lundi 2 décembre 2013

Le city marketing a mis Valence sur la carte du monde... des villes les plus endettées

Un trou financier insondable et un plan d’austérité impitoyable

Une incroyable « PP connexion » (Partido Popular) a voulu «mettre Valence sur la carte du monde». Au temps de la «décennie merveilleuse», rien n’était trop cher pour faire de la Communauté de Valence la nouvelle «Californie européenne».
Résultat : la Cité des Arts et des Sciences, conçue par Calatrava, pour 1,3 milliards d’euros, soit 700 millions de plus que le budget initial,  a creusé  un trou colossal dans les comptes de la communauté la plus endettée d’Espagne.
"On nous a vendu une société en carton-pâte et aujourd'hui on voudrait répercuter les dépenses excessives sur l'Etat-providence", dénonce le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs (UGT) de Valence, Conrado Hernandez, à la tête de quatre manifestations contre les plans d'austérité en un mois. Salaires des fonctionnaires amputés, réduction drastique du nombre d'entreprises publiques, hausses des frais d'université et de cantine scolaire. Selon l'Institut valencien de recherche économique (IVIE), les "grands événements" représentent 13 % de la dette actuelle de la région, évaluée à près de 20 milliards d'euros. Aujourd'hui, les revenus par habitant sont inférieurs de 12 % à la moyenne nationale, alors qu'il y a quinze ans Valence se trouvait dans la moyenne espagnole.
Le textile, le jouet, la maroquinerie, le marbre, la céramique ou la métallurgie ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils furent. «Du fait des délocalisations, mais aussi parce qu'une grande partie des capitaux a été réinvestie dans le secteur de la construction où l'argent était facile », explique le président de la Confédération des entreprises de Valence, José Vicente Gonzalez. "Beaucoup d'entrepreneurs ont négligé leurs entreprises." Les deux caisses d'épargne régionales, Bancaja et la CAM, sont elles aussi tombées
dans le piège de la bulle immobilière. Du fait de leur délicate situation, Bancaja a fusionné avec Bankia, l'ancienne Caja Madrid, et la CAM a du demander 2,8 milliards au Fond de Restructuration pour revenir aux 10% de fonds propres, et été ensuite nationalisée par la Banque d'Espagne, tout comme la banque pourtant centenaire et liée à la bourgeoisie locale Banco de Valencia. " Il n'y a plus de pouvoir de décision à Valence en matière d'octroi de crédit ", conclut l'économiste Francisco Perez, chercheur de l'IVIE.
Moody's a classé la Region of Valencia,  Instituto Valenciano de Finanzas, la CIUDAD DE LAS ARTES Y LAS CIENCIAS, Universidad de Valencia, Universidad de Alicante, Universidad Jaume 1 de Castellón, Universidad Politécnica de Valencia, Feria Valencia dans la catégorie spéculative ou Junk bond Ba3, avec ‘ negative outlook’.
Suite à ça un plan d’austérité impitoyable a été lancé: 1.057 millions d’euros d’économie en deux ans (440 millions de coupes dans le budget de la santé et 379 millions sur le personnel public). Ce plan est l’équivalent du surcoût de trois grands projets urbanistiques : 700 millions de dépassement pour la Cité des Arts et des Sciences, 240 pour la Cité de la Lumière à Alicante et 107 millions d’euros pour le parc d’attraction Terra Mítica.
En février 2012, faute de chauffage, les élèves allaient à l’école avec leur couverture, le gouvernement n’ayant pas octroyé un euro à l’éducation publique depuis huit mois. En janvier 2012, les dizaines de milliers de Valenciens ont défilé en demandant «moins de Vuitton et plus d’éducation».
En novembre 2013 on a fermé la radio et télévision régionale, la RTVV, 1700 salariés !

Les projets fantômes de Calatrava (et des autres)

Cette « PP connexion » a évidemment trouvé dans Calatrava l’architecte idéal. Il dépasse partout allégrement les budgets d’un facteur deux ou trois, comme pour la Cité des Arts et des Sciences. Mais il a été payé aussi pour des vides architecturaux ou «projets fantômes» comme les surnomment Izquierda Unida (Gauche Unie, IU) .
Il y a une partie de la Cité des Arts qu’on ne verra jamais : les trois tours qui devaient côtoyer cette Cité ont rapporté 15 millions d’euros à Calatrava pour le simple fait de les avoir imaginées (2,6 millions payés d’avance en 2005 ; ensuite, 137.000 d’euros pour les maquettes, puis deux fois 6,2 millions d’euros pour la rédaction du projet).
Pour agrandir la rade du port de Torrevieja, il a touché 600.000 euros. Le port, qui a servi de base à la célèbre régate internationale,  la 32e America's Cup, et qui a coûté 1,8 milliard d'euros à la région, est désert.
Catatrava a pris 2,7 millions d’euros pour un projet de centre de congrès à Castellón dont l'entreprise publique estime que le projet de base ‘ne répond pas au budget ni à la surface constructible convenue’. Fin 2012 elle a suspendu le projet.
Ensuite, mais sans Calatrava, un aéroport flambant neuf à Castellón   a coûté déjà de 150 millions d’euros + 30 millions d’euros de publicité. Il a été inauguré en mars 2011 sans avoir fait les démarches pour l’autorisation de vols aériens, Le promoteur Carlos Fabra déclarait le jour de l'inauguration: «Ceux qui disent que l’on est fou d’avoir inauguré un aéroport sans avions n’ont rien compris. Pendant un mois et demi, tout citoyen qui le
désire pourra visiter le terminal et se balader sur les pistes d’atterrissage, ce qu’ils ne pourraient pas faire si les avions devaient décoller et atterrir.» Dernière nouvelle :  l’aéroport serait opérationnel mi 2014.
Valence  organise le Grand Prix d'Europe et les Ferrari World Finals. Le circuit urbain de formule1, 5,4 km de long, vingt-cinq courbes, a nécessité 90 millions d'investissement, sans compter la redevance annuelle de 20 millions pour le championnat d'Europe, qui engage Valence jusqu'en 2014.  Fin 2009 la Ville a fait part de son intérêt pour disposer d'un parc d'attraction sur le thème de Ferrari, comme celui d'Abou Dhabi.
En 2008, le club de football FC Valence abandonne son partenariat avec Toyota au profit de Valencia Experience, un consortium lancé par le magnat du textile Vicente Saez-Merino, qui organisait déjà l’America’s Cup, le Grand Prix de Formule 1 et un tournoi de tennis. Valencia Experience est en fait une coquille vide. Entre temps, le groupe Saez-Merino a fermé quatre de ses cinq usines, et licencié 634 salariés sur 913. Valencia Experience fait miroiter un nouveau stade, Nou Mestalla, dessiné par l'architecte Mark
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Fenwick. La construction démarre en 2007. Après le retrait du projet de plusieurs banques, le chantier de ce stade d’une capacité initiale de 75.000 places et d’un coût de 260 millions d’euros est abandonné. Le club avait prévu de le financer avec les bénéfices tirés de la construction d’immeubles sur l’emplacement de l’ancien stade. Le CF Valencia a présenté en novembre 2013 'une refonte du projet initial
  Le stade devrait être réduit à une capacité de 60.000 places. Pour Fenwick, pas bête, «on aura plus de place entre les sièges et plus de confort pour le spectateur. On devrait pouvoir le terminer pour une centaine de millions au lieu des 160 millions des plans précédents. Il y a eu peu d'usure sur le chantier déjà entamé qui a déjà couté 98 millions d'euros ». Aucune date pour la fin des travaux n’est évoquée. Le président du club: « On commencera les travaux quand on saura où on va avec un projet clair. Avec les nouveaux plans, on va pouvoir étudier la rentabilité et en informer les investisseurs. Quand? Je ne peux pas le dire ».
A Benidorm,  le parc Terra Mitica, inauguré en 2000, a coûté près de 400 millions d'euros.  In 2001 on sollicite Paramount Parks pour gérer le parc. En 2004 Paramount Parks demande la protection judiciaire, l’équivalent de notre faillite. Terra Mítica sort de ce statut en 2006, en vendant une partie des terrains. Repris par la Generalitat Valenciana et les banques CAM et Bancaja, les trois actionnaires vendent le parc en 2010 au Groupe Santa-Maria qui commence à faire des profits… Ce qui inspire apparemment des fonds de Macao et Hong Kong qui en juin 2013 annoncent un parc à thème, le "SaguntoCentury Amusement Park Project" non loin de Valence. 200 millions d'euros ! 50 millions de touristes annuels !

L’opéra ou Palau des Arts

Après les projets fantômes, voyons un peu les projets qui ont aboutis. Le projet de la Cité des arts et des sciences a été présenté fin  1991, déjà par Calatrava. La construction a démarré fin 1994. L'Hemisfèric est inauguré en 1998, suivi du Palais des arts Reine Sofia en 2005. Le Pont de l'Assut de l'or a été inauguré en 2008. L'Ágora date de 2009.
L'Hemisfèric, en forme d'œil, contient une salle de cinéma IMAX, un planétarium et un Laserium. Il y aurait un écho formidable dans le bâtiment où deux personnes peuvent se parler sans lever la voix des deux côtés opposés de l’oeil. En mai 2013 Ignacio Blanco, député  d’Izquierda Unido, signale la présence de fuites importantes dans l´Hemisferic, suite aux fortes pluies : "Presque tous les bâtiments de la Cité des Arts ont des fuites. Dès qu´il pleut il ya des incidents à l´Hemisferic, au Palau de las Artes, et à l´Agora. C´est pour le moins curieux ; tous les bâtiments ont été construits par le même architecte, Santiago Calatrava. Il est injustifiable que l´eau pénètre dans ces bâtiments qui nous ont coûté une fortune, dès qu´il tombe quatre gouttes. Il est regrettable que les bâtiments si cher payés avec l´argent de tous les Valenciens, n´aient pas été conçus pour ne pas subir de dommages en cas de pluie. Il est de la responsabilité politique, de savoir à qui revient le coût des réparations. Les entreprises de constructions, ou l´architecte ? Ces travaux sont financièrement un puits sans fond absorbant tous les revenus que pourrait engranger la Cité des Arts et des Sciences. Et sa rentabilité est très discutable". 
En 2012, le même Blanco a proposé une loi pour «révoquer immédiatement et avec un caractère indéfini la haute distinction de la Generalitat» à l’architecte. Une pétition en ligne pour le retrait du titre «d’ambassadeur de la marque España» a récolté 15.000 signatures :...
L’Opéra a coûté  332 millions.
réparer des fuites au musée des sciences
On a dû enlever 150 sièges qui obstruaient la vue. Il a fallu des travaux importants pour résoudre les problèmes acoustiques. En octobre 2007 des pluies torrentielles ont endommagé les systèmes électriques et de refroidissement, et les salles de répétition et une salle latérale ont été inondées de boue. Le spectacle inaugural de la saison a dû être reporté jusqu'en novembre, et l'un des grands spectacles de la saison a dû être annulé entièrement. Selon Calatrava, c’est la faute de la ville qui aurait refusé son concept d’origine pour une gaine d'eau qui aurait protégé le bâtiment des ruissellements. La ville aurait également rejeté ses mises en garde répétées contre la construction d'un jardin en pente autour de la structure, qui aurait canalisé l'eau aux étages inférieurs du bâtiment.  Le maire de Valence prétend que "pas une goutte de l'eau de la rivière est entrée dans l'opéra Le jardin  n’est pas mis en cause». Mr. Blanco: “Calatrava était même payé pour réparer ses propres erreurs.” Calatrava a appelé l'opéra son travail "le plus complet" à ce jour. Ca en dit long pour le reste…
Le Musée des sciences Prince Philippe est en forme de squelette de dinosaure. Calatrava y avait oublié les sorties de secours pour les personnes à mobilité réduite et il y a aussi des fuites.
L'Umbracle est un jardin botanique couvert d'arcs flottants.
Le Palais des Arts Reina Sofía, en forme de bateau, est dédié aux arts et à la musique.
Le coût de fonctionnement de l’Agora, une structure métallique de 80 m de haut, est de: 93 millions d’euros contre 41 initialement prévus. L’espace est sous-utilisé : 70 jours par an en moyenne à peine depuis 2009.
Curtis parle de technokitsch
Le critique anglais William J. R. Curtis parle de «techno-kitsch» : « La Cité des Arts m’a  impressionné par son coût et les  94 millions d’€ d’honoraires de Calatrava, par ses dimensions énormes, par la succession brouillon d’ icônes. C’est de  la culture de divertissement, un super spectacle, un pari de marketing. C’est une sorte de Disney architecturale, une icône de la publicité. Tout ici est rhétorique. Il provoque un bruit visuel. Calatrava n'est pas un architecte, un ingénieur, mais un artiste ". Curtis préfère de loin le Mercat central et fait l'éloge de Vázquez Consuegra et le
colonnes de Llotja
MuVIM
. Il parle avec passion des colonnes de Llotja, 
son escalier en colimaçon, "l'architecture profonde et extraordinaire" de Pere Compte qui conserve sa splendeur cinq siècles après construite.
L'Oceanogràfic est un aquarium en forme de nénuphar, le plus grand d'Europe avec 110 000 m2 et 42 millions de litres d'eau. Cet oeuvre de l'architecte Félix Candela est le seul bâtiment rentable, comme par hasard le seul bâtiment de la Cité des Arts qui n’ait pas été construit par Calatrava…
Voilà le bilan de vingt ans de city-marketing qui ont mené la ville et la Région au bord de l’abîme. Mon prochain blog sera sur Calatrava artiste, en laissant un peu de côté le coût pharaonique de ces œuvres d’art qui marquent le skyline de Valence…


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