dimanche 16 février 2014

Balade-santé à Vottem. Un Ravel, la chaussée Brunehault, le terril de la Batterie et le Bouxhtay

terril batterie- les iguanodons
de Bernissart, c'est par là
Depuis mars 2014 MPLP Herstal organise  une balade-santé tous les deuxièmes dimanches du mois. Quelques kilomètres à pied, ça use les souliers. Mais c’est bon pour la santé. Notre maison médical fait aussi dans le préventif ! Les promenades sont gratuites. Une bonne partie des promenades se fait sur des routes réservées aux piétons, dont des chemins de terre, qui pourraient être boueux par temps pluvieux. Une de nos futurs balades sera Vottem.

Vottem, un haut lieu de l’histoire liégeoise

A Liège le perron était le symbole du pouvoir de justice, temporel, du prince-évêque. A Vottem se trouvait un Perron de « dépannage », quand le Perron Place du Marché était inaccessible au prince évêque parce que le peuple trop turbulent. L’historien Claude Gaier le situe à l’angle de la vieille voie de Tongres et la rue des Neuf Journaux. Vottem est donc un haut lieu de l’histoire liégeoise, depuis une ordonnance du prince-évêque Henri de Gueldre, prince-évêque de Liège de 1247 à 1274, qui stipulait que les échevins pouvaient juger hors de Liège, à Vottem. De Gueldre y tient le procès de Henri de Dinant, chef du parti populaire, qui fut condamné au bannissement en 1255, comme perturbateur et séditieux.
Si Henri de Dinant est exilé, les citains de Liège auront le dessus cinquante ans plus tard, lors de deux batailles qui valent bien les Eperons d’or! En 1307 le prince évêque Thibaut de Bar doit fuir à Maastricht, et cite les chefs des révoltés à Vottem. En 1346 rebelote avec Englebert De la Marck. Et, à deux reprises, les princes se font battre par les milices !
A la fin de l’Ancien Régime, vers 1830, Vottem (chef-lieu) comptait 247 maisons ; plus 32 au Bouxhtay, 12 à Bernalmont et  18 Derrière-Coronmeuse. Il y avait 57 chevaux, 124 vaches et 210 moutons.

La fraise, mais aussi les fourchettes de Vottem

L’ancienne maison du peuple - photo l'avenirnet
L’ancienne maison du peuple de Vottem, le Rouby, propriété du CPAS, n’a pas survécu. En 1994 à Vottem avait  sa  Radio Rouby sur 107,4 Mhz.
La place Gilles Gérard a potentiellement beaucoup de charmes. Mais ça ressemble trop à un parking et son  réaménagement traine en longueur. En 2011 un  budget de 100.000 EUR avait été inscrit pour une du groupe AMSR (Aménagement, mobilité, sécurité routière), et on annonçait même la désignation d’un adjudicataire avant la fin de l’année. Puis on s’est tourné vers le TEC en espérant que le TEC allait prendre ça en charge. La Ville l’a repris « afin d’en accélérer la mise en œuvre » (sic). Ce qui revient à introduire un dossier auprès de Feder....
L’inachèvement de l’église Saint-Etienne témoigne de la Binamêye revolucion Liégeoise du 18 août
1789. Le chapitre de Saint-Lambert avait commencé en 1788 la réfection de cette ancienne filiale de l’église de Liers. En annulant chapitre et autres ordres contemplatifs la révolution interrompit les travaux pourtant bien avancés. L’église possède une Vierge sculptée de l’époque de Del Cour au XVIIe siècle. Avis aux voleurs : « de l’époque de » Del Cour =/= de Del Cour !

En 1914 l’abbé Crèvecoeur de Vottem a une «Victoire pacifique» (c'est le titre de son livre). Le 6 Août 1914, au cours d'une escarmouche, 22 Belges et 11 Allemands sont tués. Le curé  les enterre et  le photographe local prend des photos des soldats décédés. Ces images évitent des représailles envers la population locale. Après la guerre , les 22 plaques de verre sont perdues. Ils réapparaissent sur un marché aux puces en 2003 où un couple néerlandais les achète et les présente au musée In Flanders Fields. Vottem est donc présent au  musée "In Flanders Fields". 
L’ancienne maison communale héberge un musée de la Fraise, témoin d’une activité importante, au point d’avoir une criée. Les variétés St-Lambert, la Merveilleuse et surtout le Souvenir Charles Marchiroux étaient chargées sur des paniers et vendu en ville place Cockerill. "Le Machiroux" est aujourd’hui un cocktail de cidre brut et de liqueur de fraise. En juin il y a chaque année la fête "Ca va fraiser".
Mais Vottem avait aussi ses limeurs de fourchettes ! Jusque vers 1850 il y a avait partout des forges aux fourchettes. L’écrivain local Marnette écrit : « mon père limait des fourchettes, pauvre métier. Il essaye le métier de forgeron de fourchettes mais il n’eut pas l’adresse nécessaire. Il se fit houilleur alors ». Au musée Herstal il y a une vitrine sur cette fabrication (un dépôt du Musée de la Vie Wallonne). En 1870-1885 cette activité cède le pas à l’armurerie. Les limeurs de fourchettes fabriquaient alors des baionnettes. Comme à Amay, un grand nombre de briquetiers émigraient chaque année pour exercer leur industrie dans les pays étrangers.
De la place nous rejoignons le Ravel  qui utilise une section du vicinal 467A LIEGE - HOUTAIN-ST-SIMEON. Il s’agit ici de  la liaison Ravel Meuse – Ravel Liers. Les Ravels ( Réseau Autonome de Voies Lentes) sont « des voies de communication autonome réservée aux déplacements non motorisés, et réunissant des conditions suffisantes de largeur de déclivité et de revêtement pour garantir une utilisation conviviale et sécurisée à tous les usagers de toute capacité ». Après avoir lu ça, on hésiterait à souiller un Ravel avec ses semelles…
Ce vicinal partait de la Place Jean de Wilde, par la Vieille Voie de Tongres et le Cimetière Sainte-Walburge, en faisant une boucle par le Charbonnage de la Batterie pour revenir par la Rue du Plope à Vottem-Eglise. L’assiette vers  ‘Milmort-Station’ et  ‘Liers-Fort-  Liers-Station Etat’ a disparu dans le zoning des Hauts Sarts, mais on peut reprendre la piste à  Fexhe-Slins-Anixhe. A Houtain-St-Siméon Station où l’on rejoint un autre vicinal, la ligne 76 aménagé en Ravel, on retrouve des beaux panneaux explicatifs. Le long du vicinal nous longeons la petite cité Le Pireux, autrement dit‘le camp de Beverloo’,  rue des Colombiers, construite en 1932. Un certain Alexandre Gustin s’impose comme ‘li bourgimaisse dè camp de Beverloo’ pour défendre les droits des locataires. Il arrive chez nous en 1925 et s’installe dans la cité de la SHBM. S’engage alors un duel avec Gilles Gérard, président de la SHBM et ancien bourgmestre. Lors de la campagne électorale de 1932 Gustin s’associe à Guillaume Liégeois, l’ancien gardien du cimetière qui avait dû démissionner suite à ses démêlés avec le secrétaire communal. Il se voit attribuer une place de combat sur la liste de Cercle catholique et est élu au Conseil.  Gustin quitte la commune de 1936 à 1945. Il est engagé à la FN où il devient délégué syndical à la FGTB. Il est décédé en 1971.
 (Chez nous à Vottem vol II p.181). Voir mon blog sur le logement social à Herstal.

La Chaussée Brunehaut date de 1846 !

Nous longeons l’autoroute et le cimetière, rue du Tillet.
Le Ravel de liaison continue sur notre droite par la Chaussée Brunehaut, coupé un peu plus loin par le zoning. Nous croiserons cette Chaussée un peu plus loin, en prenant la rue du Bouxhtay. Les experts du  Schéma de Structure Communal  proposent de remettre en fonction ce lien historique : on voit réapparaître Berthe aux grands pieds et le fantôme de Charlemagne ! En fait, ils se trompent sur l’ancienneté de cette Chaussée Brunehaut. Selon notre historien local M. Collart-Sacré, « on donne improprement le nom de Chaussée Brunehaut à une voie de grande communication qui fut établie en 1846 et comprend nos rues Grande Foxhalle, Basse Préalle, Charlemagne, Verte et gagne Milmort et Liers. M. Vergote, chef de division de la voirie vicinale écrit en 1849 : ‘La construction de cette voie de grande communication qui donne lieu à une dépense de 65.000 francs, traverse sur une longueur de 9.885 mètres le territoire de 7 communes qu’elle rattache à deux grandes routes’.
wiki - Axe romain de la voie de Tongres à
Aix-la-Chapelle jusqu'au gué de 
Herstal 
La Chaussée Brunehaut officielle est déclarée chemin de grande communication N° 86 par arrêté de la députation permanente le 10/9/1863. Elle était administrée par une commission spéciale des délégués des communes qu’elle dessert. Un petit détail qui doit rester entre nous (après les parcmètres ça pourrait donner des idées à M. Daerden) : un péage était établi rue Basse Préalle et supprimé en 1909. Par AR de 1851 Herstal fut autorisé à établir 3 péages d’une demie barrière adjugés pour une année moyennant 180 fr » (Collart-Sacré, La Libre seigneurie de Herstal, éd. Thone, 1927, p. 376).
M. Collart-Sacré souligne que « pendant les deux siècles et demi que dura leur domination, les Francs n’ont rien construit, rien édifié, ni route, ni monument. C’était des peuplades essentiellement guerrières, cherchant la richesse facile par le pillage et le vol mais incapables de culture stable ». Pour un autre médiéviste, «c’est une fantaisie d’érudit, de poète ou d’écolâtre, postérieur à la Renaissance carolingienne et sans le moindre rapport avec la réalité, la reine franque n’ayant jamais rien fait pour les routes » (Camille Jullian, Histoire de la Gaule, V, 1920, p. 102).

Vers le terril de la Batterie

Nous continuons via rue des Bleuets pour rejoindre le terril de la Batterie via la rue Croix Jouette et la rue Bonnier du Chêne.
terril batterie
Le terril Batterie Nouveau (ou terril du Poyou Fossé), issu d’une exploitation charbonnière qui s’est arrêtée en 1965, occupe une superficie de 14 ha. Dans les années 70, il a fourni du remblai lors de la construction de l’hôpital de la Citadelle. Reboisé en 1984, aujourd’hui classé non exploitable, il est repris dans l’inventaire des paysages remarquables. C’est un milieu apprécié des rapaces, comme par exemple l’Épervier, le Faucon crécerelle ou la Buse variable. Les habitants des rues voisines observent régulièrement dans leur jardin les traces discrètes des visites nocturnes des blaireaux. Le bouleau est une espèce pionnière des pentes mobiles.
vue d'en haut du terril batterie
Le sentier Matraifosse, du nom d’une ancienne houillère, longe la face Sud du terril. La restauration des sentiers est l’œuvre de l’association des habitants du quartier des Tawes. A notre droite le sentier de la Bure du Rossignol.  Le sentier de gauche longe une roselière, alimentée par les eaux de percolation du terril. On y retrouve le crapaud calamite. On retrouve dans le coin les marques rouge et blanches des GR, routes de Grandes Randonnées. C’est des tronçons du Sentier des Terrils qui suit sur 300 km le jalonnement des terrils, de Bernissart à Blegny-Mine. Attention:  ne les suivez pas sans topoguide. Vous n’arriverez pas jusqu’aux iguanodons de
Terril bacnure en combustion
Bernissart! A vottem – les Tawes le Sentier des Terrils est complété par deux boucles.
Je rappelle que le vicinal faisait une grande boucle pour desservir le charbonnage de la Batterie. Notons qu’un souterrain débouché sur le site du Bâneux, à Vivegnis- Saint Léonard où se trouve encore l’ancien bâtiment administratif de la société de Bonne Espérance, Batterie, Bonne-fin et Violette. Aujourd’hui l’Espace 251 Nord y développe un projet de résidences d’artistes et de diffusion des arts plastiques.
Sur Youtube les témoignages de 2012 de deux anciens mineurs, Francesco Basile et José Freire, et d'un habitant du quartier Saint-Léonard (Michel Defauwes) sur le charbonnage de Batterie. Voici encore une vidéo sur les mineurs de la batterie.
François Demarteau a été mineur au charbonnage de Bonne Espérance Bonne Fin Batterie Violette entre 1957 et 1965. Il organise régulièrement des balades autour du terril Batterie Nouveau, et une autre qui part de l’esplanade Saint-Léonard pour  aboutir au sommet du terril en passant par le site des Tawes.
En 2012 des riverains ont lancé une pétition contre l’établissement d’un camping sur le site Batterie Nouveau, de l’autre côté du Boulevard.

La bataille de Vottem, “la plus incroyable bagarre qu’on ait connu depuis longtemps : 100 Turcs contre 120 gendarmes en 1964 ».

Rue Lavaniste (à hauteur de l’actuel funérarium Besem), la Cantine « 200 », témoin de la bataille de Vottem. On pense spontanément à la bataille de 1307 contre le prince évêque Thibaut de Bar et de 1346 contre Englebert De la Marck, notre bataille des Eperons d’or. Et bien non, il s’agit de “la plus incroyable bagarre qu’on ait connu depuis longtemps : 100 Turcs contre 120 gendarmes en 1964 ». Le site cegesoma est très intéressant sur 50 ans d'immigration turque.  Les faits se sont passés sur le site actuel du Golf de Bernalmont, là où logeaient les ouvriers turcs de la Petite Bacnure donc au phalanstère de la rue des Peitite Roche et à la Cantine Biondi rue de Bernalmont.
Un ouvrier mineur, Y Saccomano, habitant le Thiers à Liège et travaillant à l’époque à la Grande Bacnure se souvient bien des faits qui se sont passé rue Lavaniste (à hauteur de l’actuel funérarium Besem) à la Cantine « 200 ».  Une jeune-fille, de nationalité belge et habitant le voisinage, se serait plainte à la gendarmerie
sentier terril batterie nouveau
d’avoir été approchée et poursuivie par ouvrier mineur turc de la cantine.  Ca me fait penser directement au viol évoqué dans le film 'Marina'. L’arrestation par la gendarmerie de cet ouvrier turc a tourné en une confrontation des ouvriers turcs solidaires avec leur compatriote et de la gendarmerie appellée en renfort.  Au moment des faits, le quartier était quadrillé par la gendarmerie présente en grand nombre y compris dans les rues voisines. George Dehousse dans son Histoire de Vottem précise p. 194 qu’au n°200 de la rue Lavaniste, il y avait la Cantine n°1, une vaste maison qui servit de logement à des prisonniers russes, ouvriers mineurs, pendant la guerre 40-45, et qui après la guerre continua à être utilisée comme phalanstère.  Par phalanstère il faut ici entendre une habitation où logent des ouvriers « célibataires », c’est-à-dire immigrés sans leur famille.
Pour apaiser les esprits après cette affaire fort médiatisée, le roi Baudouin se rend en personne en juin 1964 dans différentes cantines de mineurs turcs de la région liégeoise. J’ai retrouvé les références suivantes sur le site cegesoma. Mais celui ou celle qui auraient ces documents ou d'autres photos sur cette bataille intéressante ou sur ce phalanstère peuvent me contacter. Nous fêtons cette année les 50 ans de l’immigration turque et cette bataille mérite d'entrer dans l'histoire

Le Bouxhtay: le plus beau paysage de Herstal.

ruines bouxhtay (en bien meilleur état qu'aujourd'hui)
Nous passons par  le Bouxhtay. La chapelle de Bouxhtay   date de 1250 et le paysage autour est pour les experts qui ont travaillé sur le Schéma de Structure Communal le plus beau paysage de Herstal.
La rue des Meuniers  doit son nom au moulin du château comme atteste un document des 1514 : ‘une pieche de terre gisant en lieu dist a passel de mollin’. Nous avons difficile à nous imaginer un ruisseau ici puisque la vallée d’origine est bouchée par le terril de la petite Bacnure. Via la rue Florent Boclinville nous prenons le sentier Marnette pour rejoindre la place communale via le vicinal.

Sources

http://hachhachhh.blogspot.be/2014/04/vottem-une-place-dhonneur-au-musee-in.html
“Des Turcs lapident des gendarmes venus arrêter l’un d’eux à Vottem. Quatre blessés”, in Le Soir, 23.5.1964, p. 4;
“La bataille, à Vottem, entre Turcs et gendarmes”, in Idem, 24-25.5.1964, p. 4. “La bagarre”, in Pourquoi Pas ?, 26.6.1964, p. 44.
 “Turbulence turque”, in Le Soir, 1.8.1964, p. 1.

 “Les Turcs à Liège”, in Pourquoi Pas ?, 31.7.1964, p. 28. 
http://www.e2n.be/fr/expositions/le-charbonnage-de-batterie-de-salomon-de-rothschild-en-1859-la-greve-de-1960 Aux JOURNÉES DU PATRIMOINE de 2012 une expo sur le charbonnage de Batterie : De Salomon de Rothschild en 1859 à la grève de 1960 08
http://www.fabrice-muller.be/biblio/charbonnages1.html Fabrice MULLER Bornes commémoratives des puits de charbonnage - Le charbonnage de Batterie dans
Bulletin de la société royale Le Vieux-Liège, 2004, tome 14, no 308, p. 632-640
http://velo-ravel.forumactif.org/t322-ravel-l076-herstal-l76

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