St Léonard 1970 |
Une plaque commémorative située du côté droit
de la Place rend hommage aux prisonniers politiques détenus durant l’occupation
allemande http://www.territoires-memoire.be/media/pdf/parcours_citoyen_fr.pdf
Sur l’esplanade un bandeau-poëme en inox de Savitskaya :
« Pied sur le dur, sur le tendre, sur la terre à charbon et sur la terre à
vigne, sur le poussier et la poudre à canons, sur les chaines, les barreaux et
les cent mille briques, et vers le bois lumineux partagé d’un rempart … »
On dit parfois : si les pierres pouvaient parler. Faisons parler les
100.000 briques…
Au XIII e siècle déjà, une prison dans la porte Saint-Léonard
clé de voûte porte st léonard au Curtius |
Au XIII e siècle déjà s’y trouvait la première
prison liégeoise, dans l'ancienne porte Saint-Léonard.
L’établissement de cette première prison au
XIII e siècle mériterait une étude plus approfondie, inspirée par les analyses
du grand médiévaliste Jacques Heers : « Le désir de contrôler le passage des portes et de garder les murailles
fut à l’origine des premières sociétés politiques à l’intérieur de la ville. En
Angleterre au temps de la guerre des cent ans, les maires et échevins
s’efforçaient aussi de contrôler toutes les portes des enceintes nouvellement
construites. Ils y installaient des prisons : en 1311 les Templiers furent
enfermés dans les portes de Londres et peu après, New Gate devint de
façon
permanente l’une des principales prisons de la capitale. Surtout, il convenait
d’arracher la garde des portes aux évêques, aux chanoines et aux moines qui se
targuaient d’anciens privilèges. La distribution de l’espace urbain en fonction
du devoir de garde fut sans doute l’un des tout premiers signes de l’émergence
d’un pouvoir ou, du moins, d’une prétention au pouvoir » (Jacques Heers, La Ville médiévale, Hachette,
coll. Pluriel, Paris,1990 p331-335). Il serait intéressant
de situer la fondation de cette prison au 13° siècle dans la lutte entre
métiers et nobles et pouvoir épiscopal. Le droit d’envoyer quelqu’un en prison
est évidemment une des prérogatives les plus importantes d’un pouvoir d’état.la porte (et prison) saint léonard |
Fondée en 1602 avec l'appui du prince-Evêque Ferdinand de Bavière, la Confrérie
de la Miséricorde visitait les prisonniers, pour les "consoler et soulager". Elle se composait de "vingt-quatre marchands, tous gens de bonne
fame et réputation". Elle formait le lien entre autorités et détenus. Nourris
rien qu’au pain et à l’eau, les détenus voyaient leur ordinaire - vêtements,
argent, soins de santé - amélioré par la Compagnie. Les geôliers qui n’étaient
pas salariés étaient tentés de se servir sur les aliments des détenus. La
Compagnie traversa les périodes française, hollandaise et la naissance de la
Belgique. On relève que même pendant l’occupation allemande, les prisonniers
reçurent des visites. En 1974, la Gazette de Liége écrivait
que onze membres de la Compagnie de Charité lui avaient donné une nouvelle
jeunesse grâce à l’apport de la Société Saint-Vincent de Paul du Laveu.
1789 : Constantin de Hoensbroeck surnommé le ‘bourreau roux’.
De Hoensbroeck par De Lovinfosse - photo wikipedia |
Peu de Charité par contre pour Constantin de Hoensbroeck surnommé le ‘bourreau roux’. En 1784 il défait
les réformes progressistes de Velbrück, son prédécesseur, en rétablissant tous
les privilèges du clergé et de la noblesse. En 1789, lors de la Révolution liégeoise, le peuple vient le réveiller dans sa
résidence de Seraing pour l’emmener au Palais de Liège. Le 13 septembre 1790,
il fuit en Allemagne. Grâce aux troupes impériales autrichiennes, il retourne
sur le trône épiscopal, le 13 février 1791. Même l’empire de l’Allemagne qui
l’avait réinstauré le taxa de ‘prêtre sanguinaire’. L’une de ses premières
condamnations à mort fut celle de François-Léonard Duperron, accusé d’avoir
dressé la liste du Conseil révolutionnaire
en 1789. Cette sentence arbitraire à l’égard d’un homme estimé de tous
faillit provoquer une émeute populaire devant la prison de Saint-Léonard :
« Le peuple courbé jusqu’alors sous
le joug des bayonnètes atrichiennes, se leva en masse et armés de bâtons, il
s’assemble sur toutes les places de la ville en juyrant d’exterminer le Prince,
tout son parti et le garnison de huit mille Autrichiens s’il a le malheur de
faire exécuter le jugement » (A.E.L. Fonds Français, Préfecture 200. Lettre de
Duperron (fils) à Napoléon du 21 Thermidor, an VIII, cit.in Pierre Baré,
Herstal sous la révolution liégeoise, 1980, p.159). Devant toutes ces protestations, l’on commua
la peine en ‘prison perpétuelle, avec les
cautions pour les frais’. François Duperron passa vingt-deux mois en prison
et retrouva la liverté à l’entrée des troupes françaises en 1792
En 1792 dès avant l'entrée des Français à Liège, le peuple s'était porté à
l'Hôtel de ville pour y réclamer les
clefs magistrales, symboles du pouvoir des Bourgmestres, puis sans désordre
avait libéré les détenus politiques de la prison Saint-Léonard…
1816 et la guillotine
C’est dans une des sépulcrales cellules des condamnés à mort, dans le sous-sol
humide de Saint-Léonard, qu’attendit en 1816 un certain Magonette la décision
du roi de Hollande sur son recours en grâce. Il avait déjà passé une heure de
pilori et marqué au fer rouge à l'épaule gauche. C'est à la Cour des Mineurs
qu’il «éternue dans la sciure» comme
on disait en une plaisanterie sinistre. La guillotine est conservée au Musée de
la Vie wallonne, tandis que son crâne et le moulage de sa tête se trouvent aux
Archives du palais de justice de Liège.
Les émeutiers de 1886
Font partie des ‘héros des cent mille briques’ les
émeutiers de 1886. Un Herstalien, Edouard Wagener a été condamné à 6 mois de prison lors d’un procès en Assises pour son
implication dans cette révolte.
Un autre de ces meneurs
était le "Roi" Pahaut, qui fait un passage très spécial par la case
prison. Le 10 et le 12 avril 1886 il fait le tour des carrières. Le bourgmestre
d’Aywaille le fait arrêter à l’entrée du pont suspendu. Mais malgré son
incarcération, la grève prend de l’extension. On relâche Pahaut en espérant qu’il
conseillera la reprise du travail. Mais les carriers de Sprimont continuent. Et
Pahaut se rend compte que les patrons ne lâchent rien. Il publie un avis par
voie d’affiche où il accorde à « Messieurs
les maîtres de carrière jusqu’au 22 mai courant pour prendre une décision
relative à l’amélioration du sort des pauvres ouvriers ». Le 10 mai
l’Association des maîtres de carrière répond par la même voie : «les
maîtres de carrière qui tiennent une boutique de denrées alimentaires
seront engagés à afficher à l’avenir un tableau des principales marchandises
vendues par eux ». Pahaut convoque les ouvriers pour le lundi 24 mai pour
aller en groupe porter leurs doléances au Gouverneur.
entrée du roi Pahaut à Liège 1886 |
Le 26 mai il est assigné devant le tribunal
correctionnel, et condamné à un mois de prison. Pahaut, le « Roi
Pahaut », qui avait parcouru la contrée triomphant du haut de son cheval
blanc n’était plus qu’un repris de justice qui allait passer une vilégiature au
château Saint Léonard… Le patronat profite de cette condamnation pour le
noircir. Le 31 juin il est acquitté en appel (source : le Roi Pahaut, G.Laport, la vie walonne
N°303).
Aurélie Monseur décrit comment le 18 mars 1886, le jour du quinzième anniversaire de la commune
de Paris, des émeutes éclatèrent à Liège. Les ouvriers de Sprimont aussi
décident de se mettre en grève. A leur tête le carrier Jean-Hubert Pahaut. Il
dressa leur cahier des revendications :
- Journée de 12 heures au lieu de 16 heures
- Suppression des boutiques patronales
- Paiement par quinzaine plutôt que mensuel
- Salaire à l’heure et non plus à la journée,
de manière à assurer le travail supplémentaire.
Le 10 avril 1886, Pahaut suivi de 200 hommes,
pénétra dans les différentes carrières de la région (Florzé, Chanxe, …) pour «prêcher»
le mouvement de revendications.Les mayeurs entourés de leurs policiers, tentaient
de leur barrer la route.
feuille d'écrou de Pahaut |
Le 15 avril 1886 des patrons de carrières se
réunissent au café Vénitien à Liège assemblée. Ceux-ci arrêtèrent une triple
résolution par voie d’affiches :
- Pas de suite aux revendications tant que la
grève perdure. Dès la reprise du travail, nouvelles assemblée pour examiner la
possibilité d’améliorer le sort des ouvriers
- Démarche auprès du gouvernement pour obtenir
des mesures favorables à l’industrie des carrières.
Le 20 avril 1886, les ouvriers des carrières
de l’Ourthe reprennent le travail, mais seulement la moitié à Ouffet et sur
onze cents carriers à Sprimont, neuf cents sont mécontents. Pahaut décide de se
rendre à Liège auprès du gouverneur de la province, le 24 mai 1886. Quatre
cents hommes suivent Pahaut, monté sur un grand cheval blanc. Le gouverneur
assista lui-même au défilé imposant de Pahaut.
1886 à Liège- dans la patriote illustré |
Mais le 26 mai 1886, Pahaut était assigné
devant le tribunal correctionnel de Liège, accusé de menacer les jaunes. Pahaut
était naturellement condamné à un mois de prison. Il fit interjeter appel et le
30 juin, il fut bel et bien acquitté (Les Emeutes de 1886 en Belgique et à Sprimont, MPCollin, travail de fin d’année, 78-79, Sainte-Croix).
Dans les années 70 Jean Lambert a
créé un grand spectacle déambulatoire sur la vie du Roi
Pahaut, avec la complicité du Théâtre de la Communauté. C'est Ludo Bettens
qui l'interviewe (Hier en
Ourthe-Amblève: Mythes et Destinées Par René Henry): « J’ai mené la mise en scène et l’animation d’un grand
spectacle, déambulatoire aussi, sur la
vie du Roi Pahaut. Pahaut a été le créateur du syndicalisme ouvrier dans la
région du bassin là-bas… Le bon Sprimontois… Pahaut a mené un mouvement
symbolique où ils ont créé un cortège avec
les ouvriers carriers de Sprimont qui sont venus jusque devant le Palais
des Princes-Évêques ici à Liège pour manifester leur mécontentement et demander
à ce que leur sort soit amélioré… Et la
légende nous dit que c’est Pahaut qui sur un
cheval blanc a mené les ouvriers… Maintenant, c’est dans la naissance
du syndicalisme en 1886 que ces
événements-là se déroulés ».
Les résistants de la première guerre mondiale
Pendant la première guerre mondiale, les condamnés à mort, au nombre de 49,
étaient extraits de la prison Saint-Léonard le jour précédent leur exécution et
passaient leur dernière nuit dans les cachots de la Chartreuse. C’est ainsi que
le cocher Oscar SACRE est emprisonné le 23 septembre 1915à la cellule 170.
Condamné à mort en tant que membre d’un réseau de renseignement français il est
transféré au bastion de la Chartreuse le
27 octobre 1915 pour y être fusillé le lendemain.
Les deux frères Louis et Anthony Collard
travaillent pour le service de renseignements « Dame Blanche ». Capturés le 8 mars 1918, ils sont
conduits à la prison Saint-Léonard. Le 28 juin 1918, ils passent avec cinq
autres prisonniers passent devant le Kriegsgericht et fusillés en juillet 1918
à La Chartreuse.
Julien Lahaut, un abonné précoce.
Julien Lahaut |
Julien Lahaut était un abonné précoce. En 1913
déjà – il avait 29 ans – il est emprisonné lors de la grève générale pour le
suffrage universel. Bob Claessen décrit les
réactions de sa mère, une femme croyante: Julien, son fils unique, en
prison! Lors d’une visite à St. Léonard elle lui reproche doucement “d’avoir déconsidéré la famille ”. Julien en était attristé mais elle
comprendrait bientôt. Dans le tram, en rentrant, une institutrice qui la
connaissait (à Seraing la famille Lahaut était très connue) faisait des
remarques insidieuses sur “les femmes qui
feraient mieux de rester chez elles, avec un fils qui s’est fait remarquer par
les autorités.” C’en était de trop pour la mère Lahaut : “Si mon fils est en prison, ce n’est pas
comme criminel, comme plein d’autres qui se promènent librement. C’est parce
qu’il a courageusement défendu les travailleurs. C’est parce qu’il a fait son
devoir et je suis fière de le visiter où il est maintenant.” Tout le tram
applaudissait et la soutenait. “Quand j’ai appris ça”, me disait des années
plus tard Julien Lahaut, “j’aurais pleuré de joie. Ma mère avait compris. Grâce
à cette bête remarque de cette femme aigrie, elle s’est sentie solidaire de sa
classe. Elle a réagi comme une travailleuse, femme et mère d’ouvriers
devait réagir” (Bob Claessens, Julien Lahaut Een leven in dienst van het volk In Saint-Léonard;
trad. HH).
Marcel Baiwir et la drôle de guerre – contre les communistes !
Marcel Baiwir - photo IHOES |
Un autre témoin d’envergure est Marcel Baiwir
qui décrit la drôle de guerre – contre les communistes…
« Pour la
bourgeoisie et le gouvernement, l’ennemi ce n’était pas Rex, c’était les cocos
! Début mai 1940 nous sommes incarcérés à la prison St-Léonard. On a essayé
d’arrêter aussi notre camarade Lahaut, notre responsable principal. On a arrêté
toute une série de communistes ainsi que quelques socialistes de gauche, de
simples antifascistes, des partisans de la paix. Je crois que cela a surpris
les policiers de la ville de Liège qui avaient été commandés pour le faire.
Nous sommes restés à la prison St-Léonard, jusqu’à ce que les Allemands arrivent
à Liège, soit trois ou quatre jours après, le 13 ou le 14 mai. Avant qu’ils
n’arrivent, la police est venue nous libérer. Sur le pas de la porte de la
prison, j’ai retrouvé le commissaire qui nous avait arrêtés. Il portait un
masque anti-gaz, il n’avait pas d’arme. Je l’ai empoigné en lui disant : « tu
as vu ce que tu as fait couillon, c’est contre eux qu’il fallait…. ».
Marcel
Baiwir raconte sa première expérience avec des bombes qui « n’étaient manifestement pas au point.
C’était la première fois, donc nous étions excusables ».
Excusables ? Ils risquaient leur peau !
« Piontek, Massart et moi-même avons sans
doute été les premiers à commettre un acte de sabotage. Jan Piontek, qui est
enterré à l’enclos des fusillés de la Citadelle, a habité chez moi. C’était un
type remarquable, un ancien combattant invalide d’Espagne, de nationalité
polonaise. Nous avions eu des discussions. Pour savoir comment nous allions
lutter. Tuer un Allemand en l’attaquant par derrière avec un poignard ? Est-ce
qu’on pourra faire cela ? C’était le genre de question qu’on se posait. Des
questions de moralité aussi.
J’étais allé faire la guerre en
Espagne. Là on tirait… Ici, c’était un peu différent. Un ami étudiant
communiste nous fera deux petites bombes. C’était deux petites boules jaunes
qui devaient exploser à l’impact et mettre le feu. Cet ami fabriquant de bombes
deviendra, plus tard, professeur ordinaire de l’Université de Liège, membre de
l’Académie des Sciences de Belgique.
Munis de ces deux petites bombes, nous
avions l’intention de descendre Place St-Lambert et d’y incendier un camion.
Après quoi, nous aurions essayé d’incendier la petite librairie fasciste
ouverte sur le boulevard de la Sauvenière. Piontek nous couvrait avec un 6,35,
un truc de demoiselle avec lequel on peut tuer quelqu’un à condition d’être
tout près. Pour jeter les bombes, il y avait Albert Massart et moi. Devant la
Kommandatur de la place St-Lambert, on jeta une bombe dans un camion et puis on
se « carapata » bien vite sans se retourner. On vit qu’il n’y avait, dans le
camion, qu’un dégagement de fumée, le camion semblait intact. Nous sommes alors
allés faire le coup au Boulevard de la Sauvenière en cassant un carreau. Une
femme sortit de la librairie. Mais là aussi, semble-t-il, ça ne fit qu’un peu de
fumée. Les bombes n’étaient manifestement pas au point. C’était la première
fois, donc nous étions excusables ».
Le récit de Louise Beelen, militante
communiste, épouse de René Beelen, recoupe le récit de Baiwir. Elle fait partie
des « suspects » arrêtés par le gouvernement belge: « Je suis arrêtée le 8 mai 1940. Quelle
injustice : je vais voir mes deux frères qui partent pour la guerre. Je
travaille chez Saroléa et en arrivant chez moi à Sainte Marguerite : ma
maison avec des flics. Ils m’emmènent à la prison Saint Léonard. Que
vois-je ? Des communistes : les Baiwir, les Verlaine, enfin tous les
communistes en vue ! Et des rexistes. Donc nous étions la 5° colonne. Nous
étions plusieurs dans une cellule et j’étais avec la mère Baiwir et une
évangéliste allemande antifasciste et refugiée, arrêtée comme traitre aussi. Le
11 mai, la prison est ébranlée, toutes les vitres sont cassées : on vient
de faire sauter le pont Maghin, puisqu’on pensait que les allemands allaient
arriver d’une minute à l’autre. Finalement ils nous ont libérés. Je sors de la
prison et arrivée tout près de l’hôtel de ville je vois les Boches qui s’y
installent » (Interview
Louise Beelen par J. Gotovitch chroniques de la résistance N°8 déc. 1982 p.5-6).
Louis NEURAY, 3 ans et demi de travaux forcés suite à une dénonciation de la
direction des ACEC Herstal
Louis NEURAY est arrêté par la Gestapo le 17 décembre 1940. Après la guerre il
devient député du Parti Communiste. Durant l’hiver 1940-41, les protestations
contre l’insuffisance du ravitaillement se multiplient dans les usines. En
Janvier 1941, 10.000 travailleurs des charbonnages liégeois se mettent en
grève. Aux A.C.E.C. de Herstal, les premières sections syndicales clandestines
sont constituées par le militant communiste Louis Neuray
Louis Neuray raconte : « Le 7/9/1940 j’entre aux Acec comme
électricien. J’y développe un travail syndical avec Sépulcre et d’autres camarades, membres du PC et des JC. Ces noms se
trouvent tous, je dis bien tous, dans la liste des fusillés ou des morts en
déportation des ouvriers des Acec. Les délégués des Acec Charleroi et Herstal
viennent avec un projet de contribution au Secours d’Hiver. Ce projet est
refusé en Assemblée Générale. Je propose de lutter pour un meilleur
ravitaillement, et de désigner d’hommes nouveaux qui refuseraient les
capitulations. Je présente la demande à la direction qui refuse. Je fais alors
des démarches auprès du colonel allemand qui alloue les contingents pour
certaines industries. Je me présente comme directeur accompagné de son délégué.
Hurlement du colonel : ‘pourquoi délégué avec directeur ? Vous n’avez
donc pas d’autorité dans votre usine’ ? Il fait quand même un bon pour un
enlèvement gratuitement de 12 ou 15 tonnes de pommes de terre. Nous organisons
la distribution de 5 kg de patates par membre du personnel. Le PDG
proteste contre l’éviction de l’ancienne délégation, et nous interdit toute
prise de parole au réfectoire. Je prends la
parole quand même et je me fais
mettre en chômage pour ‘manque de travail’. Le samedi 14 décembre une Assemblée
Générale vote la grève pour lundi. Une délégation dirigée par mon ami Sépulcre
est reçue par la direction. Sans résultat. La grève est décrétée et un tramway
est pris d’assaut puis un deuxième pour monter à la Kommandantur Place Saint
Lambert. Les allemands me reçoivent en compagnie de Sépulcre mais exigent une
reprise du travail le lendemain sinon les délégués seraient arrêtés. Le 17/12
je suis arrêté par la Feldgendarmerie et la Gestapo. Aux Acec, suite aux
menaces, le travail a repris. Des mesures sont prises pour congédier une bonne
dizaine d’ouvriers et ouvrières du ‘type Neuray’ comme le disait si bien le
directeur N. à tout qui voulait l’entendre. La direction générale impose
l’embauche d’un agent de la Gestapo.
Au sein des Acec la solidarité
s’organise : chaque quinzaine les travailleurs se cotisent pour verser à
ma femme l’équivalent de mon salaire. Pendant quatre ans avec une admirable
régularité cette collecte parviendra aux miens.
A la prison Saint Léonard, où je suis
au secret pendant l’instruction de mon procès, je suis conduit à plusieurs
reprises au siège de la Gestapo. Le commissaire de police de Herstal remet
rapport à la Gestapo sur mon activité d’agitateur communiste.
Ma direction déclare aux allemands que
j’étais un agitateur communiste, dénonciation retrouvée dans les minutes de mon
procès par les armées américaines à Berlin (PV 16/12). Un rapport est remis en
1945 à l’auditeur militaire. Je suis condamné à 3,5 ans de travaux forcés. En
mars 1941 je suis déporté en Allemagne. Suite à une tentative d’évasion en 1943
je ramasse 32 jours de cachot, les jambes et bras fixés dans des fers. Je suis
libéré parce que les 3,5 ans de la peine étaient écoulés en septembre 1944.
Arrivée à Liège en même temps que les armées américaines » (Interview Louis
Neuray Souvenirs de guerre dans
Chroniques de la résistance du Front de l'Indépendance, 4 septembre 1976).
Nous
retrouvons la trace tragique de Sépulcre dans un témoignage de Jean Derkenne,
responsable communiste de la presse clandestine pendant toute la guerre: « Pour 1941 environ un million de journaux
furent imprimés et distribués par le service de presse de la fédération
liégeoise du Parti. Il faut ajouter à ceci les 20.000 cartes envoyées à Reeder
pour la libération du Camarade Neuray, arrêté à la suite de son activité à la
CEB. L’histoire de la Résistance conservera la souvenir de l’action courageuse
de ce résistant dénoncé par certains cadres de la CEB (ACEC), arrêté en 1940 et
condamné à trois ans de forteresse.
En avril 1942 notre service de presse
fut touché par l’arrestation du Camarade Sépulcre. Ce militant avait été le
bras droit de Louis Neuray à la CEB. A cause de ces évènements, Sépulcre avait
déjà été inquiété par la police allemande. Il fut libéré avec les autres prisonniers
de la Citadelle de Huy le vendredi qui précéda l’invasion de l’USSR. Rentré
chez lui, il fut de nouveau arrêté le dimanche matin. Déporté à Neuengamme, il
n’en revint jamais » (Chroniques de la Résistance du FI Mai 1975 p26).
Martin Gyselaer, fusillé pour avoir, « par cupidité, reproduit dans son imprimerie des tracts bolchevistes
Une autre grande figure a été l’imprimeur Martin
Gyselaer, fusillé à la Citadelle le 22 mai 1942 pour avoir, « par cupidité, reproduit dans son imprimerie, au cours de longs mois,
des tracts bolchevistes à des milliers d’exemplaires » (le faux Soir des 23-25 mai 1942).
Jean
Derkenne témoigne : « En 1941 l’appareil de presse avait reçu un renfort important, avec
e.a. les imprimeurs Gyselaer et Bertrand. Vers février 1942, les services du
Parti furent informés qu’un certain danger menaçait le camarade Gyselaer.
L’impression des journaux fut arrêtée.
A l’occasion du 1 mai 1942, le Parti
demanda un effort supplémentaire. Il fut décidé de faire appel au camarade
Gyselaer étant donné qu’il ne s’était rien passé en février et mars. Gyselaer
tira 40.000 exemplaires du Drapeau Rouge, 20.000 tracts ‘appel 1 mai’, 6.000
tracts en allemand s’adressant aux soldats allemands, 125.000 papillons avec
faucille et marteau. Le 28 avril 1942 l’héroïque camarade Gyselaer et son
épouse furent arrêtés. Il fut établi plus tard que ces camarades avaient été
livrés par B. qui était parvenu à gagner la confiance d’un responsable du Parti
qui le connaissait personnellement. Ce B. était un indicateur du gestapiste
Lempereur.
Voici le récit de son arrestation.
Lorsque les soldats allemands sortirent le camarade Gyselaer de sa maison, le
visage de notre ami était ensanglanté et méconnaissable. Sa compagne fut
également arrêtée ; elle fut déportée et ne revint jamais. Gyselaer fut
fusillé le 22 mai 1942 à la Citadelle. Il emporta dans sa tombe tout ce qu’il
connaissait sur l’organisation de la presse du Parti » (Chroniques de la
Résistance du FI Mai 1975 p26).
Le communiste Jacques Dortu en compagnie du curé de Cheratte
Mais on retrouve aussi sur la liste des
pensionnaires le curé de Saint-Joseph de Cheratte emmené par les allemands à la prison Saint-Léonard à Liège, le 23 janvier 1941,
est où il sera emprisonné durant 44 jours. Il y rencontre un autre cherattois,
Jacques Dortu, également fait prisonnier par les allemands à Cheratte-Hauteurs.
Apparemment, le séjour en prison n’a pas affaibli les convictions de Jacques
Dortu. Puisque quelques mois plus tard,
au 1e mai, il participe à une
action avec Marcel Levaux, Gérard Spits et Noël Gillon.
Ils font flotter deux drapeaux au sommet
de la Belle-Fleur : le drapeau belge des vétérans de 14-18 de Wandre, et un
drapeau soviétique artisanal (qui ne flottera pas, la teinture appliquée sur le
tissu le rendant trop lourd). Afin d'éviter que les allemands ne puissent venir
retirer les drapeaux facilement, ils saboteront l'escalier de la
Belle-Fleur !
Jean Hansen de Seraing. Nom de guerre : ‘Lieutenant’.
L’étudiant Jean Hansen de Seraing y est
emprisonné en novembre 1943. A 19 ans, il était entré à l’Armée
Belge des
Partisans. Dès 1941, les premiers groupes armés sont organisés dans la région
de Liège. Jean Hansen travaille avec le célèbre vulcanologue Haroun Tazieff. Le
15 novembre 1943- il est en troisième candidature en médecine- au retour d’une
mission, un petit groupe de partisans se replie d’Angleur sur Seraing. Tout à
coup, des autos allemandes dans lesquels se trouvait probablement un
dénonciateur, arrivèrent en sens inverse. Ils se retrouvèrent à la prison Saint
Léonard. Jean fut pendu cinq fois par les bras ramenés dans le dos et frappé
chaque fois jusqu’à l’évanouissement. Au conseil de guerre allemand, Jean
Hansen fut défendu par Me Musch. Quatre prévenus étaient présents :
Jean Hansen, Ludovic Jacob, Pierre
Ottogalli et Gerard Ruysen. Jean Hansen,
Ludovic Jacob, et Gerard Ruysen furent condamnés à mort. Après le verdict, les
parents purent aller les voir de temps en temps dans cette sinistre salle
d’attente de la mort que beaucoup de patriotes ont connu. Un jour, l’entrevue
et le colis furent refusés par l’officier allemand de service avisant la
famille de l’exécution de Jean et de ses deux compagnons à la citadelle de
Liège. Les trois jeunes compagnons avaient décidé d’être inhumés ensemble. Mais
les parents des deux autres ont préféré la pelouse d’honneur. Et voilà
pourquoi, aux Biens Communaux, cent mètres plus bas que la tombe de Julien
Lahaut, reposent ensemble dans le caveau familial Jean Hansen et ses parents (T. Dejace dans chroniques de la résistance N°8
déc. 1982 p.50-52).
Cassian Lohest publiera en 1945 “La defense des Belges devant le Conseil de Guerre
allemand » (Editions
Pax, 343 pages). En voici
quelques extraits.
L’affaire Hansen, Jacob, Gerard Ruysen
Le
22 novembre 1943 comparaissent devant le Conseil de guerre de Liège Hansen
Jean, étudiant en médecine, Ludovic Jacob, soldat de carrière, Ottogalli
Pierre, radio-technicien italien et
Gerard Ruysen, employé.
Des
primes astronomiques avaient été promises à ceux qui donneraient des
indications permettant de retrouver les coupables des principaux actes de
sabotage dans la région de Liège et la Gestapo du Boulevard d ‘Avroy avait mis
en chasse ses plus fins limiers. Il s’agissait entre autres du sabotage des
cabines de la gare des Guillemins et d’Angleur.
L’acte
d’accusation invoquait:
1°
la détention d’armes et d’explosifs
2°
menées bolchevistes
3°
actes de violence contre l’armée allemande
« L’accusé
Hansen s’était déjà nourri avant la guerre de théories communistes et garda
contact avec le parti du même nom, même après son interdiction par les
Autorités allemandes. Affilié depuis janvier 1943 au F.I., il s’était occupé tout d’abord de la
distribution de tracts clandestins. De mars à mai 1943 il avait remplacé le
chef d’un groupe de terroristes qui portait le nom de guerre ‘Kid’. Lui-même se
faisait appeler le ‘Lieutenant’.
Le nom de guerre de l’accusé Ruysen
était ‘Ruisseau’.
le maquisard - chlam |
Le 31 octobre 1943 les accusés
susdits se rendirent en camion-automobile à la cabine d’aiguillage de la gare
d’Angleur. L’un d’eux appelé ‘Ernest’ avait une mitraillette et, afin de donner
le change aux sentinelles allemandes, portait un képi de chemin de fer et un
brassard. Lorsque la sentinelle allemande voulait s’enquérir de leur identité,
ils tirèrent brusquement les revolvers de leur poche, tinrent la sentinelle en
respect et la forcèrent à remettre son fusil et sa grenade à main.
Le but poursuivi par les saboteurs
était incontestablement d’empêcher d’acheminer des réserves vers le front de
l’ouest.
Le tribunal fit introduire le soldat
allemand qui avait été désarmé lors de l’attentat d’Angleur. La sentinelle
raconte comment Hansen et Jacob lui mirent le pistolet ‘vor der Nase’. M. le
bâtonnier Musch constate que les accusés n’ont pas été mus par un sentiment de
haine antiallemande. Il n’en cite comme preuve que leur attitude vis-à-vis de
la sentinelle : lorsqu’ils constatèrent que l’allemand souffrait de
rhumatismes dans les jambes, ce qui l’empêchait de courir, ils placèrent
expressément à la charge d’explosifs un cordon plus long afin de donner au
soldat le temps suffisant pour se mettre à l’abri ».
André Schreurs, fondateur d’un mouvement clandestin: Les Lycéens wallons.
Notre ami Jules Pirlot a publié une biographie d’un autre pensionnaire :
André Schreurs, fondateur avec d’autres étudiants à l’Athénée de Liège d’un
mouvement clandestin: Les Lycéens wallons. L’artiste-peintre féministe Fanny
Germeau, centenaire en 2011, y a été
emprisonnée pour faits de résistance. Elle a notamment fondé le centre
de planning familial Louise Michel.
Dans les archives du Soir on peut encore lire
un témoignage poignant de Alberte Berbuto et son amie Rita
Demonceau qui sont
passés par Saint Léonard et Mauthausen Alberte Berbuto
http://archives.lesoir.be/un-monde-de-brutalite-sans-aucune-logique_t-19920124-Z04X0K.html.
dessin J. Ochs |
André Charon, un autre ‘pensionnaire’,
témoigne: « Etudiant, je faisais partie de la
ligue antifasciste, ce qui m’a amené lors de la guerre d’Espagne à aider le
secours rouge international en 1942, j’ai été dénoncé, arrêté par la Gestapo,
jugé et emmené à la prison Saint-Léonard, à Liège. Après Saint-Léonard, j’ai
été envoyé au camp de Wolfenbüttel. Je suis rentré neuf mois après la
libération en Belgique ».
JACQUES OCHS aussi est passé par là, avant d’être transféré à Breendonk où
il fait des croquis d'impressions de ses compagnons.
Emile Velghe, cheminot à Kinkempois, service ‘LUC-MARC.
couloir de la mort - citadelle |
Emile Velghe a fait du renseignement dans le
service ‘LUC-MARC en tant que cheminot à Kinkempois. Il rejoint le maquis lors
d’une rentrée en permission du travail obligatoire. Le 15 mai 1943 il est
arrêté, avec son père. Après un passage (et tabassage) par la Geheime Feld
Polizei, Boulevard Piercot, il se retrouve à Saint Léonard. En septembre il est
transféré à la Citadelle afin de permettre la désinfection des cellules. Le 20
septembre il retourne à Saint Léonard, enchainés l’un à l’autre. Ils se
retrouvent à sept dans une cellule qui, peu de temps auparavant, était occupée
par un évadé. Celui-ci avait sauté du mur de la prison dans la rue M. Laensberg
où un des habitants l’avait hébergé ; il avait des membres fracturés et
aurait été repris par les allemands. Le lendemain, il se retrouve avec 63
autres aux Guillemins pour Esterwegen, le camp des marais; puis à Dachau où il
est libéré par les américains le 29 avril 1945 (chroniques de la résistance N°8
déc. 1982 p.39).
Victor Simon, vice président national de
l’Amicale de Buchenwald, vice président régional du Front de l’Indépendance,
raconte dans ‘ Souvenirs de guerre’
comment le 21 février 1944 les résistants veulent s’attaquer à un convoi
transportant de Breendonck à Liège trois des chefs arrêtés lors d’une rafle fin
43. « Un groupe de huit hommes devait se tenir à la ferme MARECHAL sise à
Loncin, un deuxième devait se réunir à Rocourt et le troisième serait posté à
Jemeppe. Quelle ne fut pas la stupéfaction de nos amis des groupes de Loncin et
de Rocourt : un accueil particulièrement favorable leur était réservé par
les hommes de la Sicherheitsdienst de Bruxelles qui procédèrent à une arrestation
d’envergure. Seuls BRANDTS Armand et HENRIETT Edgard parvinrent miraculeusement
à s’échapper. A la suite d’un interrogatoire serré et de traitements inhumains,
les hommes furent incarcérés à Saint Léonard jusqu’au 24 avril 1944. Le 16
avril, par suite de faiblesse de la part d’un des chefs de groupe, on procède à
l’arrestation d’un grand nombre de camarades qui vinrent rejoindre leurs
compagnons d’infortune. Le 24 avril ils furent transférés à Saint Gilles,
jusqu’au 65 mai. A cette date eut lieu l’enfournement dans les wagons à bestiaux pour Buchenwald de sinistre mémoire ».
(Chroniques de la résistance N°1
sept 1972 p.6 et p.42-43).
De Saint Léonard à l’Enclos des fusillés…
pierre commémorative sur l'Esplanade |
Evidemment, pour beaucoup le séjour à Saint
Léonard s’arrête un peu plus haut dans l’Enclos des fusillés… Ainsi le
chauffeur mécanicien et résistant GRIDELET Eugène. Membre du Front de l'Indépendance, il est blessé par la
Feldgendarmerie (10 perforations) et arrêté le 2 décembre 1942. On le retrouve
à la prison militaire de Saint-Léonard à Liège le 26 janvier 1943. Il
revendique l'assassinat d’un Conseiller provincial rexiste RONDOZ le 16
septembre 1942. Il a participé au dynamitage de la Werbestelle de Liège,
Boulevard de la Sauvenière. Jugé le 4 février 1943 par le Feldkriegsgericht
Stelle Lüttich, il passe sa dernière nuit à la Citadelle où il sera fusillé le
19 février 1943.
Il avait été trahi par son hébergeur DEFRESNE,
qui sera abattu dans son arrière-boutique le 05 mai 1944 par deux membres de la
Brigade spéciale FI. Première inhumation: Enclos des fusillés (croix n° 2202,
10ème croix, rangée H). Réinhumé à Spa en juin 1945.
A Fourons-le-Comte, le docteur Jules Goffin, qui avait déjà travaillé avec
Walthère Dewé dans le réseau « La Dame Blanche » pendant la première guerre
mondiales reprend ses activités d’espionnage dans le cadre du « Service Clarence ». Jules
Goffin est arrêté le 15 octobre 1942 avec d’autres résistants. Après six
semaines d’emprisonnement et d’interrogations musclées à la prison
Saint-Léonard, tous les prisonniers se retrouvent au camp de Vught. Le samedi 9 octobre 1943, on fusilla
Jules Goffin ainsi que deux pères de Val Dieu, le comte Raphaël de Liedekerke,
Alphonse et Hubert Smeets, Nicolas Erkens et Alphonse Dresen. Après
l’exécution, les victimes furent incinérées.
Un poème d’André Mignon
http://www.getuigen.be/Getuigenis/Mignon-Andre/tkst.htm prisonnier politique
n°4575 à la Prison Saint-Léonard,
cellule 113.
Le ciel, que j'ai peuplé d'azurs et
d'ouragans,
le ciel qui fait rêver les saints et
les brigands,
je ne le verrai plus qu'un moment, à
l'aurore,
quand on m'emmènera, nerveux et
débraillé,
devant le peloton pour être fusillé.
Le 7 septembre 1944, libération de la prison Saint Léonard
bloc 24 des condamnés à mort Citadelle |
Le 7 septembre 1944, les premiers tanks
américains sont signalés à Liège. Nos miliciens occupent la Citadelle sans coup
férir. Le drapeau belge est hissé au sommet de la tour du bloc 24. La prison
Saint Léonard est également libérée. Des centaines de résistants sont libérés.
Maes Albert, ex commandant-adjoint du Corps 013 des Partisans armés Liège –
Ourthe – Amblève, raconte comment Liège se libéra en 1944. : « Le commandant en chef du Corps 013 des
Partisans armés, Robert Lejour, s’était fait arrêter et avait été fusillé à la
Citadelle, quelques heures avant la Libération. Tandis que le commandant en
chef des Milices Patriotiques de la Province de Liège, Jean Pirlet, était jeté
à la prison Saint Léonard, le 29 aout 1944. Condamné à mort, torturé de façon
atroce, il fut délivré le 7 septembre 1944, par les Milices Patriotique, alors
qu’il devait être exécuté le 8 septembre 1944 »(chroniques de la résistance N°1 sept 1972 p.6 et N°2 sept 1974 p.47).
Jean Van Lierde fait connaissance avec Saint Léonard après la guerre, comme objecteur de conscience.
Remarquez les coteaux nus avec l'usine Vieille Montagne |
Jean Van Lierde, ouvrier de 15 ans dans une usine d’accumulateurs, distribue la
presse clandestine et des tracts, soutient les réfractaires au travail
obligatoire et fabrique des faux papiers au sein du mouvement de résistance
belge MNB. Il ne fera pas connaissance avec Saint Léonard pendant la guerre,
mais bien après, comme objecteur de conscience. Il refuse sa libération et
oblige les autorités à l’expulser de prison. Il se retrouve par 1035 mètres de
fond au Bois de Caziers, où « c’était bien pire que la
prison » !
Durant
les années d’après-guerre, il était devenu dirigeant de la Jeunesse Ouvrière
Chrétienne (JOC). En 1949 vient le moment de la conscription : Jean refuse
de se rendre à la caserne et devient l’un des premiers objecteurs de conscience
belges au service militaire. Il est emprisonné à la prison Saint-Léonard. Bien
vite les autorités le libèrent dans le but d’étouffer politiquement l’affaire.
Voyant que ses camarades objecteurs ne sont pas libérés, il refuse sa
libération et oblige les autorités à l’expulser de prison « exactement comme on m’y avait fait entrer.
Manu militari » ! Arrêté une deuxième puis une troisième fois, il
affronte « la comédie burlesque des conseils de guerre » et passe au
total plus de quinze mois derrière les barreaux, demeurant un an « parmi
les cent derniers condamnés à mort belges de la guerre 1939-1945, officiers SS,
collaborateurs », …. Jean Van Lierde va connaître alors une nouvelle
expérience marquante : sur sa propre demande, les autorités belges l’envoient
travailler comme manœuvre à la mine de charbon du Bois de Caziers, par 1035
mètres de fond, en remplacement de son temps restant d’emprisonnement.
« C’était réellement le bagne. C’était bien pire que la prison. 15
décembre 2006 s’éteignait à l’âge de 80 ans.
En guise de conclusion ces premiers vers d’une
ballade d’Aragon:
Et s'il était à refaire
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains
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