Un trou financier insondable et un plan d’austérité impitoyable
Une incroyable « PP connexion »
(Partido Popular) a voulu «mettre Valence sur la carte du monde». Au temps de
la «décennie merveilleuse», rien n’était trop cher pour faire de la Communauté
de Valence la nouvelle «Californie européenne».
Résultat : la Cité des Arts et des
Sciences, conçue par Calatrava, pour 1,3 milliards d’euros, soit 700 millions de
plus que le budget initial, a creusé un trou colossal dans les comptes de la
communauté la plus endettée d’Espagne.
"On nous a vendu une société en carton-pâte
et aujourd'hui on voudrait répercuter les dépenses excessives sur
l'Etat-providence", dénonce le secrétaire général de l'Union générale
des travailleurs (UGT) de Valence, Conrado Hernandez, à la tête de quatre
manifestations contre les plans d'austérité en un mois. Salaires des
fonctionnaires amputés, réduction drastique du nombre d'entreprises publiques,
hausses des frais d'université et de cantine scolaire. Selon l'Institut valencien
de recherche économique (IVIE), les "grands événements" représentent
13 % de la dette actuelle de la région, évaluée à près de 20 milliards d'euros.
Aujourd'hui, les revenus par habitant sont inférieurs de 12 % à la moyenne
nationale, alors qu'il y a quinze ans Valence se trouvait dans la moyenne
espagnole.
Le textile, le jouet, la maroquinerie, le
marbre, la céramique ou la métallurgie ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils
furent. «Du fait des délocalisations,
mais aussi parce qu'une grande partie des capitaux a été réinvestie dans le
secteur de la construction où l'argent était facile », explique le
président de la Confédération des entreprises de Valence, José Vicente
Gonzalez. "Beaucoup d'entrepreneurs
ont négligé leurs entreprises." Les deux caisses d'épargne régionales,
Bancaja et la CAM, sont elles aussi tombées
dans le piège de la bulle immobilière. Du fait de leur délicate situation, Bancaja a fusionné avec Bankia, l'ancienne Caja Madrid, et la CAM a du demander 2,8 milliards au Fond de Restructuration pour revenir aux 10% de fonds propres, et été ensuite nationalisée par la Banque d'Espagne, tout comme la banque pourtant centenaire et liée à la bourgeoisie locale Banco de Valencia. " Il n'y a plus de pouvoir de décision à Valence en matière d'octroi de crédit ", conclut l'économiste Francisco Perez, chercheur de l'IVIE.
dans le piège de la bulle immobilière. Du fait de leur délicate situation, Bancaja a fusionné avec Bankia, l'ancienne Caja Madrid, et la CAM a du demander 2,8 milliards au Fond de Restructuration pour revenir aux 10% de fonds propres, et été ensuite nationalisée par la Banque d'Espagne, tout comme la banque pourtant centenaire et liée à la bourgeoisie locale Banco de Valencia. " Il n'y a plus de pouvoir de décision à Valence en matière d'octroi de crédit ", conclut l'économiste Francisco Perez, chercheur de l'IVIE.
Moody's a classé la Region of Valencia, Instituto Valenciano de Finanzas, la CIUDAD DE
LAS ARTES Y LAS CIENCIAS, Universidad de Valencia, Universidad de Alicante, Universidad
Jaume 1 de Castellón, Universidad Politécnica de Valencia, Feria Valencia dans
la catégorie spéculative ou Junk bond Ba3, avec ‘ negative outlook’.
Suite à ça un plan d’austérité impitoyable a
été lancé: 1.057 millions d’euros d’économie en deux ans (440 millions de coupes
dans le budget de la santé et 379 millions sur le personnel public). Ce plan
est l’équivalent du surcoût de trois grands projets urbanistiques : 700
millions de dépassement pour la Cité des Arts et des Sciences, 240 pour la Cité
de la Lumière à Alicante et 107 millions d’euros pour le parc d’attraction
Terra Mítica.
En février 2012, faute de chauffage, les
élèves allaient à l’école avec leur couverture, le gouvernement n’ayant pas
octroyé un euro à l’éducation publique depuis huit mois. En janvier 2012, les
dizaines de milliers de Valenciens ont défilé en demandant «moins de Vuitton et plus d’éducation».
En novembre 2013 on a fermé la radio et télévision régionale, la RTVV, 1700
salariés !
Les projets fantômes de Calatrava (et des autres)
Cette « PP connexion » a évidemment
trouvé dans Calatrava l’architecte idéal. Il dépasse partout allégrement les
budgets d’un facteur deux ou trois, comme pour la Cité des Arts et des Sciences.
Mais il a été payé aussi pour des vides architecturaux ou «projets fantômes»
comme les surnomment Izquierda Unida (Gauche Unie, IU) .
Il y a une partie de la Cité des Arts qu’on ne
verra jamais : les trois tours qui devaient côtoyer cette Cité ont rapporté
15 millions d’euros à Calatrava pour le simple fait de les avoir imaginées (2,6
millions payés d’avance en 2005 ; ensuite, 137.000 d’euros pour les
maquettes, puis deux fois 6,2 millions d’euros pour la rédaction du projet).
Pour agrandir la rade du port de Torrevieja,
il a touché 600.000 euros. Le port, qui a servi de base à la célèbre régate internationale, la 32e America's Cup, et qui a coûté 1,8
milliard d'euros à la région, est désert.
Catatrava a pris 2,7 millions d’euros pour un
projet de centre de congrès à Castellón dont l'entreprise publique estime que le
projet de base ‘ne répond pas au budget ni
à la surface constructible convenue’. Fin 2012 elle a suspendu le projet.
Ensuite, mais sans Calatrava, un aéroport
flambant neuf à Castellón a coûté déjà
de 150 millions d’euros + 30 millions d’euros de publicité. Il a été inauguré en mars 2011 sans avoir fait les démarches pour
l’autorisation de vols aériens, Le promoteur Carlos Fabra déclarait le jour de
l'inauguration: «Ceux qui disent que l’on
est fou d’avoir inauguré un aéroport sans avions n’ont rien compris. Pendant un
mois et demi, tout citoyen qui le
désire pourra visiter le terminal et se
balader sur les pistes d’atterrissage, ce qu’ils ne pourraient pas faire si les
avions devaient décoller et atterrir.» Dernière nouvelle : l’aéroport serait opérationnel mi 2014.
Valence
organise le Grand Prix d'Europe et les Ferrari World Finals. Le circuit
urbain de formule1, 5,4 km de long, vingt-cinq courbes, a nécessité 90 millions
d'investissement, sans compter la redevance annuelle de 20 millions pour le
championnat d'Europe, qui engage Valence jusqu'en 2014. Fin 2009 la Ville a fait part de son intérêt
pour disposer d'un parc d'attraction sur le thème de Ferrari, comme celui
d'Abou Dhabi.
En 2008, le club de football FC Valence abandonne
son partenariat avec Toyota au profit de Valencia Experience, un consortium
lancé par le magnat du textile Vicente Saez-Merino, qui organisait déjà
l’America’s Cup, le Grand Prix de Formule 1 et un tournoi de tennis. Valencia
Experience est en fait une coquille vide. Entre temps, le groupe Saez-Merino a
fermé quatre de ses cinq usines, et licencié 634 salariés sur 913. Valencia
Experience fait miroiter un nouveau stade, Nou Mestalla, dessiné par
l'architecte Mark
Fenwick. La construction démarre en 2007. Après le retrait du
projet de plusieurs banques, le chantier de ce stade d’une capacité initiale de
75.000 places et d’un coût de 260 millions d’euros est abandonné. Le club avait
prévu de le financer avec les bénéfices tirés de la construction d’immeubles
sur l’emplacement de l’ancien stade. Le CF Valencia a présenté en novembre 2013
'une refonte du projet initial Le stade devrait être réduit à une capacité
de 60.000 places. Pour Fenwick, pas bête, «on aura plus de place entre les sièges et plus de confort pour le spectateur.
On devrait pouvoir le terminer pour une centaine de millions au lieu des 160
millions des plans précédents. Il y a eu peu d'usure sur le chantier déjà
entamé qui a déjà couté 98 millions d'euros ». Aucune date pour la fin
des travaux n’est évoquée. Le président du club: « On commencera les travaux quand on saura où on va avec un projet clair.
Avec les nouveaux plans, on va pouvoir étudier la rentabilité et en informer
les investisseurs. Quand? Je ne peux pas le dire ».
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A Benidorm, le parc Terra Mitica, inauguré en 2000, a
coûté près de 400 millions d'euros. In
2001 on sollicite Paramount Parks pour gérer le parc. En 2004 Paramount Parks demande
la protection judiciaire, l’équivalent de notre faillite. Terra Mítica sort de
ce statut en 2006, en vendant une partie des terrains. Repris par la Generalitat Valenciana et les
banques CAM et Bancaja, les trois actionnaires vendent le parc en 2010 au Groupe
Santa-Maria qui commence à faire des profits… Ce qui inspire apparemment des
fonds de Macao et Hong Kong qui en juin 2013 annoncent un parc à thème, le "SaguntoCentury Amusement Park Project" non loin de Valence. 200 millions
d'euros ! 50 millions de touristes annuels !
L’opéra ou Palau des Arts
Après les projets fantômes, voyons un peu les projets
qui ont aboutis. Le projet de la Cité des arts et des sciences a été présenté
fin 1991, déjà par Calatrava. La construction
a démarré fin 1994. L'Hemisfèric est inauguré en 1998, suivi du Palais des arts
Reine Sofia en 2005. Le Pont de l'Assut de l'or a été inauguré en 2008. L'Ágora
date de 2009.
L'Hemisfèric, en forme d'œil, contient une salle de cinéma IMAX, un planétarium et un Laserium. Il y aurait
un écho formidable dans le bâtiment où deux personnes peuvent se parler sans
lever la voix des deux côtés opposés de l’oeil. En mai 2013 Ignacio Blanco, député d’Izquierda
Unido, signale la présence de fuites importantes dans l´Hemisferic, suite aux
fortes pluies : "Presque tous les
bâtiments de la Cité des Arts ont des fuites. Dès qu´il pleut il ya des
incidents à l´Hemisferic, au Palau de las Artes, et à l´Agora. C´est pour le
moins curieux ; tous les bâtiments ont été construits par le même architecte,
Santiago Calatrava. Il est injustifiable que l´eau pénètre dans ces bâtiments
qui nous ont coûté une fortune, dès qu´il tombe quatre gouttes. Il est
regrettable que les bâtiments si cher payés avec l´argent de tous les
Valenciens, n´aient pas été conçus pour ne pas subir de dommages en cas de
pluie. Il est de la responsabilité politique, de savoir à qui revient le coût
des réparations. Les entreprises de constructions, ou l´architecte ? Ces
travaux sont financièrement un puits sans fond absorbant tous les revenus que
pourrait engranger la Cité des Arts et des Sciences. Et sa rentabilité est très
discutable".
En 2012, le même Blanco a proposé une loi pour «révoquer immédiatement et avec un caractère indéfini la haute
distinction de la Generalitat» à l’architecte. Une pétition en ligne pour
le retrait du titre «d’ambassadeur de la
marque España» a récolté 15.000 signatures :...
L’Opéra a coûté 332 millions.
réparer des fuites au musée des sciences |
On a dû enlever 150 sièges qui obstruaient la vue. Il a fallu des travaux importants
pour résoudre les problèmes acoustiques. En octobre 2007 des pluies
torrentielles ont endommagé les systèmes électriques et de refroidissement, et
les salles de répétition et une salle latérale ont été inondées de boue. Le
spectacle inaugural de la saison a dû être reporté jusqu'en novembre, et l'un
des grands spectacles de la saison a dû être annulé entièrement. Selon Calatrava,
c’est la faute de la ville qui aurait refusé son concept d’origine pour une
gaine d'eau qui aurait protégé le bâtiment des ruissellements. La ville aurait
également rejeté ses mises en garde répétées contre la construction d'un jardin
en pente autour de la structure, qui aurait canalisé l'eau aux étages
inférieurs du bâtiment. Le maire de
Valence prétend que "pas une goutte
de l'eau de la rivière est entrée dans l'opéra Le jardin n’est pas mis en cause». Mr. Blanco: “Calatrava était même payé pour réparer ses
propres erreurs.” Calatrava a appelé l'opéra son travail "le plus complet" à ce jour. Ca en dit long pour le reste…
Le Musée des sciences Prince
Philippe est en forme de squelette de dinosaure. Calatrava
y avait oublié les sorties de secours pour les personnes à mobilité réduite et il y a aussi des fuites.
L'Umbracle est un jardin botanique couvert d'arcs flottants.
Le Palais des Arts Reina
Sofía, en forme de bateau, est dédié aux arts et à la
musique.
Le coût de fonctionnement de l’Agora, une
structure métallique de 80 m de haut, est de: 93 millions d’euros contre 41
initialement prévus. L’espace est sous-utilisé : 70 jours par an en
moyenne à peine depuis 2009.
Curtis parle de technokitsch |
Le critique anglais William J. R. Curtis parle de «techno-kitsch» : « La
Cité des Arts m’a impressionné par son
coût et les 94 millions d’€ d’honoraires
de Calatrava, par ses dimensions énormes, par la succession brouillon d’ icônes.
C’est de la culture de divertissement, un
super spectacle, un pari de marketing. C’est une sorte de Disney
architecturale, une icône de la publicité. Tout ici est rhétorique. Il provoque
un bruit visuel. Calatrava n'est pas un architecte, un ingénieur, mais un
artiste ". Curtis préfère de loin le Mercat central et fait l'éloge de
Vázquez Consuegra et le
MuVIM. Il parle avec passion des colonnes de Llotja, son escalier en colimaçon, "l'architecture profonde et extraordinaire"
de Pere Compte qui conserve sa splendeur cinq siècles après construite.
colonnes de Llotja |
L'Oceanogràfic est un aquarium en forme de nénuphar, le plus grand d'Europe avec 110
000 m2 et 42 millions de litres d'eau. Cet oeuvre de l'architecte Félix Candela
est le seul bâtiment rentable, comme par hasard le seul bâtiment de la Cité des
Arts qui n’ait pas été construit par Calatrava…
Voilà le bilan de vingt ans de city-marketing
qui ont mené la ville et la Région au bord de l’abîme. Mon prochain blog sera
sur Calatrava artiste, en laissant un peu de côté le coût pharaonique de ces œuvres
d’art qui marquent le skyline de Valence…
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