Le musée des Beaux-Arts de Liège (BAL) est la première victime de la Boverie, lancée en 2006 sous le nom de CENTRE INTERNATIONAL D'ART
CONTEMPORAIN, «ensemble muséal d’envergure mondiale » lancé par le GRE en
2006. On est encore nulle part avec le CIAC (la dernière facture doit être
rentrée avant fin 2015 !), mais on a déjà déposé toutes les collections du
Mamac au BAL. Hors de deux musées, on a fait un demi ! En août 2013, le Collège communal a décidé de ramener les
collections du Musée des Beaux-Arts à la Boverie. L’îlot Saint-Georges
accueillira les réserves muséales. Pourtant, ce bâtiment mérite mieux, malgré
des handicaps hérités de l’architecture des années 60. Ce bâtiment a un défi
urbanistique et architectural a relever.
L’espace muséal à ilôt Saint Georges : un bâtiment en béton décoffré des architectes Bonhomme et Poskin
Saint-Georges en 1966 |
En 2005 déjà la conservatrice du Musée d’Art
Wallon plaidait pour une rénovation de la dalle extérieure. Elle imaginait un
immense jeu d'échecs à taille humaine.
En 2013 encore son échevin J-P Hupkens voulait
« connecter le Bal à la Meuse et à
Féronstrée » (Llb 08/02/2013). Avec ça il mettait le doigt sur un
problème clef de ce bâtiment. Si les espaces muséales et le bâtiment en soi ont
des qualités architecturales incontestables, ils portent les tares d’une
architecture qui condamnait la « rue-corridor »
et qui construisait donc ses bâtiments coupés de la rue. La dalle de Saint
Georges n’invite vraiment pas à s’y aventurer.
Mais ce bâtiment a aussi des qualités. Selon Ann
Chevalier, ex- conservatrice du Musée d'art wallon (devenu le
BAL), «le Musée de l'Art wallon est le
seul à Liège qui se trouve dans un bâtiment spécifiquement construit pour
abriter un musée. Du 4e étage commence la visite qui s'effectue en descente, un
kilomètre en colimaçon. En outre, les
années 70 sont à la mode. Nos visiteurs hollandais et allemands aiment beaucoup
ce bâtiment en béton décoffré conçu par les architectes Bonhomme et Poskin»
( Llb 28/07/2005).
Je doute de cette amour de nos amis bataves
pour le béton décoffré. Mais il est incontestable que ce bâtiment des
architectes J. POSKIN et H. BONHOMME est typique pour une
architecture et l’urbanisme des années 70. Ils ont conçu aussi (e.a.) la tour
Kennedy avec la Bibliothèque des Chiroux. Même si pour les Chiroux aussi, l’entrée
de la bibliothèque est presqu’une entrée des ‘servantes’ à côté de l’entrée de
la tour Kennedy, l’intégration de cette "Maison de la Culture" est mieux
réussie point de vue urbanistique que le musée de l’ilot St Georges.
Ces deux architectes ont incontestablement marqué
la ville, avec la cité administrative, la tour Kennedy et leurs autres tours.
Et ici nous ne portons pas de jugement de valeur sur cette ‘marque’.
Ils ont aussi inauguré les Partenariats Public
Privé (PPP). La tour administrative était une production caractérisée par de
grandes réalisations mêlant financements publics et privés. La volonté de s’inscrire dans un partenariat public- privé avaient
permis à l’échevin Jean Lejeune (c’est à ce ‘fonceur’ qu’on doit le trou de la
Place Saint Lambert) d’accélérer des procédures administratives trop lentes qui le gênaient. En 1962 la S.A.
Constructions et Entreprises industrielles (C.E.I.) propose la construction de
trois édifices sur une surface de plus de 11.000 mètres carrés: un complexe
commercial composé de quatre étages (« renforcement
du pôle commercial»), un parking public de 184 emplacements et une tour de
18 étages avec un parking pour 64 véhicules. Pour la tour, un bail
emphytéotique de 36 ans est signé. Le style de l’édifice n’est pas sans rappeler
celui de la tour du siège des Nations-Unies à New-York (Niemeyer, Le Corbusier, Harrison et al., 1947-1952 ),
voire la tour du Congrès national de Brasilia (Niemeyer, 1958-1960). Et
l’espace muséal fait penser au Guggenheim de Frank Lloyd Wright. Des belles références !
Mais le parvis du Bal – la dalle Saint Georges –
est une horreur. A commencer pour les Personnes à Mobilité Réduite (PMR, même
s’il doit y avoir un ascenseur). Si cette dalle est renfermée sur elle-même, n’est-ce pas pour donner au
complexe commercial de Féronstrée une entrée sur une ‘vraie’ rue?
Mais ce problème n’est pas insoluble. Sans
pour cela adopter des solutions révolutionnaires du Louvre où l’on a restauré le jardin des Tuileries. Les tares même de cette architecture qui voulait bannir la rue peuvent devenir
un atout dans la mesure où la structure sur pilotis permet de réaménager sans
trop de frais le rez de chaussée. En plus, le tram imposera, qu’on le veuille
ou non, une discussion sur les deux parkings ‘en ouvrage’ qui flanquent le
complexe administratif.
Un bâtiment spécifiquement construit pour abriter un musée ; un kilomètre en colimaçon, comme le Guggenheim
Il y a aussi une réflexion au niveau de l’espace
muséal proprement dite. La spirale muséale est en escalier, donc difficile pour
les PMR ; mais l’adaptation ne devrait pas poser des problèmes
insurmontables. Cette rampe en colimaçon s’inspire du musée Guggenheim de Frank
Lloyd Wright, même s’il y manque l'immense puits de lumière sur toute la
hauteur de l'immeuble. Mais cela n’est pas un handicap insurmontable, à
condition d’un minimum d‘efforts point de vue éclairage (ce qui n’est pas le
cas maintenant). Les techniques d’éclairage sont en train de faire un bond
technologique : on pourrait en faire un musée-modèle point de vue
éclairage artificiel.
Assez bizarrement, nos autorités culturelles
refusent cette référence au Guggenheim, tout en à tirant des plans sur la
comète de la fondation Solomon R. Guggenheim . Willy
Demeyer est tout récemment parti en ‘voyage d’études’ à Bilbao. Il me fait
penser au moine de notre abbaye de Saint Jacques qui a été chercher à Santiago
de Compostella un doigt de Saint Jacques, Santiago le matamore ou le tueur de
Maures. Notre moine a dû mentir : notre Jacques est Mineur ; celui de
Compostella est Jacques le Majeur. Willy est revenu les mains vides.
Bilbao a profité de l’«Effet Guggenheim » au moment où la Fondation cherchait à s’essaimer un peu partout. GuggenheimSpin-off est un fonds négocié en Bourse qui investit depuis 2006 dans les
titres de sociétés qui essaiment. Mais je ne trouve pas que Bilbao est un
modèle à suivre.
Le projet Guggenheim est un cas d’école de
gentrification et d’utilisation d’argent public pour soutenir une promotion
immobilière privée. Rodriguez Martinez explique que même le tram a
été conçu à Bilbao en fonction des grands équipements culturels ou touristiques
qui forment le projet urbain. Le tram est une attraction touristique à part
entière. Son but est de faire visiter la nouvelle ville aux touristes : Guggenheim,
le Palais de la musique (Palacio Euskalduna), le Théâtre Arriaga et même le
stade de football San Mames. La fréquentation du tramway est lente à démarrer en
2005. En 2009 encore Euskotram n’a qu’une occupation relative de 34,4% : ce
tram ne dessert que la ville compacte de Bilbao et pas les quartiers
résidentiels.
Bilbao spider maman |
La fréquentation touristique de la ville a sensiblement augmenté. Cependant, c’était
surtout l’attraction d’autres investissements qui était désirée, des sièges de
multinationales, des firmes de services avancés, etc. La construction de nouveaux
ensembles de bureaux (dotés, eux aussi, d’une architecture spectaculaire) avait
été prévue dans ce but. Mais les effets d’entraînement escomptés n’ont pas eu
lieu, si bien que les bureaux sont occupés aujourd’hui par des administrations
publiques basques. Un autre effet de la construction du musée Guggenheim a été
la flambée des prix immobiliers. Se loger à Bilbao est désormais plus coûteux
qu’à Madrid ou Barcelone. En outre, les écarts de richesse entre le centre de
Bilbao et les autres quartiers de la ville ont considérablement augmenté. Les
pouvoirs publics locaux puisent dans les taxes sur les valeurs foncières une
bonne partie de leurs capacités de financement de leurs projets phares,
Guggenheim et autres, et ont donc grand intérêt à voir flamber les prix (de
même, bien sûr, pour les spéculateurs privés).
Le géographe marxiste David Harvey (1989) a
analysé le tournant entrepreneurial qui a affecté les politiques urbaines dans
les années 1980, marquées par la décentralisation politique, le désengagement
des États et la mise en concurrence des territoires. http://teoros.revues.org/82 .
L’Hospice Saint-Abraham en Féronstrée avait abrité l’Académie des Beaux-Arts en 1837
Petit détail historique: pour construire l’ilot
Saint Georges on a rasé l’ancien Hospice Saint-Abraham en Féronstrée qui avait
abrité l’Académie des Beaux-Arts entre 1837 et 1895. Avec la création du BAL un
cercle avait été bouclé : après un siècle de pérégrinations le BAL avait retrouve
ses sources… tout provisoirement, puisque les collections retourneront à la
Boverie (si tout va bien)…
D’ailleurs, les ‘vieux’ bâtiments entourant le
centre administratif sont des reconstructions. C’est le Bokrijk de Liège. La
démolition de l’îlot formé par les rues Potiérue, Féronstrée,
Saint-Jean-Baptiste et Barbe-d’Or, voté en 1955 par le Conseil communal, avait été menée grâce aux «subsides-
taudis»
de la loi de 1953 : ce secteur étant considéré comme une «lèpre matérielle et morale». On a fait une «démolition-reconstruction» par le démontage des façades puis leur
re-montage. Pierre Frankignoulle appelle ça du façadisme. La tour a été
construite en dérogation à un règlement communal spécial de protection de 1959
qui interdisait toute construction en hauteur dans ce secteur.
ill chokier.com |
Sources
https://histoiresdeliege.wordpress.com/2017/01/24/lilot-saint-georges/
LA référence pour l’urbanisme à la base du BAL
est http://www.homme-et-ville.net/Main.html
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