Logements sociaux Venne Liège - photo skynetblogs |
La Wallonie revoit son Schéma de développement
de l´espace régional (SDER). Le SDER sert de référence pour les décisions
concernant l´habitat, l´implantation des activités économiques, la mobilité etc.
Je voudrais analyser ici plus spécifiquement les passages concernant le logement.
Résumé
Le SDER dit p.11 « La Wallonie souhaite garantir à chacun la réponse à ses besoins
fondamentaux, notamment le logement et les services ». A peine 4 pages
plus loin, cette garantie est déjà oubliée. On vise modestement « à compenser dans une certaine mesure les
inégalités sociales ». Pourtant, les besoins sont énormes. Le
SDER part des perspectives démographiques avec un besoin de 115.000 nouveaux
logements d’ici à 2020, et 320 000 d’ici 2040. Mais pour estimer les besoins on
peut partir aussi du critère appliqué par les banques : le coût d’un
logement ne devrait pas dépasser 30% des revenus. Dans le SDER la notion de
logement social disparaît pour la notion de logements publics ou conventionnés
avec comme objectif 5 % par commune et 10 % par bassin de vie. Cet objectif
plus que modeste ne permet pas de peser sur la marché du logement. Et les
moyens pour les atteindre se limitent à
« une politique volontariste
de conventionnement issue des nouvelles compétences régionalisées (notamment
via la politique des baux à loyer) et des politiques foncières visant
à maîtriser les prix des terrains et à lutter contre la rétention foncière ».
En pratique, cette politique foncière consiste à brader des terrains
appartenant aux instances publiques au profit des promoteurs privés.
Garantir à chacun la réponse à ses besoins fondamentaux, notamment le logement et les services ?
Ajouter une légende |
La Wallonie souhaite dans le ‘nouveau’ SDER
p.11 « garantir à chacun la
réponse à ses besoins fondamentaux, notamment le logement et les services ».
Et en p. 15 la SDER enfonce une porte ouverte : « D’un ménage à l’autre, les revenus des
citoyens wallons varient ». Nous sommes à peine 4 pages plus loin, et
la garantie à chacun d’une réponse à ses
besoins fondamentaux est déjà oubliée. On vise modestement « à compenser dans une certaine mesure les
inégalités sociales ». Cela n’engage à rien du tout ! « Il est nécessaire de développer une offre
diversifiée en logements publics et conventionné. Accessibles à des personnes
aux revenus faibles, ces logements permettent de compenser dans une certaine
mesure les inégalités sociales et d’améliorer les conditions de vie et le
bien-être des populations moins favorisées ».
Mais même cette compensation des inégalités risque
d’être réduite à rien si on voit les besoins : « les perspectives démographiques envisagent pour les années à venir une
augmentation annuelle de 14 000 ménages. Dans cette hypothèse, la Wallonie
devra offrir plus de 115 000 nouveaux logements d’ici à 2020. Par la suite, le
nombre de ménages continuera d’augmenter. L’évolution de la population d’ici
2040 nécessite la création d’environ 320 000 logements supplémentaires en
Wallonie ».
Déjà aujourd’hui l’offre reste largement en
retrait par rapport à la demande. Demain ça sera encore pire. Pour moi,
garantir un logement doit être lié à un résultat. Sommes-nous plus catholique
que le pape en mettant en avant le critère appliqué par les banques : un
logement adapté à chacun pour maximum 30% de ses revenus ?
La notion de logement social disparaît pour la
notion de logements publics ou conventionnés.
« Le
pourcentage de logements publics ou conventionnés devrait atteindre en 2040 au
minimum 5 % par commune et 10 % par bassin de vie pour un objectif global de 20
% de logements publics ou conventionnés pour l’ensemble de la Wallonie » :
nous ne voyons pas comment on pourrait globalement atteindre 20% de logements
publics en ciblant 5 % par commune et 10 % par bassin de vie.
Expo 1930 Thier à Liège - projet J. Moutschen |
Pour la matérialisation de cet objectif, le
SDER propose la mise en place de 2 types de politique en matière de logement.
« D’une part, poursuivre et renforcer le rythme actuel de construction de
logements publics. En effet, l’on estime
que pour atteindre 10 % de logements publics à l’échelle de la Wallonie, 50 000
créations de logement devront avoir lieu d’ici à 2040. Or, au rythme actuel des
plans d’ancrage communaux, ce sont 40 000 nouveaux logements publics qui
devraient sortir de terre d’ici cet horizon. Grâce au transfert de compétences
prévu par la réforme de l’Etat, la Région devrait disposer de nombreux leviers
pour organiser le marché locatif wallon ».
J’ai mes réserves les plus formelles par
rapport au diagnostic de départ. Il n’y aura jamais 40.000 nouveaux logements
publics au rythme actuel des plans d’ancrage communaux. Cette projection est
fausse ; une politique d’autruche
qui est d’ailleurs une généralité dans toutes les compétences
régionalisées.
A partir de ces perspectives gonflées
l’estimation du « solde de
l’objectif » - 10 % de logements à l’échelle de la Wallonie – est fausse, et cette falsification sert à
justifier l’extrême modeste des moyens : « une politique volontariste de conventionnement issue de ces nouvelles
compétences (notamment via la politique des baux à loyer) ».
Ce manque de volontarisme se montre aussi dans
les autres moyens préconisés par le SDER : « les politiques foncières que les autorités publiques mettront en
œuvre viseront en priorité à y maîtriser les prix des terrains et à lutter
contre la rétention foncière ».
En pratique, cette politique foncière consiste
à brader des terrains appartenant aux instances publiques au profit des
promoteurs privés.
le premier logement social à Herstal r. Croix Jurlet |
Or, pour nous, la stratégie séculaire de la
Belgique qui repose sur un minimum de logements publics a prouvé son échec. La
régionalisation du logement n’a nullement rompu avec cette stratégie :
elle a par contre réduit le développement du logement public à un minimum
historique.
Cet échec est particulièrement visible dans
l’habitat permanent dans les zones de loisirs : « aujourd’hui, soit par choix, soit par
contrainte, un nombre important de personnes vivent dans les campings et parcs
résidentiels en tant que résidents permanents. Ces espaces permettent d’accéder
à un logement à très faible coût, mais ne remplissent pas toujours les
conditions pour assurer à long terme à leurs habitants des conditions de vie décente.
Certains sont situés en zone inondable, les constructions et les équipements y
sont souvent vétustes, l’accessibilité aux services est difficile.
Le
phénomène d’habitat à titre permanent doit être maîtrisé et géré ».
Et en quoi consiste la maitrise préconisée par
la SDER : à « améliorer les
conditions de vie dans les limites d’intervention des pouvoirs publics, tout en
évitant que ce phénomène ne s’amplifie » !
Cet échec est patent aussi dans les phénomènes
de gentrification et de relégation. La gentrification
est un processus de transformation de quartiers populaires en quartiers
bourgeois. Elle provoque un déplacement de populations socialement fragiles au
profit d’une appropriation des quartiers par des populations à revenus élevés.
La relégation désigne un processus de concentration de personnes pauvres ou
précarisées dans un
quartier de ville ou un village. Et que prévoit la SDER p.118 point 5 ?
« Les agences immobilières sociales
(AIS) s’efforcent d’établir une adéquation entre les attentes des propriétaires
qui désirent percevoir un loyer normal leur permettant d’entretenir leur
patrimoine et la diversité des besoins des locataires à faibles revenus en
remettant sur le marché des logements inoccupés ».
Ilot Firket Jdp 2013 |
Par rapport à ces questions de fond, le débat
sur la croissance des surfaces urbanisées est faussé. En refusant de se donner
un poids suffisant sur le marché du logement, nous nous enlevons tout levier
utile pour maitriser cette croissance dans le respect de l’environnement.
« 256 000 nouveaux logements (80 %)
devraient être réalisés en reconstruction de la ville sur la ville ou en
urbanisation de terrains vierges. D’ici 2040, 25 % de ces logements, soit
environ 64.000 unités, proviennent de ces opérations de reconstruction de la
ville sur la ville. Pour répondre à la
demande en nouveaux logements d’ici 2040, les autorités publiques veilleront à
réserver 10 000 ha à l’urbanisation dans les territoires centraux en milieu
urbain et rural ».
Conclusion
Cité rue Renardi |
Le nouveau SDER ne rompt pas avec le démantèlement
du logement public et social qui a connu une accélération avec la
régionalisation de cette matière. Une réelle politique de logement social doit
viser à permettre à chacun de se loger dignement pour maximum un tiers de ses
revenus. Une vraie politique de logement ne saurait se limiter « à compenser dans une certaine mesure les
inégalités sociales ».
Voir aussi mes autres blogs concernant le logement social :
http://hachhachhh.blogspot.be/2014/02/le-sder-et-les-activites-economiques.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2013/12/historique-du-logement-social-herstal.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2013/12/des-cites-jardins-aux-congres.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire