samedi 28 septembre 2013

Faire état de la loi de la valeur en dirigeant la production


Récapitulatif
Dans http://hachhachhh.blogspot.com/2012/02/definir-un-rapport-correct-entre-la.html , j’analyse l’impact de la loi de la valeur sur la force de travail : « la force de travail cesse en société socialiste, d’être une marchandise. Il traduit non un rapport entre exploiteur et exploité, mais un rapport entre la société dans son ensemble, représentée par l’État socialiste, et le travailleur travaillant pour soi, pour sa société.  En régime capitaliste, le salaire est le prix de la force de travail ; en régime socialiste, le salariat est aboli»
Il y a deux formes essentielles de production socialiste en URSS: celle de l’état, et la forme kolkhozienne.  Les kolkhoz échangent leurs produits sous forme de marchandises. Nous avons analysé http://hachhachhh.blogspot.com/2012/01/les-rapports-agriculture-industrie-en.html sur quelle base les kolkhoz échangeaient leurs produits avec ‘la ville’.
Reste à analyser comment agit l’action de la loi de la valeur dans les entreprises d’état, où les moyens de production et les objets fabriqués appartiennent au peuple entier. C’est le sujet de ce blog.
La loi de la valeur ne règle pas la répartition du travail entre les diverses branches de production.
Selon Staline, l’action de la loi de la valeur s’étend même à la production. « Il est vrai que la loi de la valeur ne joue pas un rôle de régulateur. Mais il faut nécessairement en faire état en dirigeant la production. Le malheur est que les dirigeants de notre industrie connaissent mal l'action de la loi de la valeur. Un exemple entre tant d'autres: une proposition établissait le prix d'une tonne de céréales à peu près le même que celui d'une tonne de coton; au surplus, le prix d'une tonne de céréales était le même que celui d'une tonne de pain cuit » (Les problèmes économiques dusocialisme en URSS, 1952).
Bien sûr, en disant qu’on doit tenir compte de la loi de la valeur, Staline ne dit pas qu’il faut subir cette loi passivement. Il signale à juste titre que la loi de la valeur ne saurait règler la répartition du travailentre les diverses branches de production : « Il est faux d'affirmer qu’à la première phase du développement de la société communiste, la loi de la valeur règle soi-disant les "proportions" de la répartition du travail entre les diverses branches de production. Si cela était juste, pourquoi ne développerait-on pas à fond nos industries légères comme étant les plus rentables, de préférence à l'industrie lourde qui est souvent moins rentable? En suivant ces camarades, il nous faudrait renoncer au primat de la production des moyens de production sur la production des moyens de consommation. La sphère d'action de la loi de la valeur est limitée chez nous par la propriété sociale des moyens de production, par l'action de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale.
Si l'on considère la rentabilité, non pas du point de vue des différentes entreprises ou branches de production ni au cours d'une seule année, mais du point de vue de l'ensemble de l'économie nationale et au cours de dix à quinze ans par exemple, la rentabilité momentanée des différentes entreprises ou branches de production ne peut soutenir aucune comparaison avec la forme supérieure d'une rentabilité solide et constante, en nous assurant le progrès continu de l'économie nationale avec ses rythmes élevés ».
Tout compte fait, le capitalisme monopoliste cherche aussi une rentabilité solide et constante, et même au délà, par le biais de prix monopolistes. Pour y arriver il peut aussi attendre des années avant de rentrer dans ses frais. Par des prix monopolistes le capitalisme monopoliste écrème la plus value des autres secteurs non-monopoliste pour l’investir dans les secteurs d’avenir. On peut se demander si le premier état socialiste n’aurait pas mieux fait d’utiliser la rentabilité comme une mesure d’efficacité de ses entreprises, et d’intervenir au niveau de l’affectation des profits. Mittal aussi a ses vaches à lait et ses secteurs d’avenir vers où il draine toutes les ressources de son groupe….
Le développement de l'industrie lourde au détriment de l’ industrie légère a été incontestablement une décision correcte qui a permis de jeter les bases d’une économie socialiste solide, mais il y avait d’autres possibilités que des prix arbitraires pour orienter les investissements vers cette section stratégique.
Lors du premier plan quinquenal des économistes de renom comme S. Strumiline et E. Varga avaient affirmé, « que la seule unité commune aux différents produits était le temps de travail socialement nécessaire. Dans une économie de libre concurrence, les rapports des prix tendent à exprimer les rapports des coûts de production et ils fournissent ainsi  des renseignements permettant de calculer l’avantage de telle méthode de travail sur tel autre. Dans une économie où la libre concurrence a disparu, les prix peuvent être des données arbitraires, ne permettant pas de se livrer à un calcul économique. Suivant que le prix des tracteurs, du pétrole, des chevaux, du fourrage, des charrues, des instruments agricoles etc. auront été fixés à tel ou tel niveau, il apparaitra plus avantageux de labourer la terre avec un cheval et une charrue, avec des machines agricoles perfectionnées ou avec une charrue à main ».
Mais depuis 1934 on a commencée à fixer les prix sur la base des prix de revient : « C’est de ce fait que tout calcul économique s’est trouvé faussé pendant le 1PQ (où les prix étaient fixés arbitrairement) ; ce n’est que guère depuis 1934 et 1935 (époque où l’on commence à fixer les prix sur la base des prix de revient) que la rentabilité des entreprises prend une signification économique et que le jeu combiné du profit industriel et commercial, reposant en partie sur les besoins du marché, est un guide tant pour la direction que pour la forme des investissements" (La planification soviétique Ch. Bettelheim, 3° éd., 1945 p. 65).
Une des pistes suivies a été de compenser cette rentabilité plus faible de l'industrie lourde par la taxation. Par exemple, le profit planifié de l’ensemble des entreprises soviétiques double de 1948 à 1949 au détriment de l’impôt sur le chiffre d’affaires. Cela n’a entrainé ni une réduction des recettes fiscales provenant de cet impôt, ni une hausse des prix de détail (L’économie soviétique Ch. Bettelheim  p.386).

Ce pilotage par des prix arbitraires a mené à des choix peu heureux. La cause de  l’inexécution quasi systématique du plan de production des pièces de rechange par exemple est selon Bettelheim une mauvaise planification du profit industriel sur cette catégorie de produits (La planification soviétique Ch. Bettelheim, 3° éd., 1945 p.248)
Mais l’impact de la loi de la valeur dépasse largement la répartition du travail entre les diverses branches de production. Il y a aussi les fonds destinés aux investissements : ces fonds proviennent du budget et l’Etat les versait aux entreprises non seulement sans intérêts, mais aussi à fonds perdu. « Le résultat en est que les dirigeants des entreprises ont trop souvent tendance à recourir à l’emploi de capital qui ne leur coûte rien, plutôt que d’employer de la main d’œuvre ou d’améliorer son rendement » (La planification soviétique Ch. Bettelheim, 3° éd., 1945 p. 65).
Xue Muqiao constate en 1981 que les mêmes problèmes se posent toujours en Chine Populaire. “Autrefois, l’équilibre des recettes et dépenses était la base de l’équilibre général, celui du crédit ne jouait qu’un rôle subsidiaire. Les investissements reposaient entièrement sur les dotations des Finances de même que les capitaux circulants forfaitaires. Ces dix dernières années, de nombreux produits sont sur-stockés en grandes quantités. Ces marchandises ont déjà été vendus aux départements chargés du commerce et l’entreprise a déjà remis à l’Etat le bénéfice correspondant, mais en réalité, les produits sont encore entassés dans les entrepôts, l’argent n’a pas été récupéré et c’est le crédit bancaire qui en supporte la charge ». p235
 « En 1978, la Chine a importé huit  millions de tonnes d’acier mais la quantité stocké à l’intérieur du pays dépassait quinze millions de tonnes, soit trois millions de tonnes en plus qu’en 1977 ». (XM p 244) 
« Au cours du 1PQ, les délais de construction des ouvrages importants étaient de cinq ans. Actuellement, plus d’un quart des ouvrages nécessitent un délai supérieur à dix ans » p.245.
Sa conclusion est qu’il faut « modifier les rapports entre les capitaux fixes et circulant et l’entreprise. Notre système d’amortissement doit être modifié. Dans les pays capitalistes, l’amortissement a été réduit à 7,8 ou même 5 ans. En Chine, c’est toujours 25 ans » (XM p.261-262).
En URSS on a commencé à facturer un intérêt sur les capitaux immobilisés, mais d’une manière générale le problème n’a pas été résolu, entre autres parce qu’on maintenait le raisonnement que d’un point de vue marxiste le capital constant ne fait que de transférer sa valeur.
Bettelheim pose un autre problème : au sein d’un même secteur, sans se référer à la valeur, il est impossible de se rendre compte du caractère plus ou moins avantageux des différentes techniques de production. Les dirigeants des industries dont les prix ont été fixés trop bas, qui se trouvent donc en déficit, et dont le déficit est justifié par le plan, chercheront toujours à attribuer leurs mauvais résultats au niveau trop bas de leurs prix de vente. Quel prix de revient doit-on prendre comme base ? Celui de l’entreprise travaillant dans les plus mauvaises conditions, un prix moyen ? Quoi faire avec les entreprises déficitaires, dont le déficit dépend des fois des conditions particulières (pauvreté du minerai, distances). (Ch. Bettelheim, Les problèmes théoriques et pratiques de la planification,PUF, 1946 ; p.70-71 ).
En fait, Bettelheim mélange ici deux problèmes : les conditions particulières de productivité d’une usine à l’autre ; et la rente qui est liée à la qualité du sol, la richesse des minerais, les distances sous le capitalisme ces conditions particulières (gisements miniers, sources d’énergie, terres, distances par rapport aux villes etc. J’ai déjà abordé la rente dans mon blog sur les kolchozes. Mais la rente joue aussi dans l’industrie.  Le problème de la rente est en fait beaucoup plus vaste et touche tous les secteurs qui exploitent les matières premières. Sous le capitalisme, le gisement le moins intéressant réalise le profit moyen. Tous les autres ont une rente. Sous le socialisme, le différentiel aurait pu être absorbé par une rente qui va directement dans les ressources de l’état. La seule difficulté est de calculer cette rente. Sous le capitalisme c’est le marché qui fait le nivellement, sous forme d’une différence de prix des terrains. Sous le socialisme, Xue Muqiao propose de remettre les profits supplémentaires dans les industries extractives  provenant du revenu différentiel à l’Etat, sous forme d’impôts, ou d’utiliser une politique des prix: « Dans certaines mines, on peut faire une exploitation à ciel ouvert ; dans d’autres, les couches sont profondes et nécessitent le percement de puits. Certaines couches de charbon sont épaisses ; dans d’autres, les couches sont minces. Actuellement, le bas prix du charbon fait que la plupart des mines sont déficitaires. Après un certain relèvement des prix, certaines mines favorisées pourront être largement bénéficiaires, alors que d’autres aux conditions plus mauvaises pourront difficilement éviter un déficit. Comment faire alors pour que chaque mine puisse, dans des conditions normales d’exploitation, couvrir la totalité de ses coûts et obtenir un bénéfice rationel ? On peut pour cela utiliser la fiscalité comme régulateur, les mines favorisées seraient soumises à un impôt progressif ; l’autre consiste à utiliser la politique des prix comme régulateur : d’après les conditions différentes on fixerait des prix d’achat différents, l’achat du charbon étant centralisé. Au moment de la vente on fixerait une tarification unique moyenne, dont les prix seraient modulés en fonction de la qualité.
La situation du pétrole est différente, car nous en limitons l’utilisation et encourageons plutôt le charbon. On peut donc en fixer le prix d’après les coûts des puits les moins rentables et permettre aux puits les plus rentables de bénéficier de profits supplémentaires. Ces profits doivent être remis à l’Etat sous forme d’impôts » (XM p.189).
D’une manière générale, la rente est un aspect largement négligé de l’analyse marxiste. Dans mes lectures économiques je n’ai pas rencontré jusqu’à maintenant un auteur qui a appliqué ce schéma à l’un ou l’autre problème concret de l’économie capitaliste ou socialiste. Pourtant, les applications ne manquent pas : les différentes sources d’énergie, électricité, minerais de toutes sortes…
Autonomie de gestion vs plan
Le problème qui se pose, au-delà de ces questions concrètes comme la gestion des immobilisations, des différences de productivité ou des conditions extérieures différentes entre entreprises, est comment établir un rapport correct entre planification et autonomie des entreprises.
En Chine Populaire, Xue a proposé d’approfondir « les relations entre l’Etat, les entreprises et les travailleurs, au sein du secteur de propriété du peuple entier. Demander à l’Etat de gérer seul directement un secteur aussi complexe est impossible dans les faits. Il faut en confier la gestion à des dizaines, des centaines de milliers d’entreprises qui vont s’en occuper séparément. Dans les années cinquante, notre pays a emprunté à l’Union Soviétique le système de gestion de l’économie nationale qui accentue unilatéralement la centralisation de l’Etat. La totalité des investissements de l’entreprise dépend des subsides de l’Etat (y compris pour le renouvellement des équipements), la totalité du bénéfice doit être remise à l’Etat. Les produits de l’entreprise sont intégralement pris en charge par les organes administratifs du commerce grâce à leur monopole d’achat de te vente, il n’y a donc pas de liaison directe avec le marché. L’ensemble des activités de celle-ci  doit obéir au plan de l’Etat. Il lui est difficile de jouer le rôle d’unité de base de gestion, il lui est difficile de prendre l’initiative en comptant sur ses propres moyens, pour améliorer son équipement, sa gestion, relever sa productivité"(XM p.74-76)
Mais avec ces propositions il bute aussi sur le problème prix - valeur : si on veut juger les performances économiques des entreprises par le profit, on n’aboutira à rien si les prix n’approchent pas la valeur : « Les prix actuels sont sensiblement éloignés de leur valeur et c’est là un important facteur dans la détermination du profit. Si l’on veut appliquer le système de % sur les bénéfices, il faudrait tout d’abord rajuster les prix de manière à les rapprocher dans les grandes lignes de leur valeur » (Xue Muqiao, Problèmes économiques du socialisme en Chine , economica 1982 p.260).
 Xue Muqiao donne quelques répercussions concrètes : « Actuellement, la situation des prix est très embrouillé. Les prix de certains produits dont la Nation a un besoin pressant sont trop bas alors que ceux des produits superflus sont souvent trop élevés. Les matières premières sont bon marché, les produits manufacturés sont chers. Si l’on rend les entreprises seules responsables de leurs pertes et profits, les matières premières et combustibles si nécessaires au pays verront leur production diminuée, voire arrêtée, mais par contre la production de produits manufacturés va se développer considérablement, rendant encore plus graves les déséquilibres dans l’économie. Actuellement pour certaines entreprises, le facteur principal de détermination du profit n’est pas la qualité de la gestion elle-même mais le niveau des prix " (Xue Muqiao, Problèmes économiques du socialisme en Chine , economica 1982 p.280).
Le profit au poste de commande ?
Comment ce problème prix - valeur s’est  posé en Europe de l’Est ?
Je ne m’attarderai pas trop sur Khrouchtchev. Lors du ‘grand débat’, Mao accuse Khrouchtchev de mettre ‘le profit au poste de commande’. Ce débat est principalement un débat sur l’importance des stimulants matériels plutôt qu’une réflexion économique sur l’influence de la loi de la valeur. Khrouchtchev se limite à élargir le ‘fonds du directeur’ afin de soudoyer les travailleurs avec des primes et autres participations au profit de l’entreprise. Khrouchtchev ne change pas les bases mêmes de la détermination des prix. Le reste de ses ‘réformes’ économiques sont de la même trempe : il flatter le nationalisme en régionalisant largement l’économie. Il flatte les paysans en les donnant le même statut de travailleurs de l’état que les sovchoses.
tracteurs sur une ferme collective 1933
En moins de trois mois, il ferme les Stations de Machines et de Tracteurs (SMT) qui possédaient les plus grands engins agricoles comme les moissonneuses-batteuses et les tracteurs mais fournissaient également des services comme le labourage. Il oblige les kolkhozes à acheter les équipements sans réduction pour les machines vieillissantes ou usées. Les employés des SMT, ne souhaitant pas s'associer aux kolkhozes et perdre leurs avantages salariaux et le droit de changer de travail, partirent pour les villes ce qui entraina une pénurie d'opérateurs qualifiés. Le cout des équipements, des batiments de stockage et des réservoirs de carburant appauvrit de nombreux kolkhozes. Des provisions inadéquates furent préparées pour les stations de réparations. Sans les SMT, le marché pour les équipements agricoles soviétiques s'effondra car les kolkhozes n'avaient ni l'argent ni les spécialistes pour acheter de nouveaux équipements.
Zenkevich, All-Union Agriculture Show, 1939
Et puis, il y a ses projets délirants de culture massive de maïs. En 1955, Khrouchtchev visite une ferme de maïs dans l'Iowa. Il invite l’agriculteur en Union soviétique qui en profite pour vendre 4 500 t de semences. Khrouchtchev plante du maïs même en Sibérie. L'expérience du maïs ne fut pas très concluante et il écrivit plus tard que des officiels trop enthousiastes, voulant lui plaire, avaient trop planté sans préparer correctement le sol et « en conséquence, le maïs fut discrédité tout comme moi».
C’est sous Khrouchtchev  que les propositions de réformes économiques de Liberman furent publiées de 1956 à 1959 dans Bolchevik, la principale revue théorique et politique du Comité central du Parti communiste soviétique. Y aurait-il chez cet économiste un peu plus de cohérence que chez son maitre Khrouchtchev ?
La Pravda publia le 9 septembre 1962 « Le Plan, le profit, la prime », qui devint la base des réformes économiques soviétiques. Il avait déjà publié auparavant « Structure de l'équilibre d'une entreprise industrielle » (1948- ça serait intéressant de voir ce qu’il propose du vivant de Staline) et « Moyens pour élever la rentabilité des entreprises socialistes » (1956). Il publie aussi « Analyse de l'utilisation des ressources » (1963).
Dans « Le Plan, le profit, la prime » Liberman propose une formule simple pour assurer « la planification de l'activité des entreprises de telle sorte qu'elles aient un intérêt vital à atteindre les objectifs planifiés les plus élevés possible, à l'introduction de nouvelles techniques, à l'amélioration de la qualité des produits, en un mot à réaliser la plus grande efficience en matière de production ». Pour ce faire, il préconise le recours à un critère unique : le taux de profit par rapport au capital fixe et circulant. L'entreprise se voit imposer, par les organes du plan, le volume du produit à fabriquer, la nomenclature des biens et le programme des livraisons. Les prix sont fixés autoritairement par le planificateur. Ces éléments étant donnés, l'entreprise aura la responsabilité de construire son propre plan, de déterminer le nombre de travailleurs employés, les salaires, la productivité du travail, les coûts de production, les investissements qui ne sont pas commandés pas le planificateur et, enfin, la mise en œuvre des nouvelles techniques.  Pour définir le profit, Liberman propose de définir des normes de rentabilité moyenne par branche.
Khrouchtchev est écarté en 1964, mais il n’entraine pas Liberman qui publie encore « Plan et avantages pour l'économie soviétique » (1965) et  « La planification du socialisme » (1967). Je trouve que Liberman n’apporte rien sur le rapport valeur-prix. Calculer le taux de profit par rapport au capital fixe et circulant est peut-être une tentative intéressante pour freiner la tendance à surinvestir. Mais fondamentalement ce taux de profit reste surdéterminé par les prix qui sont fixés arbitrairement.
De toute manière, les résultats économiques ne suivent pas. Selon certains, ces réformes ont surtout eu pour effet un accroissement énorme du ‘noir’.
oscar lange
On présente parfois le économiste marxiste polonais OskarLange comme un adepte de Liberman. Mais en réalité il a d’abord développé ses thèses intéressantes aux Etats Unis et a accepté après la guerre de mettre ses théories en pratique en République populaire de Pologne. Cet économiste polonais enseigna dans différentes universités américaines, puis aux universités de Cracovie et de Varsovie.
« Sur la théorie économique du socialisme » (On the Economic Theory of Socialism, 1938), montre la possibilité pour le bureau de planification de résoudre par tâtonnements, comme le fait le marché concurrentiel, le problème de l'équilibre de la production et de la répartition. Un extrait de Marek Breit and Oskar Lange  The Way to the Socialist Planned Economy (1934 - the first English translation):
“The revolutionary workers’ and peasants’ government,  immediately upon coming to power, must expropriate without any compensation  the following economic establishments:
1. All banks without exception. The banks nationalised by the revolutionary  workers’ and peasants’ government will  be combined into one Universal Bank,  which will be devoted to financing the socialist planned economy. Bank deposits in excess of, say,  złoty 10,000 would be confiscated, to become the property of the Universal Bank. The Universal Bank created by the socialisation of the banks will by its  nature control the whole economy, since it will be the sole credit institution.
2  All industrial enterprises employing more than twenty workers, and all  public utilities irrespective of the number of their employees
3  All farms larger than ten hectares. According to the 1921 census, farms in excess of 20 hectares occupy, in Poland,  37.5 per cent of arable land. But agricultural  smallholdings, i.e., farms below 5 hectares, occupy 25 per cent of arable land. It should in  any case be possible to more than double the total area of small farms. A small number of  exemplarily managed farms should not be divided up among the peasants, but should be  maintained as state farms for experimental and scientific purposes.  An agricultural revolution carried out in this way would secure for the  workers’ and peasants’ government the support of the vast majority of the rural  population".
Dans ses ouvrages ultérieurs, Economie politique, traduit en 1962 (Ekonomia polityczna, 1959), Théorie de la reproduction et de l'accumulation (Teoria reprodukcji i akumulacji, 1961), il montre les possibilités concrètes d'effectuer des mesures des données économiques en régime socialiste.
"The central message of the Lange-Lerner-Taylortheorem was that  ownership did not matter, one could have the advantages of the price system  without the disadvantages associated with private ownership. In fact, Lange's earlier work originated from "reforming capitalism by socialism". Lange tried later to "reform socialism by capitalist ingredients", he reduced also the  planning only to some "key industries" (such as bank and transport), he often  called the "centralistic command model" as "war-time model", i.e., central  planning should only be used during war-time.
In fact,  the Polish School (headed by O. Lange) was the first who  criticized socialism. Their main argument was based on informational  structure. For them, as market is squeezed out in socialism, the horizontal  relations among production units, and that between producers and consumers  are cut, thus economic information can only go through the vertical hierarchic  structure. However the Central planner cannot get immediately necessary  information in order to make suitable decisions, meanwhile production units  cannot neither make freely decisions corresponding to consumers' demand,  instead, they must listen to the Central planner. Thus Lange advanced  "modelizing market" by the planning organ. His theory leads to two directions,  one is to introduce more market, even to use real market to replace planning, the other is to use highly developed computer to improve the informational  system and the planning. This was why they were also called the "Computer Utopic School". In his late years, Lange became the  head of this School" (http://pastel.archives-ouvertes.fr/docs/00/55/06/02/PDF/TH_1.pdf p41).
Je ne comprends pas très bien l’importance que Lange donne aux ordinateurs. Bien sûr que ça facilite énormément le planning, mais fondamentalement le problème peut être résolu par son principe de trial and error. Ce qui vaut la peine d’approfondir est le parallèle entre prix de monopole capitalistes et prix planifiés. La seule différence est que sous le socialisme c’est l’état qui détermine l’affectation des profits ; sous le capitalisme c’est les monopoles (ou les « zinzins » :cfr mon analyse à partir de Mittal)
En Hongrie, György Lukács argued in Demokratisierung heute und morgen (1968) that the direct control of producers could establish a more democratic society without “returning to” capitalism. It was published in Hungary only in 1988, when the restoration of private property relations was already on the political agenda.
Le texte "Socialisme et démocratisation" a été élaboré en 1968, suite aux événements du « printemps de Prague » : Lukács avait protesté dans une lettre contre la participation de la Hongrie à l’invasion soviétique. Ce texte confié par Lukács à son Parti a été gardé au secret,  et c’est seulement vingt ans plus tard, en 1988, qu’il a été édité aux éditions Magvedo Kiado, accompagné cette fois des commentaires élogieux du journal du Parti (un article sur une page entière portant le titre « Prophétie attardée ? Le testament de György Lukács » ; Il fut traduit en français en 1989 aux Éditions Messidor). Je n’ai pas retrouvé le texte sur internet. Mais sur base de ce que je sais sur Lukacs l’aspect économique ne pèse probablement pas très lourd.
Ota sik
En Tchécoslovaquie  il y a eu Ota Sik. Sik adhère en 1940 au Parti communiste tchécoslovaque et connaît la déportation à Mauthausen. En 1957 et 1958, il propose de rendre aux prix leur vérité. De 1963 à 1968, il anime en tant que directeur de l'Institut d'économie rattaché à l'Académie des sciences la commission pour la réforme économique créée en 1963. Mais en fait il rejette le socialisme : “Such objectives as faster development of productive forces, a more proportionate and economical form of production, and satisfaction of individual and social requirements that are an improvement on the capitalist system, have not been achieved. I have published comparative calculations in my book ‘Economic Systems’. Should my model of the Third Way be labelled ‘socialist’? The socialist label must be vigorously rejected if this term is associated with everything that developed under the influence of Marx, Engels, Lenin and Stalin. For this reason I described the proposed target model, which should be built on the basis of reforms along the lines of the Third Way, as ‘Humane Economic Democracy’.
Dans son concept de convergence des deux systèmes, “the reforms of the socialist system are more fundamental and more extensive than those of the capitalist system. Moreover, they are being enforced by the increasingly obvious efficiency advantages of a free-market economy. Reforms in capitalist economics mainly derive from an awareness of efficiency gains to be achieved by means of general participation in the corporate sphere” (Ota Šik 1989 Socialism – Theory andPractice)
Pour ce qui me concerne, Ota Sik n’est pas une référence.
Walter Ulbricht 1er plan quinquennal 
La DDR (RDA) a probablement le meilleur palmarès point de vue économique, avec des expériences intéressantes concernant l’éducation, culture, système social etc (voir http://www.offen-siv.com/Bucher/Unter-Feuer.pdf en allemand p.12-16). Même si peu de réformes économiques ont été menées à terme et qu’on cherche parfois dans ces virages la logique. Voici un bref aperçu.
"In 1963, Ulbricht introduced the “NewEconomic System” (NES) under directions of Evsei Liberman, combining the socialist planned economy with limited market mechanisms. Nominal wages rose from 494 marks to 755 marks between 1960 and 1970. During years of NES, East Germany became the COMECON state with the highest standard of living. 
Decentralization involved thepartial transfer of decision-making authority from the central State Planning Commission and National Economic Council to the Associations of Publicly Owned Enterprises (Vereinigungen Volkseigener Betriebe—VVBs). The NES stipulated that production decisions be made on the basis of profitability, that salaries reflect performance, and that prices respond to supply and demand.
In 1968, the East German regime replaced the NES with the "Economic System of Socialism" (ESS), which focused on high technology sectors. Centralized planning was reintroduced in the so-called structure-determining areas, which included electronics, chemicals, and plastics. Industrial combines were formed to integrate vertically industries involved in the manufacture of vital final products. Price subsidies were restored to accelerate growth in favored sectors. Failure to meet ESS goals resulted in the conclusive termination of the reform effort in 1970.
les mérites de la politique familiale en RDA
Consumer socialism—the new program featured in the Main Task introduced by Honecker in 1971—was an effort to magnify the appeal of socialism by offering special consideration for the material needs of the working class. The state extensively revamped wage policy and gave more attention to increasing the availability of consumer goods.The regime accelerated the construction of new housing and the renovation of existing apartments. Rents, which were subsidized, remained extremely low. Because women constituted nearly 50% of the labor force, child-care facilities were provided. 
In 1976 Honecker announced “die Einheit vonWirtschafts-und Sozialpolitik”, which aimed to implement a socialist welfare program suitable to beat the GDR’s West German rival. This largely contributed to the growing indebtedness of the GDR. Massive rise in coffee prices in 1976–77 led to a quadrupling of the amount of hard currency.  Mischkaffee (mixed coffee: 51% coffee and 49% a range of filler including chicory, rye, and sugar beet) the "Coffee Crisis."
Je voudrais signaler un site "Niederlagenanalyse- Die Ursachen für den Siegder Konterrevolution in Europa(Reprint der besten offensiv-Artikel qui publie des travaux théoriques sur les causes de la chute du communisme (avec la collaboration d’Etudes Marxistes). Le site est allemand, mais il reprend aussi des textes intéressants aussi sur d’autres pays.  Un des webmasters a publié une brochure spéciale sur ‘la forme valeur et sa négation’ (Frank Flegel: Wir müssen an die ökonomischen Grundlagen! p142 Aus: „offen-siv“ 3-2007; Sonderheft „Die Wertform und ihre Negation“, S. 3-9, Auszüge). Je trouve qu’il se cantonne dans un rejet un peu facile de la loi de la valeur sous le socialisme: “Wir sind der Auffassung, dass die Geltung des Wertgesetzes einer sozialistischen Gesellschaft  widerspricht und die Behauptung, das Wertgesetz gehöre wesentlich in die Ökonomie des  Sozialismus, einen der wesentlichen Bausteine der revisionistischen Entartung in der ökonomischen Theorie und Praxis darstellt”.
Erich Honecker au milieu de Jeunes Pionniers 
Cette identification révisionisme= loi de la valeur est d’ailleurs partagé par la plupart des intervenants sur ce site. Mais il y a plein de passages intéressants, comme p145 Prof. Dr. Fred Matho : « Dieses Wertgesetz kann man nicht „wegplanen“, wie in der Planwirtschaft des realen Sozialismus z.T. geglaubt wurde. Man kann es aber im Verein mit einer volkswirtschaftlichen Rahmen- und  Strukturplanung bewusst ausnutzen. Ware-Geld-Beziehungen und Wertgesetz sind also keine Ärgernisse, vielmehr wichtige Errungenschaften hochspezialisierter gesellschaftlicher Produktion, die den Menschen großen Nutzen bringen. Das ins Stammbuch einiger Überschlauer, die das „ultralinks“ negieren, es ideologisch gar verteufeln wollen und meinen, sich sogar auf Karl Marx stützen zu können.  Vielmehr muß das große schöpferische Potential der Marxschen Werttheorie voll ausgenutzt werden, was z. B. einschließt, relativ verselbständigte Produzenten unter gesellschaftlichem Eigentum im Sozialismus als echte Warenproduzenten anzusehen. In der DDR waren hinsichtlich Warenproduktion und Wertgesetz Licht und Schatten zu verzeichnen. Es gab durchaus Ansätze einer wirtschaftlichen Rechnungsführung als  grundlegendes Prinzip, nach dem die Betriebe mit hohen Umsätzen und niedrigsten Kosten Gewinne und damit Mittel für die erweiterte Reproduktion eigenerwirtschaften sollten. Und dabei erwies sich das gutgemeinte System der sogenannten zweiten Lohntüte (unentgeltliche staatliche Leistungen und Preissubventionen) als wenig leistungsfördernd, weil es als selbstverständlich angesehen wurde. Fehler der Unterschätzung oder gar Verletzung dieser wichtigen  ökonomischen Beziehungen dürfen sich nicht wiederholen. Besondere Lehren und Hinweise werden in wachsendem Maße vom chinesischen Marktsozialismus zu erwarten sein.“
Ulrich Huar  résume assez bien la discussion sur la valeur qui a commencé en 1917 et qui a continué jusqu’en 1989. Il explique p.151 “In der DDR setzte sich im Zuge der Ausarbeitung des „Neuen Ökonomischen Systems der  Planung und Leitung" (NÖSPL) die Auffassung durch, wonach das Wertgesetz auch innerhalb  der Beziehungen unter volkseigenen Betrieben wirksam ist”.
Anlage 1 p.303 (Walter Ulbricht, Brief an N. S. Chruschtschow, 4. August 1961 - über die Ursachen der wirtschaftlichen Schwierigkeiten der DDR) est un bon aperçu de première main des difficultés que les dirigeants est-allemands ont rencontrées.
Idem avec Anlage 3 p314 (E. Honecker, Brief an L. Breschnew, 4. 9. 1981)
voir aussi http://www.offen-siv.com/Bucher/Unter-Feuer.pdf en allemand p.18-22; p155-168
Quelques extraits intéressants de l’article de Hermann Jacobs: « Der Beitrag der DDR zur ökonomischen Theorie  und zur ökonomischen Praxis des Sozialismus/Kommunismus » (p.195 et suivantes). Pour Jacobs aussi a valeur ne saurait jouer dans une économie planifiée. Il trouve que Staline tombait déjà dans ce panneau en 1952. Mais il cite des exemples concrets intéressants sur le profit comme outil de gestion.
p197 « In der zweiten Hälfte der 50er Jahre entstand im System der Festpreise, durch welches die Planwirtschaft  gekennzeichnet ist, das Problem einer relativen Unrentabilität, d.h. einer Disproportion im Verhältnis der Rentabilität auf der Ebene der betrieblichen Preise (Überrentabilität - Unterrentabilität); Preisen mit hoher Rentabilität standen Preise mit geringer oder gar  keiner Rentabilität gegenüber. Dieser Zweipoligkeit auf der unteren Ebene stand eine – wachsende – volkswirtschaftliche, gesamtgesellschaftliche Rentabilität gegenüber, wie ist  dieser „Gegensatz“ zu erklären? Dieser „Widerspruch“, der in der „Theorie“ zu Lasten  der neuen Ökonomie ging, arbeitete solchen  ökonomischen Reformen (darunter dem mit Einverständnis Walter Ulbricht initiierten NÖS der DDR), die den Gewinn als Leistungskennziffer optimierten (Libermann und andere), in die Hände. Während in der ersten Hälfte der 50er Jahre die Frage der Warenökonomie nur abstrakt aufgeworfen wurde, erhielt sie mit dem Rentabilitätsproblem den Anschein einer notwendigen Praxis. Reform sollte der Wiederherstellung des rentablen Preises dienen. Das Neue Ökonomische System ist ein spezifischer DDR-Beitrag, anders als der „Prager Frühling“, da das NÖS noch die zentrale Planung und die Selbsterwirtschaftung der  betrieblichen Finanzen vereinen wollte, die Prager Reformen aber die Aufgabe des Elements der zentralen Planung vorsahen. Zweites Element des NÖS war die  betriebliche materielle Interessiertheit. Die  Bestimmung von Lohnhöhen sollte in Abhängigkeit von Gewinnen der Betriebe (anteilig bis 20%) getroffen werden. Die Einführung einer Gewinnabhängigkeit der Lohnzahlung hätte das Prinzip des gleichen Lohnes für gleiche Arbeit/Arbeitszeit zerstört, also das von Marx formulierte  Leistungsprinzip für die erste Phase des Kommunismus ausgehebelt. Das NÖS scheiterte, weil das Problem der Preise nicht gelöst werden konnte. Nach dem Prinzip des NÖS ging es ja darum, für die Betriebe die Eigenerwirtschaftung der finanziellen Mittel über den Preis sicherzustellen. Der Preis sollte so hoch sein, dass er nicht nur die einfache Reproduktion, sondern auch die erweiterte Reproduktion sichern sollte. Das Besondere am DDR-Beitrag zur Wirtschaftstheorie des Sozialismus/Kommunismus ist, dass nachgewiesen werden kann, dass es nicht möglich ist, wirkliche Planwirtschaft und Warenökonomie miteinander zu verbinden. Konkret gesagt: der Nachweis liegt im Scheitern – bzw. bei der Widerspruchslage im Politbüro des ZK der SED – im Steckenbleiben des NÖS”
J’arrête ici mon blog sur l’action de la loi de la valeur dans les entreprises d’état, où les moyens de production et les objets fabriqués appartiennent au peuple entier. Je compte me pencher prochainement sur le débat à ce sujet à Cuba.

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