En juillet 1887 la première Maison du Peuple de Herstal est ouverte rue Hoyoux. Les membres du parti avaient eux-mêmes creusés dans leurs rares
moments de loisirs les fondations d’une grande salle en bois.
En 1886 la Belgique est balayée par le
mouvement social le plus important depuis son existence. C’est dans la foulée
de ce mouvement que la Ligue socialiste
herstalienne, antenne herstalienne du Parti ouvrier belge (POB), fut fondée le
8 juin 1886.
C’est un Herstalien, Edouard Wagener, cafetier
au Rivage à Herstal, qui avait mis le feu aux poudres. En 1881, il avait pris la
présidence des "Va-Nus-Pieds", la fédération liégeoise de
l'Association Internationale des Travailleurs. Le 18 mars 1886 il appelle à un
grand meeting public à Liège, place Delcour, suivi d’une manifestation place Saint
Lambert, en commémoration du 15° anniversaire de la Commune de Paris. Le
bourgmestre de Liège interdit tout rassemblement de plus de 5 personnes. Bilan:
60 arrestations dont Wagener.
"Les mines flambent à Tilleur. Cockerill
serait au pillage. Le château de Seraing brûle", titre le Journal de Liège
le 21.3.1886. Horreur, "on aurait même hissé la tète d'un maître ouvrier
au bout d'un bâton", invente Le
peuple le lendemain. Le gouvernement met le paquet : 6 bataillons de
ligne, 5 escadrons de lanciers, 2 batteries d'artillerie à cheval, 100
gendarmes renforcés d'unités des 9°, 10° et 12° de ligne et de 3 bataillons du
4° de ligne sont envoyés sur Liège.
A Herstal les mineurs de la houillère Gérard
Cloes refusent de descendre. Le bourgmestre apprend qu’une dizaine d’individus
avec drapeau rouge et bonnet phrygien sont venus manifester devant la maison
du détenu Wagener. Il interdit des rassemblements et la circulation sur le pont
de Wandre sans laissez-passer.
Le mouvement a démarré avec Wagener. C’est encore des herstaliens, les mineurs qui, lorsque
le mouvement commence à s'user, le relancent. Ils étendent la grève à la Petite Bacnure, Bonne
Espérance et Bonne Foi Hareng. Le bourgmestre libéral d’alors, Hypolite
Grégoire (1882 - 1895), fait un Rapport au Conseil Communal sur le déroulement
de cette grève.
Son attitude heurta la population ouvrière, et
c’est dans ce contexte que la Ligue socialiste herstalienne organise ses
premières réunions au café G.Hans, rue Marexhe. C’est dans un baraquement
attenant que le 8 juin 1886 se tint le premier meeting socialiste de la
localité. Une société coopérative ‘Le Progrès’ loue au 13 rue Hoyoux ce qui deviendra en juillet
1887 la première Maison du Peuple. Le bourgmestre qui apparemment n’a pas
encore compris interdit un rassemblement pour l’inauguration. Le bâtiment est agrandi
dès 1888 par la construction d’une grande salle en bois sur les fondations que
les membres du parti avaient eux-mêmes creusés dans leurs rares moments de
loisirs. Un magasin coopératif n’y eut qu’une durée ephémère.
En 1895 les premiers conseillers communaux
rouges (neuf sur treize) prirent place à l’hôtel de ville. La Société
coopérative du Parti Ouvrier Belge (POB) loue un vaste immeuble situé place de
la Chapelle Saint Lambert, comme on dénommait à l’époque la place communale. En
1897 on y inaugure la Ruche
Herstalienne Société Coopérative qui arborait fièrement « Parti Ouvrier
Belge – Maison du Peuple ». En 1900 Hubert Sacré, une des chevilles
ouvrières du POB, devient échevin ff. Bourgmestre. Le 21 octobre 1900 un cercle
d’études s’y installe qui s’appellera par après Le Progrès, lié, au plan
national, à la Centrale d’Education Ouvrière.
En juin 1910 la coopérative achète le
bâtiment. En 1930 on décide de raser l’immeuble existant, d’acquérir de
nouvelles parcelles et les demeures aux alentours afin de construire une
nouvelle Maison du Peuple. En 1933 on y construit un véritable palais comme on
l’intitulait à cette époque. L’architecte Joseph Moutschen en dessina les plans. Son déclin s’amorça dès les années ‘60 avec la fermeture de la grande salle de
spectacle. En 1970 Herstal achète la Ruche. Elle construit sur les terrains
annexes une salle omnisports. En 1980 L’Union Coopérative vendait le café de la
Maison du Peuple. En février 1981, la “Ruche” tombe sous le marteau-piqueur.
1965 l’asbl « Au Progrès de Herstal »
En 1965 un groupe d’ouvriers de la cellule
communiste de la FN créent une asbl « Au Progrès de Herstal ». Le nom
s’inspirait-il de la société coopérative ‘Le Progrès’ liée à la Ligue
socialiste herstalienne qui organise le
8 juin 1886 le premier meeting socialiste ou de l association ‘Le Progrès’ de
la Maison du Peuple des Chevaliers du Travail à Dampremy, qui nous le dira ?
L’ASBL à la disposition des groupes
intéressés, au pied de l’ancien Pont de Wandre, un lieu de réunion et une
« pédale », stencileuse pour imprimer des tracts. A l’étage une école
d’espéranto du Mondpaca Esperantista Movado (Mouvement espérantiste
pour la paix dans le monde). Le Conseil communal de Herstal baptisa en 1975
« Pont de l’Espéranto » la partie de l’ancien Pont de Wandre
surplombant le Canal Albert.
En 1995, le Progrès de Herstal n’avait plus son
local, mais démarre une « Formation à la réalité contemporaine », qui
a organisé depuis entre 400 et 500 séances, à raison de 20 séances par an. Fin
1996, le Progrès lance un appel aux dons. Aujourd’hui, ce sont 178 amis – dont
quelques organisations comme la CGSP, l’Institut d’Histoire Ouvrière de Seraing,
le Centre d’action laïque, la Fondation Joseph Jacquemotte, le Musée Herstalien
– qui ont permis de réunir 9500 livres et brochures. Depuis fin 2013 cette
bibliothèque est acceuillie par le CHST, place Delcour.
(Extraits de l’exposé de Victor Demunck lors
de l’INAUGURATION de la BIBLIOTHÈQUE du PROGRÈS
DE HERSTAL, le 24 octobre 2013, au CENTRE d’HISTOIRE des SCIENCES et des
TECHNIQUES de l’Ulg)
L’architecte et urbaniste moderniste Joseph Moutschen omniprésent à Herstal
La Ruche était en béton armé. Certains
affirment que le choix d’une maçonnerie si massive avait une base historique. A
Vienne, en 1934, le chancelier Dollfuss fit tirer au canon sur le Karl Marx Hof, un ensemble de logements sociaux d’un
kilomètre de long, un vaste bloc de béton de mille trois cent quatre-vingt-deux
appartements. Il servit de quartier général aux résistants qui luttaient contre
la montée du nazisme. Il fut bombardé aussi bien pour vaincre l’ennemi
communiste que pour détruire son symbole. Le Karl Marx Hof est classé
aujourd’hui monument historique. À Herstal, les socialistes auraient décidé
d’édifier un immeuble capable de résister aux assauts des forces de l’ordre.
Cela me semble néanmoins peu probable, ne fut-ce parce que la POB était à cette
époque déjà du côté de l’ordre. Je ne dis pas ‘Ordre Nouveau’, même si son
président Henri Deman choisira ce camp en 1940. Et Moutschen dessine ses plans
en 1933, antérieur à l’insurrection autrichienne de 1934.
Joseph Moutschen est né en 1895 à Jupille.
Il a marqué Herstal : Athénée Royal de
Herstal, la statue du roi Albert à l’entrée du canal, le Pont-barrage de Monsin,
la Station de pompage n°1 à Herstal et la plupart des stations de pompage du Démergement, c’est lui.
Il construit le Palais des Fêtes (ex patinoire
de Coronmeuse) pour l’Exposition internationale de l'Eau de 1939, avec son
frère Jean Moutschen qui en assure le suivi.
Il n’y a pas que la Ruche : il construit
en 1959 La Coopérative, Place Saint Lambert, (détruite en 1970) et le pavillon
de la "Maison du Peuple" pour l’Exposition internationale de Liège
De 1925-1935 il a dirigé la construction de la
Cité des Cortils, Jupille.
Au Cité-jardin du Tribouillet au Thier-à-Liège,
on avait organisé un concours d'habitations à bon marché lors de l'exposition
internationale de 1930. On y retrouve une copie de la maison de Joseph
Moutschen à Jupille.
Cité Cortils Jupille fontaine Charlemagne |
Je signale encore l’Institut de Mécanique et
Institut du génie Civil au Val-Benoît, l’ancien Journal La Wallonie, l’Hôtel de
Ville de Jemeppe 1952 et le Barbou. Il n’y a pas que le skyline de Herstal ou
de Liège qu’il a marqué. Il est une des
chevilles ouvrières du groupe L'équerre, une agence d'architecture et d'urbanisme moderniste fondée en 1935 à Liège
qui a influencé l’histoire de l’aménagement du territoire en Belgique et a
occupé une place significative sur la scène urbanistique internationale.
Sources
Ce texte est rédigé sur base de trois
textes : René Van Santbergen, une bourrasque sociale Liège 1886, Lg 1969).
Rapport de Mr. Le Bourgmestre sur les grèves
du mois de mai dernier présenté en séance publique du Conseil Communal du 3 mai
1886 ; dans le N°24 du « Musée Herstalien », p11 à 23.
Herstal en cartes postales, Pierre Baré, TIII p.295-305
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