quartier. On parle à ce propos
de gentrification. Ces promoteurs n’ont rien inventé: sur les ruines de Sainte
Marguérite, rue Léon Mignon,
Joseph Nusbaum
construit vers 1900 un alignement de maisons avec des belles façades Art Nouveau (AN). Quand on parle AN, ne
tombons pas dans un romantisme béat : la villa AN de Solvay à la Hulpe a
coûté plus que les milliers de maisons sociales que le même Solvay a
construites ! Et pas de sentimentalisme sur ces chaumières détruites non
plus: en 1846, 40% des ménages liégeois ne disposaient que d'une seule pièce et
il y avait 8,03 habitants par maison !!
Art Nouveau J. Nusbaum rue L. Mignon |
Nous pouvons nous fermer
une (vague) idée de l’habitat à Sainte-Marguerite à partir de l’îlot Firquet réhabilité
(accès par un passage couvert Rue Saint-Séverin, 94-96). 86
% de la surface située à l’intérieur de l’îlot était bâtie. Des annexes
d’annexes, des constructions enchevêtrées les unes sur les autres. On a dû
‘dédensifier’. La "Cour Conti" réfère au
céramiste Toscan Conti, qui s’établit à Liège en 1854, et qui serait à
l’origine de la création de la marionnette Tchantchès… Au conditionnel,
puisqu’Outremeuse conteste vivement cet origine multiculti de notre marionnette nationale…
Le réseau des Fontaines Roland
Nous montons au Publémont via la rue
Hocheporte – rue des Remparts. Les travaux de Blonden et Cie ont caché
complètement les remparts, au point où des Liégeois de souche s’en rendent à
peine compte de leur existence. Une erreur urbanistique qui s’explique par le
mépris de gens abnubilés par la révolution industrielle de la fin du XIX°
siècle ?
Dans Promenades liégeoises Nicolas Ancion décrit sa ‘Grimpette à Hocheporte’. Ancion est l’auteur de «L’homme qui valait 35 milliards», qui met en scène l’enlèvement de LakshmiMittal par des sidérurgistes liégeois. C’est avec la même sensibilité sociale que
Nicolas Ancion fait sa grimpette à Sainte Marguérite. Il démarre rue Hocheporte,
au théâtre Al Botroûle : « En
remontant la rue, regardez les façades, imaginez les familles qui sont passées
par là, l’histoire qu’elles ont charriée, emportée avec elles de Pologne, de
Sicile, d’Andalousie, des histoires venues du Mont Atlas avec la couscoussière,
du Ghana avec la fécule de maïs, d’Albanie, du Kossovo et ailleurs, ce sont
toutes ces histoires qui ont tressé le
quartier : Sainte Marguerite, port de passage en bord de Meuse.
Au pied
des Remparts, de ce laid mur de brique rouge qui les renforce, où, de toute
éternité qui m’est contemporaine, les sacs poubelles clandestins ont été accumulés
avec leur cortège d’odeurs sûries, empruntez donc l’escalier en pente
douce : quel bonheur de fouler ce rempart qui ceinturait le cœur de Liège.
Il n’en reste qu’un tout petit bout et, assis sur le banc de bois brun, on peut
imaginer la porte monumentale qui surplombait la rue en contrebas et lui a
laissé son nom. Les petites portes de
bois perdus au creux des murs, perchées en déséquilibre au sommet de perrons
séculaires, dissimulent des jardins. La rue des remparts, avec ses marches que
l’on gravit d’un coté et qu’on peut redescendre de l’autre pour plonger vers
Saint-Séverin, ses commerces, son agitation et ses maisons où l’on cuisine,
toutes fenêtres ouvertes, dans des appartements surpeuplés ».
La rue des Cloutiers : une activité métallurgique plus importante que l’armurerie
Nous débouchons dans
la rue des Cloutiers. La dénomination de ‘cloutiers’ ne réfère pas à la
présence de cloutiers dans ce coin, mais à l’importance de ce métier dans
l’économie liégeoise. La clouterie est une activité métallurgique importante dans
la grande banlieue liégeoise. Au XVlllème siècle, l'industrie cloutière liégeoise fournit du travail à 15.00O
ouvriers. Les clous sont exportés en Hollande, en Allemagne, en Espagne, au
Portugal, en Italie, en Turquie et vers leurs colonies. La réputation du
travail des artisans liégeois est telle que la Compagnie des Indes
Néerlandaises spécifiait que les clous devaient être de 'fabrication
liégeoise'. En 1830 on compte encore dans les districts de Verviers et de Liège 1939 cloutiers, non compris femmes
et enfants. Le fer était fendu dans les fenderies le long de la Vesdre.
Au début, les vergettes de fer qui servaient à fabriquer les clous étaient découpées, à l’aide d’une grande
cisaille à main, dans une tôle façonnée par
l’action du gros marteau de la platinerie. Le remplacement du travail
manuel par le laminoir à rouleaux taillants, c’est-à-dire la fenderie, augmenta
la productivité de 1 à 50 à la fin du 16e siècle. Un dicton dit ‘on ne prend pas du bon fer pour faire des clous’, ce qui était
sûrement vrai. Mais cela n’empêche qu’à partir d’un fer de bas alloi tout un
système productif s’était établi qui exportait ses clous dans le monde entier.
Les verges étaient fournies par des commerçants aux cloutiers à domicile.
Les Fontaines Roland et les arainiers
Fontaine Roland dégrés des Tisserands |
En haut des Degrés
des Tisserands, une Fontaine Roland. Ce réseau privé de fontaines qui date de
1679, a été à la base de la multinationale "Compagnie Générale des Conduites d'Eau" absorbée en 1980 (et
fermée) par Saint Gobain. L’eau des fontaines Roland provenait des araines, ces
galeries qui évacuaient l’eau des charbonnages.
Les propriétaires de ces araines vendaient
l’eau évacuée au réseau d’eau potable de la ville. L'entreprise des araines
n'étaient point à la portée du plus grand nombre. Aussi vit-on figurer, parmi
les arainiers primitifs, non seulement les Princes de Liège, les bourgmestres
et les plus riches notables de la ville, mais encore les plus riches abbayes du
pays. Quatre araines franches fournissaient
les eaux aux fontaines de la ville de Liège : celles du Val St-Lambert, de
la Cité, de messire Louis Douffet et de Richonfontaine. L'araine franche
messire Douffet avoisinait au faubourg Ste-Marguerite l'araine de la Cité, qui
a son bassin de décharge dans la rue St-Severin, et fournissait les eaux aux
fontaines du Palais, du Marché et des rues adjacentes.
Comme araines bâtardes nous avons dans le
quartier celle du Thier-de-la-Fontaine et de Gerson-Fontaine.
Le débit de ces araines évoluait au fil de
l’exploitation : tantôt les couches de charbon s'enfoncent plus où moins
perpendiculairement dans la profondeur, tantôt elles se relèvent de même pour
remonter à la
superficie. Alors il arrive que l'araine se trouve du moment
même arrêtée dans sa pourchasse. On pratique alors dans les bancs de pierre des
'bacnures' ou petits aqueducs par où l'eau se communique d'une couche à
l'autre. Bref, une situation compliqué qui explique qu’à l’époque d’Ernest de
Bavière beaucoup de charbonnages se trouvent noyés, suite à des contestations
sur l’évacuation des eaux. Pour remédier à ça,
le Prince autorise dans son édit de conquête de 1582 "
quelconque de quel estat ou qualité qu'il soit, de faire xhorre, tranches et
abattement des eaux". Cet édit est une entorse à la législation
féodale existante, et des grands industriels comme Curtius investissent dans
les exploitations
charbonnières et les araines. L’exhaure est tellement bien
faite que les fontaines du Palais et du
Marché tombent à sec certaines années peu pluvieuses. L’édit ne supprime pas
procès et autres procédures. Il faudra attendre Napoléon pour balayer cette
législation féodale, de d’attribuer la propriété du sous-sol à la Nation.
Oeil de Richonfontaine - photo Tchorski |
Le
Conseiller Roland poussé à la faillite
C’est dans ce contexte que le Conseiller
Roland, premier entrepreneur des ouvrages dits de la conquête et Maître de la houillère
dite du 'forre' au faubourg Ste-Marguerite, lance en 1693 le projet d’abattre
l'araine franche du Val-St-Lambert, qui avait son oeil à Ans, sur celle de la
Cité. L’idée de base était d’approvisionner un réseau de distribution d’eau. Roland
devait pour cela trouver un arrangement tant avec les meuniers des 'Bas Rieux', qu'avec le Magistrat de
Liége et le Chapitre de la cathédrale. Il dut remplacer les eaux de l'araine du
Val-St-Lambert qui ne donnait alors que trois pouces d'eau, tandis qu'il en était
jailli jusqu'à soixante. Il fit en conséquence construire à grands frais un
canal pour amener des eaux nouvelles, tant sur les huit moulins des Bas Rieux,
que sur les bassins des fontaines de la ville. Ces travaux le pousseront à la
faillite. La propriété des ouvrages de Roland passa, d'un côté dans les mains
de la famille Hardy et des maîtres de Beaujonc, et d'un autre dans celle des
échevins Piette et Fassin.
Lorsqu’au XX° siècle on installe les égouts, on dirige les eaux des araines là
dedans. Conséquence: la toute nouvelle station d’épuration a des problèmes
parce que les égouts amènent une eau trop propre. D’où des travaux lourds pour
évacuer l’eau. Liège fait des gros frais pour envoyer l’araine de Gersonfontaine
directement dans la Meuse. Pour l’échevin des Travaux, “cet ouvrage très ancien ne suit pas le tracé des rues et serpente sous
les habitations. D’où la technique du fonçage qui consiste à creuser une
galerie en sous-sol pour un collecteur. On a dû réaliser des puits, il y en
avait un près de la gare, un autre place des Béguinage et un dernier près de
l’hôtel Jala”. Pour le même prix on aurait pu peut être créer fontaines et
autres rigoles qui auraient pu faire de Liège une ville d’eau. Tout compte
fait, c’était le thème de l’expo de 1939…
areine gersonfontaine - photo tchorski |
La première émeute dans l'histoire de la ville de Liège
Les degrés des Tisserands
débouchent sur Saint-Martin et Saint-Laurent, fondées vers 965 par l'Évêque
Éracle.
sarcophage d'Eracle à St Martin |
En 970 déjà Eracle dut faire face à une
‘émeute furieuse’ (dixit Kuppers) qui assaillit son palais épiscopal sur le Mont Saint-Martin; les tonneaux de sa
cave furent défoncés, et des flots de vin de Worms rouge coulèrent jusque dans la Meuse, qui baignait
le pied de la colline (Bouille,
Histoire de la Ville et Pays de Liège ; cit.in P. Baré, Herstal sous la
révolution liégeoise p.27). Eracle doit signer les premières franchises. Eracle
n’a pas la poigne de son successeur. Notger
http://hachhachhh.blogspot.be/2008/08/notger-le-souabe.html
le venge en incendiant l’hôtel de ville où
siégeaient en assemblée 240 bourgeois. Notger punit aussi
à titre posthume Eracle pour sa mollesse, en lui volant sa cathédrale! En 965
Eracle avait annoncé, dans le cadre d’une fastueuse assemblée à Cologne avec
tout le lignage royal des Ottoniens réuni, le transfert sur le Publémont de la
maison épiscopale et d’un sanctuaire en honneur de sainte Marie et de saint
Lambert. Ce qui fut fait en 978. Notger ravale cette cathédrale ‘sainte Marie et saint Lambert en Publémont’
au rang de collégiale et la dédie à Saint Martin. Cette collégiale Saint Martin
se retrouve ainsi à la périphérie de l’espace urbain, incorporée au système
défensif de la porte Saint Martin (
J-L Kupper, Les origines de la
collégiale Saint Martin ; dans
Saint Martin Mémoire de Liège éd. Du Perron p.15-21).
Les successeurs de Notger ne montrent pas plus de respect devant cet évêque fondateur. Le sarcophage d’Eracle, installé au départ dans le chœur de saint Martin, est récupéré par l’évêque auxiliaire Henri Henrard (+1814). Il se retrouve aujourd’hui dans une crypte. Le tombeau dans le chœur est une reconstitution de 1939 d’un autre monument du 16° disparu.
Les successeurs de Notger ne montrent pas plus de respect devant cet évêque fondateur. Le sarcophage d’Eracle, installé au départ dans le chœur de saint Martin, est récupéré par l’évêque auxiliaire Henri Henrard (+1814). Il se retrouve aujourd’hui dans une crypte. Le tombeau dans le chœur est une reconstitution de 1939 d’un autre monument du 16° disparu.
1312 le Mal Saint-Martin
vitrail avec les flammes de St Martin |
En 1297 le prince évêque
autorise le regroupement des travailleurs en corps de métier. Partout en
Europe, les métiers s’affirment face aux nobles et au clergé. Il y a les Vêpres
Siciliennes en 1282 et les Matines Brugeoises en 1302. A Liège, on a en 1312 le
Mal Saint Martin.
Face au métiers se
dressent les nobles : les familles Awans et Waroux s’entretuent pendant
trente-huit ans… Au moment où la paix est signée, en 1335, dans l'abbaye de
Saint-Laurent, trente mille hommes ont perdu la vie, et la noblesse a perdu une
bonne partie de son pouvoir.
En 1384, les
"Grands" renonceront à tout pouvoir politique, laissant au peuple le
droit de choisir tous les membres du conseil de la Cité.
Liège fait partie du Saint
Empire Romain Germanique. Le prince évêque de Liège n’a pas beaucoup de soutien
de l’Empire contre les métiers et la noblesse féodale. Contrairement à la
France, où les Capets arrivent à s’imposer, le pouvoir central germanique reste
faible. Lors du conflit qui mènera au Mal Saint Martin, Le Pince-Evêque est
obligé de louvoyer entre métiers et nobles. Et le 3 août 1312 ses chanoines,
armés de pied en cap, aident le peuple à empiler paille et bois sec pour
incendier l'église où les nobles s’étaient barricadés, après une conspiration
qui avait mal tourné. Le prince évêque Adolphe de la Marck se limite à faire
payer la reconstruction de l’église par les Métiers et termine l’affaire par la
paix de Fexhe en 1316. La Paix de Fexhe est le document le plus célèbre de
l’histoire du Pays de Liège comparable à la Magna Carta dans l’histoire
d'Angleterre.
1531 : Les Rivageois devant l'abbaye de Saint-Laurent
On peut ici remonter ici la
rue Saint-Laurent jusqu’à l’abbaye, même si se balader le long d’une route de
transit à grand débit n’est pas très agréable, et aussi parce que ce qu’on voit
de l’abbaye dans la rue Saint-Laurent est néo-gothique de 1904. Les bâtiments
du couvent en U sont construits par l'architecte liégeois Digneffe 1724-1784.
La façade principale, de
l'autre côté, est tourné vers la ville mais le seul point de vue pour l’admirer
est la terrasse du 8° de la FGTB Place Saint Paul.
Il y a 5 siècles, 3000
habitants de Tilleur révoltés se sont assemblés à 'abbaye de Saint-Laurent. Les
religieux leur donnèrent à manger et à boire, afin de donner le temps au prince
Erard de La Marck d’arriver de Bruxelles à Liège. En chemin, l’évêque a acheté
du grain à Saint-Trond qu’il a vendu à Liège à un plus bas prix. Il arriva
ainsi à acheter le soutien des métiers pour la répression de la révolte. Le ‘doux archevêque Monseigneur de la Marck’
(dixit Charles Decoster) fit clouer les
têtes des suppliciés Rivageois aux
portes de Sainte-Marguerite et de Sainte-Walburge.
Le couvent Sainte-Agathe au
N° 66 est un ancien couvent des Sépulchrines fondé en 1634. Sépulchrines,
Capucins, Jésuites et Jésuitesses, Ursulines, Augustines, Carmélites
déchaussées, Célestines, Bénédictines, Dominicaines, Franciscaines,
Récollectines, Conceptionnistes, Urbanistes, Tertiaires arrivent dans le
sillage de Ferdinand de Bavière,
champion de la Contre-réforme, qui contribuera à l'efflorescence extraordinaire
des couvents et abbayes dans le diocèse : plus de 70 sous son règne! En 2012
LAMPIRIS est devenu propriétaire de l’ancien hospice.
Derrière Sainte Agathe un projet
intéressant pour un nouveau parc. Mais un projet qui traine : l’opération de
rénovation urbaine de Sainte-Marguerite dont fait partie ce projet a été lancé
en 2002 et le gros des travaux n’a pas encore commencé...
La rue Thier de la Fontaine et la tour des Mohons (moineaux)
Une variante de notre balade est la descente
par la rue Thier de la Fontaine, où nous avons une belle vue sur les remparts
et la tour des Mohons (moineaux) de la première enceinte de Notger. On peut
alors continuer via la rue du Gymnase.
rejoindre par une petite boucle sur les
trottoirs de la Sauvenière.
Entre le N° 72 et 70 on peut remonter la rue
des Bégards, souvent fermée. Il vaut mieux remonter entre le N° 34 et 32 pour
déboucher dans le rue Saint Hubert et la rue Sainte Croix.
La rue des Bégards et Lambert le Bègue
En face de Saint Martin la
petite rue des Bégards (fermée pour insécurité). Béguins ou Béghards étaient des
subversifs, comme les Lollards et comme toutes les tendances qui préconisaient
la pauvreté dans l’Eglise…. A Liège le simple prêtre Lambert le Bègue s'oppose
au torrent de la corruption. Comme il n'épargnait personne, le peuple
recueillait ses paroles avec avidité. Le prince évêque le fit saisir dans
l'église de St-Lambert, tandis qu'il y prêchait, et l’envoie au concile de
Venise qui le condamne en 1177. Selon J. Daris, et je crois qu’il a raison, la
plupart des déclamations de Lambert recèlent des erreurs doctrinales qui ont de
grandes analogies avec celles des Vaudois: «L'honoraire
que les prêtres reçoivent à l'occasion de l'administration des Sacrements
est le prix de vente des choses saintes.
Aussi les fidèles doivent-ils éviter leurs pasteurs, comme des brebis fuient
les loups. Il se sépare de l'Église pour se ranger du côté de Jésus-Christ. Il
ne veut pas non plus du repos du dimanche, parce que les fidèles l'emploient à
tout autre chose qu'à glorifier Dieu ».
L’évêque se faisait
entourer de collégiales, qui étaient au départ une communauté de moines. J.L.
Kupper situe l’abandon de la vie commune des chanoines au début du XIIe siècle.
Au début du XIIIe siècle, il ne subsiste que de simples embryons de la vie
commune, par le biais de quelques chanoines « résidants », vivant encore dans un dortoir et partageant le
réfectoire. Les statuts donnés à la cathédrale vers 1204 par le légat Guy de
Palestrina ne somment-ils pas les clercs, et donc aussi les chanoines,
d’expulser de leurs maisons claustrales les compagnes qu’ils y
entretiendraient, sous peine de privation de leurs bénéfices, ce qui semble
témoigner que cet état de fait, bien plus grave encore que le fait de ne plus
fréquenter le dortoir claustral, s’est déjà rencontré dans la cité mosane ? Un
document, émis en 1226 relatif aux revenus du cellérier, cet officier responsable
de l’approvisionnement du chapitre, ne précise t-il pas que les bois qu’il doit
fournir pour les repas qui suivaient les offices les plus solennels lui sont
acquis « si ceux-ci n’ont pas lieu »,
ce qui semble indiquer que ces repas, bien que souvent prévus et financés par
des dotations spéciales, ne trouvent pas toujours place aux moments fixés ? La
fréquentation du réfectoire lors des moments les plus fastueux de l’année par
les clercs n’était plus automatique ; ne parlons donc pas du partage quotidien
de la table ! (Alexis Wilkin: Fratres et canonici. Le problème de la dissolution de la viecommune des chanoines : le cas de la cathédrale Saint-Lambert de Liège au MoyenÂge).
Huit siècles après sa condamnation
pour hérétique en 1177, le Conseil communal décide en 1857 que "la rue entre la rue Sur la Fontaine et
la place créée au centre du béguinage" prendrait le nom de Lambert le
Bègue. "A la demande d'habitants", le 2 mai 1873, la même assemblée
admit que l'impasse Tirebourse serait adjointe nominalement à la rue Lambert le
Bègue. Le nom Tirebourse n’inspirait probablement pas confiance et devait
disparaître. Ce qui n’a pas empêché la fermeture de la rue Lambert le Bègue pour
insécurité en 2005.
Au N° 59 à l'angle gauche
de la rue des Bégards, l'hôtel Chaudoir ( 1762) est un ancien refuge à
l'intérieur des remparts de la cité pour les moines de Saint-Laurent. Les
Jésuitesses anglaises s'y étaient installées dès leur arrivée à Liège en 1616.
Les fantômes d’un amiral des gueux de mer et du dernier prince-évêque de Liège
La puissante famille
d'origine germanique de la Marck est omniprésente tout au long de l’histoire
mouvementée de la principauté. Au N° 45
du Mont Saint Martin est mort Guillaume II de la Marck, seigneur de Lumey,
amiral des gueux de la mer et stathouder de Hollande. Le 28 octobre 1568, il
n’avait pas réussi à se faire ouvrir les portes de Sainte-Walburge, en
compagnie de Louis de Nassau, frère de Guillaume d'Orange. En 1572, à la tête
de 26 bateaux, il s'était emparé de
Brielle, et a donné ainsi à Guillaume d’Orange un second souffle. Il fut nommé
stathouder de Hollande. Gloire éphémère, puisqu’en 1576 le prince d’Orange
bannit le ‘gauchiste’ Lumey des Pays-Bas. Il regagna le Mont-Saint-Martin, où
il mourut le 1er mai 1578. Certains suggèrent que l’évêque aurait contribué à accélérer le
passage à trépas…
Au n° 23 dans la petite
cour pavée devant un petit hôtel de maître du XVIIIe siècle encore une Fontaine
Roland. Du même côté un puits d’aération
fraîchement restauré du tunnel du chemin de fer qui passe en-dessous.
De 1659 à 1877, le
bâtiment situé au n° 13 a été la demeure familiale des comtes de Mean,
également propriétaires de l’ « hôtel de Sélys ». François-Antoine-Marie-Constantin
de Méan est « élu » prince-évêque en 1792. Hélas pour lui, la révolution gronde
et il ne gardera ce titre que deux ans ! Qu'à cela ne tienne, il est
choisi par le roi Guillaume de Hollande comme nouvel Archevêque de Malines en
1816. Décédé en 1831, il aura donc été le dernier prince-évêque de Liège et le
premier Archevêque de la Belgique indépendante.
L’hôtel de Sélys avait été
« restauré » en 1883 par Edmond Jamar dans le style néogothique saint-luciste,
suite à l’arrivée au pouvoir des catholiques. Aujourd’hui Crowne Plaza s’y est
installé, suite à une nouvelle restauration intéressante. L’hôtel a dur à retrouver une rentabilité. En bas de la
colline son collègue Jala a rendu d’ailleurs l’âme dernièrement.
La collégiale Sainte-Croix et son église paroissial
Dans la rue Sainte-Croix,
la collégiale Sainte-Croix (Patrimoine exceptionnel de Wallonie, presque
toujours fermée), fondée en 979 par Notger, abritait en son temps un chapitre
de 15 chanoines. Les collégiales étaient des bâtiments de prestige réservés au
chapitre. Accolés à l’église on a encore un cloître pour les chanoines bien
conservé. Les fonts baptismaux et confessionnels qu’on y trouve aujourd’hui ne
s’y trouvaient pas sous l’ancien régime. Les fidèles étaient accueillis dans
des églises paroissiales minables. On en voit un des rares spécimens encore
conservés à côté de l’église. Le bâtiment est aujourd’hui une demeure privée.
Restaurations ‘lourdes’ ou respectueuses
Nous sommes arrivés au bout de notre balade, dans la rue et
les degrés de Saint-Pierre. Nous avons devant nous le Palais Provincial. En haut de la façade du Palais
Provincial une série de bas reliefs retracent des événements marquants de
l'histoire liégeoise. Ces 19
bas-reliefs ne sont pas tous dédiés aux révoltes. Mais le Mal
Saint-Martin y est. Nous y trouvons aussi la Bataille des Steppes, les 600
Franchimontois ; la paix de Fexhe et Lambert Le Bègue; Avec ce
‘centre d’attraction mémoriel’ l’architecte se voulait le continuateur
des bas reliefs ornant les portails des cathédrales gothiques : la
bible des pauvres. En 1851 une Commission se penche sur le choix des
sujets. S’il n’y avait pas eu l’échéance du cinquantenaire de la Belgique
en 1880 on discutait probablement encore…
Mais ce Palais Provincial
est intéressant aussi à partir d’un autre point de vue : comment restaurer
un
bâtiment. Que veut dire respecter une tradition ? Ce bâtiment
néogothique de a été poussé en 1847 dans le flanc du Palais des Princes-évêques,
construit en 1526 (la façade Louis XIV du côté de la place Saint Lambert est de
1734). L’architecte provincial Delsaux prétendait que «moins la main de l’architecte sera visible, plus il y aura de mérite».
Il faut reconnaître que cette intervention ‘lourde’ peut passer inaperçue. Il
avait pourtant démoli toute une aile du Palais. Ce qui aggrave son cas, c’est
que quelques années auparavant, un projet pour démolir cette aile orientale
avait été rejeté par l’opinion publique. Le ministre de l’Intérieur Van de Weyer avait été
obligé d’organiser un concours gagné
par le jeune architecte provincial Jean Charles Delsaux. Delsaux est intervenu
aussi sur la plupart des collégiales liégeoises, avec la même conviction que le
seul style vrai était le gothique, associé par les milieux catholiques à une
société qui correspondait parfaitement à leur doctrine sociale. Les
néogothiques (et Saint-Lucistes) belges ont voulu marquer leur territoire face aux francs maçons… Delsaux est né et enterré à
Herstal (un beau monument à la Foxhalle) et je compte prochainement faire un
blog sur lui. En France Viollet-le-Duc a ‘restauré’ avec la même main lourde
Vézelay et Notre Dame.
hôtel Torrentius |
Nous avons dans un rayon
de 100 mètres quelques bâtiments historiques qui donnent un bel aperçu de restaurations
moderne plus ou moins respecteuses. A côté de nous l'hôtel Liévin Torrentius,
rénové vers 1980 par l'architecte Charles Vandenhove.
On peut comparer cette restauration respectueuse avec deux restaurations
‘lourdes’ contemporaines, en descendant vers l’ilôt Saint Michelsur notre
droite. L'hôtel Desoër de Solières est du grand architecte liégeois Lambert
Lombard (1505-1566) à qui on doit aussi le palais des princes-évêques. L'architecte
Philippe Greisch y a ajouté des éléments modernes en 2001: «Quand on regardait ce bâtiment, avec tout ce
qu'il pouvait avoir de retouché, de remanié, de délabré, on était séduit. Mais
par quoi? La réponse est simple: les tufeaux ». A côté l’hôtel de Bocholtz,
demeure patricienne (XVe siècle) racheté pour 1,4 million, à titre privé, par François
Fornieri, « Manager de l’année 2011 » et patron du fleuron pharmaceutique
liégeois Mithra à Belfius (ex-Dexia). Comparons avec les « retouches » au
Palais par Delsaux !
Références
"Burenville, Sainte-Marguerite : Question
de Point de Vue. Portrait photographique d’un quartier de Liège par ses
habitants" http://www.laboiteaimages.be/new/index.php?option=com_content&task=view&id=36&Itemid=6
G. Hansotte, La clouterie liégeoise et la
question ouvrière au 18e siècle, Bruxelles, 1971 (APAE 55),
Id., «La clouterie au pays de Herve et la
question ouvrière au 18e siècle», BSVAH 42, 1955, 181-183
Id., «La question sociale au 18e siècle,
dans le bailliage d'Amercoeur et l'avouerie de Fléron», Bulletin du cercle
archéologique et historique des cantons de Fléron et Grivegnée 1, 1961
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire